ADLC, Avis du 20 septembre 1994 relatif au projet d'acquisition de la société Cedest par la société Holdercim (secteur du béton prêt à l'emploi), 94-A-24

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Sur la décision

Référence :
Cons. conc., avis n° 94-A-24 du 20 sept. 1994
Numéro(s) : 94-A-24
Identifiant ADLC : 94-A-24
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Avis n° 94-A-24 du 20 septembre 1994 relatif au projet d’acquisition de la société Cedest par la société Holdercim (secteur du béton prêt à l’emploi)

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 12 juillet 1994 sous le numéro A 147, par laquelle le ministre de l’économie a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l’article 38 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, d’un projet de prise de contrôle de la société Cedest par la société Holdercim;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application;

Vu le règlement (C.E.E.) n° 4064/89 du conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises;

Vu les observations présentée par la société Holdercim et le commissaire du Gouvernement;

Vu les autres pièces du dossier;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société Holdercim entendus,

Adopte l’avis fondé sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés:

I. – CONSTATATIONS

A la suite de la notification le 24 mai 1994 à la Commission des communautés européennes par la société Holdercim de son projet d’acquisition de la société française Cedest, les autorités françaises ont demandé la mise en oeuvre de la procédure de renvoi prévue à l’article 9 du règlement (C.E.E.) du conseil n° 4064/89 susvisé.

Par décision du 6 juillet 1994, la commission a renvoyé aux autorités françaises le projet d’acquisition de la société Cedest pour ce qui concerne le béton prêt à l’emploi.

Par lettre du 12 juillet 1994, le ministre de l’économie a saisi le Conseil de la concurrence d’une demande d’avis sur ce projet de concentration.

A. – Les entreprises parties à l’opération

1° La société Holdercim, holding dont le siège est à Paris, est filiale à 80 p. 100 de la société Holdercim Pays-Bas, elle-même filiale à 100 p. 100 du groupe suisse Holderbank, et à 20 p. 100 de la société Origny Desvroise, également filiale de Holderbank.

La société Holdercim détient la quasi-totalité du capital de la société Groupe Origny, qui possède la totalité du capital de quatre filiales : Ciments d’Origny, Orsa Granulats, Orsa Bétons, Orsa Technologies.

La société Holdercim a réalisé en 1993 un chiffre d’affaires consolidé de 6 976 millions de francs, dont 1 974 réalisés en France par l’intermédiaire de la société Groupe Origny.

L’activité béton prêt à l’emploi est assurée par Orsa Bétons et ses filiales régionales qui ont réalisé un chiffre d’affaires de 734 millions de francs en 1993.

2° La société Ciments et Engrais de Dannes et de l’Est (Cedest), dont le siège est à Thionville, est une filiale à 84,5 p. 100 de la Compagnie générale d’industrie et de participations (C.G.I.P.). Elle exerce son activité dans les secteurs du ciment, du béton prêt à l’emploi, des granulats, des engrais et des grenailles.

La société Cedest a réalisé en 1993 un chiffre d’affaires consolidé de 3 635 millions de francs, dont 2 387 réalisés en France.

L’activité béton prêt à l’emploi est assurée par sa filiale – dont elle détient 100 p. 100 du capital – Ebange Béton. Cette dernière a réalisé avec ses propres filiales un chiffre d’affaires de 751 millions de francs en 1993.

B. – Le secteur du béton prêt à l’emploi (B.P.E.)

Le béton est un mélange de différents constituants : ciments, sable, graviers et eau. Le mélange de base peut être complété de composants chimiques appelés adjuvants qui entrent en très faible quantité dans le mélange pour conférer au béton des propriétés particulières.

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Il existe deux façons de fabriquer du béton:

- par des centrales industrielles : c’est le B.P.E.;

- par l’utilisateur lui-même qui installe une centrale sur son chantier.

On constate une progression de la part du B.P.E. dans la fabrication totale du béton ; de 1986 à 1993, le taux de pénétration du B.P.E. est passé de 32 p. 100 à 45 p. 100.

L’activité de production du B.P.E. est concentrée. En 1992, sur 549 producteurs de B.P.E., 47 entreprises – soit 8,6 p. du total – ont réalisé 64,5 p. 100 du chiffre d’affaires total du secteur et neuf sociétés en ont réalisé 80 p. 100. Les trois premiers producteurs : R.M. C. France, Lafarge Bétons Granulats, Arena (Ciments français) ont réalisé environ 60 p. 100 du chiffre d’affaires et leurs productions sont à peu près équivalentes.

L’activité de production du B.P.E. – est intégrée aux groupes cimentiers. Parmi les neuf sociétés ayant réalisé 80 p. 100 du chiffre d’affaires, cinq font partie d’un groupe cimentier : Lafarge Bétons Granulats, Arena (Ciments français), Vicat, Orsa Bétons (Groupe Origny), Ebange Béton (Cedest).

