ADLC, Décision 05-D-61 du 09 novembre 2005 relative à des pratiques relevées à l'occasion de marchés de construction de l'autoroute A 51 dans le département de l'Isère

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Sur la décision

Référence :
Cons. conc., déc. n° 05-D-61 du 30 nov. 2005
Numéro(s) : 05-D-61
Textes appliqués :
420-1
Identifiant ADLC : 05-D-61
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Décision n° 05-D-61 du 9 novembre 2005 relative à des pratiques relevées à l’occasion de marchés de construction de l’autoroute A 51 dans le département de l’Isère Le Conseil de la concurrence (section II), Vu la saisine ministérielle, enregistrée le 24 décembre 1999 sous le numéro F 1197, par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées à l’occasion de la passation de marchés relatifs à la construction de l’autoroute A 51 dans le département de l’Isère ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n°86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d’application de l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986, et le décret 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d’application du livre IV du code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés AREA, Scétauroute, Guintoli, EHTP, GTS, et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, et les sociétés Scétauroute, Guintoli, EHTP, GTS entendues lors de la séance du 5 octobre 2005, la société AREA régulièrement convoquée.

I. Constatations 1. La réforme du système autoroutier décidée par le gouvernement en février 1994 a prévu l’élaboration de contrats de plan conclus entre l’État et les sociétés concessionnaires de ces infrastructures pour une durée de cinq ans (1995-2000). Le contrat entre l’État et la Société des Autoroutes Paris Rhin Rhône (ci-après SAPRR) et sa filiale, la société des autoroutes Rhône-Alpes (ci-après AREA) a été signé le 19 décembre 1994. Il portait sur un programme d’investissement global de dix-sept milliards de francs. 2. Le département de l’Isère était, notamment, concerné par l’opération de construction de l’autoroute A 51 pour sa partie Grenoble-Col du Fau, soit un tronçon de 26 kilomètres. Les maîtrises d’ouvrage et d’œuvre des travaux visés par la présente décision ont été confiées, respectivement, aux sociétés Autoroutes Rhône-Alpes (ci-après AREA) et Société Centrale d’Études et de Réalisations Routières (ci-après Scétauroute). 3. Par ailleurs et afin de pouvoir réaliser quelques travaux de construction du tronçon de l’autoroute A 51, dix-neuf entreprises du Sud Isère, spécialisées dans les travaux routiers, se sont regroupées en 1994 au sein d’une association intitulée : "Association pour la défense de l’emploi et pour le développement des entreprises de travaux publics du Sud Isère" (ci-après ADESI). En 1996, certaines de ces entreprises se sont associées dans le cadre d’une SARL dite "Société de Gestion des Entreprises du Sud Isère" (ci-après SOGESI) destinée à gérer les marchés de travaux octroyés à ses membres au travers, notamment, de deux sociétés en participation. A. PRÉSENTATION DES SOCIÉTES AREA, SCETAUROUTE, ADESI ET SOGESI 1. AREA ET SCETAUROUTE a) AREA 4. La société AREA est une société anonyme d’économie mixte, filiale de la Société des Autoroutes Paris Rhin Rhône (SAPRR). 5. Pour les marchés et commandes, AREA est soumise au décret n°93-584 du 26 mars 1993 relatif aux contrats visés au I. de l’article 48 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques qui dispose que: "Les contrats des travaux, d’études et de maîtrise d’œuvre conclus pour l’exécution ou les besoins du service public par les sociétés d’économie mixte, en leur nom ou pour le compte des personnes publiques, sont soumis au principe de publicité et de mise en concurrence prévus par le code des marchés publics dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État". 6. Sa vocation consiste non seulement à mettre à la disposition de clients usagers des voies de déplacement rapide (service public d’aménagement du territoire) mais aussi, et en contrepartie, de bénéficier de redevances de péage (contrat de concession de service public à but lucratif) assurant un retour sur investissement des travaux engagés par cette société et

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des bénéfices ou des pertes d’exploitation comme toute entreprise intervenant sur un marché. b) SCÉTAUROUTE 7. La SA Scétauroute a été retenue par AREA comme maître d’œuvre pour la construction de l’autoroute A 51. Sa mission a fait l’objet d’une convention du 28 juillet 1993 intitulée : "Convention d’assistance à maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre« qui précise en son article 1er que : »Le présent contrat a pour objet un ensemble de prestations (études, essais et contrôles) nécessaire à l’exercice des trois missions suivantes concernant la réalisation des opérations de construction d’autoroute (…) : la mission d’assistance au maître d’ouvrage pour l’ensemble de l’opération, la mission de maîtrise d’œuvre pour l’ensemble de l’opération (…) et les missions d’accompagnement". L’article 6 expose, quant à lui, les modalités de "règlement des honoraires". 2. ADESI ET SOGESI a) L’ADESI Composition et objet de l’association 8. Cette association, réunissant dix-neuf entreprises du Sud Isère spécialisées dans les travaux routiers, a été créée le 24 février 1994 et ses statuts déposés à la préfecture de l’Isère le 7 mars 1994. Le conseil d’administration est constitué par les 19 membres fondateurs représentant les entreprises suivantes : Barassi, Carron, Colas, Converso, Coquand, E.B.T.P, Fileppi, Gerland, Jean Lefebvre, Montaner, Pascal, Pélissard, Royans Travaux, Sacer, S.C.B.T.P, SCREG, Sonzoni, SOPERA et Midali. Le bureau désigné par le conseil d’administration est composé comme suit : deux co-présidents, MM. Christian X… et Michel Y…, respectivement responsables des sociétés Barassi et Colas Rhône Alpes ; deux vice-présidents : MM. Charles Z… et Jean-Paul A…, respectivement responsables des sociétés Gerland et Montaner ; une secrétaire : Mme Christine B… (société Pélissard) ; un trésorier : M. Jacques C… (société Jean Lefebvre). 9. A propos de l’ADESI, M. Christian X…, son co-président, a déclaré : "Le but de l’association était de faire du lobbying auprès des donneurs d’ordre pour obtenir des travaux pour l’ensemble des entreprises adhérentes. Il était convenu dès le départ que les travaux obtenus par l’un ou l’autre des adhérents suite aux démarches entreprises dans le cadre de l’ADESI et à partir de février 1996 dans le cadre de SOGESI seraient réalisés par l’ensemble des adhérents, il s’agi[ssai]t d’un engagement moral". 10. Les statuts de l’ADESI indiquent quant à eux que : "L’objet [de cette association] est la promotion de l’image et de l’identité économique des entreprises de travaux publics implantées en Sud Isère, notamment dans la perspective d’obtenir les grands travaux programmés ou à venir, afin de mettre en valeur et de développer les ressources économiques de la région". 11. Dans le cadre de cet objet, l’ADESI peut, notamment : "Représenter ses membres auprès des instances publiques ou professionnelles et auprès de tous les organismes mis en place à l’occasion de la réalisation de grands travaux, organiser toutes manifestations, et plus généralement engager toute action commune propre à réaliser son objet, à condition qu’elle n’ait pas directement ou indirectement un caractère commercial (…)".

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L’ ADESI dans le Sud Isère 12. L’ADESI se présente, sur un document adressé à l’ensemble des élus du département de l’Isère, de la manière suivante : "L’ADESI, qui représente 19 entreprises, 2289 salariés dont 75 cadres, 1 485 MF F de C.A, 920 camions et engins de chantier soit 1 milliard d’investissement, souhaite l’accès direct aux marchés des Grands Travaux pour ses entreprises, un fractionnement des travaux en lots inférieurs à 40 MF". D’après les déclarations du 17 mars 2004 de M. Michel Y…, co-président de l’ADESI, "cette association réunissait toutes les entreprises [de travaux publics] grenobloises". 13. A titre de comparaison et d’après la Fédération Régionale de Travaux Publics Rhône-Alpes (FRTPRA), la région comptait à l’époque des faits un peu plus de 1 300 entreprises ou agences de travaux publics (29 422 salariés) réalisant un chiffre d’affaires de 19 292 MF HT, soit 12 % des travaux publics "France entière". A l’échelle du département de l’Isère, selon les informations fournies par la FRTPRA (services identification professionnelle et enquêtes), le nombre d’entreprises recensées en mars 2004 est de 189, dont 118 clairement identifiées comme intervenant dans le secteur des travaux publics. Bien que cette étude soit récente et ne concerne que les adhérents de la FNTP FRTPRA 38 (Isère), elle permet néanmoins d’appréhender le poids relatif de l’association au niveau départemental. 14. Le co-président de l’ADESI, M. X…, confirme cette approche. Il indique, en effet, que "selon les informations"qu’il a pu avoir,"on peut estimer à 10 à 15 % l’activité BTP en Isère que [les entreprises ADESI] représentent". Les conditions d’adhésion à l’ADESI 15. Aux termes de l’article 3 des statuts de l’association, seule peut devenir membre de l’association : "Toute personne physique ou morale exerçant l’activité d’entreprise de travaux publics à condition qu’elle soit implantée en Sud Isère avant le 1er Janvier 1992 et sous réserve de son admission dans les conditions prévues à l’article 4 des statuts« . Ils indiquent également que : »Nul ne peut adhérer à l’Association sans avoir été préalablement agréé par le conseil d’administration de l’Association. Les décisions de ce dernier ne sont pas motivées. L’agrément est toujours donné en considération de la personne, du ou des dirigeants de l’entreprise candidate et, s’il s’agit d’une société, de celle de son ou de ses principaux associés ou actionnaires. Toute modification dans la direction ou la propriété des entreprises membres remet en cause leur appartenance à l‘Association et les contraint à obtenir du conseil d’administration un nouvel agrément". 16. Le règlement intérieur de l’ADESI expose, quant à lui, que : "Pour être membre de l’association, toute personne, physique ou morale, devra disposer de moyens de production locaux« (article 3, admission) et que : »Nul ne peut adhérer à l’association, sans son appartenance, en tant que membre, à la Fédération du bâtiment et des travaux publics de l’Isère. Il s’inscrit dans le droit général des objectifs fixés par les statuts de l’ADESI" (article 4, incompatibilité). 17. S’agissant des demandes d’adhésion d’entreprises, seul le compte rendu de la cinquième réunion de l’ADESI évoquait la demande d’adhésion de la Société Chimique des Routes (SCR) : "Monsieur X… t fait part d’une lettre de Gerland proposant une demande d’admission à notre association, de la Sté Chimique de la Route. Monsieur A… pense qu’il faut d’abord l’accord des routiers membres, c’est peut-être à eux de décider. Monsieur D… (Sacer) propose d’examiner les conséquences de cette acceptation ou de ce refus. Monsieur A… précise le soutien de la Fédération à notre association, il faut être membre de celle-ci pour être admis à l’ADESI – Groupe GME. ??? Étendre ou pas ----Il est décidé de reporter la décision au prochain Conseil, de convoquer la Sté Chimique de la route à

