Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 22 décembre 2016, n° 15/03012

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  • Métayer·
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  • Indivision successorale·
  • Prescription acquisitive·
  • Usucapion·
  • Parents·
  • Indemnité d 'occupation

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 1re ch. sect. 2, 22 déc. 2016, n° 15/03012
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 15/03012
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, JAF, 5 mai 2015, N° 14/25377
Dispositif : Expertise

Texte intégral

22/12/2016

ARRÊT N° 16/917

N°RG: 15/03012

MFM/CR

Décision déférée du 06 Mai 2015 – Juge aux affaires familiales de TOULOUSE – 14/25377

J-L ESTEBE

X Y

Z Y

C/

A Y

B Y

C Y épouse D

E Y

F Y

REFORMATION

ADD EXPERTISE RENVOI

MEE DU 9/06/2017

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT DEUX DECEMBRE DEUX MILLE
SEIZE

***

APPELANTS

Monsieur X Y

XXX

XXX

Représenté par Me Emmanuelle DESSART, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Jacqueline DIDIER-BALESTIER, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur Z Y

Les Vigneries 4B chemin d’En
Téoulé

XXX

Représenté par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE

Assisté de Me Eric GRANDCHAMP DE CUEILLE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur A Y

lieu dit Lagrange

XXX

Représenté par Me Robert RIVES, avocat au barreau de TOULOUSE

Assisté de Me Guy NARRAN, avocat au barreau
D’AGEN

Monsieur B Y

Route de Grenade

XXX

Représenté par Me Jean-louis JEUSSET, avocat au barreau de TOULOUSE

Assisté de Me Philippe GILLES de la SELARL PHILIPPE
GILLES, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame C Y épouse D

XXX

XXX

Représentée par Me Jean-louis JEUSSET, avocat au barreau de TOULOUSE

Assisté de Me Philippe GILLES de la SELARL PHILIPPE
GILLES, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur E Y

Le Sabatherat

XXX

Représentée par Me Jean-louis JEUSSET, avocat au barreau de TOULOUSE

Assisté de Me Philippe GILLES de la SELARL PHILIPPE
GILLES, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur F Y

XXX

XXX

Représenté par Me Catherine LAGRANGE de la SELARL
D’AVOCATS LAGRANGE-ALENGRIN, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2016 en audience publique, devant la
Cour composée de :

E. GRAFMÜLLER, président

S. TRUCHE, conseiller

C. ROUGER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D.
FOLTYN

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par E. GRAFMÜLLER, président, et par
D. FOLTYN, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA
PROCÉDURE

G Y est décédé le 22 juillet 1999, laissant pour lui succéder :

— son conjoint survivant, Bianca Ronzani,

— ses enfants, nés de son mariage avec Bianca Ronzani :

* X Y,

* B Y,

* A Y,

* F Y,

* Z Y,

* Anna Y,

* Dominique Y,

* E Y.

Bianca Ronzani est quant à elle décédée le 25 février 2006, puis Dominique Y, le 14 décembre 2013, sans laisser de descendance.

Par acte du 3 mai 2013 A
Y a fait sommation à ses copartageants de comparaître en l’étude de Maître H
I, notaire associé à
Plaisance du Touch, le 27 mai 2013, à l’effet notamment de se prononcer sur le règlement des créances de salaires différés revendiqués par lui-même, Giulano et Z Y.

B et E Y n’ayant pas comparu, Maître I a établi un procès-verbal de carence le 27 mai 2013.

C’est dans ces conditions que, par actes délivrés le 14 juin, 17 juillet et

13 octobre 2014, A Y a fait assigner X Y, B Y, F Y,
Z Y,
Anna Y et E Y devant le
Tribunal de Grande Instance de
Toulouse.

*

Par jugement contradictoire en date du 6 mai 2015, assorti de l’exécution provisoire, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse a :

— rejeté la fin de non-recevoir,

— ordonné le partage des successions de G Y et Bianca
Ronzani,

— désigné Maître J K, notaire à Toulouse, pour y procéder, sous la surveillance du chef de service du pôle famille du tribunal de grande instance de Toulouse,

— donné d’ores et déjà mandat au notaire de :

* interroger si nécessaire le FICOBA pour retrouver les coordonnées de tous comptes bancaires ouverts par les époux durant leur vie commune,

* recenser tous contrats d’assurance-vie, en déterminer les bénéfices, et se faire remettre l’historique de tous les mouvements de capitaux (versements, rachats) de chacun de ces contrats en identifiant le patrimoine donnant ou recevant les fonds,

* procéder à l’établissement des actes de notoriété, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice,

* procéder à l’ouverture de tout coffre bancaire, en faire l’inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude, placer les titres sur un compte ouvert au nom de l’indivision,

— dit qu’en cas d’empêchement du notaire, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête,

— dit que les parties verseront directement au notaire les provisions et les émoluments dus pour son travail,

— constaté que F
Y a acquis par prescription la propriété du terrain sur lequel il a construit sa maison d’habitation, tel qu’il est délimité par les 6 bornes et l’angle sud de la parcelle figurés sur le plan de division de l’Association de
Géomètres Midi Pyrénées en date du 18 avril 2012,

— chiffré à 130.762,67 la créance de salaire différé de F Y envers l’indivision successorale,

— chiffré à 183.067,70 la créance de salaire différé de A Y envers l’indivision successorale,

rejeté les autres demandes,

— passé les dépens en frais privilégiés de partage.

Puis par jugement rectificatif du 5 août 2015 le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse a rectifié le jugement susvisé et a :

— dit que les mentions relatives aux créances de salaires différés seront remplacées par les mentions suivantes :

— chiffre à 183.067,70 la créance de salaire différé de F Y envers l’indivision successorale,

— chiffre à 130.762,67 la créance de salaire différé de A Y envers l’indivision successorale,

— dit que la mention suivante sera ajoutée au dispositif de la décision rendue le 6 mai 2015 :

« - constate que la possession de Monsieur B Y de la partie du terrain sur lequel a été implanté son fonds de commerce de station service a été continue, non interrompue, paisible et non équivoque et à titre de propriétaire depuis 1972 ».

