ADLC, Décision du 24 mars 1998 relative à des pratiques relevées dans le secteur du verre spécial au plomb destiné à l'industrie nucléaire ou à la protection contre les rayons X, 98-D-24

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Sur la décision

Référence :
Cons. conc., déc. n° 98-D-24 du 24 mars 1998
Numéro(s) : 98-D-24
Identifiant ADLC : 98-D-24
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Texte intégral

CONSEIL DE LA CONCURRENCE Décision n° 98-D-24 du 24 mars 1998 relative à des pratiques relevées dans le secteur du verre spécial au plomb destiné à l’industrie nucléaire ou à la protection contre les rayons X Le Conseil de la concurrence (section III), Vu la lettre en date du 25 mai 1994, enregistrée sous le numéro F 681, par laquelle la société Sovis a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en oeuvre par les sociétés Pilkington Special Glass et ADH Technologie dans le secteur du verre spécial destiné à l’industrie nucléaire ou à la protection contre les rayons X en radiologie médicale qu’elle estime anticoncurrentielles ; Vu le traité du 25 mars 1957, modifié, instituant la Communauté européenne ; Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par les sociétés Sovis, Pilkington Special Glass et ADH Technologie et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Sovis, Pilkington Special Glass et ADH Technologie entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés : I. – Constatations 1. Le secteur d’activité – Les intervenants ● Le secteur amont : l’offre de verre brut et le polissage du verre au plomb en France Le produit concerné par la saisine est le verre au plomb qui se caractérise par une forte densité (3,3 à 6,2 kg/cm3 contre 2,5 kg/cm3 pour un verre « normal »). Cette densité, qui confère au produit un pouvoir d’atténuation notamment des rayons alpha, bêta et gamma, permet une utilisation du verre au plomb essentiellement dans les domaines de l’industrie nucléaire et de la radiologie médicale. Après sa fabrication, le verre au plomb doit être mis en forme et poli avant utilisation. Le verre au plomb est produit essentiellement par des sociétés implantées au Japon, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Russie, en Chine et au Royaume-Uni. Dans ce dernier pays, l’essentiel de l’activité est le fait de la société Pilkington Special Glass (PSG) qui appartient au groupe anglais Pilkington, l’un des « leaders » du verre sur le plan européen. Cette entreprise, qui réalise un chiffre d’affaire annuel de l’ordre de 110 millions de francs, est spécialisée dans la fabrication de verre spécial, dont le verre au plomb RWB 46 utilisé jusqu’en début d’année 1994 par la société Sovis.

