Cour d'appel de Rennes, 19 décembre 2014, n° 13/00444

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 19 déc. 2014, n° 13/00444
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 13/00444

Sur les parties

Texte intégral

8e Ch Prud’homale

ARRÊT N°589

R.G : 13/00444

Mme H-I LE X

C/

XXX

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole FAUGERE, Président,

Madame Véronique DANIEL, Conseiller,

Madame H-I DELTORT, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur B C, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Octobre 2014

devant Madame Nicole FAUGERE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Décembre 2014, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 28 novembre précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame H-I LE X

XXX

Toulandac

XXX

représentée par Me Marc DUMONT, Avocat au Barreau de VANNES

INTIME :

XXX pris en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Anne-Gaëlle LECLAIR, Avocat au Barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme Le X a été engagée par l’Association bretonne de gestion (ABG), à compter du 18 septembre 1990, en qualité de secrétaire.

Par la suite, elle a successivement exercé les fonctions d’adjointe de l’assistante de direction au sein du CCERM (centre d’économie rural du Morbihan) puis d’assistante de direction au sein du GIE GROUPE CER France Morbihan auquel son contrat de travail a été transféré à compter du 1er janvier 2007.

À compter du 22 juin 2009, Mme Le X a exercé la fonction de chargée de communication sous la responsabilité du directeur marketing et communication et a bénéficié du statut 'cadre assimilé'.

Le 11 août 2010, dans le cadre d’un projet de réorganisation de l’entreprise présenté au comité d’entreprise le 3 août précédent et conduisant à la suppression d’un certain nombre de postes dont celui occupé par Mme Le X, le GIE CER France Morbihan a adressé à cette dernière une proposition de reclassement sur un poste d’assistante non cadre au salaire mensuel de 1.850 €.

Cette proposition lui a été renouvelée par courrier du 17 août 2010, en y précisant que le niveau de rémunération s’entendait hors effet de son ancienneté, soit la somme de 257,32 €.

Par lettre du 25 août 2010, Mme Le X a refusé cette proposition de reclassement, indiquant que celle-ci se traduisait par une diminution sensible du niveau de responsabilité, que les compétences demandées pour le poste étaient celles d’une assistante, que sa rémunération se voyait diminuée de manière significative et qu’il y avait une remise en cause de son statut cadre.

Par courrier du 2 septembre 2010, le GIE CER France Morbihan a convoqué Mme Le X à un entretien en vue d’une éventuelle mesure de licenciement fixé au 13 septembre suivant et reporté au 14 septembre à la demande de la salariée.

Le même jour, l’employeur a informé Mme Le X qu’un recrutement était en cours pour un poste d’assistante marketing et communication à pourvoir au CER France d’Alençon, offre à laquelle elle n’a pas donné suite.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 septembre 2010, le GIE CER France Morbihan lui a notifié son licenciement pour motif économique.

Mme Le X a accepté d’adhérer à la convention de reclassement personnalisé et les relations contractuelles ont pris fin le 5 octobre 2010.

Mme Le X a saisi le conseil de prud’hommes de Vannes aux fins d’obtenir la condamnation du GIE CER France Morbihan pour non-respect de l’ordre des licenciements et non-respect de son obligation de reclassement et le versement de dommages et intérêts en conséquence.

Par jugement du 18 décembre 2012, le conseil a débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes et a condamné Mme Le X aux éventuels dépens de l’instance.

Sur le non-respect de l’ordre des licenciements, le conseil a estimé que les fonctions exercées par Mme Le X depuis le 22 juin 2009 étaient distinctes de celles afférentes aux autres postes de l’entreprise, cette dernière n’apportant pas la preuve que d’autres salariés exerçaient les mêmes fonctions qu’elle et justifiaient d’une formation spécifique commune. Sur le non-respect de l’obligation de reclassement, le conseil a relevé que compte tenu de la pluralité des raisons du refus opposé par Mme Le X à l’offre de reclassement qui lui a été faite, la différence salariale entre la rémunération de Mme D-E et celle proposée à Mme Le X ne peut à elle seule permettre de déduire qu’il s’agit d’un nouveau poste de travail qui aurait du lui être proposé, le conseil constatant par ailleurs que le GIE CER France Morbihan a démontré avoir respecté son obligation de reclassement.

