Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 20 mai 2020, n° 17/09625

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 8, 20 mai 2020, n° 17/09625
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/09625
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 9 mai 2017, N° F15/08504
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 20 MAI 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/09625 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3YZD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 15/08504

APPELANTE

SAS NOVELTY FRANCE vient aux droits de GROUPE NOVELTY,

[…]

[…]

Représentée par Me Agnès LASKAR, avocate au barreau de PARIS, toque : C0710

INTIMÉ

Monsieur Z-A X

[…]

[…]

Représenté par Me Fabrice DUBEST, avocat au barreau de PARIS, toque : L0015

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Janvier 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Sophie GUENIER LEFEVRE, présidente

M. Benoît DEVIGNOT, conseiller

Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, prorogé à ce jour.

— signé par Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente de chambre et par Clémentine VANHEE, Greffière présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Z-A X a été engagé par la société Stage Craft Company, aux droits de laquelle se présente successivement la société Groupe Novelty puis la SAS Novelty France , par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er mars 2010, en qualité de Régisseur général auprès de la Cité de la Mode et du Design.

En son dernier état, la rémunération mensuelle brute du salarié s’élevait à 4 612.50 euros pour un forfait annuel de 218 jours.

La convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l’événementiel du 21 février 2008 est applicable à la relation de travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 mai 2015, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 18 mai suivant puis licencié pour faute grave le 22 mai 2015.

Contestant ce licenciement, M. X a saisi par acte du 9 juillet 2015, le conseil de prud’hommes de Paris pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 10 mai 2017, notifié le 16 juin suivant, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Paris a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse fixant la moyenne des salaires à 4 612.50 euros et a condamné la société Groupe Novelty à lui payer les sommes suivantes :

—  18 450 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  1 845 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés relatifs au préavis,

—  7 694 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu’au jour du paiement,

—  33 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

—  700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 8 juillet 2017, la société Novelty France a formé appel de ce jugement.

Dans ses dernières écritures déposées au greffe par voie électronique en date du 20 janvier 2019, la SAS Novelty France requiert de la cour l’infirmation du jugement du conseil de Prud’hommes de Paris du 10 mai 2017 en ce qu’il a considéré que le licenciement était dénué de cause réelle et

sérieuse et sa confirmation quant au débouté des autres demandes.

Elle sollicite la condamnation du salarié aux entiers dépens et à lui payer 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Dans ses dernières écritures déposées au greffe par voie électronique en date du 21 décembre 2018, M. X demande la confirmation du jugement quant aux condamnations prononcées et l’ infirmation sur les point suivants:

— le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’il demande de fixer à la somme de 83.025 euros

— la nullité de la convention de forfait en jours qu’il estime sans effet.

Il demande la condamnation solidaire les sociétés Groupe Novelty et Novelty France à lui payer :

* 47.782,15 à titre de rappel d’heures supplémentaires et 4.778,21 au titre des congés payés y afférents ;

— *13.837,50 de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de l’exécution déloyale de la convention de forfait en jours ;

*27.675 au titre de l’indemnité spécifique pour travail dissimulé ;

* 13.837,50 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la violation de la durée maximale de travail et du temps de repos ;

* 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et que les condamnations soient assorties des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du Code civil.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Par ordonnance de clôture du 7 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a prononcé la fin de l’instruction et a renvoyé l’affaire à une audience le 31 janvier 2020.

SUR QUOI

Sur la convention de forfait jours, les heures supplémentaires, le temps de repos et le travail dissimulé:

M. X soutient que la convention de forfait prévue à son contrat de travail (pièce 1) est nulle dès lors qu’elle n’assure pas les garanties essentielles exigées par l’article L.3121-46 du code du travail. Il ajoute qu’il n’a jamais bénéficié d’entretiens annuels et que la société n’a mis en place aucun dispositif de contrôle de la durée du travail. Ainsi, il estime qu’en application des règles de droit commun légales et conventionnelles concernant les heures supplémentaires et au vu de ses plannings il lui est du 1287 heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures par semaine entre le 22 mai 2012 et le 22 mai 2015.