Outre la société PSG, trois autres opérateurs interviennent activement sur le plan international dans le secteur du verre au plomb : ● le groupe allemand Schott, par l’intermédiaire de sa filiale Deutsche Spezialglas AG (DES AG), société de droit allemand, ● le groupe japonais Nippon Electric Glass (NEG), ● la société Corning, filiale d’un groupe américain, qui n’intervient que dans le secteur des verres destinés à la fabrication de hublots pour l’industrie nucléaire. En France, le verre brut destiné à la revente en l’état est commercialisé par une seule entreprise, la société Schott France sise à Clichy (92), qui le commercialise soit en tant que négociant, soit en tant qu’agent commercial. Le polissage du verre au plomb est réalisé, en France, par une seule entreprise, la société Sovis, créée en 1958, qui achète du verre au plomb brut, notamment à la société Schott France, qu’elle transforme par polissage et découpe puis commercialise à des clients utilisateurs dans l’industrie nucléaire et la radiologie. ● Le secteur intermédiaire : l’offre de verre poli en France ● Les produits : Il existe deux types de produits intermédiaires qui sont : ● les dalles de verre au plomb utilisées exclusivement dans l’industrie nucléaire (fabrication de hublots anti- radiations fortes de type alpha-gamma d’une épaisseur pouvant atteindre 35 mm d’épaisseur). Dans la fabrication de ces produits interviennent les sociétés Corning, Schott et PSG. La société Corning, seul fabricant verrier français de verre au plomb destiné au secteur nucléaire, approvisionne la société Sovis avec laquelle elle a signé un accord d’exclusivité. La société ADH Technologie, approvisionnée par la société PSG, est devenue, depuis sa création, la concurrente de la société Sovis dans ce secteur sur le plan national. Le secteur concerné représenterait un volume d’activité d’environ 35 millions de francs par an. ● les feuilles de verre au plomb destinées à être utilisées, soit dans l’industrie nucléaire (fabrication de boîtes à gants avec du verre d’une épaisseur de 8 à 35 mm d’épaisseur), soit dans la radiologie médicale (verre d’une épaisseur de 5 à 16 mm destiné au montage de paravents contre les rayons X). Ce secteur connaît une forte baisse d’activité sur le plan national en raison de la réduction du programme nucléaire. Aux dires des professionnels, les deux catégories de verre ne sont pas substituables entre elles, la superposition de verres anti-rayons X ne permettant pas d’atteindre la même qualité de protection qu’avec du verre anti-radiations fortes. La société Sovis précise d’ailleurs dans ses notices techniques que, dans des cas d’épaisseur supérieures à 30 mm, la glace " Supercontryx ", fabriquée à partir de feuilles de verre au plomb et destinée à la protection des rayons X, est remplacée par des dalles en verre au plomb utilisées dans la fabrication de hublots anti-radiations. Le verre de type RWB 46, fabriqué par la société PSG et qui fait l’objet de la présente procédure, est utilisé pour la fabrication de boîtes à gants ou dans le domaine médical. Les sociétés Schott et NEG proposent des verres comparables au verre RWB 46 (codifiés respectivement RD 50 et LX 57 B). Le chiffre d’affaires du secteur du verre destiné au domaine médical sur le plan national est estimé à environ 5 à 7 millions de francs par an. Celui du verre destiné à la fabrication des boîtes à gants est fluctuant : il représenterait environ 13 à 15 millions de francs par an depuis le début des années 1990.

Selon la société PSG, le traitement du verre est " une opération facile, d’une technologie de bas niveau. Toute la technologie est chez le fabricant du verre, dans la composition, la fonte et la mise en forme ". ● Les offreurs : ● La société Sovis est une filiale de la société Saint-Gobain-Vitrage (SGV) qui emploie environ 350 personnes sur deux sites industriels (La Ferté-Sous-Jouarre et Château-Thierry) et qui a réalisé un chiffre d’affaires de 216,9 millions de francs en 1995 dont 40 % à l’exportation. Elle possède : ● une division « Float Glass » transformé (verres trempés sérigraphiés, Sécurit, verres bombés…) représentant l’activité la plus importante (120 millions de francs de chiffre d’affaires) sur le site de Château-Thierry ; ● une division optique (80 millions de francs de chiffre d’affaires) sur le site de La Ferté-sous-Jouarre. En dépit du fait que, selon le responsable de la société Sovis, " le verre au plomb trouve son origine historique chez Saint-Gobain ", ce transformateur est contraint de s’approvisionner en produit brut auprès de groupes concurrents. ● Les autres intervenants : outre la société Sovis, seule entreprise à avoir une activité industrielle en France, trois autres entreprises commercialisent le verre poli sur le territoire national : la société Schott France, les sociétés Grenier et Lemer Pax et la société ADH Technologie. La société ADH Technologie est une société anonyme créée en novembre 1993 par un ancien cadre de la société Sovis, M. Hervé Blanchard, qui détient 66 % du capital de la société, le reste étant détenu à hauteur de 33 % par M. Don Macintosh (président de la société Premise installée au Royaume-Uni, elle-même cliente de la société PSG) et à hauteur de 1 % par la famille Blanchard. Cette entreprise exerce comme activité la revente en l’état ou après façonnage, réalisé en sous-traitance, du verre au plomb acheté à la société PSG. La société ADH Technologie se présente donc comme un concurrent direct de la société Sovis. Selon les chiffres communiqués par les responsables de la société Sovis, les parts détenues par les principaux offreurs de verre poli sur le plan national seraient les suivantes : ● – dalles de verre au plomb destinées à l’industrie nucléaire : Sovis : 70 % à : 80 % ● – feuilles de verre au plomb destinées à l’industrie nucléaire : Schott France : 25 à 33 % ● : Sovis 66 à 75 % ● – verre au plomb destiné à la radiologie médicale :

