ADLC, Avis 22-A-09 du 22 novembre 2022 relatif à un projet de décret réformant le code de déontologie des sages-femmes

  • Sage-femme·
  • Profession·
  • Code de déontologie·
  • Référencement·
  • Décret·
  • Santé·
  • Concurrence·
  • Interdiction·
  • Activité·
  • Restriction

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
Aut. conc., avis n° 22-A-09 du 22 nov. 2022
Numéro(s) : 22-A-09
Textes appliqués :
aité sur le fonctionnement de l’Union européenne, Livre IV du code de commerce, Code de la santé publique, notamment les articles R. 4127-301 à R. 4127-367
Identifiant ADLC : 22-A-09
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Avis n° 22-A-09 du 22 novembre 2022 relatif à un projet de décret réformant le code de déontologie des sages-femmes L’Autorité de la concurrence (section II), Vu la lettre enregistrée le 29 juillet 2022 sous le numéro 22/0029 A, par laquelle le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a saisi l’Autorité de la concurrence, sur le fondement de l’article L. 462-2 du code de commerce, d’une demande d’avis concernant un projet de décret portant réforme du code de déontologie des sages-femmes ; Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; Vu le livre IV du code de commerce ; Vu le code de la santé publique et notamment les articles R. 4127-301 à R. 4127-367 ; Vu l’avis n° 19-A-18 du 31 décembre 2019 relatif à plusieurs projets de décret portant modification des codes de déontologie de certaines professions de santé ; Vu les autres pièces du dossier ; Les représentants du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes (CNOSF) et de l’Union Nationale et Syndicale des Sages-Femmes (UNSSF) ayant été entendus sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 463-7 du code de commerce ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, et les représentants de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), entendus lors de la séance du 18 octobre 2022, le commissaire du Gouvernement ayant été régulièrement convoqué ;

Est d’avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations suivantes :

Résumé1

L’Autorité émet un avis globalement favorable sur le projet de décret réformant le code de déontologie des sages-femmes. Le texte assouplit les modalités d’exercice de la profession, en prévoyant, par exemple, la possibilité de recourir à la collaboration libérale et salariée. L’Autorité relève également que le décret n° 2020-1661 du 22 décembre 2020 portant modification du code de déontologie des sages-femmes et relatif à leur communication professionnelle, inclus dans le code de déontologie de la profession et qui suit en grande partie les recommandations formulées dans l’avis de l’Autorité n° 19-A-18 du 31 décembre 2019, assouplit substantiellement les possibilités de communication commerciale des sages-femmes et accroît la transparence tarifaire.

L’Autorité émet cependant quelques réserves sur le projet de texte, certaines dispositions restreignant encore l’installation et l’exercice de la profession. Il en est ainsi, notamment, de l’interdiction du référencement prioritaire, pour laquelle l’Autorité réitère les recommandations formulées dans son avis n° 19-A-18 précité, ainsi que de l’interdiction d’exercer dans un local commercial. L’Autorité relève, par ailleurs, que les dispositions ayant trait au dispositif d’assistance des sages-femmes ou aux formalités à accomplir en cas de modification de leurs conditions d’exercice, sont susceptibles, de par leur imprécision ou leur incohérence avec d’autres articles du code de déontologie, d’engendrer des restrictions de concurrence injustifiées et doivent, par conséquent, être rectifiées ou supprimées.

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de l’avis numérotés ci-après. 2

SOMMAIRE

INTRODUCTION ………………………………………………………………………………. 4 I. LE CADRE JURIDIQUE ET ECONOMIQUE ……………………………. 4 A. PRESENTATION DE LA PROFESSION DE SAGE-FEMME ……………………………4 1. LA PROFESSION DE SAGE-FEMME …………………………………………………………………..4 a) Attributions et accès à la profession ……………………………………………….. 4 b) Modalités d’exercice et démographie de la profession …………………….. 5 c) L’organisation de la profession ………………………………………………………. 5 2. L’EVOLUTION DE LA PROFESSION DE SAGE-FEMME ………………………………………..7 a) Une profession en manque d’attractivité ………………………………………… 7 b) Des leviers concurrentiels à assouplir …………………………………………….. 7 B. PRESENTATION DU PROJET DE DECRET ……………………………………………………8 II. ANALYSE CONCURRENTIELLE ……………………………………………. 10 A. PROFESSIONS DE SANTE ET DROIT DE LA CONCURRENCE ………………….10 B. ANALYSE DU CODE DE DEONTOLOGIE DES SAGES-FEMMES ……………….11 1. LES DISPOSITIONS ASSOUPLISSANT LES MODALITES D’EXERCICE DE LA PROFESSION ………………………………………………………………………………………………..11 a) Sur les dispositions modifiées par la réforme de la communication professionnelle …………………………………………………………………………….. 11 b) Sur les dispositions issues du projet de décret soumis à l’Autorité …. 12 2. LES DISPOSITIONS SUSCEPTIBLES DE RESTREINDRE LES MODALITES D’EXERCICE DE LA PROFESSION ………………………………………………………………………………………14 a) Les restrictions aux conditions d’exercice et d’installation de la profession ……………………………………………………………………………………. 14 L’interdiction du recours au référencement en ligne (projet d’article R. 4127-353 du CSP) …………………………………………………………………………………………………..14 L’interdiction d’exercer dans un local commercial (projet d’article R. 4127-342 du CSP) …………………………………………………………………………………………………..16 b) Les imprécisions rédactionnelles restreignant les conditions d’exercice de la profession ……………………………………………………………………………. 17 Le recours exceptionnel à l’assistance d’une sage-femme (projet d’article R. 4127-358 du CSP) ………………………………………………………………………………..17 L’obligation pour une sage-femme qui modifie ses conditions d’exercice d’informer sans délai le conseil départemental de l’Ordre (projet d’article R. 4127-371 du CSP) ………………………………………………………………………………..20 CONCLUSION …………………………………………………………………………………. 21

3

Introduction 1. En application des dispositions de l’article L. 462-2 du code de commerce, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a saisi, le 27 juin 2022, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») d’une demande d’avis relative à un projet de décret portant modification du code de déontologie des sages-femmes, figurant dans le code de la santé publique (ci-après le « CSP »). Ce projet a été élaboré conjointement par le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes (ci-après le « CNOSF ») et par la Direction générale de l’offre de soins du ministère de la Santé et de la Prévention (ci-après la « DGOS »). I. Le cadre juridique et économique A. PRESENTATION DE LA PROFESSION DE SAGE-FEMME 1. LA PROFESSION DE SAGE-FEMME 2. Au sein des professions de santé, le CSP distingue les professions médicales, les professions de la pharmacie et les auxiliaires médicaux. La profession de sage-femme relève de la première catégorie et est régie par les dispositions suivantes du CSP : i) les articles L. 4111-1 à L. 4127-1, L. 4161-1 à L. 4163-11 et D. 4111-1 à R. 4126-54 pour les dispositions communes aux professions médicales ; ii) les articles L. 4151-1 à L. 4152-9, R. 4127-301 à R. 4127-367 et D. 4151-1 à R. 4153-9, pour les dispositions spécifiques à la profession. 3. En tant que profession médicale, les sages-femmes agissent directement sur la demande de soins, régulée par des plans de maîtrise des dépenses de santé, dans la mesure où elles sont habilitées à délivrer des ordonnances permettant l’achat de médicaments remboursables ou le recours aux services de professionnels paramédicaux2. a) Attributions et accès à la profession 4. Les compétences des sages-femmes sont définies aux articles L. 4151-1 à L. 4151-4 du CSP, qui énumèrent les actes et prescriptions qu’elles peuvent effectuer. Elles disposent, ainsi, d’un pouvoir de diagnostic et d’un droit de prescription et sont dotées de compétences particulières dans les domaines de l’obstétrique, de la gynécologie, de la pédiatrie et de la prévention.