La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge

les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient toutefois au salarié demandeur de présenter fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées.

S’agissant notamment des cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe à laquelle ils sont intégrés, elle peut être fixée en jours sur l’année par le biais d’une convention de forfait, dans les limites de la durée annuelle de travail fixée par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou à défaut une convention ou un accord de branche.

En l’article 5.6.3 de la convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l’événementiel (Modifié par avenant n’ 1 du 30 juin 2009), applicable à l’espèce prévoit : ( …) b) Forfait en jours :

Sous réserve de l’accord écrit de chaque salarié concerné, les conventions de forfaits sont applicables aux salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. Dans cette hypothèse, la rémunération des salariés doit tenir compte des responsabilités et des sujétions confiées et ne peut être inférieure au salaire mensuel minimum brut de base de leur catégorie (niveau) majoré de 20 %, sans pouvoir être inférieur au salaire mensuel minimum brut de base du niveau 4 majoré de 20 %.

Le contrat de travail définit les caractéristiques de la fonction qui justifient l’autonomie dont dispose le salarié pour son exécution.

Le contrat de travail détermine le nombre de jours sur la base duquel le forfait est défini. Celui-ci est fixé à 218 jours pour une année complète de travail. Le décompte se fait par année civile, ou prorata temporis pour années incomplètes.

(……)

Le forfait en jours s’accompagne pour chaque salarié d’un contrôle du nombre de jours ou demi-journées travaillés, au moyen d’un document mensuel de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaire, congés payés, jour de repos au titre de la réduction du temps de travail.

Or, sont insuffisantes les dispositions conventionnelles prévoyant, pour le suivi de la charge et de l’amplitude de travail des salariés en forfait-jours, l’établissement d’un document de contrôle des jours travaillés et non travaillés à remplir par le salarié lui-même, sans qu’aucune obligation de réaction et de correction ne soit imposée au supérieur hiérarchique en cas de dérapage.

Le système auto-déclaratif est insuffisant s’il ne s’accompagne pas d’un contrôle effectif par le supérieur hiérarchique des déclarations effectuées permettant d’apporter les correctifs nécessaires.

Ainsi, en l’espèce la disposition de la convention collective sur laquelle est fondée la convention contractuelle de forfait ne présente pas de garanties suffisantes pour assurer la santé du salarié.

En outre, la société Novelty France ne produit pas le document de suivi du temps de travail et ne justifie pas par la seule production d’une attestation émanant M. R ancien dirigeant de la société acquise par la société Novelty avoir réalisé l’entretien annuel spécialement dédié au forfait jour prévu. En effet M. R. indique avoir réalisé un seul entretien annuel en janvier 2015, sans aucune précision sur cet entretien et aucun rapport n’est versé au débat.

En conséquence, aucune convention de forfait ne peut être opposée à M. X, seule la durée légale de travail telle qu’elle résulte de l’article L. 3121-10 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce, soit 35 heures hebdomadaires lui est applicable.

Ainsi, le régime des heures supplémentaires exposé ci-dessus est dès lors applicable à M. X.

Or, l’article 5.5 de la Convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l’événement du 21 février 2008 (Pièce n°5) dispose que : ' L’activité de prestation technique se caractérise par la discontinuité de certaines prestations de travail en raison d’une forte segmentation des opérations au cours d’une même journée (montage, test, exploitation, démontage).

Chaque segment est exécuté par des personnels spécifiques, de qualifications différentes, travaillant en corps de métiers autonomes. Ce mode opératoire génère des périodes de disponibilité sans activité opérationnelle, celles-ci étant d’autant plus longues que l’amplitude de la journée de travail l’est également. Ces temps de disponibilité ne comportent pas de travail effectif.'

En l’espèce, le salarié verse au débat à l’appui de sa demande un décompte (sa pièce 5) dans lequel il précise semaine par semaine le nombre d’heures hebdomadaires qu’il prétend avoir accomplies ainsi que des plannings dénommés 'docks en série’ (ses pièces 6-1 à 6-36 ) .Ces documents sont suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre.