NEG ADH Technologie- Schott France Sovis 1993 40 à 45 %

10 à 20 % 40 à 45 % 1994 40 à 45 % 35 % 10 % 10 à 15 %

— La demande de verre poli de type « Supercontryx » émane essentiellement d’entreprises de petite ou moyenne importance oeuvrant dans la menuiserie industrielle. 2. Les faits Le verre brut de type RWB 46, commercialisé par la société PSG, était utilisé par la société Sovis pour fabriquer un verre destiné à la protection contre les radiations des rayons X dénommé « Supercontryx ». La société PSG a déclaré par écrit, le 6 décembre 1995, qu’elle n’avait vendu le verre brut de type RWB 46 à aucun autre consommateur dans le monde qu’à la société Sovis, et ce, pour une période limitée. En novembre 1993, la société PSG informe son client de son intention de ne plus commercialiser le verre à l’état brut sur le territoire national et qu’elle accepte de livrer du verre poli avec une hausse de prix de 24 % par rapport aux prix fixés en avril 1993. Des livraisons de verre brut et poli seront cependant effectuées jusqu’à la fin du mois de mars, et ce, de manière contingentée. Les demandes répétées de la société Sovis pour obtenir des quantités supérieures de verre brut se heurtent à un refus de la part du fournisseur qui justifie sa position par un manque de rentabilité pour des capacités de production limitées. En février 1994, la société PSG, qui, jusque-là, n’était liée par aucun contrat d’exclusivité et qui avait envisagé de confier l’exclusivité de la distribution du verre poli en France à la société Sovis, signe un contrat de distribution exclusive sur le territoire national avec la société ADH Technologie. Le 23 mars 1994, la société PSG invite la société Sovis à s’adresser, à compter du 31 mars 1994, à la société ADH Technologie pour les commandes de verre poli. Le contrat d’exclusivité, applicable à compter du 1er avril 1994, porte sur la commercialisation du " verre de protection RWB46 contre les rayons X, fini et poli que ADH sera habilité à acquérir et à revendre " à l’intérieur de la zone géographique constituée par les pays suivants : France, Belgique, Confédération helvétique, Maroc, Algérie, Tunisie, Italie, Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite, Kenya, Islande, Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie et Yougoslavie. Aucune vente de verre brut n’a été effectuée sur le territoire national depuis cette date par la société PSG, y compris à son concessionnaire exclusif. Aux termes de l’article 6.2.1. de ce contrat, (traduction en langue française versée au dossier par la société ADH Technologie), ADH s’engageait à ne se procurer le produit qu’" auprès de PSG « ( » only obtain supplies of the product from PSG « ). Le prix de vente du produit était précisé dans une annexe audit contrat. Dans une lettre enregistrée le 23 septembre 1997, la société PSG a indiqué : » Le contrat de distribution exclusive conclu entre PSG et ADH le 21 janvier 1994 (le contrat « initial ») a été annulé et remplacé par un nouvel accord de distribution exclusive signé entre les mêmes parties le 2 mai 1997, prenant effet au 1er janvier 1997 (le « nouveau contrat ») " et versé au dossier la copie du nouveau contrat ainsi que la traduction, par Mme Barouch, expert agréé par la Cour de cassation, de l’ancien contrat et des clauses 6.2.4. et 7.2. telles qu’elles apparaissent dans le nouveau contrat. En préalable à la traduction du « contrat initial », la société PSG précise que « les parties ne considèrent pas que les clauses soient en violation du droit français ou européen de la concurrence » et que « les parties ont toutefois accepté de modifier lesdites clauses afin que le contrat initial ne puisse en aucun cas être réputé nul et non avenu ». L’article 6.2.4. du contrat « initial » en langue anglaise était rédigé comme suit : " not, either directly at through an agent at other third party, except with PSG’prior written consent, sell or advertise any of the product outside the

