Décision de la Commission des sanctions du 22 décembre 2015 à l'égard de MM. A, B, C, D, E, F et G

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Sur la décision

Référence :
AMF, 22 déc. 2015, n° SAN-2015-22
Numéro : SAN-2015-22
Identifiant AMF : SAN-2015-22

Texte intégral

La Commission des sanctions

DECISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS A L’EGARD DE MM. A, B, C, D, E, F ET G

La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») :

Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 621-14, L. 621-15, L. 621-18-2, R. 621- 38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 223-22, 621-1, 622-1 et 622-2 ;

Vu les notifications de griefs du 17 juillet 2014 adressées à MM. A, B, C, D, E, F et G ;

Vu les observations en réponse à la notification de griefs déposées par M. B et M. C le 17 septembre 2014, par M. A le 22 octobre 2014, par

M. F le 14 janvier 2015 et M. G le 16 janvier 2015 ;

Vu la décision du Président de la Commission des sanctions du 1er septembre 2014 désignant Mme Anne-José Fulgeras, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteure ;

Vu les lettres du 16 septembre 2014 informant les mis en cause de la désignation de

Mme Anne-José Fulgeras en qualité de rapporteure et de la faculté qui leur était offerte d’être entendus, à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;

Vu les lettres du 18 septembre 2014 informant les mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation de la rapporteure dans un délai d’un mois ;

Vu les lettres du 27 avril et 13 mai 2015 convoquant les mis en cause à une audition par la rapporteure ;

Vu les procès-verbaux d’audition par la rapporteure de M. D le 9 juin 2015, MM. A, B, C le 17 juin 2015 et M. G le 25 juin 2015 ;

Vu le rapport de Mme Anne-José Fulgeras du 16 septembre 2015 ;

Vu les lettres du 18 septembre 2015 convoquant MM. A, B, C, D, E, F et G à la séance de la Commission des sanctions du 19 novembre 2015, auxquelles était joint le rapport de la rapporteure, et informant les mis en cause du délai de quinze jours dont ils disposaient pour présenter des observations en réponse, conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier, ainsi que de leur droit à se faire assister de tout conseil

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de leur choix, selon les dispositions du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier, et d’un interprète ;

Vu les lettres du 18 septembre 2015 informant MM. A, B, C, D, E, F et G de la composition de la formation de la Commission des sanctions au cours de la séance du 19 novembre 2015 et du délai de quinze jours dont ils disposaient pour demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres, en application des articles R. 621-39-2, R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir, au cours de la séance publique du 19 novembre 2015, constaté l’absence de MM. C, F, E et G et entendu :

− Mme Anne-José Fulgeras en son rapport ;

− M. Alexis Dupont, représentant le Directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ; − Mme Virginie Adam, représentant le Collège de l’AMF ; − MM. A, B et D ; − Me André Schneider, conseil de M. A ; − Me Michel Hallel, conseil de MM. B et C, représentant également

M. C, en vertu d’un pouvoir remis en séance ; − Mes Rémi Kleiman et Manuel Tomas, conseils de MM. F et G ; − Mmes Elisabeth Maucors et Christine Galavielle, interprètes ;

Les personnes mises en cause présentes ayant eu la parole en dernier.

FAITS ET PROCÉDURE

I. Les faits

La société LaCie SA (ci-après : « LaCie ») est spécialisée dans la fabrication, la distribution et la commercialisation de périphériques externes de stockage informatique. A l’époque des faits, les actions LaCie étaient admises aux négociations sur le compartiment C du marché NYSE Euronext Paris.

La société Seagate Technology plc (ci-après : « Seagate »), immatriculée en Irlande et dont le siège opérationnel est à Cupertino en Californie, figure parmi les acteurs majeurs de la production de disques durs. Depuis le 16 septembre 2008, ses titres sont cotés sur le marché NASDAQ aux Etats-Unis.

En 2011, M. A, président-directeur général de LaCie, a approché Seagate en vue d’un rachat de LaCie. Les échanges entre LaCie et Seagate se sont multipliés au cours du dernier trimestre 2011 et du premier trimestre 2012.

Le 9 avril 2012, une lettre d’intention a été signée entre Seagate, d’une part, et M. A et la holding dont il est seul actionnaire, d’autre part, portant sur l’acquisition par la première des actions LaCie détenues par les seconds représentant 64 % du capital, suivie d’une offre publique d’achat de Seagate sur le solde des actions avec pour objectif de lancer une offre publique de retrait sur le titre LaCie si elle parvenait à détenir 95 % du capital. Seagate y exprimait également son intention d’acquérir 100 % des actions LaCie pour un montant total de 151 millions d’euros, soit 4,17 euros par action.

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Le 23 mai 2012, Seagate et LaCie ont annoncé par communiqué de presse « l’entrée en négociations exclusives en vue de l’acquisition par Seagate d’une participation majoritaire dans LaCie » indiquant : « […] Seagate a proposé à M. A et sa société affiliée un prix de 4,05 € par action payable en numéraire, ce montant étant éventuellement ajusté à la baisse en fonction de la situation de trésorerie et de l’endettement de LaCie au moment de la réalisation de l’opération. Ce prix sera éventuellement augmenté de 3 % en cas d’atteinte du seuil de 95 % du capital et des droits de vote de LaCie par l’initiateur dans un délai de 6 mois suivant la réalisation de la cession du bloc de contrôle, soit un prix maximal potentiel de 4,17 € pour chaque action LaCie. Hors complément de prix, cette offre valorise actuellement LaCie à environ 146 millions d’euros, en valeurs de fonds propres, incluant un montant de trésorerie acquise d’environ 49 M€ au 31 mars 2012. Le prix de 4,05 € par action représente une prime de 29 % par rapport au cours moyen de clôture de l’action LaCie sur la période de 30 jours de bourse précédant le 22 mai 2012 (inclus) […] ». Le jour de cette annonce, le cours du titre LaCie a progressé de 19,16 %.