* * *

Dans des conditions de forme et de délai non contestées X Y, le 23 juin 2015, a interjeté appel général du jugement rendu le 6 mai 2015. Cet appel a été enregistré sous le numéro 15/03012.

Z Y a quant à lui relevé appel général, le 8 juillet 2015, du jugement rendu le 6 mai 2015.
Cet appel a été enregistré sous le numéro 15/03335.

Le 1er septembre 2015, X
Y a régularisé un nouvel appel général du jugement rectificatif intervenu le 5 août 2015. Cet appel a été enregistré sous le numéro 15/04381.

Par ordonnances des 4 septembre et 7 décembre 2015, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction ces procédures d’appel, l’instance d’appel restant désormais enrôlée sous le seul numéro 15/03012.

*

Vu les dernières écritures notifiées le 15 septembre 2016 par Z Y, appelant, selon lesquelles il demande à la cour de :

A titre principal :

Sur le partage,

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 6 mai 2015 en ce qu’il a ordonné le partage de la succession de G Y et de celle de Bianca Ronzani et désigné
Maître J K pour y procéder,

— réformant partiellement les décisions entreprises pour le surplus et statuant à nouveau,

Sur les demandes de créance de salaire différé,

— dire irrecevables les demandes de salaire différé faites par A
Y, F
Y et
X Y,

— à titre subsidiaire, rejeter ces demandes car les demandeurs n’apportent pas la preuve d’une participation régulière et effective sur l’exploitation familiale, ni de l’absence de toute rémunération,

— à titre infiniment subsidiaire, limiter le calcul des créances à une durée de 10 ans, en ne prenant en considération que les années de travail à partir de l’âge de 18 ans,

Sur l’application de la prescription acquisitive émanant de F Y,

— dire que F Y a construit les bâtiments sur les parcelles appartenant à ses parents en qualité de superficiaire,

— dire que F Y ne peut, en conséquence, pas se prévaloir de la prescription acquisitive pour ces terrains,

— dire que ces terrains, ainsi que les constructions érigées dessus, font partie de la masse à partager,

Sur l’indemnisation de F
Y au titre des constructions réalisées sur des parcelles appartenant aux parents et faisant dorénavant partie de la masse successorale,

— appeler les co-indivisaires à se prononcer sur :

* soit le remboursement à F Y d’une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur,

* soit le remboursement du coût des matériaux et du prix de la main d’oeuvre estimés à la date du remboursement (compte tenu de l’état dans lequel se trouve ladite construction, en l’espèce une maison d’habitation),

Sur les indemnités d’occupation dues par F Y,

— condamner F Y, pour les parcelles qu’il occupe privativement et dont l’indivision est propriétaire depuis le décès de G Y, à une indemnité d’occupation dont le montant devra être fixé,

Avant dire droit,

— désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec pour mission :

* de déterminer et de chiffrer l’actif successoral (en ce compris les immeubles et notamment les parcelles sur lesquelles F Y a réalisé des constructions du vivant de ses parents),

* de rechercher tous les avantages reçus par chacun des héritiers du vivant des parents, notamment ceux qui auraient un lien avec le travail fourni par le passé sur l’exploitation familiale,

* d’examiner les comptes bancaires des défunts, de vérifier les mouvements de ces comptes et d’établir si certains héritiers ont bénéficié de libéralités ou de dons manuels rapportables,

* de vérifier les droits de chaque héritier dans les opérations de partage,

* déterminer la somme dont le fonds a augmenté de valeur du fait de la construction de la maison d’habitation de F Y sur la parcelle appartenant aux parents d’une part, et la somme correspondant au montant du remboursement du coût des matériaux et du prix de la main d’oeuvre estimés à ce jour d’autre part,

* proposer à la cour le montant de l’indemnité d’occupation que F Y doit payer à l’indivision successorale pour les parcelles qu’il occupe privativement depuis le décès de G
Y,

* de chiffrer le passif successoral,

Une fois le rapport déposé, avec reconstitution des avantages reçus par tel ou tel héritier, évoquer à nouveau le fond de l’affaire, notamment sur les créances de salaire différé et renvoyer les parties devant le notaire qu’il plaira à la cour de nommer pour procéder au partage,

— statuer ce que de droit sur les dépens,

Vu les dernières écritures notifiées le 19 mai 2016 par X Y, appelant, selon lesquelles il demande à la cour de :

Réformer totalement la décision de première instance et la décision rectificative et dire et juger :

Sur les créances de salaire différé :

Principalement,

— constater que G Y était ouvrier agricole de 1955 à 1968,

— dire que les créances de salaire différé concernant cette période sont irrecevables,

— dire que ces créances ne peuvent excéder 10 ans,

— dire en outre que les éléments fournis par les demandeurs sur ce point ne sont pas probants,

— subsidiairement, dire et juger que ces demandes ne peuvent aboutir en l’état et qu’il est au préalable nécessaire de vérifier par la voie d’une expertise si les demandeurs n’ont pas reçu de gratifications parentales valant salaire,

— donner acte à X
Y de son droit à créance de salaire différé dans les mêmes conditions que ses frères pour 52.305 ,

— dire que F et B Y ne peuvent se prévaloir de la prescription acquisitive sur les terrains et les bâtiments qu’ils occupent,

— dire que ces terrains et ces constructions feront partie de la masse à partager,

— condamner F et B Y à verser à l’indivision successorale une indemnité d’occupation pour les biens qu’ils occupent privativement et dont l’indivision est propriétaire depuis le décès de G Y,

— en conséquence, désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec mission :

* de déterminer et chiffrer l’actif successoral en ce compris : les biens meubles et immeubles figurant dans l’inventaire de Maître I, et tous autres omis dans cet inventaire, notamment le terrain et les constructions utilisées par F et
B Y à leurs usages exclusifs,

* de rechercher toutes les donations reçues par les héritiers du vivant de leurs parents ainsi que tous les dons manuels,

* de chiffrer l’indemnité d’occupation pour le terrain et la maison occupée par F
Y et celle due par B Y pour le terrain et la station service, et ce depuis le décès de G
Y,