2 Peuvent être mentionnées, à ce titre, les aides-soignantes et les auxiliaires de puériculture qui, dans le cadre de leur activité, sont notamment sous la responsabilité de la sage-femme. 4

5. L’exercice de la profession nécessite l’obtention du diplôme d’État de sage-femme, obtenu à l’issue d’une formation d’une durée minimum de cinq années3, ou la détention d’un titre de formation de sage-femme ou permettant d’exercer la profession de sage-femme délivré par un État membre de l’Union européenne ou par un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (article L. 4151-5 du CSP). b) Modalités d’exercice et démographie de la profession 6. Les sages-femmes exercent leur activité de manière diversifiée, intervenant à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé (articles R. 4127-339 à R. 4127-353 du CSP). 7. S’agissant du secteur public, les sages-femmes exercent au sein d’établissements de santé publics et des collectivités territoriales, en tant qu’agents de la fonction publique titulaires ou contractuels. Au sein des hôpitaux, les accouchements et les actes apparentés constituent une de leurs principales activités. 8. S’agissant du secteur privé, les sages-femmes peuvent choisir d’exercer leur activité soit à titre salarié, soit à titre libéral. Les sages-femmes exerçant au sein d’établissements de santé privés ont une activité salariée régie par les règles du droit du travail. Celles exerçant leur activité à titre individuel au sein d’un cabinet ou à titre collectif au sein d’une société4 ont une activité libérale soumise à des règles spécifiques. Cette activité est principalement axée sur les actes pré-partum et post-partum5. 9. Selon le CNOSF, à ce jour, 64,5 % des sages-femmes exercent exclusivement une activité salariée dans le secteur hospitalier tant public que privé6, 25,4 % ayant opté pour l’exercice libéral en cabinet individuel ou de groupe et 10 % pour l’exercice mixte, consistant en l’exercice d’une activité libérale en parallèle d’une activité salariée. 10. Au 1er janvier 2022, 23 764 sages-femmes étaient inscrites au tableau de l’Ordre, dont plus de 97 % de femmes7. c) L’organisation de la profession 11. La profession est organisée au sein d’un ordre professionnel, organisme de droit privé chargé d’une mission de service public, auquel les praticiens habilités à exercer leur profession doivent obligatoirement adhérer (article R. 4127-301 du CSP). L’Ordre national des

3 La première année correspond à une année de licence accessible par le biais de deux parcours différents (le parcours d’accès spécifique santé et la licence accès santé), tandis que les quatre dernières années de formation spécialisée sont réalisées au sein d’une des 33 écoles de formation de sages-femmes réparties sur le territoire national. 4 Les principales modalités d’exercice en commun de la profession sont l’association simple, la collaboration libérale, la société civile de moyens (« SCM »), la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (« SISA »), les maisons de santé et la société d’exercice libéral (« SEL »). 5 Ces actes concernent notamment la préparation à la naissance, la rééducation périnéale, l’entretien prénatal précoce, la surveillance des grossesses pathologiques et les consultations prénatales. 6 Parmi les sages-femmes exerçant exclusivement une activité salariée, une majorité d’entre elles exerce au sein d’hôpitaux publics (maternités, centres périnataux de proximité publics, centres de fertilité ou d’orthogénie publics, etc.). 7 Traitement statistique de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), issu de données actualisées au 1er janvier 2022 provenant des répertoires ADELI des professions de santé et RPPS (répertoire partagé des professionnels de santé), et disponible sur sa base de données. 5

sages-femmes (ci-après l’« ONSF ») contribue à la promotion de la santé publique et de la qualité des soins, tout en assurant la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession. L’ONSF veille également à l’observation des devoirs professionnels et des règles déontologiques ainsi qu’à l’indépendance de la profession (article L. 4121-2 du CSP). 12. L’ONSF accomplit ses missions par l’intermédiaire de divers organismes qui exercent des compétences complémentaires : − 1 conseil national (ci-après le « CNOSF »), chargé d’organiser l’exercice de la profession par l’édiction d’un code de déontologie et d’assurer la représentation de ses membres auprès des pouvoirs publics. Il coordonne également les actions entre les différents conseils interrégionaux et départementaux (articles L. 4122-1 et suivants du CSP). Dans le cadre de sa mission d’observation des devoirs professionnels et des règles déontologiques ainsi que de protection de l’indépendance de la profession, il exerce un pouvoir disciplinaire à l’égard de ses membres, par l’intermédiaire de juridictions disciplinaires spécialisées8 ; − 5 conseils inter-régionaux, dont les attributions sont de nature essentiellement administrative sur le plan régional ou inter-régional. Ils constituent, en particulier, les principaux interlocuteurs des instances régionales du système de santé (articles L. 4124-11 et suivants du CSP) ; et − 101 conseils départementaux, qui ont notamment pour mission de tenir à jour et statuer sur les inscriptions et radiations au tableau de l’Ordre, ainsi que d’examiner les contrats conclus par les sages-femmes dans le cadre de leur exercice professionnel. Par ailleurs, ils traitent les plaintes formées contre les sages-femmes de leur département et assurent une mission de conciliation confraternelle à l’occasion de différends entre professionnels (articles L. 4123-1 et suivants du CSP). 13. Les règles déontologiques, fixées par un décret pris après avis du CNOSF9, définissent les droits et devoirs professionnels et éthiques de la profession à l’égard de ses membres, des autres professionnels de santé et des patients. 14. Le code de déontologie des sages-femmes, élaboré en 199110 et codifié en 200411, a été modifié à plusieurs reprises. La dernière réforme, intervenue en 202012, a eu pour objet de modifier les règles relatives à la communication professionnelle.

8 Le premier degré de juridiction est constitué par les chambres disciplinaires de première instance, siégeant au sein de chaque conseil inter-régional, tandis que le second degré de juridiction est constitué de la chambre disciplinaire nationale, placée auprès du CNOSF. 9 Article L. 4127-1 du CSP. 10 Décret n° 91-779 du 8 août 1991 portant code de déontologie des sages-femmes. 11 Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du CSP et modifiant certaines dispositions de ce code. 12 Décret n° 2020-1661 du 22 décembre 2020 portant modification du code de déontologie des sages-femmes et relatif à leur communication professionnelle. 6