Le 3 août 2012, Seagate et LaCie ont annoncé par communiqué la réalisation de la prise de participation majoritaire de Seagate dans LaCie. Le 21 septembre 2012, une offre publique d’achat simplifiée sur le solde du capital de LaCie a été ouverte. Elle a été clôturée le 18 octobre 2012 sans que Seagate n’atteigne le seuil de 95 % du capital de LaCie. En novembre 2013, après avoir acquis des actions LaCie lui permettant de dépasser le seuil de 95 %, Seagate a déposé un projet d’offre publique d’achat simplifiée suivi d’un retrait obligatoire portant sur les actions LaCie. Le 19 décembre 2013, les actions LaCie ont été retirées de la cote.

II. La procédure

Le 24 octobre 2012, le secrétaire général de l’AMF a décidé l’ouverture d’une enquête portant sur « le marché du titre LaCie (FR000054314) à compter du 1er janvier 2011 ».

A l’issue de l’enquête, conformément aux dispositions de l’article 144-2-1 du règlement général de l’AMF, la Direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, adressé le 25 février 2014 des lettres circonstanciées à MM. A, B, C, D, E, F et G relatant les éléments de fait et de droit recueillis par les enquêteurs.

En réponse, des observations ont été reçues de MM. E et F respectivement les 21 et 28 mars 2014, des conseils de M. A, M. B et M. C le 25 mars 2014, de MM. D et G le 1er avril 2014.

Le 17 juin 2014, la Commission spécialisée n° 1 du Collège de l’AMF, constituée en application de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, a examiné le rapport d’enquête établi le 3 juin 2014, conformément à l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.

Sur décision de cette Commission, le président de l’AMF a, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 17 juillet 2014, notifié des griefs à MM. A, B, C, D, E, F et G.

Il est en substance reproché aux mis en cause d’avoir manqué aux dispositions des articles 621-1 et 622-1 du règlement général de l’AMF et en particulier à :

− M. A, d’avoir manqué à son obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée en la transmettant à M. B ;

− M. B, d’avoir manqué à son obligation d’abstention (i) d’utilisation d’une information privilégiée en achetant 15 000 titres LaCie le 16 mai 2012 et (ii) de communication de cette information en la transmettant à M. C et M. D ;

− M. C, d’avoir manqué à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée en achetant 15 000 titres LaCie le 16 mai 2012 ;

− M. D, d’avoir manqué à son obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée en la transmettant à M. E et M. F ;

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− M. E, d’avoir manqué à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée en achetant 12 000 titres LaCie le 18 mai 2012 ;

− M. F, d’avoir manqué à son obligation d’abstention (i) d’utilisation d’une information privilégiée en achetant 31 100 titres LaCie le 21 mai 2012 et (ii) de communication de cette information en la transmettant à M. G ;

− M. G, d’avoir manqué à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée en achetant 15 000 titres LaCie les 21 et 22 mai 2012.

Il est également reproché à M. A un manquement à son obligation de déclaration à l’AMF de son achat de 16 000 titres LaCie le 24 mai 2012, en violation des dispositions de l’article L. 621-18-2 a) du code monétaire et financier.

Ces lettres précisaient que les griefs notifiés pourraient donner lieu à une sanction sur le fondement des articles L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier.

Le 17 juillet 2014, le président de l’AMF a transmis copie des notifications de griefs au président de la Commission des sanctions conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Le 1er septembre 2014, le président de la Commission des sanctions a désigné Mme Anne-José Fulgeras en qualité de rapporteure, ce dont les mis en cause ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 16 septembre 2014 leur rappelant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 18 septembre 2014, la décision désignant la rapporteure a été notifiée aux mis en cause et ces derniers ont été informés, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de la faculté dont ils disposaient de demander la récusation de la rapporteure dans le délai d’un mois, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621- 39-4 du même code.

En réponse aux notifications des griefs, des observations ont été reçues du conseil de MM. B et C le 17 septembre 2014, du conseil de M. A le 22 octobre 2014 et, après obtention d’un délai, du conseil de MM. F et G les 14 et 16 janvier 2015.

Des courriers en langue allemande de MM. E et D ont été reçus, respectivement, les 15 et 22 septembre 2014. Par courrier du 27 janvier 2015, la rapporteure leur a rappelé que, conformément à la règlementation en vigueur, la Commission des sanctions ne prenait pas en considération les documents rédigés dans une langue autre que le français et que ces courriers ne pouvaient donc pas, en l’état, être pris en considération par la rapporteure.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 27 avril et 13 mai 2015, MM. A, B, C, D, E, F et G ont été convoqués afin d’être entendus par la rapporteure.

L’audition de M. D a eu lieu le 9 juin 2015, celles de MM. A, B, C le 17 juin 2015 et celle de M. G le 25 juin 2015.

M. E ne s’est pas présenté à l’audition prévue le 28 mai 2015, ce qui a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de carence.

Par courrier reçu le 11 mai 2015, le conseil M. F a indiqué que son client ne pourrait pas, « pour des raisons professionnelles impérieuses », se présenter à l’audition par la rapporteure devant se tenir le 24 juin 2015.

Par courrier reçu le 20 juillet 2015, M. A a communiqué, par l’intermédiaire de son conseil, des pièces supplémentaires au soutien de sa défense.

