Décision de la Commission des sanctions du 25 novembre 2010 à l'égard de la société X et de M. A

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Sur la décision

Référence :
AMF, 25 nov. 2010, n° SAN-2010-29
Numéro : SAN-2010-29
Identifiant AMF : SAN-2010-29

Texte intégral

La Commission des sanctions

DECISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS A L’EGARD DE LA SOCIÉTÉ X ET DE M. A

La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») :

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14 et L. 621-15, R. 621-5, R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 621-1 et 622-2 ;

Vu les notifications de griefs adressées le 15 février 2010 à la société X ainsi qu’à M. A, son président directeur général ;

Vu la décision du 2 mars 2010 du Président de la Commission des sanctions désignant M. Jean-Pierre Morin, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres en date du 19 mars 2010 adressées à la société X ainsi qu’à M. A, les informant de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur ;

Vu les observations écrites en date du 15 avril 2010 déposées par la société X ;

Vu le rapport de M. Jean-Pierre Morin en date du 30 septembre 2010 ;

Vu la demande d’audition de la société X et de M. A en date du 5 octobre 2010 ;

Vu les lettres de convocation, en date du 8 octobre 2010, à la séance de la Commission des sanctions du 25 novembre 2010 auxquelles était joint le rapport du rapporteur, adressées à la société X et à M. A ;

Vu les lettres en date du 9 novembre 2010 informant la société X et M. A de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, leur précisant la faculté de demander la récusation de l’un ou l’autre de ses membres ;

Vu les procès-verbaux des auditions par le rapporteur, en date du 25 novembre 2010, de M. A pour son compte et celui de la société X qu’il représente en tant que président-directeur général ;

Vu les autres pièces du dossier ;

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Après avoir entendu au cours de la séance publique du 25 novembre 2010 :

— M. le rapporteur en son rapport ;

- M. Simon Janin, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Ambroise Liard, représentant le Collège de l’AMF ;

— M. A, pour son compte et celui de la société X, qu’il représente en tant que président-directeur-général, assisté de Mme B, directrice financière de la société X ;

les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier.

I. FAITS ET PROCEDURE

1.1. Les faits

Le groupe X (ci-après « X »), introduit en Bourse en 2000, est un acteur majeur du cinéma indépendant. Créé en 1986 par M. C, son activité s’est organisée dès l’origine autour de quatre métiers : la distribution de films en salles, l’édition de films en vidéo / DVD, la distribution de films aux télévisions et la distribution de films à l’échelle internationale. En 2007, M. C a été révoqué de son mandat de président directeur général et remplacé par M. A.

Le service de la surveillance des marchés de l’AMF a constaté que la société X avait procédé à la cession de 2 276 206 actions d’autocontrôle pour son propre compte entre le 31 octobre et le 10 novembre 2008, avant d’annoncer la baisse de 11 % de son chiffre d’affaires pour les neuf premiers mois de l’année, cette vente lui ayant permis de réaliser une économie estimée à 46 794 euros.

1.2. La procédure

Le 26 janvier 2009, le secrétaire général de l’AMF a donc ouvert une enquête sur l’information financière et le marché du titre X à partir du 1er janvier 2008.

Le 19 janvier 2010, le rapport d’enquête établi par la direction des enquêtes et de la surveillance des marchés de l’AMF a notamment conclu qu’en procédant à cette cession, la société X et M. A étaient susceptibles d’avoir contrevenu aux dispositions de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF selon lequel toute personne qui détient, au sens de l’article 622-2 du même règlement, une information privilégiée doit s’abstenir d’utiliser cette information en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son compte propre ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement les instruments financiers concernés.

Conformément à la décision prise, lors de sa séance du 19 janvier 2010, par la Commission spécialisée n°3 du Collège de l’AMF, le Président de l’AMF a, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 février 2010, notifié à la société X, ainsi qu’à M. A, à titre personnel, le grief leur reprochant d’avoir manqué à leur obligation d’abstention en procédant, entre le 31 octobre 2008 et le 10 novembre 2008, à la cession de 2 276 206 actions d’autocontrôle pour un montant total de 319 939,55 euros, avant la publication, le 14 novembre 2008, de l’information privilégiée dont ils avaient connaissance et qui portait sur la baisse de 11 %, par rapport à l’année précédente, du chiffre d’affaires des trois premiers trimestres 2008.