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une réunion de bureau dans 3 semaines environ". Dans les faits, la SCR n’a adhéré ni à l’ADESI ni à l’entité de gestion SOGESI créée par la suite. M. X…, président de l’ADESI a précisé, à cet égard, que la demande d’adhésion de SCR "ét[ait] restée sans suite". 18. En outre et d’après les déclarations de M. Michel Y…, co-président de l’ADESI, "il n’y a pas eu de refus d’adhésion". Mais il reconnaît ne pas être en mesure de fournir la preuve de cette affirmation. L’enquête administrative, quant à elle, ne fait état d’aucun cas de refus d’adhésion d’une entreprise, locale ou non, au sein de l’ADESI. 19. Il est en revanche, fait mention de la candidature orale de l’entreprise Budillon Rabatel Travaux au sein de l’ADESI lors de la réunion du 5 mai 1994. Cette demande sera officiellement acceptée par les membres de l’association en juillet 1994. L’entreprise Budillon s’est, d’ailleurs, présentée en groupement ADESI pour répondre à un appel d’offres relatif à la construction des têtes du tunnel du Petit Brion. Les retraits de l’association 20. Par lettre du 5 août 1994, l’entreprise Royans-Travaux a fait connaître à l’ADESI les motifs de son retrait : "Après plusieurs mois de fonctionnement de l’Association, il apparaît que la position de notre entreprise au sein de l’ADESI risque d’être très ambiguë. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes filiale du groupe Fougerolle et que les entités génie civil et terrassements de notre groupe seront présentes sur ces appels d’offres. Vous savez qu’il n’est pas dans nos habitudes de mener un double langage vis-à- vis de nos confrères. Pour ces raisons, nous demandons à nous retirer de l’Association". Ce retrait officialise l’attitude commerciale de l’entreprise Royans-Travaux qui a, systématiquement, répondu aux appels d’offres en association avec l’entreprise Fougerolle. L’action de l’ADESI au plan local 21. Les délibérations du conseil d’administration ont fait l’objet de procès-verbaux, transcrits sur un registre spécifique. Ces documents permettent de circonscrire les actions entreprises par l’ADESI, ainsi que les décisions prises. 22. Le compte rendu de la réunion de l’ADESI du 23 février 1994 fait état des diverses actions à mener pour faire connaître l’ADESI tant auprès de personnalités que de fonctionnaires, d’élus et d’« institutionnels » : "OBJET : "faire connaître l’Association – A qui ?- Scétauroute
- ARÉA- Tous les élus du tracé". SCETAUROUTE : MM. E… & F… ; AREA : Rendez-vous à prendre avec Monsieur J-G G… – Administrateur de L’AREA (Monsieur A… s’en occupe). PREFECTURE : Préfet, Sous-Préfet : M. H…, ADMINISTRATION ET ELUS SYNDICAUX, M. I…, M. J…, M. K…, M. L… Directeur Général Services du Département, M. M…, LES MAIRES DU TRACE- M. N… (CLAIX), Mme O… (VARCES),- M. P… (VIF)- M. Q… (ST. MARTIN DE LA CLUZE)- Mme R… (AVIGNONET)- M. S… (CHABUEL MONESTIER)- M. T… (ST. PAUL les MONESTIER)- M. U… (FINET TREFFORT CCI); ELUS SYNDICATS- Président SIVOM VIF; Président SIVOM MONESTIER; – Président SIVOM COYNELLE; Présidents SAT DIVERS : – Comité de suivi & de concertation de l’A.51. – Concurrence et les prix
". 23. Ce document fait, également, le point sur les résultats des démarches déjà entreprises : (…) "Monsieur V… a rencontré Scétauroute, ils préfèrent un seul chantier – Leurs arguments, les petites entreprises investissent trop pendant les gros travaux, après problèmes. Réponse : ils ont investi, il faut maintenant faire tourner le matériel. Programmation : 2 marchés – 1 de 150 millions – 1 de 50 millions. Pour le lot de 150 millions : tous les petits ouvrages, déviation, etc… nous demanderons plusieurs lots. Monsieur X… a rencontré monsieur G… : il faut donner des éléments chiffrés pour nous défendre auprès de l’AREA.

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(…) Pour le secrétariat, la Fédération risque de diffuser à d’autres membres non adhérents à l’Association – danger – madame B… s’occupera seule du secrétariat". 24. Le compte-rendu de la réunion de l’ADESI n° 3 du 24 mars 1994 relate les rencontres intervenues entre les responsables de l’ADESI, de la DDE et la DDAF : « Le DDA souhaite travailler avec les entreprises locales toutes choses égales par ailleurs ». Il fait, également, état de suggestions de la part des représentants de l’ADESI relatives aux procédures de choix des entreprises. M. W… de la D.D.E. "conçoit que l’on pourrait retenir en appel d’offres le mieux disant et non le moins disant (…)". 25. Le compte-rendu du 31 mars 1994 a trait à une réunion du bureau de l’ADESI qui s’est déroulée à la CCI de Grenoble au cours de laquelle les responsables de l’ADESI ont rencontré, notamment, M. F…, directeur du projet pour Scétauroute. Il indique que "Messieurs 1…, et 2… y participaient. Dans un premier temps, Messieurs E… et F… refuseraient l’hypothèse de lancer plusieurs lots. Peut-être, deux lots pour les têtes de tunnel – (50 millions) à suivre (…)". 26. Le compte-rendu de la réunion de l’ADESI n°4 du 7 avril 1994 concerne des rencontres, ayant eu lieu le 7 avril 1994 d’une part entre l’ADESI et M. M…, ingénieur à la DDE de l’Isère : (…) "Monsieur M… qui connaît l’existence de l’ADESI, nous suggère : "[qu’il]

faut démontrer à Scétauroute et AREA. que vous êtes capables d’effectuer vous-même certains lots, il est peu favorable à la pression des élus sur Scétauroute et AREA ; il reconnaît une forte régression des travaux communaux ou départementaux ; il nous recommande d’être présents sur les grands travaux ; il nous précise toutefois que la part du capital du département à l’AREA. est de : 200 000 F, il nous accorde son soutien, en précisant que ses rapports avec F… sont excellents, par contre, monsieur 3… est intraitable … serait plus facile de négocier avec le Président 4… ou monsieur 5…", et d’autre part, entre l’ADESI et M. F… de Scétauroute (…) : "Monsieur F… a été informé de notre association et nous propose plusieurs pistes, mais reste très réticent sur l’allotissement des travaux. : – promouvoir les travaux,- se placer,- plusieurs petits marchés annexes : déplacement réseaux – assainissement – pipe line, etc…- gros marchés : stratégie, ne pas négliger les nationaux… co-traitant – sous-traitant…« . 27. La suite du compte rendu indique : »Lors de cette réunion, Monsieur A…, de l’entreprise Montaner a proposé que soit réservé "un % locaux", ex. : 10 % – réponse – irrégulier. Par contre les nationaux auront souci d’associer les entreprises locales. Le projet se chiffre à environ 2 milliards 100, pour les Nationaux 1 milliard 700, restera pour les locaux 200 à 300 millions« . Il poursuit : »Dans un premier temps, nous avons obtenu de convenir un rendez-vous avec monsieur F… tous les trois mois, pour une information précise du lancement des travaux« . 28. De son côté, le chef du projet chez Scétauroute a déclaré : »Courant 1993, j’ai reçu me semble-t-il Madame B… et Monsieur X… qui, en tant que secrétaire et président de l’association pour la défense de l’emploi et pour le développement des entreprises de travaux publics du Sud Isère (ADESI), sont intervenus auprès de Scétauroute pour se renseigner sur les projets en cours. Leur demande d’allotissement des marchés en lots réalisables par leurs entreprises n’a pas abouti". 29. La première partie du compte-rendu de la réunion de l’ADESI n°5 du 21 avril 1994 fait le point sur les nouvelles démarches entreprises auprès des élus par le président de l’ADESI. Le 13 avril 1994, il est intervenu auprès de M. G…, vice-président du conseil général de l’Isère, président de la commission des travaux. Ce dernier a relayé le message au niveau ministériel : "Monsieur G… a rendez-vous cet après midi à Paris avec Monsieur 6…,

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Ministre, il nous promet de parler de notre association, et pourquoi pas d’essayer que l’État impose à l’AREA, l’accès direct à certains marchés, pour les entreprises locales". 30. Outre l’élaboration du règlement intérieur de l’ADESI, s’agissant de l’adhésion de nouveaux membres, le compte-rendu de la réunion du bureau de l’ADESI du 28 avril 1994 porte également les mentions suivantes : "ECHOS : Scétauroute aurait dit : ADESI est incontournable (Campenon-Bernard). A VOIR : 5 ou 6 nationaux, pour réserver 30 à 40 % des travaux à ADESI Solution de repli : opportunité des grands travaux, prendre les devants : envisager peut-être des contacts avec les Grands Groupes". 31. Il ressort de ce compte rendu que l’ADESI a envisagé, dès le mois d’avril 1994, de prendre des contacts avec les entreprises nationales pour espérer avoir accès aux marchés. Par la suite, et d’après les déclarations du co-président de l’ADESI : "Les entreprises nationales ont contacté, avant la demande d’admission, certaines entreprises de l’ADESI. Je suppose qu’il s‘agit du résultat du travail commercial entrepris par l’ADESI". 32. Sur ce point, les circonstances de l’affaire révèlent qu’à partir du 30 août 1994, date de l’appel d’offres pour les travaux de la plaine de Reymure, les groupements constitués dans le cadre de l’association sont, effectivement, associés à des entreprises nationales. 33. Le compte-rendu de la réunion de l’ADESI n°6 du 5 mai 1994 concerne des actions de promotion programmées auprès des décideurs et fait état d’une possibilité de fragmentations des marchés : "Allotissement, voir nos arguments, pour demande de lots séparés (géographiquement ou autres), une rencontre sera peut-être envisagée pour définir ces lots, et ce avant le 10 juin 1994. On peut aussi réfléchir à une procédure d’appel d’offres combinée, lots annexes, consultation à part. Il ne faut pas oublier que nous sommes représentatifs au regard de l’AREA (…)". 34. A l’occasion de la réunion de l’ADESI du 19 mai 1994, les déclarations suivantes, émanant de M. Christian X…, co-président de l’association, ont été consignées : "Il faudrait demander des lots de 20 à 40 millions de Francs (…)" et : (…) "Souhaiterais qu’une personne suive le dossier A 51 de plus près, voire même directement à Scétauroute, il faudrait connaître exactement l’organigramme de Scétauroute. Une rencontre avec les patrons des Nationaux devrait s’envisager".

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35. Les autres faits connus de l’action peuvent être synthétisés comme suit :

10.06.94 Convocation de l’ADESI pour une réunion le 16.06.94 chez Barassi : Conseil d’administration et assemblée générale 03.08.94 Télécopie de M. X… adressée à Converso "objet : candidature AREA du 30.08.94 réunion le 18.08 chez Barassi« . 19.09.94 Télécopie »message : dossier AREA. Réunion le 22.09.94 – chez Barassi- « présence indispensable ». 19.10.94 Télécopie "message : dossier AREA. Réunion le 27.10.94 – chez Barassi- "présence indispensable". 17.11.94 Réunion chez Barassi. Ordre du jour : appel candidature AREA du 1er décembre et compte rendu de la réunion tenue avec M F.. ; 07.07.95 Réunion à la mairie de Treffort. Ordre du jour : Rapport du président, approbation des comptes et questions diverses 01.08.95 Réunion chez Barassi . Ordre du jour : questions diverses 29.11.95 Réunion à la Fédération du BTP. Ordre du jour : démission du président et questions diverses 04.12.95 Réunion chez Barassi . Ordre du jour : questions diverses 11.12.95 Réunion chez Barassi pour création éventuelle d’une SARL 18.12.95 Réunion à la Fédération du BTP. Projet de mise en place d’une structure commune A 51 par la suite SOGESI 27.12.95 Réunion chez Carron. Ordre du jour : mise en place SA, convention règlement intérieur. Questions diverses 29.02.96 Réunion à la Fédération du BTP. Ordre du jour : Conseil d’administration 13.05.96 Réunion afin de créer un compte d‘exploitation courant entre associés de la SOGESI à la suite de l’attribution des marchés La formation des groupements au sein de l’ADESI 36. La déclaration du 16 mars 1999 de M. X… indique que : "Ces groupements constitués dans le cadre de l’ADESI [étaient] complémentaires et ont été constitués par affinité (…)". 37. Un document a été saisi chez Converso en mars 1999, soit un peu moins de deux années après l’attribution du dernier marché visé par la saisine (septembre 1997). Il ne porte pas de date et les conditions de son élaboration ne sont pas connues. Il se lit par colonnes.

A 51 – GROUPEMENTS ADESI PASCAL COLAS Sacer LEFEBVRE GERLAND SCREG BUDILLON Converso SCBTP MONTANER BARASSI SOPERA Coquand FILEPPI CARRON Midali SONZONI PÉLISSARD EBTP ROYANS-TRAVAUX 38. La constitution du groupement Colas pourrait se situer, temporellement, après l’adhésion de l’entreprise Budillon Rabatel Travaux au groupement qui figure sur le document, et avant le 5 juillet 1994, date limite de remise des offres en réponse pour la réalisation des travaux de terrassement relatifs à la construction des têtes du tunnel du petit Brion et des accès de chantier. En effet, les entreprises Colas Rhône Alpes, Sorrel BTP, Sonzogni, et Budillon Rabatel ont répondu en groupement conjoint.