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Par courriers reçus les 20 juillet et 20 août 2015, MM. A, F et G ont indiqué élire domicile aux cabinets de leurs conseils respectifs pour les besoins de la procédure.

La rapporteure a établi son rapport le 16 septembre 2015.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 18 septembre 2015, auxquelles était joint le rapport de la rapporteure , les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 19 novembre 2015 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport de la rapporteure , conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier, ainsi que de leur droit à se faire assister de tout conseil de leur choix, selon les dispositions du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier, et d’un interprète.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 18 septembre 2015, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions appelée à délibérer à l’issue de la séance du 19 novembre 2015, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs membres de cette Commission.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les manquements à l’obligation d’abstention de communication et/ou d’utilisation d’une information privilégiée reprochés aux mis en cause

Considérant qu’il est fait grief aux mis en cause d’avoir manqué à leur obligation d’abstention de communication et/ou d’utilisation de l’information privilégiée relative « à l’offre de Seagate concernant le rachat de la participation de M. A, suivi d’une OPAS sur le solde du capital », en violation des dispositions des articles 621-1, 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF ;

Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version applicable à l’époque des faits : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés. / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version applicable à l’époque des faits : « Toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés. / Elle doit également s’abstenir de : / 1° Communiquer cette information à une autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée ; / 2° Recommander à une autre personne d’acquérir ou de céder, ou de faire acquérir ou céder par une autre personne, sur la base d’une information privilégiée, les instruments financiers auxquels se rapportent cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés. / Les obligations d’abstention posées au présent article ne s’appliquent pas aux opérations effectuées pour assurer l’exécution d’une obligation d’acquisition ou de cession d’instruments

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financiers devenue exigible, lorsque cette obligation résulte d’une convention conclue avant que la personne concernée détienne une information privilégiée » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 622-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version applicable à l’époque des faits : « Les obligations d’abstention prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : / 1° Sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ; / 2° Sa participation dans le capital de l’émetteur ; / 3° Son accès à l’information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, ainsi que de sa participation à la préparation et à l’exécution d’une opération financière ; / 4° Ses activités susceptibles d’être qualifiées de crimes ou de délits. / Ces obligations d’abstention s’appliquent également à toute autre personne détenant une information privilégiée et qui sait ou qui aurait dû savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée […] » ;

Considérant qu’il convient donc de rechercher, d’abord si l’information en cause présente tous les caractères d’une information privilégiée, et ensuite, le cas échéant, si elle a été transmise et utilisée ;

A. Sur l’existence d’une information privilégiée

Considérant que les notifications de griefs retiennent que l’information « relative à l’offre de Seagate concernant le rachat de la participation de M. A, suivi d’une OPAS sur le solde du capital » aurait présenté les caractéristiques d’une information privilégiée dès le 14 mars 2012 et au plus tard le 9 avril 2012 en ce qu’elle était :

— précise car (i) le 14 mars 2012, un conseil d’administration de LaCie au cours duquel les administrateurs ont été informés que Seagate avait confirmé son intérêt pour une prise de contrôle de LaCie, s’était tenu, (ii) le 23 mars 2012, un engagement de confidentialité avait été signé entre LaCie et Seagate, et (iii) le 9 avril 2012, une lettre d’intention avait été signée entre les deux parties, et Seagate estimait le titre LaCie à un prix de 4,17 euros maximum ajustable en fonction des dues diligences à mener par les équipes Seagate (niveau de trésorerie de LaCie) et de l’atteinte du seuil des 95 % du capital à l’issue de l’offre publique permettant de réaliser un retrait obligatoire ; de cette information, il était possible de tirer une conséquence positive sur l’évolution du cours du titre LaCie ;

- confidentielle car du 9 avril au 23 mai 2012, le contenu de l’offre de Seagate et l’acceptation par M. A de la cession de sa participation majoritaire n’avaient pas été rendus publics ;

- susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours puisqu’une OPAS sur les titres encore en circulation devait être mise en œuvre, à un prix au moins équivalent à celui offert à

M. A, soit une progression de 25 % par rapport au cours de clôture du 5 avril 2012, de sorte que l’ampleur des conséquences positives de cette information sur l’évolution du cours du titre LaCie était telle qu’un investisseur aurait pu utiliser cette information comme l’un des fondements de sa décision d’investir ; dans les faits, après l’annonce du 23 mai 2012, le cours du titre LaCie a progressé de 19 % en s’approchant du prix offert par Seagate à M. A en cotant près de 4 euros ;

— Sur le caractère précis de l’information

Considérant qu’après des contacts remontant à 2011, le conseil d’administration de LaCie a été informé le 14 mars 2012 de ce que « Seagate a confirmé son intérêt de prendre le contrôle de LaCie dans le but de lui confier son activité external storage » ; que M. A et Seagate ont signé le 9 avril 2012 une lettre d’intention portant sur l’achat par Seagate de la totalité de la participation de M. A dans LaCie, suivi du lancement d’une offre publique d’achat simplifiée sur le reste des actions LaCie, pour un montant total de 151 millions d’euros, soit un montant maximum de 4,17 euros par action intégrant une prime d’environ 3 % en cas d’atteinte du seuil de 95 % du capital, soit une prime de 29 % par rapport à la valeur de marché du titre de la société à l’époque ; qu’à cette date, Seagate avait mandaté une banque d’affaires conseil, les deux sociétés avaient choisi leurs conseils juridiques respectifs, des prises de contacts et des réunions directes avaient eu lieu entre les représentants de Seagate et de LaCie et un accord de confidentialité avait été signé par les deux sociétés ;