* fixer la valeur de la maison d’habitation de Lévignac et dire s’il est dû par la succession une récompense à X et F Y pour leur participation à l’édification de cette maison familiale,

* examiner les comptes bancaires des défunts, vérifier les mouvements de ces comptes et établir si certains héritiers ont bénéficié de libéralités ou de dons manuels rapportables,

* chiffrer le passif successoral,

* vérifier les droits de chaque héritier dans le partage,

— une fois le rapport déposé, avec reconstitution des donations reçues, évoquer à nouveau le fond sur les créances de salaire différé et renvoyer les parties devant le notaire qu’il plaira à la cour de nommer pour procéder au partage,

— statuer ce que de droit sur les dépens,

— dire que les dépens pourront être recouvrés directement par Maître Emmanuelle Dessart, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières écritures notifiées le 30 septembre 2016 par A Y, intimé, appelant incident, selon lesquelles il demande pour sa part à la cour de :

— confirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions sauf à chiffrer à 130.762,67 sa créance de salaire différé,

— constater que F Y et Y ne justifient pas s’être comportés comme un propriétaire et de ce fait les débouter de leur demande d’acquisition par prescription,

— condamner la partie succombante à lui payer la somme de 2.500 au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— passer les dépens d’instance et d’appel en frais privilégiés de partage,

Vu les dernières écritures notifiées le 14 septembre 2016 par les consorts B,
Anna et E
Y, intimés, appelants incidents, selon lesquelles ils demandent à la cour de :

Sur le partage des successions et la désignation d’un expert judiciaire,

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 6 mai 2015 et son jugement rectificatif du 5 août 2015 en ce qu’ils ont ordonné le partage de la succession de G
Y et de celle de Bianca Ronzani et désigné Maître J
K pour y procéder,

— infirmer les jugements entrepris en ce qu’ils ont rejeté la demande de désignation d’un expert,

Statuant à nouveau,

— désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec pour mission de :

* vérifier si les époux Y ont fait des libéralités et/ou des dons manuels à leurs enfants de leur vivant et en déterminer la valeur,

* évaluer les masses successorales,

* définir la division des parcelles ayant fait l’objet de libéralités et/ou de dons manuels,

* fixer les droits de chaque héritier et faire une proposition de partage,

— dire que la consignation à valoir sur les frais d’expertise sera mise à la charge de l’indivision, laquelle supportera l’ensemble des frais, ceux-ci s’analysant en frais privilégiés de partage,

Sur les créances de salaire différé,

— infirmer les décisions entreprises en ce qu’elles ont chiffré à 183.067,70 la créance de salaire différé de F Y et à 130.762,67 la créance de salaire différé de A
Y envers l’indivision successorale,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

— constater l’irrégularité de fond de l’acte d’huissier délivré le 13 juin 2013,

— dire que cet acte introductif d’instance nul a été sans effet sur la prescription,

— dire que les demandes formulées par A Y et F Y au titre de leurs créances de salaire différé sont irrecevables car prescrites,

— dire que la demande formulée par X Y au titre de sa créance de salaire différée est irrecevable car formulée pour la première fois en cause d’appel,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que A
Y, F
Y et X
Y ne rapportent pas la preuve des conditions cumulatives pour bénéficier d’une créance de salaire différé à l’encontre de la succession de G Y,

— débouter A Y, F Y et X Y de leurs demandes de salaire différé,

Sur la prescription acquisitive,

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 6 mai 2015 et son jugement rectificatif du 5 août 2015 en ce qu’ils ont constaté que la possession de B
Y de la partie du terrain sur lequel a été implanté son fonds de commerce de station service a été continue, non interrompue, paisible et non équivoque, et à titre de propriétaire depuis 1972,

— accorder à B Y le bénéfice de l’usucapion,

— statuer ce que de droit sur la demande de F Y au titre de la prescription acquisitive de la maison uniquement qu’il occupe depuis1982,

En toute hypothèse,

— statuer ce que de droit sur les dépens,

Vu les dernières écritures notifiées le 26 septembre 2016 par F Y, intimé, appelant incident, selon lesquelles il demande à la cour de :

A titre principal,

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a ordonné le partage des successions de G
Y et Bianca Ronzani, qui comprendront la part qui aurait dû être recueillie par Dominique
Y, laissant à sa propre succession ses frères et soeurs,

— statuer ce que de droit concernant la demande de salaires différés présentée par A Y,

— statuer ce que de droit sur l’usucapion invoqué par
B Y sur le terrain sur lequel a été implanté son fonds de commerce de station service,

— déclarer irrecevable comme nouvelle la demande au titre d’une créance de salaire différé présentée par X Y pour la première fois en cause d’appel,

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a reconnu le droit de F Y à salaire différé,

— fixer à la somme de 136.309,30 sa créance de salaire différé ,

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a constaté l’existence d’une prescription acquisitive au profit de F Y portant sur la parcelle telle que délimitée par six bornes et l’angle sud de la parcelle, figurés sur le plan de division de l’association des géomètres Midi Pyrénées du 18 avril 2012,

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a désigné à cet effet Maître K pour procéder à la liquidation de la succession et dresser tous actes utiles,

A titre subsidiaire,

— désigner tel expert qu’il plaira, avec mission :

* de déterminer et évaluer la masse active et la masse passive à partager,

* d’établir une proposition de partage,

— dire que les frais d’expertise seront passés en frais privilégiés de partage,

En tout état de cause,

— condamner toute partie succombante aux entiers dépens de l’instance, outre la somme de 3.500 sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture intervenue le 3 octobre 2016,

La cour , pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, faisant expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions notifiées par les parties,

MOTIFS DE LA DECISION

Au vu du dispositif des dernières écritures des parties, lequel seul lie la cour, aucune demande tendant à la nullité du jugement de première instance n’est formulée, les parties sollicitant soit sa confirmation, soit son infirmation. La cour n’est donc saisie d’aucune prétention tendant à la nullité des jugements entrepris.