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b) LA SARL SOGESI 39. Aux termes de l’article 2 des statuts du 12 février 1996, la SOGESI, dotée d’un capital social de 100 000 francs,"a pour objet en France et à l’étranger : tout ou partie de la mission de maîtrise d’œuvre et d’ingénierie dans le domaine des travaux publics, tous travaux de bureaux d’étude dans le domaine des travaux publics, tous travaux de pilotage d’ouvrage, à savoir : l’organisation de chantiers, le coût des interventions des entreprises, les comptes de prorata,- etc". 40. S’agissant de la définition du rôle de cette société, M. Christian X… a, dans sa déclaration du 16 mars 1999, indiqué : "SOGESI (…) a été créée pour assurer la gestion en commun des travaux obtenus par les actionnaires, ce que l’ADESI en tant qu’association ne permettait pas. En fait, l’activité essentielle de SOGESI, dont le gérant administratif était monsieur 7… t, a été de gérer les deux sociétés en participation (SEP Barassi et SEP Carron)"(…) "Dans la mesure du possible, la part des travaux à réaliser par chaque entreprise, dans le cadre d’un compte d’exploitation commun devait correspondre aux nombres de parts détenues dans la SARL". 41. La SARL était composée initialement de douze actionnaires : Carron, (12,90 %), Barassi (8,60 %), Converso (8,60 %), Coquand (8,60 %), Fileppi (8,60 %), Montaner (8,60 %), Pélissard (8,60 %), Sonzogni (8,60 %), Midali (7,50 %), Sorrel-Sopéra (7,50 %), Budillon Rabatel Travaux (6,45 %), EBTP (5,45 %). 42. Six sociétés, adhérentes de l’ADESI (Colas, Gerland, Lefebvre, Screg, Sacer et Pascal) ne sont pas devenues associées. 43. La SARL SOGESI a cessé son activité le 31 décembre 1998. L’entreprise Carron en a été le liquidateur. Le tableau ci-après permet de constater que les objectifs de SOGESI ont été atteints en partie : l’ensemble des associés a participé aux travaux obtenus soit en co-traitance, soit en sous-traitance pour un montant total de 29 327 945 F HT. S’agissant des parts de travaux réalisées, il s’avère qu’en fin d’exploitation elles ne correspondent plus au nombre de parts sociales détenues par chacun, contrairement au projet initial de la Sarl SOGESI.

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"Énergies récapitulatives au 31 décembre 1996" Actionnaires Parts Sociales Energie Energie Parts Sociales Energie réalisée au 12-02-96 réalisée au 31- réalisée au 30- de 1996 au Au 31.12.98 12-96 11-97 31.12.98 Carron 12,90% 9,95% 13,91% 16,66% 13,39% Barassi 8,60% 17,44% 24,90% 10,16% 21,43% 9,81% 11,20% Converso 8,60% 21,71% 7,91% 12,38%

Coquand 8,60% 15,02% 12,32% 9,41%

Fileppi 8,60% 6,22% 7,55% 9,41% 7,77% Montaner 8,60% 9,34% sorti sorti sorti Pélissard 8,60% 4,35% 10,19% 9,41% 6,44% 5,32% Sonzogni 8,60% 3% 6,85% 9,41% Midali 7,50% 1,55% 2,71% 6,56% 7,11% Sorrel 7,50% 4,11% 7,81% 6,56% 8,97% Budillon 6,45% 3,98% 5,85% 10,04% 8,56% EBTP 5,45% 3,32% sorti sorti sorti 100,00% 99,99% 100,00% 100,00% 100,00% 44. Ainsi que le président de l’ADESI l’a déclaré, la fonction principale de SOGESI a été de gérer les deux sociétés en participation : la SEP Pizzarotti-CMC (groupement Barassi), marché de génie civil des tunnels d’Uriol et du Petit Brion et la SEP BEC-DTP-El-SCREG (groupement Carron), travaux d’ouvrage d’art et rétablissement des communications Claix- Le Serf (TOARC n° 1). 45. A propos des SEP, le directeur de projet à Scétauroute a déclaré : "je ne sais pas et je n’ai pas les moyens de savoir si les groupements sont constitués en société en participation (SEP). En principe, tous les sous-traitants présents sur le chantier sont agréés par le maître d’ouvrage. Je n’ai aucun poids sur le mandataire des groupements relativement aux entreprises avec qui il travaille". Lors de l’assemblée générale extraordinaire des deux SEP, le 8 décembre 1997, les entreprises se sont engagées à respecter la clause suivante : "Les nouveaux associés déclarent avoir pris connaissance des comptes de la présente société depuis sa création jusqu‘à ce jour et acceptent expressément de participer aux résultats de ladite société depuis sa création". L’adoption de cette clause a été la concrétisation de ce que M. Christian X…, président de l’ADESI avait qualifié "d’engagement moral" entre les membres de l’ADESI : "Il était convenu que les travaux obtenus par l’un ou l’autre des adhérents, suite aux démarches entreprises dans le cadre de l‘ADESI et à partir de février 1996 dans le cadre de SOGESI seraient réalisés par l’ensemble des adhérents". D’ailleurs, la répartition des parts, entre associés des deux SEP, a été identique pour chaque SEP :

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SEP « Carron » SEP « Barassi » Barassi (8,60)* 10,16 % Barassi (8,60)* 10,16 % Budillon (6,45)* 10,04 % Budillon (6,45)* 10,04 % Carron (12,90)* 16,66 % Carron (12,90)* 16,66 % Converso (8,60)* 12,38 % Converso (8,60)* 12,38 % Coquand (8,60)* 9,41 % Coquand (8,60)* 9,41 % Fileppi (8,60)* 9,41 % Fileppi (8,60)* 9,41 % Midali (7,50)* 6,56 % Midali (7,50)* 6,56 % Pélissard (8,60)* 9,41 % Pélissard (8,60)* 9,41 % Sonzoni (8,60)* 9,41 % Sonzoni (8,60)* 9,41 % Sorrel (7,50)* 6,56 % Sorrel (7,50) 6,56 % * parts sociales détenues dans SOGESI.

3. LES MARCHÉS CONCERNÉS 46. Les marchés concernés par l’affaire et relatifs à la construction de l’autoroute A 51 reliant Grenoble à Sisteron pour sa partie "Grenoble-Col du Fau" sont au nombre de neuf : le marché de la réalisation de sondages archéologiques, le marché de construction du viaduc de la Rivoire, le marché des travaux préparatoires du tunnel du Petit Brion et du viaduc de la Rivoire, le marché des travaux préparatoires du tunnel d’Uriol, le marché des travaux d’ouvrages d’art et rétablissement des communications de la plaine de la Reymure, le marché des travaux de génie civil des tunnels du Petit Brion et d’Uriol, le marché des travaux de terrassement, ouvrage d’art et rétablissement des communications Claix-le Serf, le marché de la construction du viaduc du Crozet et le marché des travaux d’ouvrage d’art et rétablissement des communications Le Serf-Coynelle. a) LE MARCHÉ DE RÉALISATION DE SONDAGES ARCHÉOLOGIQUES 47. La procédure suivie a été celle du marché négocié sans appel public à la concurrence. Le dossier de consultation des entrepreneurs a été envoyé le 7 janvier 1994 aux entreprises suivantes : Coquand, Carron, Montaner, Converso, Fileppi, Pascal, Royans Travaux, Barassi, Pélissard, Rhône Location Travaux Publics et Clavier T.P. La séance d’ouverture des plis s’est déroulée le 7 février 1994. La société Scétauroute a estimé le montant du marché à 667 718 F TTC. Le groupement Converso-Coquand, moins-disant, a été retenu. 48. A l’exception des sociétés Rhône-Location et Clavier, toutes les entreprises qui ont répondu sont devenues par la suite, le 24 février 1994, membres de l’ADESI. A propos de ce marché, M. Christian X…, co-président de l’ADESI, a déclaré : "Le premier marché concernant les sondages archéologiques passé en marché négocié a été attribué au groupement Converso et Coquand indépendamment de l’ADESI. Ces travaux ne sont pas

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rentrés dans le compte d’exploitation commun mis en place en 1996 dans le cadre de SOGESI". b) LE MARCHÉ DE CONSTRUCTION DU VIADUC DE LA RIVOIRE 49. Le calendrier des opérations d’attribution a été le suivant : le 20 mai 1994, envoi de l’avis d’appel public à la concurrence ; le 24 juin 1994, date limite de remise des candidatures ; le 22 août 1994, agrément des candidats retenus pour déposer une offre ; le 7 octobre 1994, date limite de remise des offres ; le 11 octobre 1994, ouverture des plis par la commission d’appel d’offres ; le 21 décembre 1994, établissement du rapport d’analyse des offres ; le 10 février 1995, notification d’attribution du marché au groupement Fougerolle Ballot-Royans Travaux. 50. AREA a estimé le montant du marché à 49 859 095 francs HT. La procédure suivie a été celle de l’appel d’offres restreint. Douze entreprises ou groupements d’entreprises ont été retenus : Razel-Bianco, Quillery TP, Chantiers Modernes-Perino Bordone, Bilfinger und Berger, Etpo, Sogea Rhône-Alpes-Sogea, SA-Nicoletti, Bouygues, Nord France-Sefi- Intrafor, Dodin Sud, GFC, Spie Citra Sud-Est-Debernardy, GTM BTP. Quatre entreprises ou groupements ont été acceptés "sous réserves" par le maître d’œuvre : Campenon Bernard Régions-Campenon Bernard SGE, Fougerolle Ballot-Royans Travaux, Borie SAE-Pascal, Dermathieu et Bard. 51. Après examen des offres, la commission d’attribution du marché a décidé d’analyser le détail des offres remises par les entreprises suivantes : Campenon Bernard Régions- Campenon Bernard SGE, Fougerolle Ballot – Royans travaux, Bilfinger Und Berger. Le marché a été attribué au groupement Fougerolle Ballot-Royans Travaux, moins-disant, pour un montant de 49 445 359 F HT. 52. Pour répondre à l’appel d’offres, seuls deux adhérents de l’ADESI, à savoir Royans-Travaux et Pascal, ont intégré les groupements constitués en vue de proposer une offre. 53. L’entreprise Royans-Travaux appartenant au même groupe que Fougerolle a obtenu la sous-traitance du marché, mais "hors ADESI". En effet cette entreprise s’est retirée de l’association le 5 août 1994, soit entre la date limite de remise des offres et l’attribution du marché. 54. M. Christian X… a déclaré sur ce point, le 16 mars 1999 : "Pour le marché du viaduc de la Rivoire, deux adhérents de l’ADESI ont fait acte de candidature le 24 juin 1994 :L’entreprise Pascal et Royans-Travaux en groupement avec Fougerolle Ballot (même groupe). Ce groupement est titulaire du marché. Royans-Travaux a démissionné de l’ADESI, le 5 août 1994. En effet, Royans-Travaux ne pouvait pas soumissionner en même temps avec le groupe Fougerolle et l’ADESI, SOGESI n’a pas travaillé sur le viaduc de la Rivoire. Nous pouvions réaliser des travaux préparatoires mais nous n’étions pas suffisamment connus pour être appelés sur ce chantier".

55. Pour ce marché, aucune entreprise de l’ADESI n’a obtenu de travaux en sous-traitance. 56. Le rapport d’enquête mentionne que l’examen des documents saisis auprès de l’entreprise Coquand fait apparaître que cette société, non soumissionnaire au marché, a formulé des