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Considérant, dès lors, que l’opération relative à « l’offre de Seagate concernant le rachat de la participation de M. A suivi d’une OPAS sur le solde du capital » de LaCie était, au plus tard le 9 avril 2012, déjà suffisamment définie entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir ; que compte tenu de l’offre publique d’achat envisagée, il était « possible de tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés » ; qu’en conséquence, l’information présentait, au plus tard le 9 avril 2012, le caractère de précision requis par l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;

— Sur le caractère non public de l’information

Considérant que l’information relative à « l’offre de Seagate concernant le rachat de la participation de M. A suivi d’une OPAS sur le solde du capital » de LaCie était non publique jusqu’à la publication par ces sociétés du communiqué du 23 mai 2012 ; que, dès lors, jusqu’à cette date, l’information n’avait pas été rendue publique au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;

— Sur l’influence sensible de l’information sur le cours du titre LaCie

Considérant que l’information relative à l’intention d’acquisition du bloc de 64 % des actions LaCie détenu par M. A et sa société holding, suivie du lancement d’une offre publique d’achat simplifiée sur le reste des actions LaCie, pour un montant total de 151 millions d’euros, soit un prix maximum de 4,17 euros par action intégrant une prime d’environ 3 % en cas d’atteinte du seuil de 95 % du capital et représentant une prime de 29 % par rapport à la valeur de marché du titre de la société à l’époque était susceptible d’être prise en compte par un investisseur raisonnable comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement et, partant, susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre LaCie au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ; que le cours du titre LaCie a d’ailleurs progressé de 19,6 % le 24 mai 2012, jour de cotation suivant l’annonce faite au marché le 23 mai 2012 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’information « relative à l’offre de Seagate concernant le rachat de la participation de M. A, suivi d’une OPAS sur le solde du capital » de LaCie était privilégiée au plus tard le 9 avril 2012 ; qu’au demeurant, cet élément constitutif du manquement reproché n’a pas été contesté par les mis en cause ;

B. Sur les griefs de communication et/ou d’utilisation de l’information privilégiée notifiés à MM. A, B et C

— Sur la communication de l’information privilégiée par M. A à M. B et son utilisation par ce dernier

Considérant que selon la notification de griefs, M. A aurait communiqué l’information privilégiée précitée à M. B en se fondant sur les éléments suivants :

— sa détention de l’information privilégiée en tant qu’administrateur de LaCie à l’époque des faits ;

- ses liens d’amitiés avec M. B, notamment leur rencontre le soir du 15 mai 2012 au domicile de ce dernier ;

- le caractère atypique des achats d’actions LaCie par M. B le 16 mai 2012 à 10H51 ;

Considérant que M. A, administrateur de LaCie du 30 septembre 2005 au 3 août 2012, était en cette qualité un initié permanent de la société ; qu’il ne conteste plus en séance qu’au 9 avril 2012 il détenait l’information privilégiée ; qu’en sa qualité de membre de l’organe d’administration de LaCie, il était tenu à une obligation d’abstention de communication de cette information en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui a été communiquée ;

Considérant qu’à défaut de preuve matérielle, la détention de l’information privilégiée peut être établie par un faisceau d’indices concordants dont il résulte sans équivoque que celle-ci peut seule expliquer les opérations auxquelles les personnes mises en cause ont procédé ;

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Considérant, d’abord, que M. A et M. B, qui entretiennent des liens d’amitié, ont indiqué qu’ils discutaient fréquemment de leurs investissements ; que le premier a déclaré au cours de son audition par la rapporteure : « A M. B, comme à tous mes amis, j’ai toujours conseillé d’acheter LaCie ; c’est un conseil « récurrent » que je donne à mes amis » ;

Considérant, ensuite, que le 15 mai 2012, M. A a été en contact téléphonique avec le président-directeur général de LaCie, qui se trouvait au siège de Seagate aux Etats-Unis afin de finaliser l’opération, et qu’il a rejoint le soir, M. B à son domicile pour participer à leur séance de sport hebdomadaire ;

Considérant, enfin, que dès le 16 mai 2012 à 10h51, M. B a donné instruction à sa banque de procéder à l’acquisition de 15 000 titres LaCie au cours limite de 3,25 euros, ce qu’elle a fait pour un montant total de 48 312,47 euros ;

Considérant, par ailleurs, que M. B, qui a déclaré aux enquêteurs avoir été peu disponible les années précédentes pour suivre le marché et ne plus être aussi actif en bourse qu’auparavant, ne détenait à la date des faits reprochés que des trackers (fonds indiciels cotés), mais aucun titre en direct ; qu’il n’avait encore réalisé aucun investissement sur les marchés cette année-là ; que son achat d’actions LaCie le 16 mai 2012 revêt donc un caractère atypique ;

Considérant que les justifications avancées par M. B, tenant à la réussite de la marque LaCie, à sa confiance dans le fondateur de la société, à l’éloge fait par M. A de cette dernière et à son analyse de données financières publiques, sont trop générales pour expliquer l’achat atypique précité, effectué dès le lendemain matin de sa séance de sport avec M. A ;

Considérant que ce faisceau d’indices précis et concordants établit que la détention de l’information privilégiée peut seule expliquer les opérations auxquelles M. B a procédé ;

Considérant que le manquement à l’obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée prévue à l’article 622-1 du règlement général de l’AMF est caractérisé à l’encontre de M. A, membre du conseil d’administration de LaCie à l’époque des faits ;