2. L’EVOLUTION DE LA PROFESSION DE SAGE-FEMME a) Une profession en manque d’attractivité 15. La profession de sage-femme connaît, depuis le début des années 2000, de profondes mutations, à la fois de ses missions et de ses modalités d’exercice, au regard desquelles le cadre réglementaire actuel – dont le code de déontologie – ne paraît plus adapté. 16. S’agissant, en premier lieu, de leurs missions, les sages-femmes disposaient initialement d’une compétence générale en matière de pratique des actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance de la grossesse et à la préparation psychoprophylactique à l’accouchement, ainsi qu’à la surveillance et à la pratique de l’accouchement et des soins postnataux en ce qui concerne la mère et l’enfant. Depuis une dizaine d’années cependant, leurs compétences ont fait l’objet d’extensions successives, notamment dans le domaine de l’obstétrique, de la périnatalité et de la gynécologie. 17. S’agissant, en second lieu, de ses modalités d’exercice, la profession de sage-femme connaît une évolution depuis le début des années 2010 avec le développement de l’exercice libéral. Le contexte de fermeture de petites maternités, de regroupement de l’offre de soins en périnatalité et parfois de moindre présence médicale, d’une part, et les modifications réglementaires élargissant les compétences des sages-femmes, d’autre part, ont conduit à une pratique plus individuelle de la profession. 18. Parallèlement à ces mutations, le métier de sage-femme est confronté à une crise structurelle et multifactorielle. Selon l’inspection générale des affaires sociales, celle-ci serait notamment liée à un manque de reconnaissance du statut et des particularités du métier, malgré l’élargissement des compétences engagé depuis plusieurs années, et le niveau de formation et de responsabilités requis13. 19. Le CNOSF attribue, de son côté, le manque d’attractivité de la profession à la dégradation des conditions d’exercice, aussi bien en établissement de santé qu’à titre libéral, à la déconsidération statutaire, du fait de l’assimilation de l’activité à une profession paramédicale, à la stagnation des niveaux d’avancement et de déroulement de carrière, ainsi qu’à la dévalorisation du niveau de rémunération, qui conduirait à une précarisation de l’emploi. Ainsi, dans le cadre du Ségur de la santé, le CNOSF a réalisé, le 1er juin 2020, une enquête afin d’identifier les difficultés rencontrées par les sages-femmes dans l’exercice de leur activité. Les résultats obtenus montrent que 55 % d’entre elles auraient envisagé de quitter le métier, seulement 25 % l’évaluant positivement14. b) Des leviers concurrentiels à assouplir 20. La profession subit une restriction majeure à sa liberté d’action sur le marché, puisqu’elle ne connaît qu’une faible concurrence par les prix. En effet, selon le CNOSF, les sages-femmes libérales choisissent, pour une grande majorité d’entre elles15, d’adhérer à la convention d’assurance maladie applicable aux sages-femmes, qui les contraint à appliquer les tarifs

13 Rapport de 2021, L’évolution de la profession de sage-femme. 14 CNOSF, 2020 : 20 propositions pour la santé des femmes, Contribution générale dans le cadre du Ségur de la Santé, juillet 2020, page 41 : https://www.ordre-sages-femmes.fr/wp-content/uploads/2020/07/CONTRIBUTION-CNOSF-SEGUR.pdf. 15 Au 1er janvier 2022, le nombre de sages-femmes libérales conventionnées est de 7 219 sur 8 347, soit 86 %. 7

fixés dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), pour les actes cliniques, et dans la classification commune des actes médicaux (CCAM), pour les actes techniques16. Elles ne peuvent ainsi ni abaisser ni augmenter les tarifs en dessous ou au-dessus des prix conventionnels. 21. Comme l’a déjà relevé l’Autorité, l’existence d’une réglementation sur les prix ne peut, néanmoins, justifier une absence totale de concurrence. Dans son avis n° 16-A-11 relatif à la profession d’infirmier, l’Autorité a ainsi souligné qu’il convenait de maintenir « les rares espaces de concurrence sur d’autres aspects que tarifaires afin notamment que de nouveaux entrants puissent contester les positions acquises et développer de nouvelles offres de soins aux patients, et contribuer ainsi à diversifier l’offre »17. 22. De plus, en France, la répartition territoriale des sages-femmes est soumise à un dispositif de régulation démographique de l’offre de soins. Ce dispositif, qui vise à limiter les installations en zones excédentaires et à les encourager dans les zones déficitaires mises en place par la convention nationale conclue le 11 octobre 2007 et approuvée par arrêté le 10 décembre 200718, peut constituer une limitation supplémentaire, en matière d’installation, à la concurrence entre sages-femmes. 23. Dans ce contexte, il convient tout particulièrement de veiller à ce que les modalités d’exercice de la profession, telles que le remplacement, la collaboration, le salariat et la communication, puissent, dans le respect des règles de l’art et de la santé des patients, être assouplies. 24. Certains assouplissements ont d’ores et déjà été introduits par le décret n° 2020-1661 du 22 décembre 2020 portant modification du code de déontologie des sages-femmes et relatif à leur communication professionnelle (voir, infra, paragraphes 35 à 38). Néanmoins, d’autres inflexions demeuraient nécessaires et ont, pour certaines d’entre elles, été introduites dans le projet de décret soumis à l’Autorité. B. PRESENTATION DU PROJET DE DECRET 25. Le projet de décret soumis à l’Autorité réforme le code de déontologie des sages-femmes, actuellement régi par les articles R. 4127-301 à R. 4127-367 du CSP. 26. Selon la fiche de présentation transmise avec la saisine de l’Autorité, ce projet a été préparé par le CNOSF, conformément à l’article L. 4127-1 du CSP, et repris par le ministère de la Santé, celui-ci ayant « procédé à un travail attentif de la justification et de la proportionnalité de chacune des mesures […] notamment aux exigences instaurées par la directive 2018/958 du 28 juin 2018 relative à un contrôle de proportionnalité avant l’adoption d’une nouvelle réglementation des professions […] et à l’aune des différents avis de l’Autorité de la concurrence sur les professions de santé ».

16 Par exemple, 46,15 euros pour une échographie de surveillance de la croissance fœtale et accouchement unique par le siège par voie naturelle chez une primipare, 25 euros pour une consultation générale en gynécologie et 30 euros pour une préparation à la naissance. 17 Avis de l’Autorité n° 16-A-11 du 11 mai 2016 relatif à un projet de décret portant code de déontologie des infirmiers, paragraphe 43. 18 Arrêté du 10 décembre 2007 portant approbation de la convention nationale destinée à organiser les rapports entre les sages-femmes libérales et les caisses d’assurance maladie. 8

27. Il se compose de trois articles, l’article 1er modifiant la section 3 du chapitre VII du titre II du livre Ier de la quatrième partie du CSP, l’article 2 modifiant le décret n° 2014-1585 du 23 décembre 2014 portant statut particulier des sages-femmes des hôpitaux de la fonction publique hospitalière et l’article 3 prévoyant l’application de dispositions transitoires pour le projet d’article R. 4127-362 du CSP19. 28. Le projet de décret comporte, outre des dispositions ne relevant pas du champ concurrentiel20, une réforme des conditions d’exercice des sages-femmes, notamment une : − suppression de l’interdiction du salariat (actuel article R. 4127-343 du CSP) ; − suppression de l’interdiction d’abaisser ses honoraires dans un but de concurrence (actuel article R. 4127-355 du CSP) ; − suppression de la clause de non-concurrence interdisant aux sages-femmes ayant remplacé une consœur pendant trois mois de s’installer dans un cabinet où elles pourraient entrer en concurrence directe avec la sage-femme remplacée (actuel article R. 4127-342 du CSP) ; − suppression de l’interdiction pour une sage-femme de s’installer dans le même immeuble qu’une consœur, sans l’accord préalable de cette dernière ou, à défaut, sans autorisation du conseil départemental de l’Ordre (actuel article R. 4127-347 du CSP) ; − introduction de la possibilité pour une sage-femme de s’adjoindre des collaborateurs libéraux ou salariés sans limitation de nombre (projet d’article R. 4127-359 du CSP) ; − suppression de la procédure d’autorisation préalable du conseil départemental de l’Ordre, au profit d’une procédure de déclaration pour l’exercice « multi-sites » (projet d’article R. 4127-362 du CSP) ; − modification des conditions de recours à l’assistance d’une sage-femme (projet d’article R. 4127-358 du CSP) ; et − modification des formalités en cas d’évolution des conditions d’exercice (projet d’article R. 4127-371 du CSP). 29. Par ailleurs, certaines dispositions du code de déontologie des sages-femmes, inchangées dans le projet de décret, sont susceptibles de restreindre l’exercice de la profession.

