Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1 1, 10 mai 2022, n° 19/07599

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1 1, 10 mai 2022, n° 19/07599
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/07599
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grasse, 24 avril 2019, N° 16/04585
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 10 MAI 2022

DD.CS

N° 2022/ 186

Rôle N° RG 19/07599 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEHWN

[D] [T]

[K] [T]

C/

[G] [P]

SARL AGENCE IMMOBILIERE DE [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Emmanuel DI MAURO

Me Nicolas SIMON DE KERGUINIC

Me Laure BARATHON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de [Localité 5] en date du 25 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04585.

APPELANTS

Madame [D] [T]

née le 11 Avril 1978 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

assistée de Me Emmanuel DI MAURO de la SELAS DI MAURO EMMANUEL, avocat plaidant du barreau de [Localité 5]

Monsieur [K] [T]

né le 10 Septembre 1978 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

assisté de Me Emmanuel DI MAURO de la SELAS DI MAURO EMMANUEL, avocat plaidant du barreau de [Localité 5]

INTIMES

Monsieur [G] [P], demeurant [Adresse 1]

assisté de Me Nicolas SIMON DE KERGUNIC de la SELARL AVOCALEX, avocat plaidant du barreau de [Localité 5]

SARL AGENCE IMMOBILIERE DE [Localité 5], demeurant [Adresse 4]

assistée de Me Mireille MOUREN de la SELARL VIDAPARM, avocat plaidant du barreau de MARSEILLE substituée par Me Laure BARATHON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 22 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Dannielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Colette SONNERY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mai 2022,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 15 novembre 2013, Mme [G] [P] a vendu à Mme [D] [T] et à M. [K] [T] un bien immobilier, soit une villa de huit pièces et de 165 m² de surface, construite dans les années 1930, sise [Adresse 2], au prix de 315'000 €.

Se plaignant de divers désordres (toiture, humidité, cheminée'), les acquéreurs ont obtenu la désignation d’un expert judiciaire en référé.

M. [C] a déposé son rapport le 11 février 2016.

Par exploit du 25 août 2016, Mme [D] [T] et M. [K] [T] ont fait assigner la venderesse, Mme [G] [P], et l’agent immobilier la Sarl Agence immobilière de [Localité 5], en garantie des vices cachés et en versement de dommages-intérêts.

Par jugement en date du 25 avril 2019, le tribunal de grande instance de [Localité 5] a débouté Mme [D] [T] et M. [K] [T] de toutes leurs demandes, et les a condamnés à payer à Mme [G] [P] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Le 7 mai 2019, Mme [D] [T] et M. [K] [T] ont relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 4 juillet 2019 ils demandent à la cour :

' de réformer le jugement entrepris ;

' de condamner Mme [G] [P] à supporter les frais de reprise des désordres en leur versant :

— la somme de 52'681,92 € selon le devis Omnium du bâtiment ;

— la somme de 1903 € en remboursement des factures Humidipro et Termitec ;

— de condamner conjointement Mme [G] [P] et l’agence immobilière de [Localité 5] à leur verser la somme de 9 040 € au titre de la sous-évaluation de la taxe foncière réelle et celle de 250 € par mois à compter du 7 mai 2014 au titre de leur préjudice de jouissance ;

' à titre subsidiaire, de fixer leur indemnité au titre d’une perte de chance à un montant de 75'221 € ;

' et de condamner Mme [P] à leur payer les dépens de première instance d’appel et ceux du référé, ainsi que les frais d’expertise et la somme de 6000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 1eraoût 2019, Mme [G] [P] demande à la cour :

' à titre principal, de confirmer le jugement entrepris et de débouter les appelants de toutes leurs demandes ;

' à titre subsidiaire, de condamner la Sarl Agence immobilière de [Localité 5] à les relever et garantir de toutes les condamnations prononcées contre eux ;

' à titre très subsidiaire, de condamner l’agent immobilier à leur payer la somme de 50'000 € à titre de dommages-intérêts ;

' et de condamner Mme [D] [T] et M. [K] [T], ou ces derniers in solidum avec l’agent immobilier, à leur payer la somme de 5000 € pour procédure abusive à hauteur de cour et celle de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Par conclusions du 24 septembre 2019, la Sarl Agence immobilière de [Localité 5] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à titre subsidiaire, de débouter Mme [G] [P] de sa demande en garantie, et de condamner tout succombant à lui payer la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outrel es dépens.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Les époux [T] produisent, au soutien de leur critique du jugement ayant rejeté toutes leurs demandes, un constat du 7 mai 2014, aux termes duquel l’huissier a observé six mois après la vente du 15 novembre 2013 « des remontées de salpêtre au niveau des sous-bassements des murs, des gonflements sur plusieurs lattes du parquet stratifié, des traces d’humidité au niveau du sous-bassement du mur de la cuisine le son d’une pression provenant de la canalisation intérieure située sous l’évier et de la canalisation extérieure située à l’angle, dès lors que la vanne est ouverte des traces d’infiltrations au plafond de deux chambres de l’étage les poutres et la charpente de la toiture noircies » ainsi que « la présence de bacs dans les combles positionnés de façon à récupérer les eaux de pluie provenant des fuites de la toiture ».

Sur les désordres de la charpente

Les désordres de la charpente en bois ont été confirmés par l’expert judiciaire dans son rapport du 11 février 2016, M. [C] relevant que « compte tenu de la vétusté constatée de la charpente en bois, un remplacement complet est nécessaire de l’ensemble (charpente et tuiles avec écran sous toiture) ».