Considérant que le parcours de M. B, qui a indiqué être diplômé d’une école de commerce, avoir participé à des clubs d’investissements, avoir été actif sur les marchés financiers et s’occuper depuis une trentaine d’années de la gestion administrative et financière de la société qu’il a créée avec son frère, conduit à retenir qu’il savait ou aurait dû savoir que l’information détenue avait un caractère privilégié ; que le manquement à son obligation d’abstention d’utilisation de l’information privilégiée est ainsi caractérisé en tous ses éléments à l’encontre de M. B ;

— Sur la communication de l’information privilégiée par M. B à son frère M. C et son utilisation par ce dernier

Considérant que pour retenir qu’après avoir utilisé l’information privilégiée en achetant 15 000 actions LaCie le 16 mai 2012 à 10h51, M. B l’aurait communiquée à M. C qui l’aurait à son tour utilisée en achetant 15 000 actions LaCie le 16 mai 2012 à 14h02, les notifications de griefs se fondent sur les éléments suivants :

— les liens d’amitiés entre M. A, détenteur de l’information privilégiée, et M. B, notamment leur rencontre le soir du 15 mai 2012 au domicile de ce dernier ;

- le caractère atypique des achats d’actions LaCie par M. B le 16 mai 2012 à 10h51 ;

- les liens entre M. B et son frère et associé, M. C, notamment le déjeuner du 16 mai 2012 au cours duquel M. B a fait part à son frère de son investissement dans le titre LaCie ;

- le caractère atypique des achats d’actions LaCie par M. C le 16 mai 2012 à 14h02 ainsi que le caractère peu convaincant des explications fournies pour justifier son investissement ;

- la part du volume traité sur le titre LaCie représenté par les achats de MM. B et C le 16 mai 2012 (85 %) ;

—  9 -

Considérant que le jour même de son acquisition de 15 000 titres LaCie, M. B, qui avait obtenu la veille au soir de M. A l’information privilégiée, a déjeuné avec son frère et associé, M. C, et lui a fait part de son investissement du matin dans le titre LaCie ; que dès 14h02, ce dernier a ouvert un compte-titres auprès de sa banque et lui a donné instruction de procéder à l’acquisition de 15 000 titres LaCie au cours limite de 3,3 euros, ce qu’elle a fait pour un montant total de 49 432,59 euros ;

Considérant que M. C a déclaré aux enquêteurs ne pas avoir le souvenir de transactions sur les marchés réalisées par lui en 2011 ; qu’il n’est intervenu qu’une seule fois en bourse en 2012, pour acheter les actions LaCie le 16 mai, opération pour l’exécution de laquelle il a dû ouvrir un compte-titres ; que ces circonstances établissent le caractère atypique de son achat ;

Considérant que les montants investis par MM. B et C dans le titre LaCie ont représenté ensemble 85 % du volume du marché du titre LaCie le 16 mai 2012 ;

Considérant que les raisons d’ordre général invoquées par M. C, à savoir son intérêt pour le secteur de la « Web Economie » et les produits LaCie ainsi que sa personnalité « instinctive », ou encore l’affirmation non démontrée selon laquelle il aurait « pour habitude de faire les mêmes investissements que son frère » ne suffisent pas à expliquer l’achat atypique susmentionné, intervenu immédiatement après le déjeuner au cours duquel son frère lui a fait part de son propre investissement du matin dans le même titre ;

Considérant qu’il résulte sans équivoque des indices concordants ci-dessus que seule la communication de l’information privilégiée par M. B à M. C permet d’expliquer l’acquisition par ce dernier, le 16 mai 2012 à 14h02, de 15 000 titres LaCie ; Considérant que, comme il a été dit, M. B savait ou aurait dû savoir que l’information détenue avait un caractère privilégié ; que le manquement à l’obligation d’abstention de communication de l’information privilégiée à M. C est donc caractérisé en tous ses éléments à son encontre ;

Considérant que M. C, qui a indiqué diriger avec M. B la société qu’il a créée avec lui, avoir déjà investi sur les marchés financiers et avoir fait partie d’un club d’investissement, savait ou aurait dû savoir que l’information détenue avait un caractère privilégié ; que le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation de l’information privilégiée est ainsi caractérisé en tous ses éléments à l’encontre de M. C ;

C. Sur les griefs de communication et/ou d’utilisation de l’information privilégiée notifiés à MM. B, D, E, F et G

Considérant que MM. F et G, résidents à Singapour, ont soulevé au cours de la séance de la Commission des sanctions la nullité de leurs auditions dans les locaux de la Monetary Authority of Singapore (ci-après : « MAS »), homologue singapourien de l’AMF, en raison de l’absence d’indication préalable à leurs auditions de leurs droits, et notamment de l’indication de la prévention envisagée et de la possibilité d’assistance d’un conseil ;

Considérant que, par courrier du 23 mai 2013, la Direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a requis l’assistance de la MAS pour obtenir des informations relatives aux opérations sur le titre LaCie réalisées par MM. F et G et entendre ces derniers ; que le 12 décembre 2013, les deux mis en cause ont été chacun entendus par deux agents de la MAS, dans les locaux de celle-ci ; que ces auditions ont été enregistrées et transcrites dans des procès-verbaux signés par les deux mis en cause ; qu’il en résulte que la seule information fournie avant les auditions a été une mise en garde conforme aux dispositions du Securities and Futures Act ;