19 L’article 3 du projet de décret dispose que les demandes d’autorisation en cours pour l’exercice multi-sites seront instruites par le conseil de l’Ordre sur le fondement du droit en vigueur à la date de la demande. 20 À titre d’exemple, des dispositions relatives au secret professionnel (projet d’article R. 4127-304 alinéa 5 du CSP), au consentement de la patiente (projet d’article R. 4127- 318 du CSP) ou encore à l’information de la patiente sur les actes pratiqués (projet d’article R. 4127-319 du CSP). 9

II. Analyse concurrentielle A. PROFESSIONS DE SANTE ET DROIT DE LA CONCURRENCE 30. Les professions médicales et paramédicales sont à la fois des professions de santé et des professions libérales. Si les professions libérales se définissent généralement comme non commerciales, elles n’en exercent pas moins, comme rappelé de manière constante par l’Autorité21, une activité économique. 31. S’agissant de l’articulation entre règles de concurrence et santé, le Conseil de la concurrence (devenu Autorité de la concurrence) a publié, dans son rapport d’activité pour l’année 2008, une étude thématique intitulée « Droit de la concurrence et santé »22, dans laquelle il rappelle que si « concurrence et santé semblent appartenir à des sphères étrangères l’une à l’autre », la santé, envisagée « comme un secteur regroupant les activités de service de soins et de vente de produits de santé, [elle] ne peut être exclue du champ économique ». Ainsi, même si l’offre et la demande de soins présentent des particularités propres au secteur, « ces éléments ne peuvent (…) occulter la réalité de l’existence d’une demande, en termes de services de soins ou de produits de santé, dont la rencontre avec l’offre est rémunératrice pour les offreurs. Cette rencontre caractérise l’existence d’un marché. Or, la concurrence a vocation à régir toute activité s’exerçant sur un marché (…), la concurrence trouve donc à s’appliquer, même si la spécificité des missions de santé interdit que le droit de la concurrence en devienne le seul régulateur ». Cette analyse, reprise par la suite, de manière constante, par l’Autorité23, est identique à celle adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne24. 32. La nature économique des activités exercées par les professionnels de santé et, plus généralement, par les professionnels libéraux, n’exclut cependant pas l’édiction de réglementations particulières propres à satisfaire les exigences de qualité qui s’attachent à ces professions25. En effet, comme l’a souligné la Commission européenne dans un rapport sur la concurrence dans le secteur des professions libérales du 17 février 2004, il peut être nécessaire de réglementer les services des professions libérales, essentiellement pour trois raisons26 : i) l’asymétrie informationnelle entre les consommateurs et les prestataires de services, ii) les effets externes des prestations offertes ou le fait que la délivrance de ces

21 Voir en dernier lieu l’avis n° 19-A-18 du 31 décembre 2019 relatif à plusieurs projets de décret portant modification des codes de déontologie de certaines professions de santé. 22 https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/2019-11/ra2008.pdf. 23 Voir, en dernier lieu, l’avis n° 19-A-18 du 31 décembre 2019, précité. 24 Notamment l’arrêt du 12 septembre 2000, Pavel Pavlov e.a. et Stiching Pensioenfonds Medische Specialisten (aff. jointes C-180/98 à C-184/98). 25 Voir notamment les avis n° 16-A-11 du 11 mai 2016, précité, et n° 17-A-10 du 16 juin 2017 relatif à un projet de décret portant code de déontologie des pharmaciens et modifiant le code de la santé publique. 26 Rapport de la Commission européenne sur la concurrence dans le secteur des professions libérales, 17 février 2004. 10

prestations ait un impact sur des tiers autres que le prestataire et le consommateur27 et iii) le caractère de « bien public » que revêtent les services offerts. 33. Si la mise en place d’une réglementation restrictive peut se justifier au regard d’objectifs relevant de l’intérêt général, elle doit pour autant être adaptée et proportionnée aux défaillances de marché anticipées, de façon à ne pas conduire à une situation qui s’avérerait in fine moins bénéfique pour les consommateurs – en l’espèce, les patients – ou moins efficace économiquement que celle qui prévaudrait en l’absence de réglementation. 34. Dans ces conditions, il convient de vérifier si le projet de décret comporte des restrictions de concurrence et, le cas échéant, si ces restrictions sont justifiées par rapport aux objectifs d’intérêt général poursuivis et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire. B. ANALYSE DU CODE DE DEONTOLOGIE DES SAGES-FEMMES 1. LES DISPOSITIONS ASSOUPLISSANT LES MODALITES D’EXERCICE DE LA PROFESSION a) Sur les dispositions modifiées par la réforme de la communication professionnelle 35. Les dispositions relatives à la communication professionnelle des sages-femmes ne sont pas modifiées par le projet de décret soumis à l’Autorité. 36. Il convient, néanmoins, à titre liminaire, de noter que les assouplissements réalisés dans le cadre de la réforme de 2020 relative à la communication professionnelle des sages-femmes suivent, en grande partie, les recommandations formulées par l’Autorité dans le cadre de l’avis n° 19-A-1828. 37. Les restrictions suivantes ont ainsi été amendées29 : − suppression de l’interdiction générale et absolue de faire de la publicité, et possibilité de communiquer par tout moyen « des informations de nature à contribuer au libre choix du praticien par le patient, relatives notamment à ses compétences et pratiques professionnelles, à son parcours professionnel et aux conditions de son exercice » (actuel article R. 4127-310-1 I du CSP) ; − suppression de la notion de publicité dans le cadre de l’interdiction pour la sage-femme, lorsqu’elle « participe à une action d’information du public à caractère éducatif, scientifique ou sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion », de « se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire soit personnelle, soit en faveur des organismes où elle exerce ou auxquels elle prête son concours, soit en faveur d’une cause qui ne soit pas d’intérêt général ». Le texte modifié prévoit que la sage-femme « ne vise pas à tirer profit de son intervention dans le cadre de son activité professionnelle ou à en faire

27 Par exemple, en matière de soins de santé, le coût des services subi par le patient fait l’objet d’une prise en charge par l’Assurance-maladie, ce qui introduit un biais dans le signal que doit théoriquement véhiculer un prix de marché sur un marché concurrentiel. 28 Avis n° 19-A-18 du 31 décembre 2019, précité, paragraphes 65 et suivants et paragraphes 88 et suivants. 29 Décret n° 2020-1661 du 22 décembre 2020, précité. 11

bénéficier des organismes au sein desquels elle exerce ou auxquels elle prête son concours » (actuel article R. 4127-308 du CSP) ; − modification de l’article relatif à la communication de la sage-femme « lors de son installation ou d’une modification de son exercice » ; elle peut désormais « publier sur tout support des annonces en tenant compte des recommandations émises par le conseil national de l’Ordre » (actuel article R. 4127-340-1 du CSP), la référence au caractère « publicitaire » de l’annonce et la limitation à une seule annonce ayant été supprimées ; et − création d’obligations supplémentaires en matière de transparence sur les honoraires pratiqués, la sage-femme devant désormais, lorsqu’elle « présente son activité au public, notamment sur internet (…) y inclure une information sur les honoraires pratiqués [et] les modes de paiement », étant précisé que « l’information doit être claire, honnête, précise et non comparative » et que « la sage-femme veille à ce que la patiente soit informée du montant des honoraires dès la prise de rendez-vous » (actuel article R. 4127-341 du CSP). 38. L’Autorité salue ces évolutions, qui facilitent la communication des sages-femmes et accroissent la transparence tarifaire de la profession. b) Sur les dispositions issues du projet de décret soumis à l’Autorité 39. Le projet de décret soumis à l’Autorité procède à des modifications du code de déontologie des sages-femmes dans quatre champs spécifiques : les tarifs, les conditions d’exercice, les conditions d’installation et les règles de non-concurrence. 40. S’agissant des dispositions tarifaires, le projet de décret prévoit la suppression de l’interdiction d’abaisser les honoraires dans un but de concurrence (projet d’article R. 4127-331 du CSP). 41. Interrogés sur ce point, le CNOSF et la DGOS ont souligné qu’une telle interdiction ne pouvait se justifier au regard des objectifs de santé publique et ne paraissait plus pertinente compte tenu de la pratique conventionnelle de l’activité de sage-femme libérale30. 42. L’Autorité a déjà, de son côté, considéré qu’une disposition visant à interdire l’abaissement des honoraires dans un but de concurrence, même si elle existe dans le code de déontologie d’autres professions de santé31, était restrictive de concurrence et devait être supprimée32. Des dispositions similaires existant au sein des codes de déontologie des professions de pédicure podologue, d’infirmier et de pharmacien ont, d’ailleurs, déjà été supprimées. 43. S’agissant des conditions d’exercice de l’activité, le projet de décret entend moderniser et alléger le cadre juridique au regard, notamment, de l’évolution du rôle de la sage-femme dans le système de santé. Il supprime ainsi l’interdiction du salariat (projet d’article R 4127-358 du CSP) et introduit la possibilité, pour une sage-femme, de s’adjoindre des