Nonobstant les appels généraux et incidents, le jugement du 6 mai 2015 rectifié par jugement du 5 août 2015 ne fait l’objet d’aucune critique en ce qu’il a ordonné le partage des successions de
G Y et
Bianca Ronzani et désigné pour y procéder
Maître J K, notaire à Toulouse sous la surveillance d’un juge du siège du tribunal de grande instance de
Toulouse, ni en ce qu’il a donné d’ores et déjà divers mandats au notaire liquidateur et prévu ses modalités de remplacement en cas d’empêchement. Ces dispositions ne peuvent dés lors qu’être confirmées.

1°/ Sur les créances de salaires différés

a) Sur la recevabilité des demandes de salaires différés au regard de la prescription

L’article 2262 du code civil dans sa version antérieure à la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile énonçait une prescription de principe de 30 ans pour toutes les actions réelles et personnelles.

Le nouvel article 2224 du code civil issu de la réforme de 2008 a réduit à cinq ans le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Selon les dispositions de l’article 26 II de la loi de 2008 les dispositions de ladite loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

La loi de 2008 est entrée en vigueur le lendemain de sa promulgation au Journal Officiel intervenue le 18 juin 2008, soit le 19 juin 2008.

En l’espèce, G Y est décédé le 22 juillet 1999, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de 2008 portant réforme de la prescription civile.
Le délai de prescription afférent à la revendication de créances de salaires différés dans sa succession était donc, à la date du décès et à compter de cette date, de trente ans, délai non écoulé à la date d’entrée en vigueur de la réforme de 2008. Le délai réduit à cinq ans n’a donc pu commencer à courir qu’à compter du 19 juin 2008, date de l’entrée en vigueur de ladite réforme. Les créances de salaires différées pouvaient donc être revendiquées dans la succession de G Y par ses descendants jusqu’au 19 juin 2013, sauf à justifier d’un acte interruptif ou suspensif de prescription.

Le procès-verbal de carence établi par Me
I le 27 mai 2013, notaire saisi unilatéralement par
A Y qui a fait sommer ses cohéritiers de comparaître en cette étude par acte d’huissier, sommation à laquelle deux des cohéritiers, B et E Y, n’ont pas déféré, lequel ne peut caractériser au seul vu des dires des personnes présentes une demande en justice au sens de l’article 2241 du code civil pour avoir été établi en dehors de tout partage judiciaire préalablement ordonné, ne peut constituer un acte interruptif de prescription. Il ne peut davantage constituer un acte suspensif, dés lors que, le jour même de la réunion initiée par l’un des héritiers devant le notaire, ce dernier a établi un procès-verbal de carence, mettant ainsi un terme immédiat à tout processus de médiation ou de conciliation.

Il est en revanche acquis que A Y a assigné ses cohéritiers aux fins de voir ordonner le partage et fixer sa propre créance de salaire différé par acte du 14 juin 2013. Cette procédure a fait l’objet d’une ordonnance de radiation par le président du tribunal de grande instance de Toulouse le 4 février 2014.

L’article 2241 du code civil énonce que la demande en justice interrompt le délai de prescription, et ce, même si l’action est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure. Dés lors, il importe peu que l’acte de saisine délivré le 14 juin 2013 ait pu être affecté d’une cause de nullité pour avoir été délivré notamment à
Dominique Y, majeure protégée à l’époque, et non à Anna
Y en sa qualité de tutrice de cette dernière.

Cet acte a interrompu pour son seul auteur, A Y, revendiquant une créance de nature strictement personnelle, à l’égard de ses cohéritiers, la prescription quinquennale dés le jour de sa délivrance, et avant même l’expiration du délai quinquennal.

Cet effet interruptif s’est poursuivi, en application de l’article 2242 du code civil, jusqu’à l’extinction de l’instance engagée, soit jusqu’au

4 février 2014, date du dessaisissement de la juridiction par ordonnance de radiation

Cette interruption a eu pour effet de faire courir pour
A Y un nouveau délai de prescription de cinq ans selon les dispositions de l’article 2231 du code susvisé.

A Y ayant de nouveau assigné ses cohéritiers par actes des 17 juillet et 13 octobre 2014

en partage et en fixation de sa créance de salaire différé avant l’expiration dudit délai, son action en revendication d’une créance de salaire différé n’est pas atteinte par la prescription et se trouve recevable. Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription concernant la revendication de salaire différé de A
Y.

Tel n’est pas le cas de F et
X Y.

En effet, F Y n’a formulé sa demande en justice de créance de salaire différé dans la succession de son père que dans le cadre de l’instance engagée des suites des actes délivrés par
A Y les 17 juillet et 13 octobre 2014, soit, en ce qui le concerne, plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de la prescription quinquennale résultant de la loi du 17 juin 2008, sans bénéficier d’un acte interruptif de prescription ni d’une quelconque suspension.

En conséquence, le jugement du 6 mai 2015 rectifié par celui du

5 août 2015 doit être infirmé en ce qu’il a d’une part, rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription concernant la revendication de F Y, et d’autre part, statué au fond sur le montant de cette créance.

Quant à X Y, il n’a revendiqué une créance de salaire différé dans la succession de son père que dans le cadre de la présente procédure d’appel par conclusions notifiées le 6 novembre 2015.

Cette demande n’est pas nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile dés lors qu’en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses, toute prétention relative à l’établissement de l’actif et du passif doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

En revanche, elle est prescrite, ainsi que le soutient
Z Y, pour avoir été formulée après l’expiration du délai de prescription quinquennale en l’absence d’acte interruptif de la part de son auteur ou de toute suspension pouvant lui bénéficier.

En conséquence, ajoutant aux décisions entreprises, il convient de déclarer irrecevable la demande de
X Y tendant à se voir reconnaître une créance de salaire différé dans la succession de son père.

b) Sur la créance de salaire différé revendiquée par A Y

A Y revendique une créance de salaire différé pour avoir travaillé sur l’exploitation agricole de ses parents d’octobre 1955 à 1965.