La demande est très atomisée et émane essentiellement des entreprises de bâtiment et de travaux publics. Le secteur des travaux publics consomme 15 p. 100 du B.P.E., le reste étant consommé par le secteur du bâtiment.

Ce sont les chantiers urbains ou péri-urbains qui font le plus appel à l’emploi de B.P.E. : logements collectifs, bureaux, zones industrielles.

Le béton se travaille en phase liquide. Lorsque l’utilisateur le commande à une centrale à béton, le béton est transporté dans des véhicules spéciaux et il ne doit pas s’écouler plus d’une heure trente entre le moment de l’introduction de l’eau et celui de la livraison sur le chantier. Le rayon d’action d’une centrale à béton est en conséquence nécessairement limité ; il est en moyenne de 25 à 30 kilomètres.1 600 centrales à béton sont implantées sur le territoire national.

II. – SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL

Sur la nature de l’opération soumise à examen:

Considérant qu’aux termes de l’article 39 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 : 'La concentration résulte de tout acte, quelle qu’en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d’une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou un groupe d’entreprises d’exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante';

Considérant que la société Holdercim s’est portée acquéreur des actions détenues par la C.G.I.P. représentant 84,5 p. 100 du capital social de la société Cedest ; que l’opération envisagée rendrait la société Holdercim propriétaire de la majorité du capital social de la société Cedest ; qu’ainsi cette opération constitue une concentration au sens des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 1986;

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Sur les seuils de référence:

Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 38 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 une opération de concentration ne peut être examinée que 'lorsque les entreprises qui sont parties à l’acte ou qui en sont l’objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 p. 100 des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d’un tel marché, soit totalisé un chiffre d’affaires hors taxes de plus de 7 milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d’affaires d’au moins 2 milliards de francs’ ; que le chiffre d’affaires consolidé réalisé en 1993 par la société Holdercim s’est élevé en France à 1 974 millions de francs ; que le chiffre d’affaires consolidé ou réalisé en France par la société Cedest pour la même année s’est élevé à 2 387 millions de francs ; qu’en conséquence la condition fixée à l’alinéa 2 de l’article 38 de l’ordonnance susvisée relative au chiffre d’affaires n’est pas remplie ; qu’il importe dès lors de rechercher si le seuil en valeur relative fixé par ce même texte est atteint sur les marchés de référence;

Sur les marchés de référence:

Considérant que, selon les sources professionnelles, le secteur du béton prêt à l’emploi a réalisé en 1992 un chiffre d’affaires hors taxes de 13 115 millions de francs ; que Orsa Bétons
- du groupe Holdercim – dont les centrales à béton sont implantées dans le Nord, l’Est, en Ile-de-France, en Normandie et dans la région Rhône-Alpes, a réalisé pour la même année 702 millions de francs, soit 6 p. 100 du chiffre d’affaires du secteur ; que Ebange Béton – du groupe Cedest – dont les centrales à béton sont implantées dans le Nord, l’Est, en Ile-de-France, en Normandie et en Bretagne, a réalisé pour la même année 751 millions de francs, soit 6,4 p. 100 du chiffre d’affaires du secteur;

Mais considérant que, comme il a été exposé ci-dessus, les caractéristiques de fabrication et les conditions de transport du béton prêt à l’emploi donnent nécessairement à ce marché une dimension locale ; que dans ce secteur le caractère onéreux des transports réduit la zone d’achalandage à une distance courte, comme l’a indiqué le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 93-D-54 ; qu’en conséquence les marchés de référence sont les marchés locaux sur lesquels les parties à l’opération possèdent une ou plusieurs centrales à béton situées dans la même zone d’achalandage;

Considérant que, selon les sources professionnelles et les éléments versés au dossier, les marchés géographiques pertinents sur lesquels les parties à l’opération possèdent une ou plusieurs centrales sont au nombre de quinze ; que sur treize d’entre eux : Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Reims, Besançon, Epinal, Lille, Dunkerque, Valenciennes, Douai, Arras, Béthune, Creil – Verberie – Compiègne, les deux sociétés ont réalisé ensemble 25 p. 100 ou plus des ventes de béton prêt à l’emploi ; que, dès lors, les conditions fixées à l’article 38 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée sont remplies;

Sur les effets de l’opération su la concurrence:

Considérant que sur le marché d’Arras la concentration conférerait au nouveau groupe une part de marché de 86 p. 100, face à un producteur indépendant ; que sur les marchés de Douai et Dunkerque le nouveau groupe détiendrait respectivement 79 et 69 p. 100 du marché ; que sur chacun de ces deux marchés il se trouverait en présence d’un producteur intégré à un