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offres de sous-traitance, à titre individuel, auprès des entreprises soumissionnaires Campenon et Sogea. 57. Le rapport d’enquête indique : "En conclusion, les faits décrits illustrent l’incapacité des entreprises membres de l’ADESI a obtenir un marché. Ainsi, en juin 1994, dans le cadre d’une procédure "normale" les entreprises locales n’ont pas pu intégrer un groupement dont le mandataire est une entreprise nationale, pas plus que des travaux en sous-traitance dans leur capacité (terrassements, fouilles, remblais)". c) MARCHÉ DES TRAVAUX PRÉPARATOIRES DU TUNNEL DU PETIT BRION ET DU VIADUC DE LA RIVOIRE 58. Les principales dates relatives au déroulement des opérations d’attribution du marché ont été les suivantes : 10 juin 1994, avis d’appel public à la concurrence ; 5 juillet 1994, date limite de réception des candidatures ; 17 octobre 1994, date limite de remise des offres et réunion de la commission d’ouverture des plis ; 10 novembre 1994, rapport préliminaire d’analyse des offres ; 12 décembre 1994, transmission du rapport complémentaire d’analyse des offres à AREA ; 19 janvier 1995, lettre du directeur technique et des investissements d’AREA informant le groupement Guintoli de l’obtention du marché ; 3 février 1995, acte d’engagement (avec remise) du groupement Guintoli ; 10 février 1995, attribution du marché au groupement Guintoli. 59. Le marché a été scindé en deux lots : un lot A "terrassements des têtes de tunnel du Petit Brion« et un lot B »construction de la piste d’accès à la culée sud du viaduc de la Rivoire depuis la R.N. 75 au Crozet". Il s’agit d’un appel d’offres restreint. Le montant total des travaux avait été estimé par les services techniques à 25 973 440 F HT. 60. Le procès-verbal d’ouverture des plis, du 17 octobre 1994, permet d’observer que quatre groupements, composés uniquement d’adhérents de l’ADESI, ont remis des offres de prix : Carron – Gerland Routes – Montaner ; Colas Rhône Alpes – Sorrel Btp – Sonzogni – Budillon Rabatel Travaux Publics ; Pascal – Midali – Sociéte Nouvelle Barassi – Screg Sud Est ; Sacer – Temsol – Pélissard – Coquand – Converso – DG Construction. 61. Le rapport préliminaire d’analyse des offres du 10 novembre 1994, établi par Scétauroute précise que seuls deux candidats ont remis une offre en tout point conforme au dossier de consultation : le groupement Guintoli-Gts-Ehtp-DG Construction et l’entreprise BEC. 62. Le rapport complémentaire d’analyse des offres établi par Scétauroute et joint au rapport préliminaire indique qu’après étude d’informations complémentaires fournies par les deux candidats, et compte tenu des modifications à apporter aux offres des entreprises, les montants définitifs des offres s’établissaient ainsi : pour le groupement conduit par Guintoli, 20 591 776 F HT et pour l’entreprise BEC, 22 119 470 F HT. 63. Compte tenu de la différence financière existant entre les offres, et de la qualité de l’offre du groupement conduit par Guintoli, ce rapport complémentaire proposait de confier les travaux au groupement Guintoli GTS-EHTP-DG Construction. Au terme de la procédure, AREA a avalisé la proposition et adressé le 19 janvier 1995 une lettre d’intention au groupement Guintoli : (…) "Faisant suite à vos propositions, je vous informe que la Société des Autoroutes Rhône-Alpes a l’intention de vous passer commande des travaux cités en objet dont la maîtrise d’œuvre a été confiée à Scétauroute". (…)"De plus, je vous invite à poursuivre avec Scétauroute, maître d’œuvre général de l’opération, la mise au point du marché qui sera soumis à mon approbation dès que possible".

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64. Sur ce même courrier saisi chez Guintoli figure la mention manuscrite suivante, sachant que "BB" sont les initiales de M. Bernard 8…, responsable de l’agence Guintoli à Saint Priest : "BB Eu F… le 20-01-95 à 18 h 00 Royans-Travaux est co-traitant". 65. Le 23 janvier suivant, le directeur régional de Guintoli (groupement A), et le PDG de Royans-Travaux (RT, groupement B), ont signé un protocole préliminaire d’accord : "Il a été décidé et convenu ce qui suit : Si le groupement A est adjudicataire des travaux préparatoires du tunnel du Petit Brion et du Viaduc de la Rivoire, pour A.51 (maître d’oeuvre Scétauroute, antenne de Grenoble, maître d’ouvrage : AREA) RT réalisera les travaux de la série F au prix du marché du groupement A qui recherchera l’accord du client pour intégrer RT dans le groupement; si ce n’est pas possible, RT sera sous traitant à paiement direct. Dans tous les cas, Guintoli restera mandataire du groupement. Il sera rémunéré par application d’un prélèvement sur les travaux faisant l’objet de prix nouveaux défini comme suit : - 2 % si RT est co-traitant (uniquement sur prix nouveaux), - 10 % si RT est sous-traitant". 66. Ce document était suivi d’un pouvoir, daté du 30 janvier 1995, donné par l’entreprise Royans-Travaux à la société Guintoli en vue de signer toutes les pièces concernant le marché les travaux préparatoires aux têtes de tunnel du Petit Brion. L’acte d’engagement d’un montant de 24 421 846,34 F TTC, signé le 3 février 1995 à St Priest par M. Pierre 9…, directeur d’agence et agissant pour le compte de la Société Guintoli S.A Agence Rhône-Alpes, a été établi au nom du groupement suivant : Guintoli S.A agence Rhône- Alpes ; EHTP ; GTS ; D.C. Construction, GT ; Royans-Travaux. Il a été contresigné le 10 février 1995, par le directeur technique et des investissements d’AREA. 67. Au total, AREA a avalisé l’octroi d’un marché à un groupement élargi à l’entreprise Royans-Travaux. Interrogé sur ce point, le directeur de l’Agence Rhône Alpes de Guintoli a déclaré : "Concernant les travaux de terrassement du tunnel du Petit Brion nous avions fait acte de candidature le 5 juillet 1994 en groupement complémentaire pour être conforme aux exigences du cahier des charges. Par lettre du 19 janvier Monsieur 3…, Directeur Technique des Investissements d’AREA. nous informe que nous étions titulaires du marché. La mention manuscrite figurant aux scellés n°1 cotes n°1 à 2 : "BB-eu F… le 20 janvier 1995 à 18 H Royans-Travaux est co-traitant" est écrite par Monsieur 9…, directeur d’agence à l’époque. Cette mention signifie que nous devions intégrer Royans- Travaux à notre groupement à la demande de Monsieur F…, ce qui fut fait dans l’acte d’engagement signé le 3 février 1995 par les entreprises et le 10 février par le maître d’ouvrage". 68. En définitive, l’entreprise Royans-Travaux a réalisé la série F des travaux (assainissement) pour un montant de 1 300 000 F HT. 69. M. X… a corroboré la déclaration de M. 8… : "Il est exact que Royans-Travaux avait fait une offre de prix aux deux marchés susvisés avec Fougerolle-Ballot et qu’en fait il s’est retrouvé co-traitant avec Guintoli pour le marché du tunnel du Petit Brion. Il en est de même pour le groupement Sacer, Coquand, Converso et Pélissard qui après avoir fait une offre de prix pour le tunnel d’Uriol s’est retrouvé co-traitant de Guintoli sur ce marché. Je suppose qu’au moment de la mise au point du marché, Scétauroute a demandé à Guintoli de prendre des locaux. Les travaux à réaliser correspondaient à leurs qualifications, de plus les sièges de Coquand et Converso sont sur le site. De plus Scétauroute était sécurisé par l’organisation de SOGESI".

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d) MARCHÉ DES TRAVAUX PRÉPARATOIRES DU TUNNEL D’URIOL 70. Il s’agissait des travaux des têtes de tunnel d’Uriol regroupant des terrassements, du minage et des confortements de talus. La procédure de l’appel d’offres restreint a été retenue par le maître d’ouvrage. L’estimation administrative d’exécution des travaux s’élevait à 15 967 290 F. HT. 71. Les opérations d’attribution de ce marché et du marché des travaux préparatoires du tunnel du petit Brion et du Viaduc de la Rivoire sont concomitantes : Déroulement des procédures de mise en concurrence Dates Travaux préparatoires en vue de la construction Travaux préparatoires du tunnel d’Uriol du tunnel du petit Brion et du viaduc de la Rivoire 10.05.94 Avis d’appel public à la concurrence Avis d’appel public à la concurrence 05.07.94 Date limite de remise des candidatures et Date limite de remise des candidatures et séance de séance de la commission d’ouverture des plis la commission d’ouverture des plis 17.08.94 Rapport d’analyse des candidatures (sur 31 entreprises, 20 ont été retenues) 23.09.94

Rapport d’analyse des candidatures (sur 29 entreprises 20 ont été retenues ) 14.10.94

Envoi du dossier de consultation 17.10.94 Date limite de remise des offres – 16 offres Date limite de remise des offres et séance de la commission d’ouverture des plis 07.11.94

Date limite de remise des offres – 15 propositions ont été remises 10.11.94 Rapport préliminaire d’analyse des offres – Groupements Guintoli et Bec retenus 14 et 17.11.94 Compléments d’information transmis par Guintoli 25.11.94 Demande de compléments d’informations adressée au groupements Queyras, Sacer et Guintoli 29.11.94 Rapport préliminaire d’analyse des offres 14.12.94 Rapport complémentaire d’analyse des offres

23.12.94 Rapport complémentaire d’analyse des offres 19.01.95 Lettre d’AREA à Guntoli : attribution du marché au groupement, commencement de la mise au point du marché 23.01.95

Lettre d’AREA à Guntoli, reçue par Sétauroute : attribution du marché au groupement, commencement de la mise au point du marché 25.01.95

Télécopie de Scétauroute à Guntoli : demande de pièces pour mise au point du marché 03.02.95 Signature de l’acte d’engagement par les Signature de l’acte d’engagement par les entreprises entreprises 10.02.95 Acte d’engagement contre-signé par AREA Acte d’engagement contre-signé par AREA

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72. A l’issue de l’analyse des candidatures, la commission d’appel d’offres a décidé le 23 septembre 1994 de retenir vingt entreprises ou groupements d’entreprises. Parmi ces entreprises, cinq groupements, conformes à ceux "pré-établis" par les membres de l’ADESI, ont été constitués. La date limite de remise des offres a été fixée au 7 novembre 1994. Quatre groupements "ADESI" (figurant en caractères gras dans le tableau) ont déposé une offre. Les offres de soumission, par ordre croissant avec indication des pourcentages par rapport au moins-disant, s’établissaient comme suit :

ENTREPRISES – GROUPEMENTS MONTANT DE L’OFFRE EN F. H.T % ECART Charles Queyras, SVM Smec, Sefi, 12 517 035 0,00 Cochery Bourdin Chausse Perrier, Eurotir 12 521 992 0,04 Spada 12 799 083. 2 25 Sacer, Temsol, Pélissard, Coquand, 12 928 750 3,29 Converso, DG Construction sous- traitant GTM BTP, Perino Bordone 12979515 3,69 Guintoli, DG Construction, GTS,EHTP 13 049 652 4,26 Bianco Clavier, Routiere Chambard 13115296 4,78 BEC 13 335 429 6,54 DTP Terrassement, Intrafor, Travaux 13 420 612 7,22 Routiers Favier, Eurotir

Montaner, Gerland Routes, Carron 14 056 757 12,30 Pascal, Midali, Societe Nouvelle Barassi, 14317404 14,38 SCREG Sud Est Forezienne 14 378 783 14,87 Benedetti, Zschokke, Socco 14 999 257 19,83 Colas Rhone Alpes Sorrel Btp, 16 623 039 24,81 Sonzogni, Budillon Rabatel Travaux Publics Geller, Stips 17 437 835 39,31 73. Par la suite et sans que l’ordre de classement des offres ait été changé, huit offres ont été rectifiées, dont celle du groupement Guintoli-DG construction-GTS-EHTP, qui a été réduite de 23 301 F HT (écart de 4,07 % au lieu de 4,26 % par rapport au moins-disant). Ce groupement a proposé un rabais de 3 %, conditionné par l’obtention des marchés de travaux préparatoires du tunnel de Petit Brion et du viaduc de La Rivoire : 12 635 560 FHT. 74. Compte tenu du faible écart existant entre les six meilleures offres (4,1 % par rapport au moins-disant), la commission chargée d’examiner les offres a demandé une analyse plus approfondie de celles-ci afin de départager les candidats. Le constat a été le suivant : « le dossier de Guintoli était complet, les dossiers de Queyras et Sacer étaient satisfaisants malgré quelques lacunes, les dossiers de Perrier, de GTM, et, dans une moindre mesure, de SPADA étaient particulièrement incomplets ». Le rapport d’analyse des offres, du 29 novembre 1994, préconisait de poursuivre l’étude détaillée des offres des groupements Queyras, Guintoli et Sacer. 75. Le rapport complémentaire du 23 décembre 1994, proposait à la commission chargée de choisir l’attributaire de retenir le groupement piloté par Guintoli sur la base des