Mme Le X a interjeté appel de cette décision le 10 janvier 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme Le X sollicite la réformation du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Vannes et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

— dire que le GIE CER France Morbihan n’a pas respecté l’ordre des licenciements ;

— en conséquence, condamner le GIE CER France Morbihan à verser à Mme Le X la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant au préjudice lié à la perte injustifiée de son emploi ;

— dire que le GIE CER France Morbihan n’a pas respecté son obligation de reclassement;

— en conséquence, condamner le GIE CER France Morbihan à verser à Mme Le X la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’obligation de reclassement, Mme Le X fait valoir :

— qu’au vu de sa polyvalence, l’employeur n’a pas respecté cette obligation ;

— que la proposition de reclassement n’a pas été loyale, l’employeur ayant proposé à Mme Le X un poste avec une rémunération inférieure à celle allouée finalement à Mme D-E, actuellement en poste ;

Sur le non-respect de l’ordre des licenciements, Mme Le X soutient :

— que l’employeur n’a pas communiqué à la salariée les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements ainsi que le tableau de mise en oeuvre de ces critères alors même que Mme Le X en avait fait la demande ;

— que l’employeur a artificiellement considéré que le poste de Mme Le X constituait à lui seul une catégorie professionnelle afin d’échapper à la mise en oeuvre de la procédure d’ordre des licenciements ;

— que Mme Le X, qui occupait la fonction d’assistante, faisait partie de la catégorie du personnel administratif, lequel comprenait 25 postes et constituait une catégorie professionnelle au sens de la jurisprudence ;

— que Mme Le X, laquelle a exercé un emploi de secrétaire lors de son embauche et a une formation de base de secrétariat, a une formation professionnelle commune avec les secrétaires de l’entreprise, au sens de la jurisprudence ;

— que le poste de chargé de communication occupé par Mme Le X et dont la suppression était envisagée apparaît dans la catégorie 'personnel administratif’ dans les procès-verbaux de la réunion du comité d’entreprise des 22 juillet 2010 et 31 août 2010, ce dernier ayant par ailleurs émis un avis négatif sur les critères d’ordre de licenciement proposés par l’employeur.

XXX demande à la cour :

— de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes ;

— de constater le caractère effectif et sérieux de la recherche de reclassement ;

— de dire et juger fondé le licenciement pour motif économique notifié à Mme Le X ;

— de débouter Mme Le X de sa demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 75.000 € ;

— de constater le respect des critères d’ordre du licenciement ;

— de débouter Mme Le X de sa demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 75.000 € en réparation du préjudice subi du fait du non respect des critères d’ordre du licenciement ;

— de débouter Mme Le X de sa demande en paiement de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner Mme Le X au paiement de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner Mme Le X aux entiers dépens de l’instance.

XXX fait valoir :

— qu’il a parfaitement démontré le caractère effectif et sérieux de la recherche de reclassement comme l’a admis le conseil de prud’hommes ;

— que cette recherche de reclassement a été effectuée au sein de chaque structure composant l’unité économique et sociale CER France Morbihan, conduisant à la proposition de poste d’assistante au sein du GIE, proposition refusée par Mme Le X;

— que le GIE GROUPE CER France Morbihan a étendu ses recherches de reclassement au-delà de la seule unité économique et sociale et a ainsi communiqué à Mme Le X une offre d’emploi du CER France Orne ;

— qu’aucune embauche n’a eu lieu antérieurement ou concomitamment au licenciement pour motif économique de Mme Le X, les seules embauches ayant eu lieu au sein des autres structures de l’UES Groupe CER France Morbihan étant incompatibles avec les qualifications de cette dernière ;

— que Mme Le X ne démontre pas en quoi la recherche de reclassement effectuée par le GIE GROUPE CER France Morbihan n’est pas régulière ;

— qu’en refusant le poste de reclassement d’assistante des cadres, Mme Le X a décidé elle-même de limiter l’étendue des recherches de reclassement, impliquant que le GIE GROUPE CER France Morbihan ne pouvait pas lui proposer le poste de reclassement présenté à Mme D-E ;

— qu’aucun autre poste de reclassement compatible avec les exigences de Mme Le X n’existe au sein de l’UES CER France Morbihan ;

— que compte tenu des fonctions spécifiques occupées par Mme Le X, son poste de chargé de communication constituait à lui seul une catégorie professionnelle ne nécessitant donc pas la mise en oeuvre des critères d’ordre de licenciement ;

— que Mme Le X ne démontre pas avoir subi un préjudice justifiant le versement de la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties , la cour se réfère aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement pour motif économique

Le caractère économique du licenciement , précisé dans la lettre de licenciement du 23 septembre 2010 n’est pas contesté et a été reconnu par le comité d’entreprise .

Il résulte d’une baisse de chiffre d’affaires de 160.500€ pour 2010 , d’un résultat net déficitaire de 526K€ pour un montant total de produit de 16 M € pour cette année rendant indispensable pour la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise , après diverses mesures- suppression du 13 e mois, réduction des rémunération de certains cadres – la réorganisation des services et la suppression de postes notamment du service marketing auquel appartient madame LE X.