Il résulte de l’attestation produite par la société Novelty France émanant de M. R ., fondateur de la société StageCraft qui indique être resté à la tête de cette entreprise jusqu’à son absorption par la société Novelty en décembre 2011et avoir par la suite gardé le management de l’ex-clientèle de StageCraft au sein de cette entreprise jusqu’en juin 2015, que les plannings produits M. X sur Excel n’avaient 'rien de légitimes dans la société', et ne lui ont jamais été communiqués ni fait l’objet d’une quelconque discussion sur des éventuels dépassements alors que M. X était tenu au respect des horaires de son contrat de travail. Il ajoute que tout dépassement devait faire l’objet d’une demande de sa part puis d’une autorisation écrite de la part de M. R. suivie d’un devis complémentaire émis pour le client.

M. Y, (Pièce 7), qui supervisait la gestion du site de la Cité de la Mode et du Design jusqu’en 2014, confirme les propos de M. R en précisant que le fichier excel utilisé par M. X ne correspondait pas au planning des opérations et suivis des prestations de la société établi sur un logiciel commun pour tous les salariés de l’entreprise qui s’appelle ' Eventsoft'.

D’autres régisseurs attestent n’avoir utilisé que 'Eventsoft’ (Pièces 9 à 12)

La critique de l’employeur à l’encontre des plannings transmis par M. X apparaît ainsi pertinente dès lors qu’ils avaient été créés pour un usage exclusivement interne aux régisseurs, qu’ils étaient seuls à utiliser, que M. X reconnaît avoir rempli lui-même et ne conteste pas qu’il ne les avait jamais communiqués à la société Novelty France.

Ainsi l’employeur établit que le salarié n’a pas obtenu d’autorisation d’effectuer des heures supplémentaires et que l’employeur n’était pas informé de la réalisation par M. X de telles heures non autorisées.

De plus, les attestations versées au débat par M. X (pièces 15 à 20 ) émanant d’autres personnes travaillant pour la Cité de la Mode ne permettent pas de corroborer les dires du salarié quant aux horaires qu’il indique avoir effectué dès lors que seul M. P.H. fait état, non pas de temps de travail mais d’horaire de mails reçus le 27 mars 2015 à 21h45, le samedi 4 mai 2015 à 0,55 h et le vendredi 3 avril 2015 à 0, 24 h. Or, le travail effectif ne correspond pas à l’amplitude journalière et en l’espèce compte tenu de la spécificité du secteur un salarié n’est pas, au vu de la convention collective applicable à l’espèce, considéré comme étant à disposition de l’employeur pendant un

temps de latence, un temps d’attente, et n’est pas considéré comme tenu de se conformer à ses directives.

L’article 5.5 de la Convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l’événement précitée du 21 février 2008 dispose en effet que : « L’activité de prestation technique se caractérise par la discontinuité de certaines prestations de travail en raison d’une forte segmentation des opérations au cours d’une même journée (montage, test, exploitation, démontage).

Chaque segment est exécuté par des personnels spécifiques, de qualifications différentes, travaillant en corps de métiers autonomes.

Ce mode opératoire génère des périodes de disponibilité sans activité opérationnelle, celles-ci étant d’autant plus longues que l’amplitude de la journée de travail l’est également. Ces temps de disponibilité ne comportent pas de travail effectif. »

Des éléments produits de part et d’autre, il résulte que n’est pas établie l’effectivité des horaires de travail mentionnés dans les plannings de M. X, alors notamment que s’il affirme dans ses écritures qu’il arrivait sur le site entre 10 et 11 heures le matin, il mentionne souvent 7, 8 ou 9 heures dans les plannings, ce qui ne correspond pas en outre, aux informations données à l’employeur par le client la Cité de la Mode et du Design qui écrit : « Comme nous avons pu en discuter, nous devons déplorer des retards systématiques le matin, votre régisseur M. X n’arrivant que rarement avant 12h/12h30.