territory, or seek customers, establish a branch or maintain a distribution depot outside the territory « . Le même article 6.2.4. du nouveau contrat en langue anglaise est ainsi rédigé : » either directly at through an agent at other third party, refrain, outside the territory and in relation to the Product from seeking customers, from establishing a branch and from maintaining any distribution depot ". La société PSG, qui conteste la validité de la traduction effectuée par un expert près la cour d’appel de Paris, a versé au dossier une traduction des articles 6.2.4 et 7.2 de l’ancien et du nouveau contrat réalisée par un expert agréé par la Cour de Cassation. Ancien contrat : " 6.2. Par les présentes, ADH notamment s’interdit (….) 6.2.4. sauf consentement écrit et préalable de PSG, de vendre ou de faire de la publicité pour le produit hors du territoire, de rechercher des clients, d’établir une succursale ou de maintenir un dépôt de distribution hors du territoire, et ce, directement ou par l’intermédiaire d’un agent ou de tout autre tiers. " 7 Engagements souscrits par PSG Pendant toute la durée du présent contrat, PSG s’interdit (…..) 7.2. sauf consentement écrit de ADH, de vendre à un tiers, dans le territoire ou hors du territoire, le produit ou tout produit concurrent, sachant que ledit tiers a l’intention de vendre ou d’établir dans le territoire le produit ou ledit produit concurrent « . Nouveau contrat : » 6.2. ADH par les présentes notamment : 6.2.4. s’interdit, de rechercher des clients, d’établir une succursale ou de maintenir un dépôt de distribution hors du territoire et relativement au produit, et ce, directement ou par l’intermédiaire d’un agent ou de tout tiers « . » 7. Engagement souscrit par PSG Pendant toute la durée du contrat, PSG : 7.2. s’interdit de fournir à des utilisateurs dans le territoire le produit ou tout produit concurrent ". Il était précisé, à l’article 8.6. du contrat, que " chacune des parties s’engage à ne prendre aucune mesure qui porterait atteinte à la réglementation de la Commission européenne 1983/83 (ou toute nouvelle réglementation la remplaçant). De même, les deux parties s’engagent à prendre les mesures nécessaires au respect de cette réglementation ". L’instruction a permis d’établir que des ventes de verre poli ont été effectuées par la société PSG dans le « territoire » attribué à la société ADH Technologie, notamment en France, en dépit de l’existence du contrat d’exclusivité. Ces faits ne sont pas contestés par les parties, la société PSG ayant déclaré : " ADH avait parfaitement conscience du fait que PSG vendait dans le territoire et ne s’y est jamais opposé. (….°). Ceci résulte de l’attestation de Coopers &

