Cour d'appel de Paris, 19 novembre 2015, n° 14/04014

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 19 nov. 2015, n° 14/04014
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/04014
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 10 février 2014, N° 13/57418

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

le 1 – Chambre 2

ARRET DU 19 NOVEMBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/04014

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Février 2014 -Président du TGI de PARIS – RG n° 13/57418

APPELANTS

Monsieur F Y

XXX

XXX

le XXX à XXX

XXX

au capital de 7.622,45 euros immatriculée au RCS de Paris 389 351 909

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Assistés de Me Charles BOUAZIZ, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 323

Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

INTIME

Monsieur B Z

XXX

XXX

le XXX à CAUSSADE

Représenté et Assistés de Me Charlie DESCOINS de l’Association DESCOINS MARSEAULT DESCOINS, avocat au barreau de PARIS, toque : R099

PARTIE INTERVENANTE :

SELAFA A prise en la personne de Maître N O-P, mandataire judiciaire liquidateur de la XXX, Intervenante volontaire

Assistés de Me Charles BOUAZIZ, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 323

Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric CHARLON, Président de chambre

Mme Evelyne LOUYS, Conseillère

Madame H I, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme J K

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme J K, greffier.

ELEMENTS DU LITIGE':

Le 10 septembre 2013, le SARL Perimmob Philatélie, qui a pour activité la philatélie et la vente de timbres et son gérant, M. F Y, négociant inscrit à la chambre nationale syndicale des négociants et experts en philatélie, avaient assigné M. B Z devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin d’enjoindre sous astreinte à M. Z de cesser tous actes de dénigrement à leur encontre, de voir ordonner sous astreinte la publication d’un communiqué indiquant que M. Z les a dénigrés dans les journaux Timbres Magazine et l’Echo de la timbrologie et sur le site internet EBay, de le voir condamner à payer à la société Perimmob Philatélie les sommes de 60.000 euros à titre de provision sur des dommages-intérêts et de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à M. Y les sommes de 15.000 euros à titre de provision sur des dommages-intérêts et de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par ordonnance du 11 février 2014, le juge des référés a débouté la société Perimmob Philatélie et M. Y de leurs demandes aux motifs principaux que la campagne de dénigrement dont sont victimes la société Perimmob Philatélie et M. Y ne vise pas que les produits, services ou prestations de cette société commerciale, mais vise directement M. Y, en des termes injurieux, qui portent atteinte à son honneur et sa considération et que c’est à tort que la société Perimmob Philatélie et M. Y ont agi sur le fondement de l’article 1382 du code civil, des lors que ces faits sont susceptibles de constituer une diffamation et relèvent de la loi du 29 juillet 1881, qui est d`application exclusive et d’ordre public.

La société Perimmob Philatélie et M. Y ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 24 juin 2015, M. Y, la société Perimmob Phlilatélie et la SELAFA A, intervenante volontaire ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Perimmob Phlilatélie, demandent':

— de dire que le juge des référés a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a estimé que M. Y et la société Perimmob Philatélie aurait dû engager leur action sur le fondement des dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 au lieu et place des dispositions de l’article 1382 du code civil,

— de dire que M. Y et la société Perimmob Philatélie disposent d’un choix procédural et que la loi du 29 juillet 1881 n’a aucun caractère d’exclusivité et/ ou d’ordre public,

— d’infirmer la décision entreprise,

— d’enjoindre à M. Z de cesser tous actes de dénigrement à l’encontre de la société Perimmob Philatélie et M. Y et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter du prononcé de la décision,

— d’enjoindre à M. Z, à ses frais exclusifs, de publier sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter du prononcé de la décision un communiqué indiquant qu’il a sciemment dénigré la société Perimmob Philatélie et M. Y et ce, sans aucun fondement pendant une durée de six mois, dans les journaux Timbres magazine et l’Echo de la timbrologie et sur le site EBay sous le pseudo Murcii,

— de condamner M. Z à payer, à la société Perimmob Philatélie, la somme provisionnelle de 60.000 euros à titre de manque à gagner consécutif aux actes de dénigrement et, à M. Y, la somme provisionnelle de 50.000 euros à titre de réparation du préjudice moral, éventuellement par compensation avec la collection de timbres dont se prévaut M. Z sur le site Delcampe,

— de condamner M. Z à payer à chacun des appelants de l’intervenante volontaire la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions du 29 juin 2015, M. Z demande':

A titre principal':

— de constater que la société Perimmob Philatélie et M. Y sont irrecevables en leur action fondée sur les dispositions de l’article 1382 du code civil,

Subsidiairement':