Considérant cependant que, comme l’AMF, la MAS est signataire du Multilateral Memorandum of Understanding de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs mobilières qui prévoit en son article 9 relatif à l’exécution des demandes d’assistance qu’« à moins que les Autorités n’en aient décidé autrement, les informations et documents demandés dans le cadre du présent Accord seront rassemblés conformément aux procédures en vigueur dans la juridiction de l’Autorité requise, par les personnes qu’elle aura désignées » ; que la convention d’échange d’informations signée entre la Commission des opérations de bourse et la MAS le 23 novembre 1999 ne mentionne pas de décision contraire ;

—  10 -

Considérant en conséquence que la régularité des actes accomplis par la MAS ne doit pas être appréciée au regard du droit français seul invoqué par les mis en cause ; qu’il n’y a donc pas lieu de constater la nullité des auditions de MM. F et G dans les locaux de la MAS ;

Considérant que selon les notifications de griefs, M. B aurait également communiqué l’information privilégiée à M. D qui l’aurait à son tour communiquée à MM. E et F qui l’auraient utilisée et, enfin, que ce dernier aurait à son tour communiqué l’information privilégiée à M. G qui l’aurait utilisée ; que pour porter cette appréciation, elles se fondent sur les éléments suivants :

— les liens professionnels entre M. B et M. D, leurs échanges réguliers de conseils sur des investissements boursiers, en particulier sur LaCie en mai 2012 ;

- l’achat par M. E, père de M. D, de 12 000 actions LaCie le 18 mai 2012 ;

- l’achat par M. F, frère de M. D, de 31 100 actions LaCie le 21 mai 2012, son caractère atypique et l’explication qu’il a donnée selon laquelle M. D lui aurait « indiqué que quelque chose se passait sur le marché et que ce quelque chose pouvait arriver vite » ;

- l’achat par M. G, associé de M. F, de 15 000 actions LaCie les 21 et 22 mai 2012, son caractère atypique et l’explication qu’il a donnée selon laquelle M. F lui aurait indiqué qu’il existait des rumeurs d’acquisitions sur LaCie ;

Considérant, d’abord, que M. B et M. D, qui entretiennent des liens professionnels et cordiaux, ont indiqué avoir discuté de leurs investissements boursiers et, plus précisément, avoir échangé sur le titre LaCie entre mars et mai 2012 ; qu’en particulier, le premier a informé le second de son investissement dans le titre LaCie lorsque il l’a réalisé ;

Considérant, ensuite, que si M. D n’a pas lui-même acquis de titres LaCie, il a reconnu avoir conseillé un tel investissement à son père, M. E, ainsi qu’à son frère, M. F, ce que ces derniers ont confirmé ;

Considérant, encore, que M. F a déclaré aux enquêteurs de la MAS que son frère M. D lui avait indiqué à propos de LaCie que « quelque chose se passait sur le marché et que ce quelque chose pouvait arriver vite » ; que dans ses observations en réponse à la notification de griefs, il a précisé que son frère lui avait « suggér[é] “que quelque chose pourrait bien se passer autour de cette société” [LaCie] » ;

Considérant que M. D soutient qu’il n’a conseillé le titre LaCie à son père et à son frère qu’en raison d’une rumeur de rachat par Apple Inc. de la société Loewe AG dans le capital de laquelle LaCie détenait une participation ; que cependant, la rumeur en cause, diffusée sur Internet

le 12 mai 2012, a été démentie par la société Loewe AG dès le lendemain ; que MM. E et F n’ont au demeurant jamais évoqué son existence au cours de l’enquête ; que l’explication fournie n’est donc pas de nature à rendre équivoques les indices ci-dessus ;

Considérant, enfin, que le 18 mai 2012, soit deux jours après l’achat des titres LaCie par M. B, M. E a acheté 12 000 actions LaCie pour un montant total de 37 994 euros ; qu’il s’est borné à justifier cet investissement par le conseil donné par son fils M. D ;

Considérant, que si M. E était déjà intervenu sur les marchés financiers, les montants par lui investis étaient jusqu’à alors deux à trois fois inférieurs à celui de son achat de titres LaCie et portaient sur des titres de sociétés à forte capitalisation boursière, cotées sur le marché allemand et n’exerçant pas leur activité dans le secteur du stockage informatique ; que son investissement dans le titre LaCie apparaît donc atypique par rapport à ses habitudes d’investissement ;

Considérant que M. D fait également valoir que le 18 mai 2012, parallèlement aux titres LaCie, son père, suivant son conseil, a acheté des actions de la société Altran pour un montant d’environ 11 300 euros ; que cet investissement, qui n’est resté que 13 jours dans le portefeuille de titres de

M. E sans que dans l’intervalle aucune information financière n’ait été publiée par Altran ni que le cours du titre n’ait évolué, n’exclut pas la communication à son père d’une information privilégiée ayant motivé l’acquisition de titres LaCie ;

—  11 -

Considérant, de même, que le 21 mai 2012, soit cinq jours après l’achat de M. B, M. F a acheté 31 100 actions LaCie pour un montant d’environ 102 000 euros ; Considérant qu’ainsi qu’il vient d’être dit, M. F a déclaré aux enquêteurs de la MAS que cet investissement faisait suite à un conseil de son frère M. B, qui avait précisé « que quelque chose se passait sur le marché et que ce quelque chose pouvait arriver vite » ; que dans ses observations en réponse à la notification de griefs il a confirmé que cet investissement faisait suite à l’intérêt sur le titre LaCie éveillé par son frère ; qu’il en résulte un indice de communication de l’information privilégiée, conforté par la proximité des dates des achats effectués par MM. B et C et E ;

Considérant que si M. F avait déjà investi sur les marchés financiers, ses investissements étaient jusqu’alors plutôt tournés vers des titres de sociétés à forte capitalisations boursière, cotées à