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groupe cimentier ; que sur les marchés de Béthune et Colmar la part de marché du nouveau groupe atteindrait 66 p. 100 ; que sur le marché de Béthune le nouveau groupe se trouverait en présence de deux producteurs appartenant l’un à un groupe cimentier, l’autre au groupe anglais Redland spécialisé dans les granulats ; que sur le marché de Colmar il se trouverait en présence de deux producteurs indépendants ; que sur le marché de Mulhouse le nouveau groupe détiendrait 50 p. 100 du marché, face à quatre indépendants ; que sur celui de Creil – Verberie – Compiègne sa part de marché serait de 49 p. 100 face à deux producteurs appartenant l’un à Redland et l’autre au groupe anglais R.M. C. ; que sur le marché de Strasbourg sa part de marché serait de 45 p. 100, face à un producteur intégré à un groupe cimentier représentant 21 p. 100 du marché et à deux producteurs indépendants ; que sur le marché d’Epinal sa part de marché serait de 43 p. 100, face à un producteur intégré à un groupe cimentier représentant 10 p. 100 du marché et à deux producteurs indépendants ; que sur le marché de Valenciennes sa part de marché serait de 38 p. 100, face à deux producteurs intégrés à des groupes cimentiers représentant ensemble 48 p. 100 du marché et à un producteur indépendant ; que sur le marché de Besançon la part de marché serait de 33 p. 100, face à un producteur intégré à un groupe cimentier représentant 19 p. 100 du marché et à deux producteurs indépendants ; que sur le marché de Lille sa part de marché serait de 26 p. 100, face à trois producteurs intégrés à des groupes cimentiers représentant 45 p. 100 du marché et à deux indépendants ; que sur le marché de Reims sa part de marché serait de 25 p. 100, face à deux producteurs intégrés – l’un à R.M. C., l’autre à un groupe cimentier – représentant 38 p. 100 du marché et à trois producteurs indépendants;

Considérant que les parties à la concentration, tout en acceptant le principe de la cession de centrales à béton sur certains des marchés concernés, font valoir, d’une part, qu’il n’existe pas d’obstacles structurels importants à l’entrée sur les marchés de B.P.E. et, d’autre part, que la concentration examinée laisse place à une concurrence praticable, en raison notamment de la possibilité pour un utilisateur de béton de fabriquer lui-même son propre béton;

Mais considérant que l’autoproduction de béton n’est pas techniquement ou économiquement possible pour tous les utilisateurs comme l’indique d’ailleurs le fait que le taux de pénétration du béton prêt à l’emploi qui était de 32 p. 100 en 1986 est passé à 45 p. 100 en 1993 ; que la concentration de l’offre de béton prêt à l’emploi sur certains marchés locaux et le fait que les entreprises qui y occupent une position dominante ou prééminente appartiennent à des groupes cimentiers sont susceptibles de rendre difficile le maintien de concurrents indépendants ou de dissuader de nouvelles entreprises d’entrer sur le marché ; qu’en effet les ressources financières de producteurs indépendants peuvent être sans commune mesure avec celles des offreurs intégrés à des groupes industriels ; qu’en outre, eu égard à la quasi-absence d’importations de ciment sur le territoire national, les offreurs non liés à des groupes cimentiers peuvent être dépendants, pour leur approvisionnement, de fournisseurs liés à leurs concurrents sur le marché du béton prêt à l’emploi;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sur les marchés d’Arras, de Colmar, de Mulhouse et de Strasbourg, la position prééminente de l’ensemble constitué par Cedest et Holdercim, associée à son appartenance à un groupe cimentier puissant, emporte des risques d’atteinte à la concurrence ; que tel est également le cas sur les marchés de Dunkerque, Douai, Béthune, dans la mesure où la concentration réduirait le nombre d’opérateurs à deux ou trois, les producteurs présents sur ces marchés étant tous intégrés à des groupes cimentiers;

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Considérant dès lors qu’il y a lieu, en l’absence de toute contribution au progrès économique au sens de l’article 41 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 précitée, de prescrire sur ces marchés l’adoption de mesures propres à préserver les conditions d’une concurrence suffisante ; qu’en revanche la concentration n’appelle pas d’objection sur les autres marchés,

Emet l’avis :

Qu’il y a lieu de subordonner l’approbation de la concentration notifiée aux conditions :

1° Que la société Holdercim procède, dans un délai d’un an, aux cessions d’actifs qu’elle s’est engagée à effectuer, de façon à limiter à moins de 50 p. 100 ses parts de marché à Arias, Douai, Dunkerque, Béthune, Colmar, Mulhouse, mais sans que ces opérations de cession aboutissent à la création d’un duopole sur le marché d’Arras ou au renforcement de la position des filiales des groupes présents sur les marchés de Douai, Dunkerque et Béthune;

2° Que les cessions envisagées sur le marché de Strasbourg ne contribuent pas à renforcer la position de l’autre groupe cimentier présent sur le marché.

Délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Hélène Mathonnière, M. Jenny, vice-président, présidant, MM. Blaise, Gicquel, Robin, Sargos et Urbain, membres.

Le rapporteur général suppléant Le vice-président, présidant la séance M. Picard F. Jenny

© Conseil de la concurrence

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