30 Comptes-rendus d’audition de la DGOS et du CNOSF. 31 Voir l’article R. 4127-67 du CSP (pour les médecins) et l’article R. 4127-240, alinéa 3, du CSP (pour les chirurgiens-dentistes). 32 Avis n° 12-A-07 du 1er mars 2012 relatif à un projet de décret portant code de déontologie des pédicures-podologues, paragraphes 74 et suivants ; avis n° 16-A-11 précité, paragraphes 127 et suivants ; avis n° 17-A-10 du 16 juin 2017 précité, paragraphes 69 et suivants et avis n° 19-A-18 précité, paragraphes 93 et suivants. 12

collaborateurs libéraux ou salariés sans aucune limitation de nombre (projet d’article R. 4127-359 du CSP). 44. Selon le CNOSF33, cette modification vise à mettre en cohérence ces dispositions avec le cadre législatif et réglementaire actuel, la profession de sage-femme étant, à ce jour, la seule profession médicale ou paramédicale à maintenir l’interdiction de la collaboration salariée et à ne pas contenir de dispositions relatives à la collaboration dans son code de déontologie. 45. L’Autorité a déjà relevé que l’interdiction du salariat, qui avait pour effet de limiter l’exercice de la profession, constituait une limitation à la liberté d’entreprendre et à l’exercice de l’activité34. De la même manière, elle a souligné qu’une disposition ne prévoyant pas la possibilité pour les praticiens de s’adjoindre le concours d’un collaborateur, qu’il soit collaborateur libéral ou collaborateur salarié, avait pour effet de limiter la création, le développement et l’exercice de l’activité en cabinet individuel et en groupe constitué de praticiens de statuts distincts35. De fait, la limitation des possibilités de collaboration constitue une restriction à l’exercice de la profession, puisqu’elle réduit à la fois les opportunités d’emploi pour les jeunes praticiens et les possibilités de développement des cabinets. 46. S’agissant des règles de non-concurrence, le projet de décret supprime la clause de non- concurrence qui interdisait à une sage-femme, ayant remplacé une consœur pendant trois mois, de s’installer dans un cabinet où elle pourrait « entrer en concurrence directe » avec sa consœur, pendant une période de deux ans (actuel article R. 4127-342 du CSP). 47. Selon les rédacteurs du projet de décret36, cette restriction n’était pas justifiée par un objectif de protection de la santé publique, son champ d’application matérielle ne paraissait pas parfaitement délimité et ses modalités devant relever de la liberté contractuelle des parties concernées. 48. S’agissant des conditions d’installation des sages-femmes libérales, le projet d’article R. 4127-362 du CSP supprime, pour l’exercice « multi-sites », le système d’autorisation auprès du conseil départemental de l’Ordre au profit d’un système de déclaration avec possibilité d’opposition. Des dispositions restrictives similaires persistent actuellement dans la plupart des codes de déontologie des professions de santé37. 49. Le projet de décret supprime, par ailleurs, l’interdiction pour une sage-femme de s’installer dans le même immeuble qu’une consœur, sauf autorisation préalable de la consœur ou du conseil départemental de l’Ordre (actuel article R. 4127-347 du CSP). 50. Selon la DGOS et le CNOSF38, cette disposition constituait un important frein à l’installation des sages-femmes. Aussi, dans l’éventualité où un détournement de patientèle serait identifié, il appartiendrait au conseil départemental de l’Ordre compétent de contrôler a

33 Compte-rendu d’audition du CNOSF. 34 Avis n° 08-A-15 du 29 juillet 2008 relatif au projet de décret portant code de déontologie des masseurs kinésithérapeutes, paragraphe 68, et avis n° 16-A-11 précité, paragraphe 165. 35 Avis précités n° 08-A-15, paragraphe 68, et n° 16-A-11, paragraphe 165. 36 Compte-rendu d’audition de la DGOS et commentaire associé à la disposition dans le tableau de concordance. 37 Voir, en ce sens, les articles R. 4127-270 du CSP (pour les chirurgiens-dentistes), R. 4312-72 du CSP (pour les infirmiers), R. 4321-129 du CSP (pour les masseurs-kinésithérapeutes) et R. 4322-79 du CSP (pour les pédicures-podologues). 38 Comptes-rendus d’audition de la DGOS et du CNOSF. 13

posteriori ce type de comportement sur le fondement des dispositions pertinentes du code de déontologie, sans que soit imposée une restriction a priori. 51. L’Autorité a rappelé à plusieurs reprises que les systèmes encadrant les possibilités d’installation, dès lors qu’ils revêtent un caractère trop rigide, ont pour effet d’augmenter la valeur du patrimoine des professionnels déjà installés et de renchérir le coût d’entrée dans le système pour les nouveaux entrants39. Elle recommandait, dès lors, de les assouplir. 52. Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’Autorité approuve pleinement les modifications susvisées, qui assouplissent considérablement les conditions d’exercice de l’activité de sage-femme, et ont d’ailleurs été saluées par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, dans sa lettre de saisine pour avis, selon laquelle le projet de décret comporte « des avancées notables en matière de concurrence ». L’Autorité tient, également, à souligner l’importante avancée opérée par le CNOSF en matière de libéralisation de la profession. 53. Cependant, le projet de décret contient encore certaines dispositions restrictives de concurrence. 2. LES DISPOSITIONS SUSCEPTIBLES DE RESTREINDRE LES MODALITES D’EXERCICE DE LA PROFESSION a) Les restrictions aux conditions d’exercice et d’installation de la profession L’interdiction du recours au référencement en ligne (projet d’article R. 4127-353 du CSP) 54. Le projet d’article R. 4127-353 II du CSP dispose qu’ « Il est interdit à la sage-femme d’obtenir contre paiement ou par tout autre moyen un référencement numérique faisant apparaître de manière prioritaire l’information la concernant dans les résultats d’une recherche effectuée sur l’internet ». 55. Cet article, introduit par le décret du 22 décembre 2020 précité, qui interdit le recours au référencement, qu’il soit payant (« contre paiement ») ou gratuit (« par tout autre moyen »), demeure, en l’état du projet de décret, inchangé. 56. Selon la DGOS40, lors de son examen en 2020, le Conseil d’État avait estimé cette disposition nécessaire et proportionnée à l’objectif poursuivi. Le CNOSF considère quant à lui que le référencement prioritaire constitue « une pratique de nature purement commerciale », qui « conduit à des distorsions de concurrence entre les professionnels médicaux qui payent et ceux qui ne payent pas »41. Les recommandations du CNOSF – précisant les contours des nouvelles dispositions du code de déontologie adoptées dans le cadre de la réforme sur la communication professionnelle – mentionnent sur ce point que « Le recours à un référencement prioritaire commercial est interdit », en soulignant que « tout mode de référencement payant, autrement dit commercial, par les moteurs de