New York ou en Allemagne et n’exerçant pas leur activité dans le secteur du stockage informatique ; que son investissement dans le titre LaCie apparaît donc atypique par rapport à ses habitudes d’investissement ;

Considérant que M. F explique sa décision d’investissement par son analyse des cours et volumes d’échanges en mai 2012 ; que cette explication d’ordre général ne peut justifier cet achat atypique de titres LaCie précisément le 21 mai 2012, après que son frère lui eut fait part de rumeurs ;

Considérant que, de leur côté, M. F et M. G entretiennent des liens professionnels et d’amitié depuis une quinzaine d’années ; qu’en 2010, ils ont créé une société à Singapour dont ils sont associés ; qu’avant de réaliser son propre investissement dans le titre LaCie le 21 mai 2012, M. F a proposé à M. G un investissement conjoint dans ce titre en lui indiquant, comme il l’a expliqué au cours de l’enquête, « qu’il y avait des rumeurs, que LaCie était la cible d’un rachat […] » ; que celui-ci a confirmé lors de son audition par la rapporteure que M. F lui avait « parlé de rumeurs de marché sur un possible rachat de LaCie mais sans [lui] donner d’informations précises » ;

Considérant que M. G a acheté 15 000 actions LaCie les 21 et 22 mai 2012 pour un montant total de 49 740 euros, alors qu’il se trouvait en vacances en Allemagne ; qu’il a relevé les limites de son ordre qui, faute de liquidité suffisante sur le titre, n’avait pu être exécuté que de façon partielle le 21 mai 2012 ; que ces circonstances révèlent une volonté marquée d’investir sur le titre LaCie ;

Considérant que si M. G avait déjà investi sur les marchés financiers, ses acquisitions de titres n’avaient jamais concerné le secteur du stockage informatique et portaient, pour l’essentiel, sur des sociétés à forte capitalisation boursière cotées à New York ; que son investissement dans le titre LaCie apparaît donc atypique par rapport à ses habitudes d’investissements ;

Considérant que M. G attribue sa décision d’investissement sur le titre LaCie à sa connaissance des produits de cette société, à sa qualité d’« opérateur averti en matière de nouvelles technologies et de stockage de données » et à son analyse du cours et du volume du titre ; qu’il s’est contredit dans ses déclarations relatives à la période d’observation du cours du titre ayant déclenché son investissement, dont il a indiqué pendant l’enquête qu’elle correspondait aux trois mois précédant son acquisition avant de la situer, dans sa réponse à la notification de griefs, entre les 8 août et 30 novembre 2011 ; que les deux autres justifications qu’il avance, d’ordre général, ne sont pas de nature à expliquer son achat atypique de titres LaCie les 21 et 22 mai 2012 après que M. F, qui a lui-même investi le 21 mai 2012, lui eut fait part de rumeurs de marché sur un possible rachat de LaCie ;

Considérant qu’il résulte sans équivoque des indices concordants ci-dessus que seule la communication de l’information privilégiée par M. B à M. D puis par le second à M. E permet d’expliquer l’acquisition par ce dernier, le 18 mai 2012, de 12 000 titres LaCie ; que seule la communication de l’information privilégiée par M. D à M. F permet d’expliquer l’acquisition par ce dernier, le 21 mai 2012, de 31 100 titres LaCie ; qu’enfin seule la communication de l’information privilégiée par M. F à M. G permet d’expliquer l’acquisition par ce dernier, les 21 et 22 mai 2012, de 15 000 titres LaCie ;

—  12 -

Considérant que, comme il a été dit, M. B savait ou aurait dû savoir que l’information détenue avait un caractère privilégié ; que le manquement à l’obligation d’abstention de communication de l’information privilégiée à M. D est donc caractérisé en tous ses éléments à son encontre ;

Considérant que M. D, qui a indiqué détenir et diriger plusieurs sociétés et avoir par le passé investi sur les marchés financiers ainsi que discuté d’opportunités d’investissements boursiers avec M. B, savait ou aurait dû savoir que l’information détenue avait un caractère privilégié ; que le manquement à l’obligation d’abstention de communication de l’information privilégiée est ainsi caractérisé en tous ses éléments à son encontre ;

Considérant que M. E, qui a investi sur les marchés financiers pendant de nombreuses années et a été dirigeant de société, savait ou aurait dû savoir que l’information détenue avait un caractère privilégié ; que le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation de l’information privilégiée est ainsi caractérisé en tous ses éléments à son encontre ;

Considérant que M. F est titulaire d’un PhD (Doctorat) en économie, ancien directeur financier d’une société, dirigeant d’une société cotée, et investit régulièrement sur les marchés financiers, de sorte qu’il savait ou aurait dû savoir que l’information détenue avait un caractère privilégié ; que les manquements aux obligations d’abstention d’utilisation et de communication de l’information privilégiée sont ainsi caractérisés en tous leurs éléments à son encontre ;

Considérant que M. G, dirigeant de société et qui investit régulièrement sur les marchés financiers, savait ou aurait dû savoir que l’information détenue avait un caractère privilégié ; que le manquement à l’obligation d’abstention d’utilisation de l’information privilégiée est ainsi caractérisé en tous ses éléments à son encontre ;