Sur l’obligation de reclassement

Selon l’article L.1233-4 du Code du Travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

A juste titre les premiers juges ont considéré que l’employeur avait respecté cette obligation , dès lors qu’il avait proposé à madame LE X après recherches des postes disponibles ou vacants compatibles avec ses qualifications au sein des structures du groupe , ce dont il justifie : un poste d’assistante à temps complet à Vannes – salaire : 1850 euros + EMA 257- qu’elle a refusé en raison de la diminution sensible du niveau de responsabilité du poste , de la rétrogradation au niveau de ses compétences de la diminution significative du niveau de rémunération et de la perte de son statut de cadre qu’il entraînait , de même qu’elle ne donnait pas suite à l’information d’un recrutement d’assistante de marketing et communication – non cadre, pour un salaire de 1713 euros sur 13 mois dans l’agence d’Alençon .

Compte tenu des exigences exprimés par madame LE X , il importe peu que le poste d’assistante à Vannes ait finalement été occupé par madame D-E avec une rémunération brute de 2500 euros.

Par ailleurs le GIE Groupe CERM établit que postérieurement au licenciement de madame X aucune embauche n’a été effectuée en 2010 et 2011.

Sur le respect de l’ordre des licenciements :

Selon l’article L.1233-7 du Code du Travail, lorsque l’employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l’article L.1233-5 du même code, à savoir :

1° Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ;

2° l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;

3°la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette illégalité entraîne un préjudice, pouvant aller jusqu’à la perte injustifiée de l’emploi, qui doit être intégralement réparé, selon son étendue, par des dommages-intérêts.

Il est constant que l’application des critères d’ordre doit se faire au sein de la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié dont l’emploi est supprimé

En l’espèce madame LE X après avoir été assistante de direction de juin 1992 à juin 2009 depuis le 22 juin 2009 occupait le poste de chargée de communication , rattaché à l’emploi repère 'personnel administratif’ ainsi que le précise son contrat de travail – avenant du 28 mai 1992-.

Dans sa note d’information destinée au comité d’entreprise , l’employeur englobait clairement s’agissant de l’ordre des licenciements le service communication dans le personnel administratif distinct de la catégorie de conseillers spécialistes , ce qui apparaît également dans le tableau établi pour la réunion du 3 août 2010 qui inclut également le chargée de communication parmi les personnels administratifs au nombre de 25 personnes.

Enfin ainsi que le fait observer madame le X son employeur en lui proposant en reclassement un poste d’assistante administrative indiquait lui même que ce poste correspondait aux compétences et qualifications qui sont les siennes .

En conséquence c’est à tort que l’employeur a considéré que madame LE X représentait une seule catégorie professionnelle et qu’il n’ y avait pas lieu à mettre en oeuvre à son égard les critères d’ordre de licenciement.

Si le GIE GROUPE CER fait valoir que les postes qui lui auraient alors été proposés – ceux des personnels désignés par les critères d’ordre – sont des postes de non cadres, avec une rémunération inférieure à 2500 euros et qu’elle avait indiqué refuser tout reclassement mettant en cause son statut de cadre comme son niveau de rémunération , il ne justifie cependant pas, ainsi que le souligne madame LE X du tableau de mise en oeuvre des critères d’ordre aux 25 salariés concernés composant le personnel administratif de la société pourtant réclamé par elle, ce qui ne permet pas à la cour d’apprécier les conséquences de l’application des critères, à l’égard de madame le X et des autres salariés, ni l’étendue exacte de son préjudice.

Il convient d’arbitrer en conséquence le préjudice de cette dernière à la somme de 40.000 euros.

Dès lors, le jugement du conseil de prud’hommes doit être infirmé en ce qu’il a débouté madame X de sa demande.

Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

L’équité impose qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile relativement aux deux instances à hauteur de 2500 euros.

Le GIE supportera les dépens éventuels des deux instances.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement en ce qu’il a dit que le GIE GROUPE CER avait respecté son obligation de reclassement et débouté en conséquence madame Le X de sa demande de ce chef.

Réforme le jugement en ce qu’il a débouté madame LE X de sa demande en dommages-intérêts pour non respect de l’ordre des licenciements.

Statuant à nouveau,

Dit que le GIE GROUPE CER n’a pas respecté son obligation d’appliquer les critères d’ordre de licenciement à l’égard de madame Le X

Condamne le GIE GROUPE CER à verser à madame LE X une somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne madame LE X aux éventuels dépens des deux instances.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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