39 Avis précités n° 08-A-15, paragraphe 101, n° 12-A-07, paragraphe 114, et n° 16-A-11, paragraphe 149. 40 Compte-rendu d’audition de la DGOS. 41 Compte-rendu d’audition du CNOSF. 14

recherche ou des annuaires est interdit (exemple : Google AdWords, référencement prioritaire/préférentiel via des annuaires…) »42. 57. En revanche, dans le cadre de la consultation nationale sur l’évolution du code de déontologie organisée par le CNOSF, les membres de la profession ont exprimé, notamment, le besoin de bénéficier d’une meilleure visibilité sur leurs compétences et leurs activités, faisant état, à cet égard, de limitations et de restrictions en matière de communication et de publicité sur Internet43. 58. Dans son avis n° 19-A-18 précité44, l’Autorité a distingué le référencement dit « naturel »45 du référencement dit « prioritaire »46. 59. S’agissant du référencement dit « naturel », l’Autorité a souligné que « le positionnement sur les pages de résultat des moteurs de recherche ou des annuaires dépend essentiellement des recherches effectuées par les utilisateurs ainsi que du nombre de « clics » vers le site internet du professionnel. L’interdiction du référencement naturel serait donc, d’un point de vue purement pratique, difficilement envisageable, puisqu’il n’implique aucune démarche volontaire de la part du praticien. Par ailleurs, il n’apparaît pas concevable que les instances ordinales sanctionnent un praticien pour une action ne dépendant pas de son comportement. Si elle était consacrée, cette interdiction constituerait donc une restriction excessive de concurrence, inapplicable en pratique et contrevenant manifestement à la jurisprudence de la Cour de justice ». La Cour de justice a, en effet, rappelé le principe de libre utilisation des procédés de communication commerciale par les professions réglementées, sous réserve du respect des règles de déontologie, et indiqué que la défense de cet objectif ne saurait entraîner une interdiction per se de l’usage des procédés publicitaires par les membres de ces professions47. 60. S’agissant du référencement dit « prioritaire », l’Autorité a considéré que « l’interdiction du référencement payant constitue une restriction de concurrence, privant le professionnel de santé d’un moyen de promotion et de publicité, notamment via son site internet sur lequel sont présentées son activité et ses compétences ». D’un point de vue concurrentiel, elle a souligné que le référencement constituait « un facteur important d’animation de la concurrence », cette pratique permettant aux professionnels de santé de faire bénéficier leur site Internet d’une meilleure visibilité et de se concurrencer dans la diffusion d’informations sur les prestations de soins. Elle ajoutait, partant : « l’autorisation encadrée du référencement payant contribuerait ainsi notamment à renforcer les possibilités de diffusion d’informations neutres, objectives et conformes aux règles déontologiques et à réduire

42 Recommandations relatives à l’information délivrée par la sage-femme, CNOSF, 19 janvier 2021. https://www.ordre-sages-femmes.fr/wp-content/uploads/2015/10/Recommandations-CNOSF-janvier-2021- vdef.pdf. 43 Annexe au compte-rendu d’audition du CNOSF. 44 Avis n° 19-A-18 du 31 décembre 2019, précité, paragraphes 79 et s. 45 De manière générale, le référencement dit « naturel », généralement considéré comme « gratuit », ne nécessite pas d’intervention du praticien (mis à part la création ou l’optimisation d’un site internet) et consiste en un gain de visibilité et de positionnement en fonction notamment du nombre de clics et de visites sur la page du praticien. 46 Le référencement dit « prioritaire », généralement considéré comme « payant », consiste pour le praticien à rémunérer un gain de visibilité et de positionnement, par exemple en achetant des mots-clés. 47 Ordonnance de la Cour de justice, C-296/18, RG et SELARL, cabinet dentaire du docteur RG, du 23 octobre 2018, paragraphes 16 à 19. 15

l’asymétrie d’informations à la disposition des patients par le développement d’une communication personnelle du praticien »48. 61. Sur ce point, il convient également de relever que des développements jurisprudentiels récents, concernant le recours au référencement payant pour la vente de médicaments non soumis à prescription médicale, ont conduit à la suppression de l’interdiction de référencement contre rémunération dans des moteurs de recherche ou des comparateurs de prix, prévue par l’annexe de l’arrêté du 28 novembre 201649. En effet, la Cour de justice, saisie d’une question préjudicielle par la cour d’appel de Paris sur ce point, a estimé que la directive européenne n° 2000/31 sur le commerce électronique s’opposait à l’interdiction de recourir au référencement payant sur des moteurs de recherche pour la vente en ligne de ce type de médicaments, sauf si une telle interdiction garantit la réalisation d’un objectif de protection de la santé publique et y est proportionnée50. La cour d’appel de Paris, s’appuyant à la fois sur cet arrêt et sur la décision du 17 mars 2021 du Conseil d’État annulant l’arrêté du 28 novembre 2016 précité51, a estimé que le droit au référencement payant était désormais irrévocablement acquis pour la vente sur internet de médicament sans prescription en France52. 62. L’Autorité considère donc, à nouveau, que l’interdiction du référencement prioritaire, qu’il soit payant ou non, constitue une restriction excessive de concurrence. Une autorisation de principe du référencement prioritaire, encadrée par les règles déontologiques, paraît à la fois économiquement préférable et juridiquement plus sûre qu’une interdiction générale et absolue. Recommandation n° 1 :

L’Autorité réitère les recommandations formulées dans son avis n° 19-A-18, consistant à poser, dans le CSP, une autorisation de principe du référencement naturel et prioritaire, tout en encadrant son utilisation par des obligations déontologiques liées, notamment, à la nature des informations mises en ligne. L’interdiction d’exercer dans un local commercial (projet d’article R. 4127-342 du CSP) 63. Le code de déontologie en vigueur prévoit une interdiction de principe, pour les sages-femmes, d’exercer leur activité au sein de « locaux commerciaux », sauf dérogation accordée par le conseil départemental de l’Ordre : « Il est interdit à une sage-femme de donner des consultations dans des locaux commerciaux, sauf dérogation accordée par le conseil départemental de l’Ordre, ainsi que dans tout local où sont mis en vente des médicaments, des produits ou des appareils que cette sage-femme prescrit ou utilise et dans les dépendances desdits locaux » (article R. 4127-321 du CSP). 64. Le projet d’article R. 4127-342 du CSP remplace cette disposition par une interdiction générale « de donner des consultations dans des locaux commerciaux ».