En application des articles L. 321-13 à L. 321-21 du code rural et de la pêche maritime, pour prétendre à une créance de salaire différé, plusieurs conditions doivent être remplies :

— être descendant d’un exploitant agricole,

— être âgé de plus de dix-huit ans au moment de la participation à la mise en valeur de l’exploitation familiale,

— avoir participé de manière directe et effective à l’exploitation,

— et ne pas avoir été associé aux bénéfices ni aux pertes de l’exploitation ni avoir reçu de salaire en argent en contrepartie de sa collaboration.

C’est à celui qui se prétend bénéficiaire d’une créance de salaire différé d’apporter la preuve qu’il remplit les conditions légales.

La qualité d’exploitant agricole de G Y est en l’espèce contestée.

Il ressort en effet de la reconstitution de carrière et du relevé de compte MSA concernant G
Y produits par X Y que
G Y a été déclaré comme salarié agricole de 1947 à 1967, le montant des salaires perçus annuellement étant précisé.

Cette immatriculation en qualité de salarié agricole n’est pas exclusive en soi d’une activité de petit métayer. En effet, en application des articles L 722-21 et R 722-30 et D 722-21 du code rural et de la pêche maritime un petit métayer peut être immatriculé comme salarié agricole sous les conditions suivantes:

— travailler ordinairement seul ou avec l’aide de sa famille.
Est considéré comme tel le métayer qui ne fait pas appel, dans l’année civile écoulée pour l’ensemble des terres exploitées par lui , en dehors de la main d’oeuvre familiale, à plus de 75 journées de travail. Toutefois lorsque le métayer a, à sa charge, au moins deux enfants de moins de 14 ans, il est considéré comme travaillant seul s’il n’a pas fait appel au cours de l’année écoulée à plus de 300 jours de travail salarié

— posséder, à son entrée dans l’exploitation une part de cheptel mort ou vif qui ne soit pas supérieure à 460

— exploiter des terres dont le revenu cadastral est au plus égal à 531

Au regard des dates de naissance respectives des enfants du de cujus telles que précisées au procès-verbal de carence susvisé, G Y n’a eu moins de deux enfants de moins de 14 ans à charge que du 21 juin 1964, terme des 14 ans révolus de
Dominique Y, née le XXX, au 14 juin 1967, terme des 14 ans révolus de E Y, né le XXX.

Le relevé de compte MSA fait ressortir que le de cujus ne déclarait pas plus de 150 à 300 jours salariés sur la période de 1949 à 1967 et jamais 75 jours. En 1947 et 1948 aucune limite de journées de salariat n’est déclarée. Il ne peut donc être considéré sur cette période que salarié à plein temps, les salaires déclarés sur 1948 étant au demeurant de près du triple de ceux déclarés les années suivantes.

Au regard des conditions rappelées ci-dessus, G Y ne pouvait donc légalement être déclaré comme salarié, tout en étant par ailleurs petit métayer, ce qui reste à établir, que de 1950 au 21 juin 1964.

Selon l’attestation de Gemma Negro produite par A Y, de 1955 à 1968 G
Y a travaillé sur la ferme de
Serres à Lévignan en tant que métayer, Gemma
Negro reconnaissant néanmoins avoir quitté cette propriété en 1960 et précisant que G Y aurait repris à cette date la partie de propriété qu’elle exploitait en métayage avec son époux. Elle affirme néanmoins, contrairement aux mentions figurant au relevé de compte MSA, que tout comme elle et son époux G Y ne percevait pas de salaire mais avait la moitié des revenus et charges de l’exploitation.

Joseph Ronzani, né en 1939, atteste de même que
G Y travaillait entre 1955 et 1968 sur la propriété Serres à Lévignan en tant que métayer et qu’il partageait les revenus et les charges à moitié avec Mme L la propriétaire.

Le 13 novembre 1959 G
Y et son épouse ont acquis une maison d’habitation avec dépendances et jardin pour une contenance de 2 ha 50 ca commune de Lévignac sur Save lieu-dit les
Carpelots et La Menvilette. Dans cet acte d’acquisition G Y se déclare agriculteur, ce qui n’est pas incompatible avec la qualité de salarié agricole et/ou de métayer.

Par acte du 6 décembre 1961 G Y et son épouse ont acquis une parcelle de terre en nature de labours blé commune de Menville, lieudit Menvilette d’une contenance de 2 ha 96 a et 79

ca. Dans cet acte, G
Y se déclare propriétaire agriculteur, ce qui n’est pas incompatible avec la qualité de salarié agricole et/ou de métayer.

Par acte du 22 janvier 1964, G Y et son épouse ont acquis une parcelle de terre sise commune de Lévignac sur Save lieudit Empiquet pour une contenance de 43 ares 40 centiares. Dans cet acte Giovanno Y se déclare simplement propriétaire.

Par ailleurs les baux à ferme dont G Y a pu être titulaire et qu’il a cédé à son fils
F en 1974, datent, au vu des actes produits au débat, de 1966 et 1968. Il n’est pas justifié de bail à ferme antérieur.

Les justificatifs de factures de fournitures et produits agricoles produites par F Y établissent qu’au moins en 1966 G partageait les charges avec Mme L et qu’il vendait de la production agricole. Sa qualité de métayer au château de Sère ressort en outre de l’avis d’impôt des collectivités locales délivré le 30 juillet 1966.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que
G Y a eu une activité de métayer de Mme L depuis au moins 1955 jusqu’au moins en 1966, nonobstant sa déclaration en qualité d’ouvrier agricole, et que dés 1959 il était en mesure d’assurer une petite exploitation à titre personnel agrandie en superficie en 1961.

En conséquence, les pièces produites justifient de la qualité d’exploitant agricole de G
Y, en tant que métayer et de propriétaire, à titre indépendant, nonobstant son affiliation en qualité de salarié agricole, de 1955 à 1966.