De plus, nous nous interrogeons sur les jours de présence de votre régisseur général sur site. A ce titre vous voudrez bien nous adresser un état à jour des présences sur 2014 et 2015 par rapport à la prestation prévue au contrat. »

Il n’est donc pas établi que M. X ait effectué les heures supplémentaires dont il réclame le paiement entre 2012 et 2105 , et il doit être débouté de sa demande en paiement ainsi que de celle présentée au titre de la violation de la durée maximale de travail et du temps de repos , en confirmation du jugement.

Par ailleurs la dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu’une telle intention ne peut se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite.

De plus, de ce qui précède il résulte que M. X ne peut se prévaloir d’avoir été payé d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Il doit être débouté de la demande présentée à ce titre; le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur l’exécution déloyale de la convention de forfait en jours

Le salarié considère que l’absence d’un entretien annuel exigé dans le cadre d’une convention forfait jours et l’absence de contrôle des temps de repos par l’employeur constituent une exécution déloyale de ladite convention.

Si l’employeur a manqué à son obligation en s’abstenant d’organiser des entretiens annuels relatifs à la charge de travail du salarié, il appartient toutefois à M. X de justifier du préjudice qu’il aurait ainsi subi .

Or, l’intéressé n’invoque ni ne justifie d’aucun préjudice lié à l’absence d’entretien annuel.

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la gravité des faits fautifs retenus et de leur imputabilité au salarié.

Par ailleurs, en vertu de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales, l’employeur ayant à charge de rapporter la preuve qu’ il a eu connaissance des faits fautifs moins de deux mois avant le déclenchement de la procédure de licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui, en l’état du droit applicable au litige, fixe les limites du litige et en détermine son contrôle retient quatre griefs :

· propos agressifs vis-à-vis des clients de la Cité de la Mode et du Design et propos et dénigrants envers la Cité de la Mode et du Design devant des clients,

· retards récurrents et temps de présence aléatoire,

· état d’ébriété régulière constaté notamment le 28 avril 2015,

· attitude réitérée après les précédents incidents.

La société Novelty France fait grief au conseil de prud’hommes d’avoir considéré qu’aucun de ces griefs n’était établi et fait valoir qu’ils ne se sont pas

contestés par le salarié lors de l’entretien préalable.

Concernant le premier grief, le courrier adressé à la société Novelty France par le directeur technique et sécurité de la Cité de la Mode invoque une attitude de M. X tendant à ' décrédibiliser’ régulièrement son image en utilisant des termes négatifs pour décrire la faisabilité des événements en ses murs ainsi qu’un incident avec un membre du Port de Paris qui gère l’accès à l’établissement. Il est aussi reproché à M. X d’avoir utilisé les mots 'fuck you’ à l’égard d’une cliente américaine.

D’une part, le caractère imprécis des propos dénigrants qui auraient été tenus, même s’ils ont été précisés par l’employeur dans ses écritures, ne permet pas d’établir une faute.

D’autre part, nonobstant l’imprécision relevée par le conseil de prud’hommes quant aux destinataires des propos visés comme tenus à l’encontre de clients puis à l’égard du propriétaire du site où se situe la Cité de la Mode, l’employeur ne justifie pas de la teneur de ces propos ' discourtois’ qui n’ont d’ailleurs pas été explicités ou confirmés par les intéressés eux-mêmes. De plus, alors que M. X reconnaît avoir fait part de sa désapprobation quant à la façon dont était géré l’accès à la Cité par le propriétaire des lieux, aucune reconnaissance des faits de propos 'discourtois’ invoqués n’est établie. Enfin, il ne résulte pas de la teneur du compte rendu établi par le délégué syndical une reconnaissance par le salarié d’une faute dès lors qu’il indique seulement qu’à la suite d’un problème d’accès au site 'il est monté dans les tours' .

Enfin, l’expression ' fuck you’ que M. X ne conteste pas avoir employée lors d’une conversation

avec une cliente, n’est mentionnée dans aucune autre pièce versée au débat par l’employeur que le compte rendu de l’entretien préalable au cours duquel le salarié a expliqué, sans que cela soit autrement remis en cause, le contexte et la signification de ces propos sans caractère injurieux, le fait que les relations commerciales avec cette cliente n’aient été nullement été compromises et se soient poursuivies sans problèmes, n’étant pas contredit.