48 Avis n° 19-A-18 du 31 décembre 2019, précité, paragraphes 82 et suivants. 49 Arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments prévues à l’article L. 5125-39 du code de la santé publique. 50 Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, 1er octobre 2020, aff. C-649/18. 51 Décision du Conseil d’État, 17 mars 2021, n° 440208. 52 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 17 septembre 2021, RG n° 19/05740, paragraphes 23, 45 et 53. 16

65. Selon les rédacteurs du projet de décret, cette modification vise à mettre cette disposition en conformité avec (i) l’article L. 4113-4 du CSP, qui dispose que : « Les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes ne peuvent donner des consultations dans les locaux ou dépendances des locaux commerciaux où sont vendus les appareils qu’ils prescrivent ou qu’ils utilisent » et (ii) les principes déontologiques, en particulier l’interdiction de pratiquer la profession de sage-femme comme un commerce53. La suppression de cette dérogation s’expliquerait, par ailleurs, par une mise en cohérence avec les autres professions de santé qui ne prévoient aucune dérogation de cette nature au sein de leur code de déontologie respectif54. 66. L’Autorité a déjà indiqué que l’absence de définition du terme « commercial » et de ses dérivés était de nature à susciter des interprétations excessives et divergentes et à engendrer des restrictions de concurrence injustifiées55. Elle relève, par ailleurs, en l’espèce, que la seule référence à la notion de « locaux commerciaux », sans plus de précisions et notamment sans renvoi à la définition de l’article L. 4113-4 du CSP précité, tout en maintenant, parallèlement, l’interdiction « cardinale » de pratiquer la profession comme un commerce56, est de nature à limiter l’exercice de l’activité, en entravant notamment la liberté d’installation des sages-femmes, elle-même déjà fortement réduite (voir, supra, paragraphe 22). 67. L’imprécision du terme « commercial » paraît donc de nature (i) à restreindre la possibilité pour les sages-femmes de s’installer dans des locaux professionnels et (ii) à créer un risque de poursuites et de sanctions disciplinaires arbitraires pour des pratiques pourtant conformes à la loi. Or, les spécificités de l’activité de sage-femme n’apparaissent pas de nature à justifier une interdiction aussi générale. L’Autorité préconise par conséquent de modifier la rédaction envisagée. Recommandation n° 2 :

L’Autorité recommande de procéder à une réécriture du projet d’article R. 4127-342 du CSP, en supprimant le terme « commercial » et en réintroduisant les termes : « où sont mis en vente des médicaments, des produits ou des appareils que cette sage-femme prescrit ou utilise et dans les dépendances desdits locaux », de l’actuel article R. 4127-321 du CSP. b) Les imprécisions rédactionnelles restreignant les conditions d’exercice de la profession Le recours exceptionnel à l’assistance d’une sage-femme (projet d’article R. 4127-358 du CSP) 68. L’actuel article R. 4127-343 du CSP interdit à une sage-femme d’employer une autre sage-femme (ou une sage-femme étudiante) pour son compte, tout en lui permettant toutefois, après autorisation du conseil départemental de l’Ordre, d’être « assistée » par une

53 Cette interdiction est prévue à l’article R. 4127-310 du CSP (article R. 4127-308 du CSP dans le projet de décret). 54 Voir en ce sens, les articles R. 4127-25 du CSP (pour les médecins), R. 4127-223 du CSP (pour les chirurgiens-dentistes), R. 4312-77 du CSP (pour les infirmiers), R. 4321-73 du CSP (pour les masseurs-kinésithérapeutes) et R. 4322-44 du CSP (pour les pédicures-podologues). 55 Voir, notamment, avis n° 19-A-18 du 31 décembre 2019 précité, paragraphes 54 et 66. 56 Projet d’article R. 4127-308 du CSP. 17

sage-femme « dans des circonstances exceptionnelles, notamment en cas d’afflux considérable de population ». 69. Selon le CNOSF, ce dispositif, qui ne constitue pas une modalité d’exercice de la profession, doit être interprété comme un aménagement de l’activité de la sage-femme libérale dans des circonstances exceptionnelles. Ainsi, récemment, cette disposition a été utilisée dans le cadre du remplacement, prévu par les actuels articles R. 4127-342 et R. 4127-343 du CSP, afin de répondre à l’augmentation de la demande de soins au cours de la période de crise sanitaire. 70. Le projet d’article R. 4127-358 du CSP maintient la possibilité de recourir à l’assistance d’une sage-femme, mais (i) la conditionne à l’autorisation préalable du conseil départemental de l’Ordre (ii) impose de démontrer l’existence d’une situation exceptionnelle et (iii) limite cette possibilité à une période de trois mois renouvelable, l’éventuel renouvellement étant également soumis à l’autorisation préalable du conseil départemental de l’Ordre : « La sage-femme peut, sur autorisation du conseil départemental de l’Ordre, être assistée par une autre sage-femme dans des circonstances exceptionnelles, notamment en cas d’afflux considérable de population. L’autorisation fait l’objet d’une décision individuelle du conseil départemental de l’Ordre pour une durée de trois mois renouvelable. Le silence gardé par le conseil départemental vaut autorisation tacite à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d’autorisation ou de renouvellement ». 71. Parallèlement, le projet de décret prévoit des dispositions susceptibles de viser des situations similaires : − introduction de la possibilité pour les sages-femmes libérales de recourir à la collaboration libérale et salariée sans limitation de nombre (projet d’article R. 4127-359 du CSP) ; et − introduction d’une dérogation au principe d’interdiction pour la sage-femme remplacée d’exercer son activité professionnelle pendant toute la durée du remplacement (projet d’article R. 4127-357 du CSP). 72. La coexistence de ces différentes dispositions, qui paraissent se recouper, voire se contredire, suscite toutefois certaines interrogations. 73. S’agissant de l’articulation entre assistance et collaboration libérale et salariée, le CNOSF a indiqué que ces dispositifs seraient distincts. Le recours à l’assistance d’une sage-femme consisterait à répondre à une situation exceptionnelle, marquée par l’urgence et le caractère temporaire de l’activité. Ce dispositif se matérialiserait essentiellement dans le cadre de remplacements, lorsque la sage-femme remplacée décide, de manière dérogatoire, d’exercer son activité aux côtés de la sage-femme qui la remplace. 74. Néanmoins, la suppression par le projet de décret de l’interdiction pour une sage-femme d’employer une autre sage-femme et la formulation générale utilisée font du recours à l’assistance une disposition susceptible de régir des situations dont le champ d’application est plus large que le seul remplacement. Cette nouvelle faculté pourrait ainsi être appliquée à des situations nécessitant, de manière exceptionnelle, des ressources humaines supplémentaires. Or, ces hypothèses sont dorénavant couvertes par le projet d’article R. 4127-359 du CSP, qui reconnaît la possibilité pour une sage-femme libérale de recourir à une collaboratrice, libérale ou salariée, pour une période déterminée ou non, ceci sans imposer de restrictions particulières (voir, supra, paragraphes 43 et suivants). Dès lors, les 18

conditions du recours à l’assistance apparaissent, en comparaison, particulièrement restrictives. 75. Par ailleurs, bien qu’il ne constitue pas une condition du recours à l’assistance d’une sage-femme, le caractère d’urgence invoqué par le CNOSF nécessiterait plutôt un assouplissement des démarches administratives, par exemple une simple communication du contrat de collaboration pour avis au conseil départemental de l’Ordre, plutôt qu’une autorisation pouvant nécessiter jusqu’à deux mois à partir de la date de réception de la demande. Enfin, selon une enquête réalisée en 201657, le contrat de collaboration libérale permettrait aux sages-femmes de répondre à des objectifs proches, s’ils ne sont pas identiques, de ceux poursuivis par le recours à l’assistance d’une sage-femme58. 76. En outre, une différence de traitement entre le recours à l’assistance d’une sage-femme et le recours à la collaboration libérale et salariée devrait pouvoir se justifier par une différence dans les modalités d’exercice de l’activité, notamment de nature juridique. Or, comme mentionné ci-dessus, le recours à l’assistance d’une sage-femme ne constitue pas une modalité d’exercice de la profession mais uniquement un aménagement de l’exercice de l’activité, adapté à des circonstances exceptionnelles. 77. S’agissant de l’articulation entre assistance et remplacement, le projet d’article R. 4127-357 du CSP procède à (i) la centralisation des dispositions sur le remplacement (ii) à l’introduction d’un principe interdisant pour la sage-femme d’exercer une activité professionnelle durant la période de remplacement et (iii) parallèlement, à l’introduction d’une dérogation à ce principe en cas de circonstances exceptionnelles. 78. Contrairement à ce qu’a pu indiquer le CNOSF, le projet d’article R. 4127-358 du CSP ne peut se limiter à poser une « dérogation au principe déontologique et conventionnel selon lequel une sage-femme remplacée ne peut pas exercer en même temps que la sage-femme remplaçante », les dispositions sur le recours à l’assistance préexistant aux modifications du projet d’article R. 4127-357 du CSP. 79. Par ailleurs, la disposition sur le recours à l’assistance apparaît, dans ce cadre, redondante et superflue au regard de la disposition sur le remplacement, dans la mesure où des modalités dérogatoires sont déjà envisagées au sein du projet d’article R. 4127-357 du CSP. 80. En tout état de cause, le projet d’article R. 4127-358 du CSP ne contient pas de particularités justifiant son maintien dans le cadre réglementaire à venir. 81. Il ressort des considérations qui précèdent que le projet d’article R. 4127-358 du CSP entend régir de manière générale des situations dorénavant couvertes par des dispositions spécifiques, répondant plus efficacement aux objectifs initiaux. Son maintien au sein du code de déontologie participerait à complexifier la mise en œuvre des règles professionnelles et serait susceptible de gêner, voire de rendre moins attrayantes, les conditions d’exercice et d’installation de la sage-femme.