Pour justifier de son activité personnelle sur la propriété paternelle A
Y produit diverses attestations :

— une attestation de Marie-Claude Chauvet qui atteste qu’il a collaboré à l’exploitation agricole de son père de 1955 à 1965, inclus, précisant qu’il s’occupait des terres agricoles ainsi que de la production laitière et de la culture du tabac, déclarant attester ces faits pour les avoir personnellement constatés.
Née le XXX Marie-Claude Chauvet n’était âgée que de 4 ans en 1955, pour atteindre 14 ans en 1965. Ses affirmations sur des faits personnellement constatés sur une période où elle était en bas âge puis, en fin de période, toute jeune adolescente, manquent de crédibilité.

— Une attestation de Germain Negro qui atteste que :

« Gratien Y a travaillé sur l’exploitation agricole de son père de l’an 1955 à 1965 et qu’il l’a vu quotidiennement effectuer les travaux agricoles suivants :

l a b o u r – d é t a i l l e r c o m m e n t o n l a b o u r a i t ( b o e u f s – t r a c t e u r – i l l i s i b l e ) binage-moisson-culture-tabac-production laitière». Et il poursuit « j’ai constaté que Gratien Y était un élément essentiel de l’exploitation agricole de G Y ».

Né en janvier 1953,Germain Negro était donc âgé de deux ans à 12 ans sur la période sur laquelle il atteste. Pour les mêmes raisons que ci-dessus, cette attestation manque de crédibilité et ce d’autant plus que la mention « détailler comment on labourait » avec les précisions à apporter entre parenthèses démontre que cette attestation était soumise à la rédaction à partir d’un modèle pré-établi.

— une attestation de Paul Chanaud, né en 1936, dont le texte est strictement identique à celui de
Germain Negro sous la seule réserve que n’a pas été reproduite la mention « détailler comment on labourait ». Cette similitude confirme le caractère pré-établi du texte à reproduire. Un tel témoignage dépourvu de spontanéité ne peut emporter la conviction de la cour.

— les trois autres attestations, émanant de Jean
Arouxet, Valens Mafalda et Denise Pelloso qui se disent des « voisins » sont très générales, les deux dernières étant en outre strictement identiques dans la formulation des « occupations » de A Y et ne permettent pas de caractériser une participation directe, effective et non simplement occasionnelle à l’exploitation de G Y.

En toutes hypothèses, A
Y ne justifie pas d’une absence de rémunération ou de participation aux bénéfices et aux pertes pour l’activité qu’il prétend sur l’exploitation de son père.

Le fait que lors de la réunion du 27 mai 2013 en l’étude de Maître I,
Z Y,
Anna
D et F Y aient indiqué être d’accord sur les créances de salaires différés n’a aucune incidence puisque tous les héritiers co-partageants n’étaient pas parties à cet acte.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris,
A Y doit être débouté de sa demande de reconnaissance d’une créance de salaire différé dans la succession de son père.

2°/ Sur l’actif immobilier dépendant de la succession

a) Sur l’usucapion trentenaire invoqué par F Y

Il est admis que sur un terrain acquis par ses parents, sur lequel a été édifiée la maison familiale,
F Y a construit, après permis de construire sollicité en avril 1979 et démolition d’une vieille bâtisse, une maison d’habitation dans laquelle il a vécu et vit toujours avec sa famille. Il revendique à son profit l’usucapion trentenaire de ce bien immobilier, estimant que ce bien immobilier ne doit pas figurer à l’actif successoral, prescription acquisitive contestée par certains cohéritiers.

F Y occuperait cette maison depuis 1982.

En application des dispositions de l’article 2258 du code civil, la prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception de la mauvaise foi.

L’article 2261 du même code énonce que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. Le délai de prescription requis pour acquérir ainsi la propriété immobilière est de trente ans.

A la date du décès de G Y survenu en 1999, date de la naissance de l’indivision successorale, seul un délai de 17 ans s’était écoulé depuis la date d’occupation invoquée par
F
Y.

Il résulte d’un document intitulé «
Historique de la famille Y G » et que F
Y a lui-même signé ainsi que Z Y et Anna Y épouse D le 16 octobre 2013 (pièce 5 de F
Y) que :

— il a construit sa maison d’habitation sur la bâtisse existante avec l’accord des parents

— le terrain sur lequel a été construit cette maison est resté dans l’indivision

Lors du procès-verbal de carence du 27 mai 2013 établi à l’issue de la comparution à laquelle il était présent, F Y a indiqué qu’il avait élevé sur le tènement immobilier sis à Lévignac une maison à usage d’habitation qu’il occupait et dont il avait financé exclusivement la construction et qu’il avait aussi construit une autre maison, anciennement le domicile des parents. Il déclarait souhaiter se voir attribuer au terme du partage lesdites maisons outre quelques terres attenantes sur lesquelles il bénéficiait d’un bail rural.

Dans ses écritures F
Y soutient avoir réglé les taxes foncières afférentes à ce bien depuis 1983.

Or il résulte de sa pièce 12 qu’il déclare :

— le foncier de ma maison était payé à mes parents.

— au décès de mon père en 1999 je réglais le foncier à ma s’ur qui s’occupait des papiers

— au décès de ma mère j’ai réglé le foncier de ma maison plus les terres agricoles de mes parents

Il ressort de ces éléments qu’au moins jusqu’à fin 2013 F Y ne s’est jamais considéré comme propriétaire du terrain sur lequel il a édifié sa maison d’habitation. Il a demandé l’autorisation de construire à ses parents, il a jusqu’à cette date considéré que le terrain était resté dans l’indivision depuis le décès du père souhaitant se voir attribuer la maison dans le partage à intervenir. Les taxes foncières étaient réglées de leur vivant par les parents, propriétaires en titre, auxquels il remboursait la part correspondant à la maison qu’il occupait,

puis à partir de 1999, au décès du père, jusqu’en 2005, elles étaient prises en charge pour le compte de l’indivision par sa s’ur à laquelle il remboursait sa quote-part.

Ce n’est que dans le cadre de la procédure de première instance que F
Y a affirmé qu’il se considérait comme propriétaire de l’immeuble qu’il occupait.

Dés lors, Giulianno Y ne justifie pas d’une possession trentenaire non équivoque et à titre de propriétaire et, contrairement à ce qu’a décidé le premier juge, ne peut se prévaloir d’une prescription acquisitive du bien immobilier qu’il occupe, le jugement devant être infirmé sur ce point.