Par décision du Président de la Commission des sanctions du 2 mars 2010, M. Jean-Pierre Morin a été désigné rapporteur, ce dont les mis en cause en ont été informés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 mars 2010 leur rappelant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément à l’article R. 621-39-I. du code monétaire et financier.

Le 19 mars 2010, la société X et M. A ont été informés, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, qu’ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-1 du code monétaire et financier, d’un délai d’un

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mois pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Par lettre du 15 avril 2010, seule la société X a fait parvenir ses observations en réponse à la notification de griefs.

Le rapporteur a déposé son rapport le 30 septembre 2010.

Le 4 octobre 2010, les mis en cause ont sollicité leur audition. Le 25 novembre 2010, la société X et M. A ont été entendus par le rapporteur.

Le 8 octobre 2010, la société X et M. A ont été convoqués devant la Commission des sanctions, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à laquelle était joint le rapport du rapporteur.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 novembre 2010, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier pour demander la récusation, dans les conditions prévues aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier, de l’un ou l’autre de ses membres appelés à délibérer.

II. MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que le communiqué publié le 14 novembre 2008 par la société X (cote R 0000132) a annoncé, d’une part, que le chiffre d’affaires des trois premiers trimestres, d’un montant de 12 M€, était en baisse de 11 % par rapport à celui de 13,5 M€ réalisé l’année précédente durant la même période, d’autre part, qu’elle ajustait à 17 M€ son objectif de chiffre d’affaires pour 2008 ; qu’il convient de rechercher si cette information revêtait, avant sa communication, les caractéristiques d’une « information privilégiée » ;

Considérant, tout d’abord, qu’en vertu de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction applicable au moment des faits, « une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique (…) » ;

Considérant, en premier lieu, qu’il n’importe que le montant exact du chiffre d’affaires du 3ème trimestre 2008 n’ait pas été définitivement arrêté, dès lors qu’une diminution avérée de celui-ci pour les neuf premiers mois de l’exercice suffit à donner un caractère « précis » à l’information ; qu’en l’espèce, le chiffre d’affaires de la société X est composé de quatre activités, dont celle de « distribution en salles », qui représente 60 % de l’ensemble ; que les recettes générées par ces activités sont évaluées chaque mois et sont portées à la connaissance de la société dès le 25 du mois suivant ; qu’ainsi, une première évaluation du chiffre d’affaires commercial réalisé durant le troisième trimestre était faite au plus tard le lundi 27 octobre 2008, celle concernant la distribution en salles étant établie de manière très précise ; qu’il importe peu que les éléments des trois autres activités n’aient pas alors été définitivement arrêtés, n’ayant pas été revus par le contrôleur de gestion de la société X, dès lors que la réunion de toutes les autres données en la possession de la société permettait d’aboutir, avant retraitement, à une estimation du chiffre d’affaires global du troisième trimestre et, dès lors, des neuf premiers mois de l’exercice ; que, par suite, l’information tenant à la baisse de 11 % de ce chiffre d’affaires par rapport à celui des neuf premiers mois de l’année précédente revêtait bien le caractère de précision exigé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il n’est pas contesté que les chiffres sur la diminution des recettes du troisième trimestre n’ont été rendus publics que le 14 novembre 2008 ; qu’ainsi, à la date des cessions litigieuses, intervenues entre le 31 octobre et le 10 novembre 2008, les informations concernant l’estimation du chiffre d’affaires réalisé pendant les mois de juillet à septembre 2008 n’étaient pas « publiques » au sens du texte précité ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’article 621-1 précité, dans sa rédaction applicable à la date des faits, qu’une information privilégiée est « une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible

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d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;

Considérant tout d’abord que, si le chiffre d’affaires et son évolution sont susceptibles d’être pris en compte dans une décision d’investissement, ces données ne constituent pas, à elles seules, un élément pertinent dans ce secteur d’activités ; qu’ainsi, l’investissement dans un nombre plus élevé de films provoque mécaniquement une augmentation du chiffre d’affaires, mais aussi un accroissement des charges qui peut réduire considérablement, dans une période difficile, la rentabilité de la société ;