Concernant les retards, le courrier du directeur technique de la Cité de la Mode du 6 mai 2015 fait état de ce que M. X 'était systématiquement en retard, n’arrivant que rarement avant entre 12h ou 12 h 30". De plus il est précisé une interrogation sur les jours de présence du régisseur sur le site par rapport à la prestation prévue au contrat avec la société Novelty France.

Toutefois, aucun autre élément que ce courrier, daté du jour de la convocation du salarié à l’entretien préalable, ne vient corroborer des absences ou le fait que des prestations n’auraient pas été réalisées alors d’une part, que le contrat de travail de M. X ne mentionne aucun horaire et qu’il disposait d’une autonomie totale, aucun reproche ou demande d’information n’ayant été au demeurant antérieurement formulée sur ce point auprès de l’intéressé.

Sur le troisième grief concernant l’état d’ébriété de M. X, l’employeur ne verse au débat aucun élément précis sur ce point alors que contrairement à ce qu’elle affirme, la société Novelty France ne justifie pas que le salarié qui a simplement reconnu 'qu’il a pu lui arriver de consommer du vin au cours de déjeuners avec des clients' ait admis ainsi avoir été en état d’ébriété ou même avoir abusé de boissons alcoolisées.

Enfin, à défaut de preuve d’observations préalables l’employeur ne justifie pas que M. X ait eu une attitude réitérée après 'les précédents incidents'.

Ainsi, il convient de conclure que l’employeur n’apporte pas la preuve suffisante des griefs reprochés au salarié rendant impossible son maintien dans l’entreprise et rendant nécessaire son départ immédiat et le jugement sera confirmé sur l’ensemble de ces points.

Sur les conséquences de la rupture

Le jugement doit être confirmé, sur la base d’un salaire mensuel de référence de 4 612, 50 euros, des chefs de :

— l’indemnité de préavis correspondant à trois mois de salaire, en application de l’article L.1234-1 du code du travail, et de la convention collective applicable,

outre les congés payés y afférents.

— l’indemnité de licenciement, exactement calculée à la somme de 7 694,00 euros en application de l’article R.1234-2 du code du travail et de la convention collective applicable.

En revanche concernant les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse il convient , compte tenu de l’ancienneté du salarié (5ans ), de son âge (51 ans) et des seuls justificatifs non probants concernant sa situation au regard de l’emploi et du lien avec le licenciement ( pièce 32 : attestation de paiement d’indemnités journalières pour maladie et pièce 33: notification d’une pension d’invalidité ) , le préjudice que la perte injustifiée de son emploi lui a occasionné sera réparé par l’octroi de dommages-intérêts d’un montant de 28.000 euros que la la société Novelty France sera condamnée à lui payer, et ce en application de l’article L.1235-3 du code du travail alors applicable.

Sur les autres demandes

Conformément aux dispositions des les articles 1153 et 1153-1 du code civil ancien, devenus les

articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les dommages et intérêts alloués seront assortis d’intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 28 000 euros.

Les intérêts courus seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil, applicable à l’espèce devenu l’article 1343 -2 du même code.

La société Novelty France est condamnée aux dépens d’appel comme elle l’a été à ceux de première instance.

Elle est déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. X la somme de 1500 euros sur le fondement de ce même article (montant qui vient s’ajouter à celui de 1500 euros déjà alloué en première instance).

Enfin, au regard de l’ancienneté de M. X et rien n’excluant que les conditions d’application de l’article L.1235-4 du code du travail soient réunies, il convient d’ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois d’indemnités.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu’il a condamné la société Novelty France à verser à M. X la somme de 33000euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

INFIRME de ce seul chef et,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Novelty France à payer à M. X la somme de

28 000 euros.

Y ajoutant :

Rappelle que les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les dommages et intérêts alloués seront assortis d’intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 28000 euros,

Les intérêts courus seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil, applicable à l’espèce devenu l’article 1343 -2 du même code.

Condamne la société Novelty France à payer à M. X la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE à la société Novelty France le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois d’indemnités.

Condamne M. X aux dépens de première instance et dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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