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constatations suivantes : "L’entreprise Queyras a éludé le point le plus important, à savoir la désignation d’un sous-traitant qualifié pour les soutènements; il en a été de même pour Sacer s’agissant de la sous-traitance qualifiée pour le minage et le soutènement. De surcroît, Sacer n’a pas, ou mal répondu, à la plupart des questions posées". 76. L’offre du groupement Guintoli "correcte en tout point" a été retenue. Tenant compte du rabais conditionnel de 3 % offert par le groupement Guintoli – conditionné par l’obtention des marchés connexes de travaux préparatoires des tunnels du Petit Brion et d’Uriol-, AREA a déclaré ce groupement attributaire dudit marché. 77. Par la suite, une télécopie du 25 janvier 1995 adressée par Scétauroute à M. 9… (entreprise Guintoli) avec envoi d’une copie à M. F… (Scétauroute) avait pour objet la "mise au point du marché des travaux préparatoires du tunnel d’Uriol, A 51 signature le 3-02« : »Suite à votre conversation téléphonique d’il y a quelques minutes avec M. 10…, je vous confirme que nous avons besoin prioritairement des éléments suivants pour insertion dans l’acte d’engagement :- désignation des sous-traitants études CAP voir GTS-DG, désignation du sous-traitant écrans pare-blocs AL, annexes 1 et 2 à l’acte d’engagement valant demande d’acceptation dûment remplies pour ces deux sous-traitants, une déclaration à souscrire pour chacun des membres du groupement (Guintoli – EHTP- GTS-DG Construction-Sacer-Goquand- Pélissard-Converso), une attestation d’assurance des mêmes, un RIB du compte du groupement. Meilleures salutations. Signé. F.11…". 78. Une télécopie du 27 janvier 1995 émise par l’entreprise Guintoli a été adressée aux membres du groupement Guintoli -EHTP- GTS-DG Construction-Sacer-Goquand- Pélissard-Converso. Elle fait référence à la télécopie susvisée : "P.S. ci-joint Fax de Monsieur 11…". L’objet de cette télécopie est : "Mise au point du marché des travaux préparatoires du tunnel d’Uriol – A 51". Suite à une réunion avec Monsieur 12… (Scétauroute), nous vous prions de nous faire parvenir, pour le lundi 30 janvier 1995 au plus tard, les éléments suivants : Attestations d’assurance, Pouvoir à Monsieur 9… (Dir Régional). Déclaration à souscrire, Salutations« . 79. Au verso figurent les noms, adresses et numéros de téléphone des entreprises Sacer, Coquand, Pélissard, Converso portant les mentions suivantes : » – Récupération des pièces entreprises, – récupération documents Topo Scétauroute + A3 réseaux existants, – donner Perrier (SCÉTAUROUTE) la feuille signée BB, – donner Delpretti (SACER) le D.E Petit Brion". 80. L’acte d’engagement, signé pour le marché des travaux préparatoires du tunnel d’Uriol du 3 février 1995 par le mandataire du groupement P. Selosse de l’entreprise Guintoli et accepté le 10 février 1995 par M. 3…, directeur des services techniques et investissements d’AREA, indiquait la composition du groupement, in fine, attributaire du marché. Les entreprises retenues sont au nombre de huit : le groupement initial, Guintoli, GTS Construction, EHTP, DG Construction complété par les sociétés à la fois membres du groupement SACER et de l’ADESI : SARL Converso, SARL Pélissard, SACER Sud-Est.

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81. M. Bernard 8… responsable de la Sa Guintoli a tenu à préciser le 7 avril 1999 : "Concernant les travaux du tunnel d’Uriol, nous avons fait acte de candidature le 5 juillet 1994 également en groupement complémentaire avec DG CONSTRUCTION pour le minage et le confortement, GTS et EHTP. Conformément à la demande de monsieur 11 … (SCÉTAUROUTE) nous avons fait le nécessaire auprès des entreprises Sacer, Converso, Coquand et Pélissard pour établir un acte d’engagement dans lequel elles figurent en tant que co-traitantes". 82. M. F… précise, quant à lui, que : "Concernant les travaux préparatoires des tunnels d’Uriol et Petit Brion : Ces deux marchés ont été attribués le 10 février 1995 à l’entreprise Guintoli. (…). Au moment de la mise au point du marché, courant janvier 1993, dans un souci de complémentarité des offres et compte tenu des circonstances troublées altérant le bon déroulement des travaux (manifestations des anti A 51). Il a paru souhaitable de faire travailler les entreprises locales sur le chantier. En effet, en cas de manifestation il était plus facile pour ces dernières de retirer leurs matériels du chantier que pour une étrangère n’ayant pas de base de repli sur la zone. Il y avait un intérêt fort pour le maître d’ouvrage de réunir Guintoli et le groupement SACER, Coquand, Pélissard, Converso. Il y a eu des réunions avec Guintoli pour qu’il se rapproche des gens d’ADESI. Il me semble que Guintoli a dit vouloir travailler avec Coquand, Converso. Le maître d’œuvre a eu un rôle important pour constituer ce groupement car il y avait une véritable angoisse de voir le chantier bloqué avec de gros moyens. Effectivement nous avons incité Guintoli à prendre ce groupement". 83. Ces déclarations concordent sur le fait que c’est à la demande de Scétauroute que le groupement SACER a été ajouté au groupement Guintoli sur l’acte d’engagement modifié et signé le 3 février 1995. A propos de cette co-traitance le responsable de la société Guintoli a précisé que : "Sans la sollicitation d’AREA ces entreprises n’auraient certainement pas été co-traitantes mais elles auraient très certainement travaillé sur le chantier en tant que sous-traitantes". 84. La différence entre ces deux statuts n’est pas négligeable. Le co-traitant est payé directement par le maître d’ouvrage au prix du marché figurant à l’acte d’engagement et connaît par avance le montant des travaux qu’il doit réaliser. Le sous-traitant, agréé, est également directement payé par le maître d’ouvrage mais non au prix du marché : généralement, le titulaire d’un marché qui sous-traite applique une réfaction sur son prix de marché. De plus, le sous-traitant ignore souvent le volume des travaux à réaliser. Il est donc plus avantageux d’être co-traitant que sous-traitant. 85. Le rapport d’enquête indique, à cet égard, que : "Le statut plus précaire de sous-traitant et l’incertitude du montant des travaux à réaliser ne correspondait pas à la stratégie de l’ADESI. En effet comme il a été constaté précédemment, pour un bon fonctionnement de SOGESI, les travaux devaient être budgétés de manière à les répartir à chaque membre de la SARL. Pour que le système fonctionne bien, il était donc nécessaire de connaître d’avance avec certitude le montant des travaux obtenus". 86. S’agissant des comportements de l’entreprise Guintoli et des maîtres d’œuvre et d’ouvrage lors de la mise en concurrence des entreprises pour la passation des marchés de travaux préparatoires du tunnel du petit Brion, du viaduc de la Rivoire et du tunnel d’Uriol, différents éléments du dossier attestent l’existence d’une proposition financière faite par le groupement Guintoli aux maîtres d’œuvre et d’ouvrage lors de l’appel d’offres relatif aux travaux préparatoires du tunnel d’Uriol. Ils prouvent, également, que cette offre financière et sa contrepartie ont été acceptées par AREA et Scétauroute.

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87. En premier lieu, le rapport préliminaire d’analyse des offres déposées en réponse, daté du 29 novembre 1994, relève : "Guintoli propose un rabais de 3 %, s’il est titulaire du marché des travaux préparatoires du tunnel de Petit-Brion et du Viaduc de la Rivoire, qui ramènerait sa proposition financière à 12 635 560 F HT à 0,95 % du moins disant". Dans la partie synthèse de ce même document il est écrit : "Offre Guintoli : offre supérieure de 4,07 % par rapport au moins disant sans tenir compte d’une proposition de rabais de 3 % s’il est titulaire du marché des travaux préparatoires du tunnel de Petit Brion et du viaduc de la Rivoire". Ce rapport permet de situer également dans le temps cette proposition : elle n’a pu être émise qu’au moment du dépôt des offres puisque le seul acte postérieur à la date limite de remise des offres a été la production du rapport préliminaire d’analyse des offres établi par Scétauroute à l’attention du maître d’ouvrage. 88. En deuxième lieu, le rapport complémentaire d’analyse des offres, établi par Scétauroute pour ce même marché, propose "de retenir le groupement piloté par l’entreprise Guintoli" sur la base des constatations de mieux-disance et d’un prix " intégrant le rabais conditionnel puisque Guintoli serait titulaire du marché préparatoire du tunnel du petit Brion" et de celui du viaduc de la Rivoire. 89. En troisième lieu, les déclarations de M. F… (Scétauroute) confirment ce qui précède : "Concernant les travaux préparatoires des tunnels d’Uriol et Petit Brion : ces deux marchés ont été attribués le 10 février 1995 à l’entreprise Guintoli qui, compte tenu du rabais de 3 % proposé dans sa soumission pour le marché du tunnel d’Uriol, rabais conditionné à l’obtention des travaux préparatoires du tunnel de Petit Brion et du viaduc de la Rivoire et qu’elle a effectivement obtenus, était ainsi devenue le mieux-disant sur ce marché qui lui a été attribué« et : »Guintoli s’était présenté en groupement avec GTS, EHTP, DG Construction pour faire acte de candidature et avait présenté une offre (date limite de remise des offres le 7-11-94) d’un montant de 13 049 652 francs HT dans la même composition de groupement. Cette offre rectifiée et affectée du rabais de 3 % a été ramenée à 12 635 560 francs HT se classant dans les trois meilleures offres avec Queyras et le groupement SACER". 90. En dernier lieu, l’acte d’engagement relatif au tunnel d’Uriol comporte en annexe (A5) un détail estimatif dont le préambule indique : "Conformément aux documents remis avec l’acte d’engagement de la proposition de groupement, tous les prix du présent bordereau de prix sont à affecter d’un rabais de 3 % (trois pour cent)". e) MARCHÉ DES TRAVAUX D’OUVRAGE D’ART ET RÉTABLISSEMENT DES COMMUNICATIONS DE LA PLAINE DE REYMURE 91. Le calendrier d’octroi de ce marché a été le suivant : le 29 juillet 1994, publication de l’avis d’appel public à la concurrence ; le 30 août 1994, date limite de remise des candidatures ; le 3 novembre 1994, agrément des candidatures par AREA ; le 14 décembre 1994 : date limite de remise des offres ; le 19 décembre 1994, commission d’ouverture des plis ; le 24 mars 1995, rapport d’analyse des offres ; le 29 novembre 1995, choix des titulaires : groupement GFC, Perrier, Cochery. 92. Le marché dont il est question se décomposait en trois lots. Le lot n° 1 portait sur trois ouvrages d’art pour passage inférieur en dalle précontrainte, deux ouvrages d’art pour passage inférieur cadre fermé ou en portique ouvert, un ouvrage d’art pour passage supérieur. Le lot n° 2 visait les terrassements, et l’assainissement des rétablissements et le lot n° 3 concernait les chaussées des rétablissements.

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93. A propos de ces lots, le directeur technique et des investissements d’AREA a adressé, au directeur général d’AREA, une note, datée du 19 avril 1995, dont la teneur suit : "Veuillez trouver, ci-joint, le rapport préliminaire ainsi que le rapport complémentaire d’analyse des offres en vue de l’attribution des travaux cités en référence. Afin de rendre accessible aux entreprises locales une partie de ces travaux, l’appel d’offres a décomposé l’opération en trois lots" (…). Elle souligne que les démarches opérées par les responsables de l’ADESI pour obtenir des marchés ont abouti puisque l’allotissement de ce marché répond en tous points à leur demande. 94. La procédure retenue a été l’appel d’offres restreint. Il était également prévu que les entreprises ou groupements avaient la possibilité de se présenter sur un ou plusieurs lots (procédure combinée). La commission d’appel d’offres a retenu les candidatures de trente- huit entreprises dont 23 candidats pour le lot 1, 22 pour le lot 2 et 14 pour le lot 3. L’estimation administrative relative au montant des lots était de 49 040 631 F HT pour le lot 1, 14 229 550 F pour le lot 2 et 2 136 095 FHT pour le lot 3. 95. A l’issue de l’analyse des offres, les lots ont été attribués de la manière suivante : lot 1, Groupement GFC-Converso-Coquand-Pélissard-Richard Ducros, moins disant, pour un montant de 46 965 093 F HT ; lot 2, Entreprise Perrier, moins disante, pour un montant de 10 261 650 FHT, et lot 3 Groupement Cochery, moins disant, pour un montant de 1 822 750 F HT. 96. Lors de la composition des groupements, les entreprises adhérentes de l’ADESI se sont trouvées associées à des entreprises nationales. Elles figurent ci-après en caractères gras. 97. Lot n° 1 : le groupement GFC-Coquand-Richard Ducros-Converso-Pélissard ; le groupement GTM-Bachy-J Lefebvre-SCBTP-EBTP-Fileppi ; le groupement Pascal- Midali-SCREG-Barassi ; le groupement Debernardy-SRDS-Sonzogni-Montaner- Carron-Spie Fondations ; le groupement Fougerolle Ballot-Gerland-Royans-Travaux ; le groupement Campenon SREG-Colas-Sorrel-Budillon. 98. Lot n° 2 : GTM-Bachy-J. Lefebvre-SCBTP-EBTP-Fileppi ; Debernardy-SRDS-Sonzogni- Montaner-Carron-SPIE-Citra Sud Fondations-SPIE SE ; GFC-Converso-Sacer-Pélissard- Coquand ; Pascal-Midali-SCREG-Barassi ; Campenon Bernard Region-Campenon B. SGE-Colas-Sorrel-Budillon ; Fougerolle Ballot-Gerland-Royans-Travaux. 99. Lot n° 3 : Campenon Bernard Region-Campenon BSGE-Colas-Sorrel-Budillon ; Pascal- Midali-SCREG-Barassi ; Fougerolle-Gerland-Royans-Travaux ; GTM-Bachy-J. Lefebvre-SCBTP-EBTP-Fileppi ; GFC-Converso-Sacer-Pélissard-Coquand ; 100. Au total, sur dix-neuf membres de l’ADESI, dix-huit entreprises, en association avec des entreprises nationales et selon les regroupements constitués dans le cadre de l’ADESI, ont répondu à l’appel d’offres. 101. Cette situation doit être analysée à la lumière d’une part, des compte-rendus des réunions de bureau de l’ADESI du 28 avril 1994 : "Solution de repli : prendre les devants : envisager peut-être des contacts avec les grands groupes« et du 19 mai 1994 : »Une rencontre avec les patrons des nationaux devrait s’envisager", d’autre part, de la réponse de M. X… interrogé le 16 mars 1999 : "En tant que président de l’ADESI, j’ai organisé une réunion avec les adhérents le 18 août 1994 [convocation le 3 août 1994] dont l’objet était : candidature AREA du 30 Août 1994". Cette date correspond à la date limite de remise des candidatures pour le marché de TOARC de la plaine de Reymure. Ainsi que vous l’avez observé, les entreprises de l’ADESI pour ce marché ont répondu en groupement avec des entreprises nationales. Les entreprises nationales ont contacté, avant la demande