57 Direction générale de l’entreprise, Enquête Contrat de collaboration libérale, résultats de l’échantillon Sage-femme, Rapport de résultats, juin 2016. 58 Les avantages retirés du contrat de collaboration libérale sont, notamment, la gestion d’une surcharge d’activité, la libération du temps de travail pour convenance personnelle, l’allègement d’une partie de la charge de travail pour pouvoir suivre en parallèle une formation professionnelle et la cessation progressive de l’activité professionnelle. 19

Recommandation n° 3 :

L’Autorité recommande de supprimer le projet d’article R. 4127-358 du CSP relatif au recours à l’assistance d’une sage-femme, dans un souci de cohérence et d’efficacité des règles professionnelles. L’Autorité recommande, également, une réécriture du projet d’article R. 4127-357 du CSP qui consisterait, d’une part, à supprimer la mention « dans les conditions prévues de l’article R. 4127-358 » dans un souci de cohérence et, d’autre part, à substituer au système d’autorisation auprès du conseil départemental un système de déclaration mieux adapté aux situations d’urgence. L’obligation pour une sage-femme qui modifie ses conditions d’exercice d’informer sans délai le conseil départemental de l’Ordre (projet d’article R. 4127-371 du CSP) 82. Le projet de décret prévoit, en son article R. 4127-371 du CSP, que « toute sage-femme, qui modifie ses conditions d’exercice (…) est tenue d’avertir sans délai le conseil de l’ordre ». 83. Faute de précision sur la notion de « conditions d’exercice », les hypothèses couvertes par cette disposition apparaissent relativement larges, et sont susceptibles d’impliquer une charge administrative importante pour la sage-femme, à chaque changement intervenant dans l’exercice de son activité. 84. Par ailleurs, les termes « sans délai » apparaissent plus restrictifs que le délai d’un mois prévu par l’article D. 4113-115 du CSP, applicable aux trois professions médicales pour informer le conseil départemental de leur ordre respectif « de tout changement de leur situation professionnelle ou de leur résidence ». Or, cette restriction ne semble pas justifiée au regard des spécificités de la profession de sage-femme. Recommandation n° 4 :

L’Autorité recommande de modifier la rédaction de l’article R. 4127-371 du CSP pour (i) préciser les situations visées par la mention « conditions d’exercice » en reprenant, par exemple, les hypothèses formulées par l’article D. 4113-115 du CSP et (ii) harmoniser le délai d’information du conseil départemental avec celui prévu par le texte précité.

20

Conclusion 85. L’Autorité émet un avis globalement favorable sur le projet de décret en Conseil d’État réformant le code de déontologie des sages-femmes. 86. Elle émet cependant quelques réserves, et formule les recommandations suivantes : − recommandation n° 1 : l’Autorité réitère les recommandations formulées dans son avis n° 19-A-18 précité, consistant à poser, dans le CSP, une autorisation de principe du référencement naturel et prioritaire, tout en encadrant son utilisation par des obligations déontologiques liées, notamment, à la nature des informations mises en ligne ;

recommandation n° 2 : l’Autorité recommande de procéder à une réécriture du projet d’article R. 4127-342 du CSP, en supprimant le terme « commercial » et en réintroduisant les termes : « où sont mis en vente des médicaments, des produits ou des appareils que cette sage-femme prescrit ou utilise et dans les dépendances desdits locaux », de l’actuel article R. 4127-321 du CSP ; − recommandation n° 3 : l’Autorité recommande de supprimer le projet d’article R. 4127-358 du CSP relatif au recours à l’assistance d’une sage-femme, dans un souci de cohérence et d’efficacité des règles professionnelles. L’Autorité recommande également une réécriture du projet d’article R. 4127-357 du CSP qui consisterait, d’une part, à supprimer la mention « dans les conditions prévues de l’article R. 4127-358 » dans un souci de cohérence et, d’autre part, de substituer au système d’autorisation auprès du conseil départemental un système de déclaration mieux adapté aux situations d’urgence ; et − recommandation n° 4 : l’Autorité recommande de modifier la rédaction de l’article R. 4127-371 du CSP pour (i) préciser les situations visées par la mention « conditions d’exercice » en reprenant, par exemple, les hypothèses formulées par l’article D. 4113-115 du CSP et (ii) harmoniser le délai d’information du conseil départemental avec celui prévu par le texte précité.

Délibéré sur le rapport oral de M. Guénolé Le Ber et M. Txaran Echegu, rapporteurs, et l’intervention de Mme Gwenaëlle Nouët, rapporteure générale adjointe, par Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidente, présidente de séance, Mme Laurence Borrel-Prat et M. Jean-Yves Mano, membres.

La secrétaire de séance, La présidente de séance,

Habiba Kaïd-Slimane Fabienne Siredey-Garnier

 Autorité de la concurrence 21

Document Outline

  • Avis n 22-A-09 du 22 novembre 2022 relatif à un projet de décret réformant le code de déontologie des sages-femmes
    • Introduction
    • I. Le cadre juridique et économique
      • A. Présentation de la profession de sage-femme
        • 1. La profession de sage-femme
          • a) Attributions et accès à la profession
          • b) Modalités d’exercice et démographie de la profession
          • c) L’organisation de la profession
        • 2. L’évolution de la profession de sage-femme
          • a) Une profession en manque d’attractivité
          • b) Des leviers concurrentiels à assouplir
      • B. Présentation du projet de décret
    • II. Analyse concurrentielle
      • A. ProfessionS de santé et droit de la concurrence
      • B. analyse du code de déontologie des sages-femmes
        • 1. Les dispositions assouplissant les modalités d’exercice de la profession
          • a) Sur les dispositions modifiées par la réforme de la communication professionnelle
          • b) Sur les dispositions issues du projet de décret soumis à l’Autorité
        • 2. Les dispositions susceptibles de restreindre les modalités d’exercice de la profession
          • a) Les restrictions aux conditions d’exercice et d’installation de la profession
            • L’interdiction du recours au référencement en ligne (projet d’article R. 4127-353 du CSP)
            • L’interdiction d’exercer dans un local commercial (projet d’article R. 4127-342 du CSP)
          • b) Les imprécisions rédactionnelles restreignant les conditions d’exercice de la profession
            • Le recours exceptionnel à l’assistance d’une sage-femme (projet d’article R. 4127-358 du CSP)
            • L’obligation pour une sage-femme qui modifie ses conditions d’exercice d’informer sans délai le conseil départemental de l’Ordre (projet d’article R. 4127-371 du CSP)
    • Conclusion

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
ADLC, Avis 22-A-09 du 22 novembre 2022 relatif à un projet de décret réformant le code de déontologie des sages-femmes