Considérant qu’il convient, ensuite, de rechercher, en l’espèce, si l’annonce de la baisse du chiffre d’affaires réalisé au cours des neuf premiers mois de l’année 2008, et plus particulièrement lors du troisième trimestre, était « susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours » ;

Considérant qu’il ressort de l’examen de l’information financière diffusée par la société X que :

— le 14 février 2008, a été annoncé le montant du chiffre d’affaires de l’exercice 2007, qui s’établissait à 18,6 M€ contre 20,9 M€ en 2006, soit une baisse de 12 % ;

— dès le 14 août 2008, a été publié un communiqué indiquant que « compte tenu de la baisse du marché de la video, en recul de 6,6 % en valeur (…), la société X ajuste son objectif de chiffre d’affaires à 18 M€ pour l’exercice 2008 », soit une diminution, d’une part, de 3 M€, représentant 15 % de moins, par rapport à l’objectif de 21 M€ qui avait été annoncé le 18 avril et confirmé le 15 mai 2008, d’autre part, de 0,6 M€ par rapport au chiffre d’affaires réalisé l’année précédente ;

— le communiqué du 30 septembre 2008 a annoncé, tout à la fois, un résultat net du premier semestre courant en perte de 5,6 M€ et un objectif de chiffre d’affaires ramené, cette fois, de 18 M€ à 17,5 M€, soit une diminution de près de 17 % par rapport à l’objectif initial et de 1,1 M€ par rapport au chiffre d’affaires de l’année précédente ;

Considérant qu’ainsi, le public a été informé à partir du 14 août 2008 de ce que le chiffre d’affaires de la société X serait inférieur aux prévisions et à celui réalisé l’année précédente, ces baisses étant confirmées, dans le sens de l’amplification, le 30 septembre 2008 ; que le communiqué du 14 novembre 2008 n’a donc fait que compléter ces données en prenant en compte celles, jusqu’alors inconnues du public, relatives au troisième trimestre ; que la question se pose, dans ces conditions, de savoir si un ajout aussi limité, par rapport aux éléments précédemment communiqués, a pu suffire à conférer à l’information une « influence sensible » sur le cours du titre ;

Considérant que l’analyse de l’historique du marché du titre X montre, de manière générale, une baisse du cours moyen, passé de 0,43 € à 0,28 € de mai à juillet 2008, avec une stabilisation jusqu’en septembre 2008 malgré le communiqué du 14 août 2008, suivie d’une baisse progressive atteignant 50 % entre le 15 septembre (0,28 €) et le 13 novembre 2008 (0,14 €) ; que si le titre a baissé à 0,13 € le lendemain de la parution du communiqué du 14 novembre 2008, il n’a à nouveau diminué d’un centime d’euro que trois jours plus tard, puis s’est maintenu globalement entre 0,11 € et 0,12 € jusqu’à la fin de l’année ; que cette relative « décorrélation » du cours du titre par rapport à chacun des évènements ci-dessus rappelés conforte l’analyse selon laquelle le marché, informé des difficultés que la société rencontrait, était plus sensible à l’évolution générale de cette dernière qu’à ses annonces ponctuelles sur l’évolution du chiffre d’affaires, elle-même peu significative en termes de rentabilité ;

Considérant, en conséquence, que l’hypothèse selon laquelle l’information en cause, telle qu’elle vient d’être circonscrite, aurait été susceptible, si elle avait été connue du public, d’avoir une influence sensible sur le cours du titre X ne paraît aucunement démontrée ;

Considérant qu’à défaut de cet élément, le manquement d’initié n’est pas caractérisé à l’égard de la société X et de M. A qui seront, en conséquence, mis hors de cause ;

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PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de Mme Claude Nocquet, par Mme Marielle Cohen-Branche, membre de la 1ère Section de la Commission des sanctions suppléant M. Jean-Claude Hassan par application du I de l’article R. 621-7 du code monétaire et financier, et par MM. Alain Ferri, Antoine Courteault et Jean-Jacques Surzur, membres de la 2ème Section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE DE :

− mettre hors de cause la société X ainsi que M. A ;

− publier la présente décision sur le site internet de l’AMF et dans le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions.

Paris, le 25 novembre 2010,

Le Secrétaire de séance,

La Présidente,

Marc-Pierre Janicot

Claude Nocquet

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du Code monétaire et financier.

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