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d’admission, certaines entreprises de l’ADESI ; je suppose qu‘il s’agit du résultat du travail commercial entrepris par l’ADESI". 102. Les travaux effectués par les adhérents de l’ADESI ont été gérés dans le cadre du compte d’exploitation commun de SOGESI. Pour le lot n°1 avec GFC, les travaux revenant à la SOGESI étaient estimés à 800 000 F et pour le lot n°2, avec Perrier, à 1 500 000 F. 103. En ce qui concerne le lot 1, les enquêteurs ont saisi un document du 9 janvier 1996, intitulé "convention groupement lot 1 : détail estimatif marché : répartition des travaux du lot 1« . A la colonne »PU GPT CCP", il peut être relevé que le groupement Coquand-Converso- Pélissard s’est vu confier essentiellement des travaux de fouilles et les accès aux remblais pour un total de 887 835,40 F HT sur un total de 48 053 234,75 F HT. La lecture d’un autre document, "Energie récapitulative au 31 décembre 1996", permet de constater que les entreprises Barassi, Fileppi, Coquand, Converso, Pélissard, Montaner et Carron ont réalisé pour 792 404,45 F de travaux. 104. S’agissant du lot 2, l’entreprise Perrier a soumissionné seule. Mais il peut être relevé que la société Coquand a réalisé, en qualité de sous-traitant, des travaux d’un montant de 3 978 800 F. D’après le document "Energie récapitulative au 31 décembre 1996", les entreprises Barassi, Fileppi, Coquand, Converso, Pélissard, Montaner, Sorrel, Carron et Sonzogni ont effectué pour 1 908 728,90 F de travaux. 105. Par ailleurs, le directeur technique et des investissements d’AREA a adressé au directeur général d’AREA une note, datée du 19 avril 1995, dont la teneur suit : "(…) Après examen de l’avis de Scétauroute, je vous propose, pour l’exécution des travaux de construction des ouvrages d’art et de rétablissement des communications de la plaine de Reymure, d’appliquer le système de la procédure combinée en retenant les attributions suivantes, qui, en fait, correspondent aux moins-disants à l’ouverture des plis : pour le lot 1, le groupement GFC-Converso-Sacer-Pélissard-Coquand, pour un montant de 46,9 MF, auquel s’ajoutent les frais de coordination ; pour le lot 2, l’entreprise régionale Perrier, pour un montant de 10,3 MF ; pour le lot 3, le groupement d’entreprises Sogea-Cochery- Valerian, pour un montant de 1,8 MF". Il a été ajouté au crayon par M. 5…, au bas de cette note : "Je retiens vos propositions": mention datée du 20 avril 1995. 106. Ce courrier fait apparaître que dès le 20 avril 1995,

le choix des entreprises sur les trois lots était déjà arrêté par AREA. Officiellement, la décision n’a été prise que le 29 novembre 1995 et le marché signé le 22 décembre suivant. f) MARCHÉ DES TRAVAUX DE GÉNIE CIVIL DES TUNNELS DU PETIT BRION ET D’URIOL 107. La passation de ce marché s’est déroulée comme suit : 30 septembre 1994, avis d’appel public à la concurrence ; 4 novembre 1994, date limite de remise des candidatures ; 12 janvier 1995, choix des candidats ; 27 mars 1995, date limite de remise des offres ; 13 novembre 1995, rapport d’examen des offres ; 29 novembre 1995, décision de choix du titulaire : groupement Impresa-Pizzarotti-CMC ; 108. Les travaux concernaient le génie civil et les ouvrages à l’air libre des tunnels du Petit Brion et d’Uriol, à l’exception des tranchées d’accès aux têtes qui ont fait l’objet de marchés séparés réalisés au préalable. Le marché était composé d’une seule tranche de travaux en lots indissociables. La procédure de l’appel d’offres restreint a été retenue. L’estimation administrative du coût des travaux était de 190 831 505 francs HT. 109. La commission d’appel d’offres a retenu la candidature de douze entreprises ou groupements d’entreprises : Bouygues, Fougerolle-Ballot-Royans-Travaux, Impresa

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Pizzarotti-CMC, Quillery-Demathieu et Bard-Nord France-Holzmann, Campenon- Bernard-Pico, Sotrabas-Borie SAE-Pascal, Sogea-Chantiers Modernes-Dodin-Nicoletti, Zublin-Leon Grosse, Montcocol TP, Bilfinger und Berger, Chagnaud, GTM. Le groupement Impresa-Pizzarotti-CMC, moins-disant, a été déclaré attributaire du marché pour un montant de 168 528 783 F HT. 110. Compte tenu des critères (chiffre d’affaires, qualification, références) fixés par le maître d’ouvrage, les entreprises membres de l’ADESI, seules ou en groupement, ne pouvaient répondre à cet appel d’offres directement ou en co-traitance. 111. Cela étant, certains des membres de l’ADESI ont participé à l’exécution de ce marché en qualité de sous-traitants du groupement Impresa-Pizzarotti-CMC, attributaire du marché. En effet, le suivi financier tenu par Scétauroute indique : "groupement pour 25 790 385 francs". 112. Sur ce point, le co-président de l’ADESI, M. X… a déclaré : "Les adhérents de SOGESI n’ont pas soumissionné au marché de Génie Civil des Tunnels qui a été attribué à Pizzarotti-CMC. Nous sommes devenus sous-traitants de Pizzarotti-CMC, je suppose par l’intermédiaire de Scétauroute. Nous avons été sous-traitants dès le départ pour le Génie Civil (terrassement, canalisation). Pour le titulaire du marché, les sous-traitants déclarés sont Barassi-Carron-Coquand et Fileppi. En fait, les travaux ont été exécutés par l’ensemble des actionnaires de SOGESI, conformément à notre engagement de travailler ensemble. A cet effet une société en participation (SEP BARASSI) a été créée le 20 mai 1996 avec comme membres associés Barassi-Carron-Coquand et Fileppi étendue plus tard à l’ensemble des actionnaires. L‘ensemble des actionnaires n‘apparaissait pas au départ afin que le titulaire du marché ne soit "impressionné" par notre nombre". 113. L’extrait des statuts de la société en participation pour le marché génie civil « Pizzarotti- CMC », du 20 mai 1996, précise que : "Sont membres : "Barassi-Carron-Montaner- Coquand et Fileppi, mandataire Barassi« et que : »Les entreprises susnommées ont décidé d’unir leurs moyens par la réalisation des travaux du chantier de l’autoroute A 51 - Travaux de génie civil pour les tunnels Uriol et Petit BRION, SN BARASSI étant le mandataire et les autres entreprises ci-dessus nommées co-traitantes". 114. La création de cette SEP illustre parfaitement la politique commerciale menée par les associés de SOGESI. En effet, bien qu’absentes de la consultation, les entreprises membres de l’ADESI ont néanmoins obtenu 23 500 000 F HT de travaux en sous-traitance officielle et 671 696,78 F HT d’installation de chantier, soit 24 171 696 F HT et 0,13 % du montant total du marché (178 490 000 F HT). g) MARCHÉ DU TERRASSEMENT D’OUVRAGE D’ART ET DE RÉTABLISSEMENT DES COMMUNICATIONS CLAIX –LE SERF (TOARC CLAIX – LE SERF) 115. Les opérations de passation du marché se sont déroulées selon le calendrier suivant : 24 mars 1995, avis d’appel public à la concurrence ; 28 avril 1995, date limite de réception des candidatures ; 9 novembre 1995, agrément des candidatures ; 17 novembre 1995, consultation des entreprises ; 29 décembre 1995, lettre d’AREA pour le regroupement Razel/GTM ; 24 janvier 1996, date limite de remise des offres après report du 15 janvier 1996 ; 22 février 1996, premier rapport d’analyse des offres (marché infructueux) ; 1er mars 1996 consultation complémentaire ; 18 mars 1996 : remise des offres complémentaires ; 22 juillet 1996, choix du titulaire : groupement BEC-DTP- terrassement EI-SGRG Sud-Est.

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116. Le marché concernait l’exécution des travaux relatifs à la sous-section Claix – Le Serf : travaux de terrassements généraux de l’autoroute et ouvrages d’assainissement correspondants, travaux de concassage, criblage d’une partie des matériaux de déblais et mise en stock et construction de vingt-neuf ouvrages d’art en béton. La procédure suivie a été tout d’abord celle de l’appel d’offres restreint, puis, le marché ayant été déclaré infructueux, celle du marché négocié. Le marché était décomposé en deux lots : lot A, terrassement, assainissement, et concassage, lot B, ouvrages d’art, ouvrages hydrauliques et murs de soutènement, chaussées et équipements des rétablissements de communication. Le règlement particulier de la consultation indiquait en son point 4.2 que : "La participation locale sous toutes ses formes (sous-traitance, fournitures, etc) sera considérée également comme critère de jugement des offres". 117. En vue de répondre à l’appel public à la concurrence, un protocole préliminaire de groupement a été conclu, le 30 mars 1995, entre les entreprises Guintoli, Demathieu et Bard, Quillery, certains membres de l’ADESI et certains associés de SOGESI (Coquand, Converso, Pélissard, Carron, Montaner, et Sacer Sud-Est et Delmonico Dorel. 118. AREA a déclaré l’appel d’offres infructueux, les offres ayant toutes été supérieures à l’estimation administrative du coût du marché, et a demandé à Scétauroute de procéder à une nouvelle consultation de six groupements : BEC, Guintoli, Fougerolle-Ballot, Razel, Muller TP, et Chantiers Modernes. Le choix final d’AREA s’est porté sur le moins-disant à savoir, le groupement BEC-DTP-terrassement-E.I-SCREG Sud-Est (243 638 225,60 F HT). 119. D’après le rapport d’enquête il y a lieu d’analyser le comportement des membres de l’ADESI au vu de l’examen des scellés et des conditions de passation du marché. 120. En ce sens, le compte-rendu de la réunion SOGESI n° 5, du 19 février 1996, indique : "A priori Scétauroute va déclarer le marché TOARC infructueux et refaire une consultation restreinte en marché négocié. Globalement, le calendrier serait le suivant : TOARC. – Déclaration du marché infructueux semaine 9,- Négociation avec les entreprises courant du mois de mars 1996. Il est donc convenu que chacun, dans son groupement et avec l’entreprise mandataire qui le représente, devra reprendre contact pour avoir le maximum d’information. Monsieur X… doit prendre rendez-vous avec F… dans une quinzaine. Il subsiste malgré tout un flou qui inquiète tous les associés, toute cette affaire n’étant pas très claire« . 121. Le compte rendu réunion SOGESI n° 7, du 4 mars 1996, constate : »Les travaux d’installation de chantier tunnels sont à leurs fins, et les prochains travaux avec le groupement Pizzarotti-CMC ne sont pas avant la fin de l’année 1996. Les travaux du TOARC sont donc d’une importance capitale pour la Société SOGESI et l’ensemble du groupement. Les prochaines semaines seront donc décisives car la procédure de consultation en marché négocié a été relancée". 122. Le compte rendu de la réunion SOGESI n° 8, du 11 mars 1996, confirme la conduite à tenir :"Afin d’assurer le maximum de chance d’obtenir un bon résultat sur le TOARC, il est demandé aux associés de se rapprocher des têtes de liste de leur groupement respectif. Monsieur X… a pris rendez-vous avec Monsieur F… de Scétauroute jeudi 14 mars 1996 pour faire le point". 123. Le compte rendu de la réunion SOGESI n° 9, du 25 mars 1996, fait état d’un rendez-vous : "TOARC : Un rendez-vous a été fixé avec Monsieur F… et les associés pour le lendemain vendredi 29 mars 1996".