— de constater l’existence d’une contestation sérieuse,

— de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté les demandes de la société Perimmob Philatélie et M. Y,

— de débouter la société Perimmob Philatélie et M. Y de leurs demandes,

— de les condamner aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts et de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bien-fondé des demandes de la société Perimmob Philatélie et de M. Y

Considérant que des propos diffamatoires constituent des abus de la liberté d’expression prévus et réprimés dans les conditions de fond et de procédure de la loi du 29 juillet 1881, dérogatoires du droit commun de la responsabilité civile délictuelle, avec pour conséquence que de tels abus ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil';

Que des appréciations touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise commerciale ne constituent un dénigrement, et non une diffamation, que dans la mesure où elles ne portent pas atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne physique ou morale qui l’exploite';

Considérant que, dans leurs conclusions, la société Perimmob Philatélie, la société A et M. F Y décrivent ainsi les faits qu’ils reprochent à M. Z':

«'(') M. Z n’a eu de cesse de dénigrer la société Perimmob Philatélie et son gérant auprès des internautes, passant commande.

Ce dénigrement consiste à contacter systématiquement chaque acheteur pour l’informer qu’il a contracté avec un escroc ayant déjà fait l’objet de condamnations pénales.

(')

M. Z a prétendu aux internautes ayant achetés des timbres à la société Perimmob sur internet au travers de son pseudo murcii que les requérants vendent des faux timbres et que M. Y ne connaît rien à la philatélie et qu’il n’a pas le titre d’Expert !!

(')

M. Z sous les pseudos suivants a transmis les « appréciations objectives suivantes » aux internautes suivants':

— le 20.03.2013 : mail adressé par Z (postfs** au pseudo peter-770) (pièce n°11) : « M. Y '''' si vous voulez en savoir un peu plus sur lui 02 54 24 58 92 »

Ce à quoi l’internaute a cherché à comprendre, s’étonnant des doutes distillés par M. Z qui répond : " … fuyez cet escroc. je viens d’alerter l’un de mes acheteurs qui doit se faire rembourser 15.000 € de regommage, n’hésitez pas à m’appeler, je suis open jusqu’à 22 h 30, a tout de suite"

— le même jour, M. Z sous le pseudo postf*** insistait auprès de l’internaute peter-770 et pour ce faire s’arrogeait le statut d’inspecteur des impôts (!!) : « … quant aux impôts, je suis inspecteur alors là vous tombez mal ».

M. Z répond à un internaute «' … fuyez cet escroc. je viens d’alerter l’un de mes acheteurs qui doit se faire rembourser 15.000 € de regommage. (')

Le 1er juillet 2013, auprès de l’internaute « uhustic8 » qu’il poursuivait de ses récriminations pour avoir acquis des timbres auprès de la société Perimmob et son gérant, il indiquait : " Votre 1er taxe est un colonie repiqué pour en faire un 21, les 2 autres sont repiqués en haut, les trois sont regommés, les signatures sont fausses ces experts n’existant pas. Y doit vous remercier d’avoir payer cela plus de 300 € et de vous avoir parmi ses bons clients dociles et confiants, quant à une plainte je l’attends avec impatience vu le dossier que j’ai constitué sur l’individu, vous lui souhaiterez le bonjour de M. X ainsi que de cette personne âgée dont il a détourné la collection de plus de 150.000 €, il y a trois et pour laquelle il a été condamné de concert avec son frère à de la prison mais l’appel doit suivre son cours, continuer à faire de bonnes affaires avec lui. Cordialement.

M. Y était ainsi un escroc, un « individu » sur lequel M. Z avait « constitué un dossier » qui avait détourné la collection de plus de 150 k€ d’une personne âgée.

Toujours le 1er juillet 2013, M. Z remet en question l’honnêteté des requérants et demande à l’internaute de faire expertiser les timbres vendus auprès des experts Calves et Sheller et de … leur parler de Y !!!

Dans d’autres mails, M. Z instille le doute sur la nature des timbres vendus par les requérants (cf mails échangés avec l’internaute « margueritex5 ».