II. Sur le manquement à l’obligation de déclaration d’opérations sur le titre LaCie reproché à M. A

Considérant qu’il est reproché à M. A, en violation des dispositions des articles L. 621-18-2 a) du code monétaire et financier et 223-22 du règlement général de l’AMF, d’avoir omis de déclarer à l’AMF son achat de 16 000 actions LaCie le 24 mai 2012 alors qu’il était administrateur de cette société ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier alors en vigueur : « I-Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l’Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans le délai déterminé par son règlement général, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’actions d’une société ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liés, lorsque ces opérations sont réalisées par : a) Les membres du conseil d’administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ; […]. Les personnes mentionnées aux a à c sont tenues de communiquer à l’émetteur, lors de la communication à l’Autorité des marchés financiers prévue au premier alinéa, une copie de cette communication. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers définit les modalités de la communication à celle-ci ainsi que les conditions dans lesquelles l’assemblée générale des actionnaires est informée des opérations mentionnées au présent article » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 223-22 du règlement général de l’AMF : « Les personnes mentionnées à l’article L. 621-18-2 du code monétaire et financier déclarent à l’AMF, par voie électronique, dans un délai de cinq jours de négociation suivant leur réalisation, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’actions de l’émetteur au sein duquel les personnes mentionnées aux a et b de l’article L. 621- 18-2 susvisé exercent leurs fonctions ainsi que les transactions opérées sur des instruments qui leur sont liés. / Les déclarations mentionnées au premier alinéa sont mises en ligne sur le site de l’AMF » ;

—  13 -

Considérant que, le 24 mai 2012, M. A a acquis 16 000 actions LaCie pour un montant total de 63 984,64 euros alors qu’il était membre du conseil d’administration de LaCie ; que ces opérations, qu’il devait déclarer à l’AMF par voie électronique dans un délai de cinq jours de négociation suivant leur réalisation, ne l’ont jamais été, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas ; que le manquement, de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché, est ainsi caractérisé à l’encontre de M. A ;

SUR LES SANCTIONS ET LA PUBLICATION

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 24 octobre 2010 au 28 juillet 2013 : « […] II.- La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : […] c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent : – un instrument financier ou un actif mentionné au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers […]. III.- Les sanctions applicables sont : […] c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public » ;

Considérant que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ; qu’il doit aussi être tenu compte de la situation financière des mis en cause ;

Considérant que le manquement de M. A à son obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée alors qu’il était membre du conseil d’administration de la société LaCie apparaît d’une particulière gravité ; que la méconnaissance de son obligation de déclaration de transactions à l’AMF, qui a porté sur un montant total de 63 984,64 euros, n’a jamais été régularisée ; qu’il sera en conséquence prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 100 000 euros ;

Considérant que le manquement de M. B à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée lui a permis de réaliser une plus-value de 19 500 euros et qu’il a méconnu à deux reprises son obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée ; qu’il lui sera en conséquence infligé une sanction pécuniaire de 100 000 euros ;

Considérant que le manquement de M. C à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée lui a permis de réaliser une plus-value de 18 659 euros ; qu’il sera en conséquence prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 60 000 euros ;

Considérant que M. D a manqué à deux reprises à son obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée ; qu’il lui sera en conséquence infligé une sanction pécuniaire de 50 000 euros ;

Considérant que le manquement de M. E à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée lui a permis de réaliser une plus-value de 16 000 euros ; qu’il sera en conséquence prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 50 000 euros ;

Considérant que le manquement de M. F à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée lui a permis de réaliser une plus-value de 37 553 euros et qu’il a également contrevenu à son

—  14 -

obligation d’abstention de communication d’une information privilégiée ; qu’il sera en conséquence prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 200 000 euros ;

Considérant que le manquement de M. G à son obligation d’abstention d’utilisation d’une information privilégiée lui a permis de réaliser une plus-value de 9 960 euros ; qu’il lui sera en conséquence infligé une sanction pécuniaire de 30 000 euros ;

Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers, ni de causer un préjudice disproportionné aux personnes mises en cause ; qu’elle sera donc ordonnée ;

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré, sous la présidence de Mme Marie-Hélène Tric, par

Mme Edwige Belliard, MM. Bernard Field et Christophe Lepitre, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,

DECIDE DE :

— prononcer à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. C une sanction pécuniaire de 60 000 € (soixante mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. D une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. E une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. F une sanction pécuniaire de 200 000 € (deux cent mille euros) ;

- prononcer à l’encontre de M. G une sanction pécuniaire de 30 000 € (trente mille euros) ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers ;

Fait à Paris, le 22 décembre 2015,

La Secrétaire de séance,

La Présidente,

Anne Vauthier

Marie-Hélène Tric

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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  • FAITS ET PROCÉDURE
  • I. Les faits
  • II. La procédure
  • MOTIFS DE LA DÉCISION
  • I. Sur les manquements à l’obligation d’abstention de communication et/ou d’utilisation d’une information privilégiée reprochés aux mis en cause
    • A. Sur l’existence d’une information privilégiée
      • - Sur le caractère précis de l’information
      • - Sur le caractère non public de l’information
      • - Sur l’influence sensible de l’information sur le cours du titre LaCie
    • B. Sur les griefs de communication et/ou d’utilisation de l’information privilégiée notifiés à MM. A, B et C
    • C. Sur les griefs de communication et/ou d’utilisation de l’information privilégiée notifiés à MM. B, D, E, F et G
    • Considérant que MM. F et G, résidents à Singapour, ont soulevé au cours de la séance de la Commission des sanctions la nullité de leurs auditions dans les locaux de la Monetary Authority of Singapore (ci-après : « MAS »), homologue singapourien de l’A…
  • II. Sur le manquement à l’obligation de déclaration d’opérations sur le titre LaCie reproché à M. A

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Textes cités dans la décision

  1. Code monétaire et financier
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Décision de la Commission des sanctions du 22 décembre 2015 à l'égard de MM. A, B, C, D, E, F et G