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124. Le compte rendu de la réunion SOGESI n° 10, du 1er avril 1999 expose : "Dans le cadre des dossiers qui sont en discussion aujourd’hui, il est décidé une réunion d’étude dans laquelle SOGESI participerait pour le Viaduc du Crozet. La discussion concernant le TOARC est toujours en cours et rien n’est sûr pour l’instant« . 125. Le compte rendu de la réunion SOGESI n° 11, du 15 avril 1996, ajoute que : »La location de matériel de location représente une part non négligeable de l’ensemble des énergies du chantier A 51. On peut imaginer que cette part aura tendance à augmenter considérablement dans un avenir proche avec le démarrage du TOARC« . 126. Le compte rendu de la réunion SOGESI n°14, du 13 mai 1996, précise que »les travaux du TOARC ont été signés avec BEC ce jour (…) Aucun ordre de service officiel n’a été remis à l’entreprise BEC ce jour. Cependant Scétauroute a l’intention de démarrer les travaux pour la première quinzaine de juillet". 127. Le jour de cette réunion, un protocole d’accord valant contrat de sous-traitance, a été conclu entre les entreprises BEC Frères S.A, mandataire du groupement BEC, DTP, Terrassement, E.I, Screg, et les entreprises Carron, Converso, Coquand, Montaner, et Budillon Rabatel. 128. Une télécopie de Carron à Coquand du 11 mai 1996 relative au fax de BEC (M. G. 17…) du 7 mai 1996 évoque les relations entre l’entreprise BEC et le groupement Carron : "Nous souhaitons rencontrer votre groupement (Carron, Converso, Coquand, Montaner, Budillon-Rabatel) le vendredi 14 mai à 10 H 30 à l’hôtel Confort Inn Primver de Claix (2, Avenue de l’Europe). Objet de la réunion : contrat de sous-traitance ; organisation, fonctionnement, premières interventions". 129. Une page non datée comporte les inscriptions suivantes : → "Remettre des prix à BEC? F … 1290 000 _________________

2450 environ 40 M 3740 20 % du lot A – (noms des entreprises). Demain A.M dernier, Prix BEC". 130. Un autre document confirme les contacts en vue d’un accord de sous-traitance entre les sociétés BEC, Converso et Scétauroute : "Monsieur 13… (responsable des études BEC) Tél : 86-67-10-10 BEC DTP lot A Et lot B SGREG lot C Sous-traitance 20 % = (30M) (5 en moins) lettre d’intention courant mai 1996. Étude ouvrage juin 1996. Démarrage des travaux juillet 1996, famille A encadrement BEC, famille B sous famille A". 131. La réalisation effective du marché a prouvé qu’il a été sous-traité au groupement Carron : Lot A : 17 000 000,00 F HT, Lot B : 760 000,00 F HT. 132. D’autres éléments sont à prendre en compte. Il en est ainsi d’un compte rendu de réunion SOGESI n° 16, du 17 juin 1996, qui indique : "Monsieur A… fait le point sur la première réunion de travail BEC. Il apparaît dès aujourd’hui qu’il faut rechercher des semi- remorques pour les travaux. Le planning de BEC qui doit être remis très rapidement permettra d’avoir plus d’information quant à la durée des travaux (…)"; d’un projet de statut de l’acte de société en participation (SEP) pour le marché TOARC Claix – Le Serf liant les entreprises Carron, Montaner, Coquand, Converso et Budillon du 3 juillet 1996 ; et d’un compte-rendu de la réunion SOGESI n° 17, du 8 juillet 1996, qui expose que : "L’acte de SEP BEC-DTP-El – Carron est présenté aux associés. Les noms des trois signataires de divers ordres de paiement sont Messieurs 14 …, 15… et 16…. Le document

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sera remis aux associés la semaine prochaine pour signature. Le contrat de sous-traitance avec BEC sera prêt fin de semaine 29 (du 15 au 29 juillet 1996)". 133. Sur l’état du relevé des "Energies récapitulatives" (voir tableau page 10), préparé par SOGESI, le 15 juillet 1996, et portant prévision pour les mois de juillet et août 1996, il peut être constaté que la sous-traitance à l’égard de BEC est déjà prise en compte. Le montant de sous-traitance retenu s’est élevé à 15 357 526 F HT dont 5 282 310 F HT au titre de 1996. 134. Une SEP de gestion de ces travaux, dite "Carron", a été créée le l3 juillet 1996, liant les entreprises Carron, Montaner, Coquand, Converso et Budillon-Rabatel puis élargie aux autres associés de SOGESI. h) MARCHÉ DE LA CONSTRUCTION DU VIADUC DU CROZET 135. L’attribution de ce marché s’est déroulée comme suit : 7 juillet 1995, avis d’appel public à la concurrence ; 22 août 1995, date limite de dépôt des candidatures ; 12 février 1996, sélection et agrément des candidats ; 15 avril 1996, date limite de remise des offres ; 18 avril 1996, commission d’ouverture des plis ;12 août 1996, attribution du marché. 136. Les adhérents de l’ADESI ont participé à l’appel d’offres au travers des groupements SPIE Batignolles TP – Carron-Montaner et G.T.M – Jean Lefebvre, Marcel Fileppi et fils et EBTP. 137. Le maître d’ouvrage a choisi, l’offre moins-disante du groupement Campenon Bernard, d’un montant de 126 295 515 F pour une estimation administrative de 140 716 174 F. 138. Le compte-rendu de la réunion SOGESI n° 10, du 1er Avril 1996 fait état d’une réunion : "Dans le cadre des dossiers qui sont en discussion aujourd’hui, il est décidé une réunion d’étude dans laquelle SOGESI participerait pour le Viaduc du Crozet". 139. Les adhérents de l’ADESI et de SOGESI n’ont pas obtenu de marché en co-traitance bien qu’ils se soient montrés intéressés par cette opération. Seule l’entreprise Budillon-Rabatel a travaillé en sous-traitance. M. X…, co-président de l’ADESI, a déclaré : "Les travaux sous-traités par Budillon pour la construction du viaduc du Crozet (3 883 000 F), consist[ai]ent essentiellement en un travail de convoyage passage de matériaux par tapis roulant au-dessus de la RN 75. Ces travaux n’ont pas été comptabilisés dans la SOGESI« . 140. Le document intitulé »Energie récapitulative chantier A 51 au 31 décembre 1996" (reproduit à la page de la décision) laisse apparaître que l’entreprise Valerian, co-traitant titulaire, a sous-traité à SOGESI la somme de 300 000 F de travaux consistant à l’installation d’un convoyeur. Ces travaux ont été comptabilisés pour partie (300 000 FHT sur le total de 3 883 000 FHT) dans le décompte des "énergies" du compte commun d’exploitation de SOGESI, ce, apparemment au seul profit de Converso, la part la plus importante du marché ayant été réalisée par Budillon, non membre de la SOGESI. i) MARCHÉ DES TRAVAUX D’OUVRAGE D’ART ET DE RÉTABLISSEMENT DE COMMUNICATION LE SERF-COYNELLE 141. Les principales dates ont été les suivantes : 17 janvier 1997, avis appel public à la concurrence ; 14 février 1997, date limite de réception des candidatures ; 28 mars 1997, choix des candidats admis à concourir ; 26 mai 1997, date limite de remise des offres ; 28 mai 1997, ouverture des plis ; 24 septembre 1997, date d’attribution du marché au groupement Perrier TP-GFC-TSM- Sonzoni.

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142. Les travaux concernaient l’exécution des terrassements, murs de soutènement, ouvrages d’art et rétablissements de chaussée (TOARC) du tronçon de trois kilomètres reliant Le Serf – Coynelle, ainsi que la terminaison de 3,5 kilomètres du déblai du Crozet et des remblais et couche de forme du tronçon Le Crozet-Le-Serf. Ils ont été décomposés en trois lots techniques indissociables : lot A, terrassement et murs; lot B : ouvrage d’art ; lot C : rétablissement des communications. 143. L’estimation administrative, relative au prix du marché, était de 154 702 619 F HT. Le mode de passation retenu a été celui de l’appel d’offres restreint. Sur un total de vingt trois candidats, quatorze entreprises ont été retenues aux fins de proposer une offre de prix : Perrier TP-GFC-Montaner-TSM-Sonzoni ; Mazza BTP-Pascal-Berthouly ; Deschiron- Temsol-Oliva TP-Etpo-Cochery Bourdin Chausse ; Spada-Nicoletti-Chagnaud-Gardiol- Revillon ; Valerian-Campenon Bernard Régions-Franki France-Viafrance-Sefi-Campenon Bernard Sge ; Muller TP-Colas Rhône Alpes ; Guintoli-GTS-Coquand-Pélissard- Demathieu Et Bard-Sacer-Quillery ; BEC Frères – Dtp Terrassements-Carron-Converso- Brtp-Royans-Travaux-Perino Bordone-Screg ; SATP-SPIE Fondations-Nord France Travaux Publics ; Fougerolle Ballot-Gerland Isardrôme ; chantiers Modernes-Benedetti- Jean Lefebvre-Famy ; Razel-Bianco Pico Sud ; GTM-Barassi ; Dodin Sud (Lot B). 144. Parmi ces groupements, il peut être relevé la présence, en qualité de co-traitants, de sept entreprises actionnaires de l’ADESI et de SOGESI réparties dans différents groupements : Montaner, Sonzogni, Coquand, Pélissard, Carron, Converso et Barassi. 145. Douze offres de prix ont été déposées. Après analyse des offres le 1er juillet 1997, le marché a été attribué le 24 septembre 1997 au groupement Perrier TP-GFC-TSM-Sonzogni pour un montant de 127 866 934 F HT. 146. S’agissant du comportement des entreprises réunies au sein de l’ADESI, le rapport d’enquête indique que : "les travaux de l’entreprise Sonzoni ne sont pas rentrés dans le compte commun de la SARL SOGESI« et »qu’une note manuscrite, sur une main courante, du 5 février 1997, saisie chez Converso et concernant l’AOR du marché du TOARC LE SERF COYNELLE dont la date limite de dépôt des candidatures était fixée au 14 février 1997 prouve que les entreprises dont elle fait état, étaient en relation pour se répartir dans les groupements« . 147. La note dont il est question est la suivante : »BEC MONCIN pour AO restreint A 51 sur 3 kms. Voir avec Carron – réponse ce soir ou demain matin ou + tard. Converso-Coquand- Pélissard→-Guintoli". B. LE GRIEF NOTIFIÉ 148. Sur le fondement de l’article L. 420 – 1 du code de commerce et s’agissant des marchés des travaux préparatoires du tunnel du Petit Brion, du viaduc de La Rivoire et du tunnel d’Uriol passé en 1994 –1995 par AREA pour la construction de l’autoroute A 51, il a été fait grief : • "au groupement mené par la SA Guintoli avec les entreprises SARL DG construction, SA Géotechnique et Travaux Spéciaux (GTS), SAS Entreprise Hydraulique et Travaux Publics (EHTP), au maître d’ouvrage, la SAEM AREA, et au maître d’œuvre, la SA Scétauroute d’avoir, pour le groupement Guintoli, proposé et, pour Scétauroute et AREA, d’avoir accepté de subordonner un rabais financier pour le marché du tunnel

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d’Uriol à l’obtention, en échange, du marché des travaux préparatoires du tunnel du Petit Brion et du viaduc de La Rivoire, ce qui constitue une entente, au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce. Selon la notification de griefs, cette entente a eu pour objet et effet d’empêcher et de limiter le libre jeu de la concurrence entre les entreprises sur les marchés visés ci- dessus, notamment en trompant celles-ci sur la réalité et l’étendue de la concurrence s’exerçant sur ces mêmes marchés".