La compétence d’Expert, inscrit auprès de la CNEP de M. F Y est remise en cause et il est insinué que les véritables Experts (notamment Calves et Sheller) connaitraient de pratiques suspectes exercées par M. Y'»

(')

«'Il est établi que M. Z a dénigré de manière systématique et constante les requérants auprès d’internautes dans le but de leur porter préjudice en attentant à leur réputation (escroc, individu auteur de faits d’abus de faiblesse sur personnes vulnérables et/ou âgées, faux expert, qualité des produits vendus douteux)'»';

Considérant que les écrits de M. Z diffusés publiquement visent directement et personnellement la société Perimmob Philatélie et son gérant M. Y, ce dernier étant présenté comme un repris de justice, un escroc et auteur d’abus de faiblesse, un marchand de faux timbres, un incompétent dans le domaine de la philatélie et un usurpateur du titre d’expert';

Que ces allégations sont de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire et’que si leur caractère fautif était retenu, elles porteraient atteinte à l’honneur et à la considération de M. Y et de la société Perimmob Philatélie, et relèveraient donc de la diffamation ;

Qu’il convient dès lors de confirmer la décision entreprise et de débouter la société Perimmob Philatélie, la société A, ès qualités, et M. Y des demandes qu’ils présentent en cause d’appel';

Sur la demande en dommages-intérêts présentée par M. Z

Considérant que dans leurs conclusions, la société Perimmob Philatélie, la société A, ès qualités et M. Y expliquent que':

«'L’action en diffamation (civile ou pénale) se prescrit après 3 mois, à compter de la première mise en ligne de l’écrit jugé diffamatoire. Il est donc conseillé d’agir très rapidement, en faisant immédiatement constater les propos par un huissier ou par l’Agence pour la Protection des programmes, qui est également habilitée à dresser des constats reconnus valables en justice. L’action doit être dirigée contre le directeur ou le codirecteur de la publication, dont le nom et les coordonnées doivent obligatoirement être mentionnées sur le site (sauf en cas de site « perso », gui peut rester anonyme mais dont l’identité doit être conservée par l’hébergeur). Or en l’espèce, les premières mises en ligne datent de février 2012. A l’origine, M. Y et la SARL Perimmob Philatélie pensaient raisonnablement que M. Z ne pouvait avoir aucun pouvoir de nuisance et que ses « lubies » se dissiperaient. Malheureusement, ils ont été contraints de constater que les agissements de M. Z devenaient répétitifs, pour ne pas dire obsessionnels, et qu’ils engendraient une désaffection de la clientèle sur Ebay. Cette prise de conscience s’est opérée bien au delà des 3 mois imposés par la Loi du 29 juillet 1881. Est ce à dire que les requérants, qui subissent un préjudice, sont désormais privés de recours et d’action ' En l’espèce et en contradiction avec les motivations du 1er Juge, les requérants ont l’option judiciaire d’agir, soit le fondement de la diffamation prévue par la Loi du 29.07.1881, soit sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du Code Civil. La Jurisprudence et la Doctrine sont constantes à affirmer cette position qui est désormais unanimement reconnue. Si les conditions de la diffamation ne sont pas réunies (par exemple parce qu’il n’y pas d’imputation d’un fait précis), ou que l’action est prescrite, il est aussi envisageable d’invoquer en justice le dénigrement.»

Qu’il ressort ainsi des propres explications des appelants que, n’ayant pas eux-mêmes suivi le conseil «'d’agir très rapidement'» «'à compter de la première mise en ligne de l’écrit jugé diffamatoire'», ils n’ont pris conscience des faits litigieux que «'bien au-delà des 3 mois imposés par la loi du 29 juillet 1881'», et que les conditions de la diffamation n’étant pas réunies, il était «'envisageable d’invoquer en justice le dénigrement'»';

Qu’il en résulte que la société Perimmob Philatélie, la société A, ès qualités, et M. Y, sachant leur action prescrite au regard des règles de la loi du 29 juillet 1881, ont sciemment tenté de contourner cet obstacle en se prévalant des dispositions de droit commun de la responsabilité civile, au prétexte manifestement infondé qu’ils bénéficiaient d’une «'option'» pour agir à leur guise, en vue de faire sanctionner les faits litigieux soit sur'«'le fondement de la diffamation (') soit sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil'»';

Qu’en engageant une action devant le juge des référés puis en persévérant en appel dans une procédure qu’ils savaient vouée à l’échec, les appelants et l’intervenante volontaire, ès qualités, ont fait dégénérer en abus leur droit d’agir en justice, ce qui justifie leur condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts';

PAR CES MOTIFS

DONNE ACTE à la SELAFA A de son intervention volontaire ès qualités d’organe de la procédure collective dont la société Perimmob Philatélie est l’objet';

CONFIRME l’ordonnance rendue le 11 février 2014 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris';

DÉBOUTE la société Perimmob Philatélie, la société A, ès qualités, et M. F Y de leurs demandes en cause d’appel';

LES CONDAMNE à payer à M. Z la somme de 5.000 euros pour procédure abusive';

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile':

CONDAMNE la société Perimmob Philatélie, la société A, ès qualités, et M. Y aux dépens';

LES CONDAMNE à payer à M. Z la somme de 3.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles';

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,

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