L’immeuble en cause, construit sur un terrain appartenant aux défunts, propriété dont ils n’ont pas été dépossédés, doit donc par accession intégrer la masse active successorale.

Giulianno Y doit en revanche être indemnisé du coût de la construction qu’il a édifiée. Dans les rapports entre coïndivisaires, le coïndivisaire copropriétaire ne peut être considéré comme tiers au sens de l’article 555 du code civil, les dispositions de ce texte n’étant pas applicables. Il convient en conséquence de faire chiffrer par voie d’expertise la plue-value apportée à la propriété des défunts par la construction édifiée par F Y sur le bien immobilier indivis, et ce à la date de l’expertise, afin que puisse être déterminée l’indemnité devant revenir à F Y au titre de cette construction à intégrer au passif de la succession.

b) Sur l’usucapion trentenaire invoqué par B Y

Contrairement à ce que soutient X Y, la demande de B Y relative à l’usucapion trentenaire du terrain sur lequel il a installé la station service qu’il a exploitée n’est pas une demande nouvelle devant la cour.

Le jugement rectificatif du 5 août 2013 a eu précisément pour objet de compléter une omission de statuer sur la prétention de B
Y tendant à voir constater par le premier juge que la possession du terrain sur lequel a été implanté son fonds de commerce de station service a été continue, non interrompue, paisible et non équivoque et à titre de propriétaire depuis 1972, situation qui caractérise, dés lors qu’elle est établie, l’acquisition de la prescription acquisitive et la qualité de propriétaire qui en résulte.

Sa demande devant la Cour qui tend à la confirmation du jugement du 6 mai 2015 tel que rectifié par celui 5 août 2015 en ce qu’il a fait droit à sa prétention de ce chef et à la seule conséquence à en tirer

quant au bénéfice de l’usucapion et à sa qualité de propriétaire exclusif est donc parfaitement recevable devant la cour.

B Y explique qu’il a créé et exploité depuis 1972 un fonds de commerce de station-service sur une partie de la parcelle située au lieu-dit Menville, terre qui lui aurait été donnée à l’époque par ses parents à côté de leur maison d’habitation.
Aucun acte de donation n’a cependant été établi. Il ne dément pas F Y en ce que celui-ci précise que
B Y a été autorisé à bâtir une station-service sur un terrain appartenant à ses parents et à l’exploiter.

Il soutient qu’il a agi à titre de propriétaire du terrain en question depuis au moins 1972 soit il y a plus de trente ans.

Il est établi que le 6 juin 1972 B Y a procédé à une déclaration de son intention d’installer commune de Lévignac lieu-dit La Manvilette en bordure du CD 17 trois dépôts distincts de liquides inflammables. Dans cette déclaration il ne revendique nullement la qualité de propriétaire du terrain.

Il est aussi établi que B Y est co-gérant avec son frère E
Y d’une SARL
Y ENERGIE exerçant une activité de station service, vente de carburants et dérivés, livraison de mazout immatriculée au RCS en 2000, à laquelle il a consenti le 19 avril 2000 un contrat de location-gérance de son fonds de commerce de station-service, vente de carburants et dérivés au lieu-dit La Menvilette 31530 Lévignac sous l’enseigne total au titre duquel il est immatriculé au
RCS.

La seule création et l’exploitation d’un fonds de commerce, bien mobilier par nature, sur un terrain appartenant à autrui, puis la mise en location-gérance de ce fonds de commerce ne caractérisent pas des actes de possession dudit terrain à titre de propriétaire.

Certes dans l’acte de location-gérance du 19 avril 2000
B Y se déclare propriétaire du terrain à l’égard de son locataire. Néanmoins, à l’époque, cette affirmation n’est pas totalement erronée, il était en effet, depuis le décès de son père survenu en 1999, copropriétaire indivis.

Il n’indique pas par ailleurs avoir assumé une quelconque charge depuis 1972 au titre du foncier.

Au regard de ces éléments, B Y ne justifie pas d’une possession trentenaire paisible, publique, continue, non équivoque et à titre de propriétaire du terrain sur lequel il a installé son fonds de commerce de station-service.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu’il a constaté le contraire et B Y doit être débouté de sa demande tendant à se voir considérer comme propriétaire par usucapion du terrain sur lequel il a créé puis exploité son fonds de commerce.

L’intégralité du terrain en question fait donc partie de l’actif successoral.

3°/ Sur les demandes d’indemnité d’occupation

En application des dispositions de l’article 815-9 du code civil l’indivisaire qui jouit privativement des biens indivis, à l’exclusion de toute jouissance des autres coïndivisaires, est redevable envers l’indivision d’une indemnité d’occupation.

En l’espèce, F et
B Y occupent privativement et exclusivement des biens indivis, l’un la maison édifiée sur le terrain appartenant aux défunts, le second la partie de terrain sur laquelle il a installé sa station-service.

Ils sont donc redevables envers l’indivision successorale d’une indemnité d’occupation.

Assimilée aux fruits et revenus cette indemnité n’est néanmoins due que dans la limite de cinq ans rétroactivement à compter de la première demande en justice ou assimilée.

En l’espèce, la première réclamation relative aux indemnités d’occupation qui pourraient être dues par F et B Y a été formulée par X
Y dans ses conclusions notifiées par
RPVA devant la cour le 3 septembre 2015.

En conséquence F et
B Y ne peuvent être déclarés redevables d’une indemnité d’occupation envers l’indivision successorale que depuis le 3 septembre 2010.

L’indemnité d’occupation doit être chiffrée au regard de la valeur locative du bien privativement occupé en tenant compte de la nature précaire de l’occupation, l’occupant ne bénéficiant pas des droits d’un locataire en titre, ce qui justifie un abattement sur la valeur locative de l’ordre de 20 %.

Il convient donc de faire évaluer par expert la valeur locative respective des biens occupés privativement par F et B Y depuis le 3 septembre 2010 et de proposer une indemnité d’occupation après abattement de 20 %.