Lybrand, auditeur de PSG ". Les pièces versées au dossier établissent également que la société ADH Technologie a procédé à des ventes en dehors de son territoire d’exclusivité, notamment en Espagne, suite à des commandes transmises par la société PSG Par ailleurs, la société ADH Technologie a déclaré concentrer son activité en France, en raison de son " manque de moyens ", et n’avoir enregistré aucune vente " dans les autres pays du territoire, notamment la Belgique et l’Italie ". La société Sovis n’a, quant à elle, fait état d’aucune commande adressée à la société PSG postérieurement au 1er avril 1994. Plusieurs clients de la société ADH Technologie ont déclaré au cours de l’enquête administrative que l’arrivée de cette entreprise sur le marché s’était traduite par un accroissement de la concurrence et par une sensible diminution des prix. Ainsi, le directeur commercial et le conseiller scientifique de la Société industrielle de radioprotection ont déclaré par procès-verbal du 26 janvier 1996 : " De 1989 à 1993, nous avons acheté le verre au plomb auprès de la société Schott France. Le prix de vente était élevé (….) et le fournisseur se refusait à toute baisse. Depuis 1994, nous l’achetons chez ADH Technologie. L’apparition de cette société sur le marché a entraîné une diminution sensible des prix ". De même, le président-directeur général de la société La Protection technique, a déclaré par procès-verbal d’audition en date du 19 janvier 1996 : " Nous sommes satisfaits de la situation actuelle de ce marché du verre au plomb. En effet, la concurrence joue entre les différentes sociétés, les prix de vente ont baissé et la qualité des produits reste satisfaisante ". Le gérant de la société Savouret, qui fabrique notamment des appareils anti rayons X, a également déclaré par procès-verbal d’audition en date du 25 janvier 1996 : " Le prix du m2 de verre au plomb a tendance à diminuer depuis la création de la société ADH Technologie ". II. – Sur la base des constatations qui precedent, le conseil, Sur le marché, Considérant qu’il n’est pas contesté que l’industrie nucléaire et la radiologie médicale nécessitent la mise en oeuvre de verre spécial au plomb de forte densité, destiné à limiter le rayonnement des rayons X ; qu’avant son utilisation par les fabricants de produits semi-finis ou finis, il est nécessaire que les feuilles de verre au plomb brut soient polies, découpées et parfois collées ; que les écarts de prix entre les deux catégories de verre sont de l’ordre de 100 % en raison de la durée de la phase de polissage et d’adoucissage « extrêmement longue » ; que l’offre de verre au plomb brut sur le territoire national émane principalement en Europe des sociétés allemande Schott et nippone NEG, la société anglaise PSG ayant décidé, en début d’année 1994, de procéder elle-même à la transformation du verre au plomb brut qu’elle produit et qu’elle livrait jusque-là à la seule société Sovis ; que, sur le marché national du verre au plomb poli, plusieurs offreurs se trouvent en concurrence ; que, parmi ces offreurs, seule la société Sovis importe du verre au plomb brut afin de procéder à son polissage, les autres intervenants procédant, à l’instar de la société ADH Technologie, à des achats de verre poli ; Sur le contrat de distribution exclusive signé entre les sociétés PSG et ADH Technologie, Considérant que, jusqu’en mars 1994, la société Sovis s’approvisionnait en verre au plomb brut auprès de la société PSG ; qu’un contrat de distribution exclusive relatif à la distribution en verre poli, prenant effet le 1er avril 1994, a été signé entre la société PSG, d’une part, et la société ADH Technologie, d’autre part ; qu’aux termes de l’article 6.2.4. du contrat d’exclusivité signé entre les société PSG et ADH Technologie, cette dernière s’interdisait, " sauf consentement écrit et préalable de PSG, de vendre ou de faire de la publicité pour le produit hors du territoire, de rechercher des clients, d’établir une succursale ou de maintenir un dépôt de distribution hors du territoire, et ce, directement ou par l’intermédiaire d’un agent ou de tout autre tiers " ; qu’aux termes de l’article 7 dudit contrat, la