149. Ce grief a été abandonné au stade du rapport. II. Discussion A. SUR LES PRATIQUES DENONCEES DANS LA SAISINE MINISTERIELLE 150. D’après le rapport d’enquête, sur le fondement duquel le ministre en charge de l’économie a saisi le Conseil de la concurrence, "la création d’entités juridiques communes, l’ADESI, la SOGESI et les deux SEP, doit être considérée, au regard de la décision GIE Géosavoie n°91-D-59 du 3 décembre l99l, comme une entente prohibée"

151. La constitution d’une association ou d’un groupement d’entreprises n’est pas anticoncurrentielle en soi. Elle peut néanmoins s’avérer illicite lorsque l’objet poursuivi est clairement anticoncurrentiel, comme dans l’affaire Géosavoie, notamment si l’adhésion à cette association ou ce groupement est indispensable à l’exercice d’une activité et que les critères d’adhésion se prêtent à une application discriminatoire. Le GIE Géosavoie regroupait tous les cabinets d’experts géomètres du département de la Savoie et avait pour objet de partager les marchés entre ses membres, en réservant, par avance, à chacun d’eux, un quota de travaux en fonction de son implantation géographique et du chiffre d’affaires réalisé. 152. En l’espèce, l’adhésion d’une entreprise à l’ADESI ne pouvait lui conférer un avantage concurrentiel déterminant, ni même constituer une condition d’accès aux différents marchés publics de construction, en particulier ceux de l’autoroute A 51. Par ailleurs, les conditions d’adhésion à cette association ne se sont pas révélées discriminatoires. Enfin, si l’objet de cette association était, conformément à ses statuts et selon les termes employés par son président, de faire du "lobbying" auprès des donneurs d’ordre pour obtenir des travaux pour l’ensemble des entreprises adhérentes, puis de se répartir les marchés obtenus au prorata, cet objet ne constitue pas, en l’espèce, un indice de concertation anticoncurrentielle, dans la mesure où il a pris la forme d’accords conclus postérieurement à l’attribution des marchés et non de partages antérieurs au dépôt des offres de nature à fausser la sincérité des consultations. 153. Contrairement au cas du GIE Savoie, dans lequel la totalité des entreprises concurrentes se répartissait à l’avance l’ensemble des marchés, il s’est agi ici de susciter un allotissement des travaux de nature à permettre l’accès au marché d’entreprises locales, représentant environ 10 % de l’offre potentielle, et de permettre cet accès au marché, une fois le groupement le moins-disant retenu, par le biais de la sous-traitance ou de la co-traitance.

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154. Aucun élément du dossier ne permet d’établir que l’association aurait servi de cadre à des échanges d’informations entre entreprises s’étant présentées comme concurrentes à des appels d’offres ou encore que certaines entreprises auraient déposé des offres de couverture ou se seraient volontairement abstenues de concourir pour avantager les autres, selon un plan de répartition convenu à l’avance entre elles. 155. Il ressort, au contraire, des éléments du dossier que les entreprises membres de l’ADESI n’ont jamais été directement titulaires des marchés visés plus haut, mais ont, après les résultats des consultations : soit été intégrées au groupement attributaire en qualité de co- traitant, en à la demande du maître d’œuvre, Scétauroute et avec l’accord du mandataire du groupement et du maître d’ouvrage AREA (marché du tunnel du Petit Brion et viaduc de la Rivoire ; marché du tunnel d’Uriol) ; soit obtenu, toujours après les résultats des consultations, des travaux de sous-traitance (marchés du viaduc de la Rivoire, de la plaine de la Reynure, de Claix-Le-Serf et de Crozet, marché de génie civil du tunnel du Petit Brion et d’Uriol). 156. De même, la création de la SOGESI, postérieure aux dates limites de remises des candidatures en réponse aux appels d’offres, directement liée à l’ADESI dont elle constitue le prolongement, permettait de gérer les travaux éventuellement obtenus, après l’attribution des marchés, et d’en répartir les recettes entre ses membres. 157. Au surplus, il ne peut être exclu cependant que deux types d’éléments puissent influer sur l’intensité concurrentielle dans les procédures d’appel d’offres. 158. En premier lieu, le mécanisme d’allotissement choisi par le maître d’œuvre ou par le maître d’ouvrage peut refléter un découpage inefficace, du point de vue économique et technique, des travaux à réaliser, et susciter la candidature d’entreprises, elles-mêmes inefficaces pour réaliser ces travaux. 159. En second lieu, la concurrence constitue un mécanisme de sélection des entreprises actives sur ce marché. La répartition "ex post" de travaux entre des entreprises, mêmes présentes à la consultation grâce à leur appartenance au groupement le mieux ou le moins-disant, pourrait constituer une façon de maintenir artificiellement sur le marché des entreprises peu efficientes qui sinon disparaîtraient. 160. En l’espèce, rien ne permet de démontrer que l’un ou l’autre de ces risques se soit réalisé. 161. Il n’y a donc pas lieu de poursuivre ces pratiques. B. SUR LE GRIEF NOTIFIÉ 162. Afin d’obtenir le marché des travaux préparatoires du tunnel d’Uriol, le groupement Guintoli a déposé une offre assortie d’un rabais (3 %) conditionné par l’obtention du marché de travaux préparatoires du Petit Brion et du viaduc de la Rivoire. 163. S’agissant de la dernière offre (Tunnel d’Uriol), il convient de retenir qu’elle a été émise, sur le plan chronologique, après l’ouverture des plis déposés en réponse à l’appel d’offres relatif aux travaux du tunnel du Petit Brion et du viaduc de la Rivoire, de sorte qu’il peut être admis que le groupement Guintoli a fait preuve d’une totale transparence vis-à-vis de l’autorité attributive. 164. Par ailleurs, au vu des pièces techniques produites, on peut considérer que le montant de la seconde offre comportant le rabais tenait compte non seulement de considérations géographiques mais aussi de caractéristiques temporelles offrant au groupement la

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possibilité d’opérer des économies globales, notamment en termes de masse salariale. En effet, la réalisation concomitante des deux marchés situés à proximité l’un de l’autre permettait d’optimiser l’emploi de machines polyvalentes et mobiles en rationalisant leur utilisation d’un site à l’autre. De surcroît, l’obtention des deux marchés concernés avait pour conséquence de permettre une seule installation principale de chantier, commune aux deux marchés, ainsi que des installations légères sur chaque site. Enfin et surtout, le groupement représenté par la société Guintoli avait estimé qu’en raison de la proximité des deux chantiers, les besoins en personnel d’encadrement (pour le terrassement, le confortement et le minage) pourraient passer de 18 à 13 personnes, soit une économie de 5 personnes sur les 18 qui auraient été mobilisées sur les deux sites dans l’hypothèse de la réalisation des travaux par des entreprises différentes. Ces économies en personnel, notamment, correspondaient à 28 % du coût de la masse salariale et en valeur à 393 547 F, soit environ 3 % du montant du marché des travaux préparatoires du tunnel d’Uriol (13 049 652 F) proposé par Guintoli. En l’espèce, l’offre de rabais proposée par le groupement Guintoli n’était donc pas injustifiée sur le plan économique et technique. 165. Enfin, aucun élément du dossier ne permet de démontrer que l’évaluation des offres de la première consultation par le maître d’œuvre (celle du Petit Brion et du viaduc de la Rivoire) ait pu être influencée par la remise conditionnelle proposée au titre du deuxième marché (celui d’Uriol). Les documents produits tout au long de la procédure d’attribution attestent que l’analyse des offres a été effectuée par Scétauroute sur la base de critères objectifs et non discriminatoires figurant dans le règlement de consultation. 166. Toutes les candidatures et les offres ont été examinées sans que ne soient éliminées a priori

les offres des entreprises concurrentes du groupement Guintoli. 167. En ce qui concerne le marché des travaux préparatoires du tunnel du Petit Brion et du viaduc de la Rivoire, il convient de relever que dans le rapport préliminaire d’analyse des offres du 10 novembre 1994, soit avant même que Guintoli ait proposé son rabais de 3 % pour le marché d’Uriol, Scétauroute notait que seules "les offres du groupement Guintoli et de Bec (…) étaient complètes". A l’issue d’une analyse technique complémentaire et en phase finale de mise en concurrence, l’offre du groupement Guintoli a été retenue dans la mesure où elle était à la fois moins disante et mieux disante. 168. En ce qui concerne le marché d’Uriol (deuxième marché), le rapport complémentaire d’analyse des offres du 23 décembre, concluait qu’au terme de l’analyse technique des offres il apparaissait que l’offre du groupement Guintoli était "la plus avantageuse« après avoir exposé que »l’entreprise Queyras a[vait] éludé le point le plus important, à savoir la désignation d’un sous-traitant qualifié pour les soutènements" et qu’il "en a été de même pour Sacer s’agissant de la sous-traitance qualifiée pour le minage et le soutènement" et que"de surcroît, Sacer n’[avait] pas, ou mal répondu, à la plupart des questions posées". Dès lors, il apparaît que les offres des autres entreprises concurrentes n’auraient pu, même en l’absence du rabais proposé par la société Guintoli, être retenues en raison des lacunes techniques des dossiers présentés. 169. Au vu de ces éléments, la pratique d’entente n’est pas établie dans le chef des sociétés SA Guintoli, SARL DG Construction, GTS et EHTP. 170. L’entente n’étant pas établie, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le point de savoir si le grief a pu être notifié à bon droit au maître d’ouvrage, la société AREA, qui exploite l’autoroute A 51 et perçoit donc les péages versés par ses usagers. Si la jurisprudence traditionnelle du Conseil de la concurrence considère que l’acte d’achat, par un acheteur public, ne constitue pas un "acte de production, de distribution ou de services" au sens de l’article L. 410-1 du code de commerce, il ne peut être exclu que cette position doive, dans

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le cas de la présente espèce, être revue à la lumière de la solution dégagée par le Tribunal de première instance des communautés européennes dans son arrêt du 4 mars 2003, Fenin.

DÉCISION Article unique : Il n’est pas établi que les entreprises SA Guintoli, SARL DG Construction, SA Géotechnique et Travaux Spéciaux (GTS), SAS Entreprise Hydraulique et Travaux Publics (EHTP), le maître d’ouvrage SAEM AREA et le maître d’œuvre SA Scétauroute ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Fontaine-Eloy, par Mme Perrot, vice-présidente présidant la séance, M. Honorat, Mmes Renard-Payen et Béhar-Touchais, membres.

La secrétaire de séance, La vice-présidente, Catherine Duparcq Anne Perrot

© Conseil de la concurrence

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  • Décision n° 05-D-61 du 9 novembre 2005relative à des pratiq
    • Constatations
      • PRÉSENTATION DES SOCIÉTES AREA, SCETAUROUTE, ADESI ET SOGESI
        • area et scetauroute
          • area
            • scétauroute
          • adesi et sogesi
            • l’adesi
              • Composition et objet de l’association
              • L’ ADESI dans le Sud Isère
              • Les conditions d’adhésion à l’ADESI
              • Les retraits de l’association
              • L’action de l’ADESI au plan local
              • La formation des groupements au sein de l’ADESI
            • la sarl sogesi
          • les marchés concernés
            • le marché de réalisation de sondages archéologiques
            • le marché de construction du viaduc de la rivoire
            • marché des travaux préparatoires du tunnel du petit brion et
            • marché des travaux préparatoires du tunnel d’uriol
  • Rapport d’analyse des candidatures (sur 31 entreprises, 20 o
  • Rapport d’analyse des candidatures (sur 29 entreprises 20 on
  • Envoi du dossier de consultation
  • Date limite de remise des offres – 16 offres
  • Date limite de remise des offres et séance de la commission
    • marché des travaux d’ouvrage d’art et rétablissement des com
      • marché des travaux de génie civil des tunnels du petit brion
        • marché du terrassement d’ouvrage d’art et de rétablissement
          • marché de la construction du viaduc du crozet
            • marché des travaux d’ouvrage d’art et de rétablissement de c
        • LE GRIEF NOTIFIÉ
      • Discussion
        • SUR LES PRATIQUES DENONCEES DANS LA SAISINE MINISTERIELLE
        • SUR LE GRIEF NOTIFIÉ
    • DÉCISION

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ADLC, Décision 05-D-61 du 09 novembre 2005 relative à des pratiques relevées à l'occasion de marchés de construction de l'autoroute A 51 dans le département de l'Isère