4°/ Sur l’étendue de la mission d’expertise

L’évaluation des biens immobiliers dépendant des successions des défunts justifie l’intervention d’un expert compte tenu des nécessités d’investigations techniques déjà retenues ci-dessus. Il lui sera en outre demandé de vérifier, pour permettre la liquidation des comptes d’indivision, par qui ont été réglées effectivement les taxes foncières inhérentes aux biens immobiliers indivis et pour quels montants.

En revanche, l’expert judiciaire ne peut se substituer au notaire liquidateur dont le mandat consiste précisément à reconstituer les masses actives et passives des successions, établir les comptes d’indivision et établir les droits des copartageants.

S’agissant des donations, il appartient aux parties d’apporter des commencements de preuve de l’existence de donations et dons manuels et de donner des précisions sur ce à quoi elles se rapportent, une expertise ne pouvant être ordonnée pour suppléer leur carence. Il ne saurait donc être donné mandat à l’expert de rechercher toutes les donations reçues par l’un ou l’autre des héritiers du vivant de leurs parents.

X Y invoque néanmoins l’avantage consenti par les défunts par la mise à disposition sans contrepartie des terrains sur lesquels Giovanno Y et B
Y ont pour l’un, construit sa maison d’habitation, pour l’autre, installé son fonds de commerce de station-service. Cette mise à disposition est de nature à caractériser, si elle est effectivement sans contrepartie, non un don manuel mais un avantage indirect rapportable à la succession. Il conviendra donc de donner mission à l’expert de chiffrer depuis le début de leur occupation et jusqu’au décès d’une part de G
Y, d’autre part de Bianca Ronzani, la valeur locative de chacune des parcelles de terrain qui ont été occupées par F
Y et B Y l’un pour y édifier une maison d’habitation, l’autre pour y installer une station service.

Pour le surplus les demandes seront rejetées.

L’expertise devra s’effectuer aux frais partagés des parties.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement du 6 mai 2015 rectifié par le jugement du

5 août 2015 uniquement en ce qu’il a :

— rejeté la fin de non recevoir concernant la demande de salaire différé de A
Y

— ordonné le partage des successions de G Y et Bianca
Ronzani

— désigné Maître J K, notaire à Toulouse, pour y procéder sous la surveillance du chef de service du pôle famille du tribunal de grande instance de Toulouse

— donné d’ores et déjà divers mandats au notaire liquidateur

— précisé les modalités de son remplacement

— passé les dépens de première instance en frais de partage

L’infirme pour le surplus de ses dispositions

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes en revendication de créances de salaires différés présentées par
F Y et X Y comme prescrites

Déboute A Y de sa demande de créance de salaire différé

Déboute F et B Y de leurs revendications d’usucapion trentenaire

Dit que le terrain sur lequel F Y a édifié sa maison d’habitation et la construction édifiée sur ce terrain font partie de l’actif des successions à liquider

Dit que le terrain sur lequel B Y a installé un fonds de commerce de station-service fait partie de l’actif des successions à liquider

Dit que F et B Y sont redevables envers l’indivision successorale d’une indemnité d’occupation en contrepartie de leur occupation privative de terrains indivis depuis le 3 septembre 2010

Avant-dire droit sur les évaluations,

Ordonne une expertise

Désigne pour y procéder

M. M N 14 ave de la Paix BP1 31260 SALIES DU
SALAT

ou à défaut :

M. O P 10 rue Victor Déqué 31500
TOULOUSE

lequel aura pour mission :

1°/ d’inventorier les biens immobiliers ayant appartenu aux époux G Y et Bianca
Ronzani au vu des titres de propriété qui devront lui être remis par les parties

2°/ décrire et évaluer à la date de l’expertise lesdits biens immobiliers

3°/ chiffrer à la date de l’expertise la plus-value apportée par la construction édifiée par
F
Y sur le terrain appartenant à ses parents

4°/ déterminer la valeur locative depuis le 3 septembre 2010 d’une part, de la partie de terrain avec construction occupée par la construction édifiée par
F Y, d’autre part, de la partie de terrain occupée par le fonds de commerce de station-service créé par B Y. Proposer une indemnité d’occupation en tenant compte d’un abattement de 20% de la valeur locative

5°/ vérifier qui et pour quel montant a assumé le règlement des taxes foncières inhérentes aux biens immobiliers indivis depuis l’ouverture de chacune des successions

6°/ évaluer la valeur locative des terrains occupés respectivement par F
Y et B
Y depuis le début de leur occupation jusqu’aux décès de G Y survenu le 22 juillet 1999 et de Bianca Ronzani survenu le 25 février 2006

Dit que l’expert établira un pré-rapport de ses opérations qu’il communiquera aux parties, recevra leurs dires et y répondra

Dit que X Y, B Y, A Y, F Y, Vimer Y,
Anna Y épouse D et E
Y verseront chacun par chèque libellé à l’ordre du régisseur des avances et des recettes de la cour d’appel une consignation de 500 à valoir sur la rémunération de l’expert au plus tard le 31 janvier 2017, que ce chèque sera adressé avec les références du dossier (n° RG 15/3012) au service des expertises de la cour d’appel de Toulouse

Rappelle qu’à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque selon les modalités fixées par l’article 271 du code de procédure civile

Dit que l’expert devra déposer auprès du service expertises de la cour d’appel de Toulouse un rapport détaillé de ses opérations dans le délai de QUATRE MOIS à compter de l’avis de versement de la consignation qui lui sera donné par le greffe et qu’il adressera copie de ce rapport- y compris la demande de fixation de rémunération- à chacune des parties conformément aux dispositions de l’article 173 du code de procédure civile

Précise que l’expert adressera une photocopie du rapport à l’avocat de chaque partie

Précise que l’expert doit mentionner dans son rapport l’ensemble des destinataires à qui il l’aura adressée

Renvoi la cause à l’audience de mise en état du 9 juin 2017

Sursoit à statuer sur les demandes d’indemnités fondées sur l’article 700 du code de procédure civile

Réserve les dépens d’appel.

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

D. FOLTYN E. GRAFMÜLLER

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Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 22 décembre 2016, n° 15/03012