société PSG s’interdisait quant à elle : " 7.2. sauf consentement écrit de ADH, de vendre à un tiers, dans le territoire ou hors du territoire, le produit ou tout produit concurrent, sachant que ledit tiers a l’intention de vendre ou d’établir dans le territoire le produit ou ledit produit concurrent » ; Considérant que la société PSG fait valoir, en premier lieu, que les parties au contrat, informées des dispositions du règlement n° 1983/83 du 22 juin 1983, n’avaient pas pour objet d’enfreindre les règles de concurrence ; qu’elles soutiennent également que le terme " vendre « utilisé dans le contrat ne visait que » la sollicitation active « des ventes par ADH Technologie en dehors de son territoire mais en aucun cas » les ventes passives " d’ADH Technologie, ainsi que l’atteste le fonctionnement du marché concerné ; que cette entreprise fait valoir que le règlement susmentionné n’impose pas que soit mentionnée dans le contrat la possibilité pour le revendeur de procéder à des ventes passives ; Mais considérant, en premier lieu, que le terme " vendre " figurant dans les clauses 6.2.4 et 7.2 du contrat ainsi que dans d’autres dispositions de ce contrat, est la traduction du verbe " to sell " figurant dans la version originale de ce contrat rédigé en langue anglaise ; que, contrairement à ce que soutiennent les parties, le verbe " vendre " en français, comme d’ailleurs le verbe " to sell « en anglais, concerne tout autant les ventes » actives « effectuées à la suite de démarchages que les ventes » passives " effectuées en réponse aux sollicitations de clients ; qu’en effet, le fait pour un distributeur de satisfaire la commande d’un client se traduit bien par une « vente » (« a sale »), que le client se soit spontanément manifesté ou qu’il ait été démarché par le distributeur ; que d’ailleurs, le représentant de la société PSG a estimé lors de la séance du Conseil que la clause 6.2.11 du contrat, qui interdit notamment à ADH Technologie de représenter un concurrent de PSG ou de « vendre » (« to sell ») des produits concurrents de ceux fabriqués par PSG sans l’autorisation préalable de cette dernière, s’appliquait tant aux ventes « actives » qu’aux ventes « passives » d’ADH Technologie ; Considérant, en deuxième lieu, que la clause 6.2.4 pouvait permettre à la société PSG d’interdire à la société ADH Technologie de vendre le produit à l’extérieur du territoire qui lui était concédé même en réponse à la demande spontanée d’un client situé hors de ce territoire " sauf consentement écrit et préalable " de la société ADH Technologie ; que cette clause pouvait ainsi avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun et était susceptible d’affecter le commerce entre Etats membres ; que les circonstances que la société ADH Technologie s’était vue concéder un territoire comprenant notamment plusieurs Etats membres de l’Union européenne, dont la France, qui constitue à elle seule une partie substantielle du marché commun, et que ne sont présents sur le marché communautaire du verre au plomb que la société PSG, dont il n’est pas contesté qu’elle est un des « leaders » du verre sur le plan européen et deux autres opérateurs, le groupe allemand Schott et le groupe japonais NEG, suffisent à établir le caractère sensible de l’effet potentiel de la clause critiquée ; qu’il résulte de ce qui précède que cette clause est prohibée par l’article 85 paragraphe 1 du traité de Rome ; qu’il n’est en revanche pas établi que ladite clause, qui s’appliquait uniquement aux conditions dans lesquelles ADH Technologie pouvait vendre à l’extérieur de sa zone concédée, laquelle incluait l’ensemble du territoire français, pouvait avoir pour effet de limiter ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché national ; qu’en effet, aucun élément du dossier ne permet de supposer que des réimportations de verre vendu par ADH Technologie à des clients situés en dehors de sa propre zone d’exclusivité auraient pu être effectuées dans des conditions concurrentielles sur le marché national et que cette clause aurait eu pour objet ou pour effet de permettre de telles réimportations ; que la clause examinée n’est donc pas prohibée par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; Considérant, en troisième lieu, que la clause 7.2. du contrat du 1er avril 1994 pouvait avoir pour effet de priver un client situé sur la zone concédée à ADH Technologie de la possibilité de faire appel à un distributeur du réseau commercial de PSG situé en dehors de cette zone pour obtenir du verre au plomb destiné à l’industrie nucléaire ou à la radiologie médicale ; qu’en effet cet autre distributeur pouvait, par le jeu de cette clause, se voir refuser par la société PSG la livraison du verre destiné à satisfaire la commande d’un client localisé sur la zone concédée à ADH Technologie ; qu’ainsi cette clause pouvait avoir pour effet de conférer à ADH une protection territoriale

absolue ; que cette clause est prohibée par les dispositions de l’article 85 paragraphe 1 du traité de Rome ; qu’en outre en protégeant ADH Technologie contre les importations passives de produits fabriqués par PSG, une telle clause pouvait avoir pour effet de restreindre la concurrence sur le marché français du verre au plomb, marché sur lequel la société ADH Technologie détenait, en 1994, une part égale à 35 % ; que, par suite, cette clause est également prohibée par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; En ce qui concerne l’application du 2 de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 : Considérant que le 2 de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ; que ces pratiques ne doivent imposer des restrictions à la concurrence que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès » ; Mais considérant que le contrat entré en application le 1er avril 1994 n’a pas fait l’objet d’une notification auprès de la Commission européenne ; qu’il ne peut donc bénéficier des dispositions de l’article 85 paragraphe 3 du traité de Rome ; que si, comme le démontrent les résultats de l’enquête effectuée auprès des clients d’ADH Technologie, l’entrée de cette dernière sur le marché a pu avoir pour effet d’accroître le degré de concurrence en abaissant le niveau des prix, il n’est pas établi que l’introduction des clauses litigieuses figurant dans le contrat signé entre les sociétés PSG et ADH Technologie était nécessaire à l’amélioration du jeu de concurrence ; qu’il en résulte qu’il ne peut être fait application des dispositions du 2 de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; Sur les sanctions : Considérant qu’aux termes de l’article 13 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d’inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation de l’entreprise ou de l’organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. cent du montant du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. (…..) » ; En ce qui concerne la gravité des pratiques : Considérant que les clauses critiquées ont été introduites dans le contrat d’exclusivité conféré par la société PSG à la société ADH Technologie à une époque à laquelle la société PSG entendait renforcer sa présence sur les marchés nationaux concédés ; qu’il n’est pas contesté que même si ces pratiques pouvaient avoir pour effet de restreindre la concurrence entre ADH Technologie et les autres distributeurs du réseau commercial de PSG, l’exclusivité concédée à ADH Technologie a par ailleurs permis à PSG d’intensifier la concurrence sur le marché des produits en cause, ce dont atteste l’évolution des prix à la baisse reconnue par les acheteurs ; que dans ce contexte la pratique prohibée ne revêt pas un caractère de gravité manifeste ; En ce qui concerne le dommage à l’économie : Considérant qu’aucun élément figurant au dossier ne permet d’établir que les clauses critiquées ont été mises en

oeuvre ; qu’à cet égard la société Sovis n’a produit aucune commande de verre poli à la société PSG postérieure au 1er avril 1994, date d’entrée en application du contrat d’exclusivité signé avec la société ADH Technologie ; que la circonstance que par divers courriers en date des 22 février 1994, 23 février 1994 et 23 mars 1994, la société PSG ait invité la société Sovis à se rapprocher de la société ADH Technologie pour des commandes de verre poli effectuées « après le 31 mars 1994 » n’établit ni que PSG aurait empêché ADH Technologie de répondre à la demande passive de clients situés en dehors de son territoire de concession, ni que la société PSG aurait refusé de livrer des distributeurs de son réseau autres que ADH Technologie au motif que ceux-ci répondaient à une demande d’un client situé sur le territoire concédé à ADH Technologie ; qu’en outre l’enquête n’a révélé aucun refus de livraison de la part de la société PSG à ADH Technologie postérieurement au 31 mars 1994 que ce soit pour des livraisons sur le territoire concédé ou pour celles concernant des ventes en dehors dudit territoire ; qu’enfin la société PSG fait valoir, sans être contredite, qu’elle a " fourni des clients situés à l’intérieur du territoire d’exclusivité à ADH " et, en particulier, la société Lemer Pax ; que dès lors, si les articles litigieux du contrat de distribution exclusive liant PSG à ADH Technologie recelaient une potentialité d’effet anticoncurrentiel, le dommage à l’économie a été limité ; qu’en outre les parties ont elles-mêmes modifié le contrat d’exclusivité en remplaçant l’ancien contrat par un nouveau contrat prenant effet le 1er janvier 1997 et ne comportant plus les articles litigieux ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’infliger de sanctions pécuniaires à la société PSG et à la société ADH Technologie ; qu’il y a seulement lieu de prendre acte du fait que les sociétés PSG et ADH Technologie ont supprimé les clauses pouvant interdire à PSG et à ADH Technologie de procéder à des ventes passives qui figuraient dans le contrat d’exclusivité appliqué depuis le 1er avril 1994 ; DÉCIDE Article 1er : Il est établi que les sociétés PSG et ADH Technologie ont enfreint les dispositions des articles 85 paragraphe 1 du traité de Rome et 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986. Article 2 : Il est pris acte que les sociétés PSG et ADH Technologie ont supprimé les clauses pouvant avoir pour effet d’interdire aux sociétés PSG et ADH Technologie de procéder à des ventes passives. Article 3 : Il n’y a lieu ni à sanction pécuniaire, ni à injonction à l’égard des sociétés PSG et ADH Technologie. Délibéré, sur le rapport de M. Jean-René Bourhis, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse et Jenny, vice-présidents, Mme Boutard-Labarde, MM. Robin, Rocca, Sloan, Thiolon et Urbain, membres. Le rapporteur général, Le président, Marie Picard Charles Barbeau © Conseil de la concurrence

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