Si l’expert judiciaire confirme en outre la présence de récipients de récupération des eaux de pluie dans les combles, le tribunal a exactement retenu que cette présence n’a été constatée par huissier que plus de cinq mois après l’achat, de sorte que d’une part, rien n’établit que ces bacs auraient été placés par la venderesse ; et que d’autre part, l’état de la charpente ne constitue pas un vice caché, l’acquéreur, auquel la charge de la preuve du caractère caché du vice incombe, ne prouvant pas que l’accès aux combles, au moment de la vente, eût été 'acrobatique'.

Il s’agit donc d’un vice apparent, dont les époux appelants pouvaient se convaincre eux-mêmes en faisant une visite complète des lieux.

Sur les désordres des solives

L’expert judiciaire énonce avoir constaté la présence d’insectes à larves xylophages ayant

colonisé la surface des solives pour lequel les époux [T] ont dû procéder à un traitement des bois des combles après leur entrée dans les lieux.

L’expert judiciaire note qu’il s’agit d’un défaut d’entretien du bien par la venderesse, mais là encore, le caractère caché du vice, compte tenu de l’accessibilité des combles, n’est pas établi.

De surcroît, le tribunal relève justement que le caractère antérieur du vice n’est pas démontré, dans la mesure où la première constatation du désordre résulte du rapport d’expertise, lequel n’a été établi que le 11 février 2016, soit près de 27 mois après la vente.

En conséquence, il n’est pas établi que la colonisation des bois de solives aurait débuté antérieurement au 15 novembre 2013 et par suite, que ce désordre serait, ni caché, ni antérieur à la vente.

Sur la cheminée

L’expertise relève l’absence d’évacuation des fumées de cheminée vers la toiture, de sorte que celle-ci ne fonctionne pas, ce que M. [Y], le compagnon de Mme [G] [P], a reconnu lors de l’ accédit mené par l’ expert.

La sous-toiture ne comportant aucun conduit de cheminée apparent, il était cependant parfaitement possible à un acheteur normalement diligent de se rendre compte de l’absence d’évacuation des fumées de cheminée vers la toiture, faute de canon, en montant dans les combles, lesquels, comme il a été répété supra, ne peuvent être considérés comme inaccessibles.

Cet élément ne peut être considéré comme constitutif d’un vice caché.

Sur la taxe foncière

Il résulte de l’examen de l’annonce publiée par l’agent immobilier que la taxe foncière

du bien objet du litige était annoncée à hauteur de 545 €, élément corroboré par le dernier avis de taxes foncières adressé à Mme [G] [P] pour l’année 2012, laquelle a fourni à l’agent immobilier.

Mme [G] [P] ne conteste pas avoir dissimulé une partie des constructions, ce qui minorait l’imposition par rapport à la consistance réelle du bien. Elle plaide toutefois utilement que cela ne peut pas engager sa responsabilité sur le fondement des vices cachés, la différence d’imposition sur un bien ne rendant pas la maison impropre à son usage ou n’en diminuant pas l’usage.

Par ailleurs la base taxable correspond désormais à la véritable consistance du bien acquis, et non au hangar figurant dans l’acte de vente, cette différence étant observable par les acquéreurs eux-mêmes, de sorte que l’imposition afférente à la réalité du bien n’est pas un dommage indemnisable.

Les époux [T] seront donc déboutés de leurs demandes dirigées contre la venderesse au titre d’un prétendu préjudice matériel et d’un hypothétique trouble de jouissance.Aucune perte de chance n’est davantage à déplorer, eu égard à l’absence de responsabilité de Mme [P].

Sur l’humidité des murs

Les époux [T] font valoir justement que lors de leurs visites du bien, l’humidité des murs se trouvait masquée par la présence des meubles de la venderesse et que l’ expert a identifié, par testeur, des remontées capillaires d’humidité importantes, au bas des murs.

Si l’expert judiciaire fait état de multiples emplacements dans lesquels il relève un taux d’humidité de 100%, et notamment en "partie basse de tous les murs côté cuisine, autour des radiateurs, au niveau inférieur sur tous les murs dans le salon, la plupart de ces endroits n’ayant dès lors pu être masqués par des meubles au cours des visites, le caractère généralisé de ces désordres évolutifs n’a été observé que 27 mois après la vente. Par ailleurs les murs ont été repeints par Mme [P] autour des meubles qui étaient encore en place au moment des visites, dans les pièces principalement affectées, de sorte qu’ils étaient cachés par des meubles et par la peinture et qu’ils n’ont pu apparaître que postérieurement aux acquéreurs

Les époux [T] sont donc fondés à reprocher à Mme [P] l’importance de l’humidité ambiante, excédant une simple vétusté, qu’ils n’ont pas pu constater au terme de leurs visites.

Mme [P] et l’agent immobilier ne plaident pas utilement que les époux [T] auraient obtenu une diminution du prix de vente de plus de 100 000 €, eu égard aux travaux à y entreprendre et à la vétusté du bien, ce qui ressort de leurs seules allégations.

Sur l’humidité des sols

Le rapport d’expertise judiciaire fait état de même d’une humidité de 100%, sous le sol plastique de la salle de jeu du rez-de-chaussée, un taux d’humidité de 100% ne caractérisant toutefois pas un désordre identique à un sol "gorgé d’eau', l’engorgement renvoyant plutôt à un dégât des eaux ou à une nappe de liquide.

L’existence d’un vice caché relatif à humidité des sols est avérée.

Les travaux de peinture des murs et la pose d’un revêtement plastique au sol, même s’ils n’ont pas été effectués à des fins de dissimulation, ne permettaient pas aux époux [T] de s’en convaincre.

La venderesse ne pouvait ignorer ces graves désordres d’humidité, défauts structurels qui affectent cette maison construite selon des normes anciennes, habitant les lieux depuis 1975.

Connaissant ce vice de la chose vendue, elle ne peut dès lors opposer aux acquéreurs la clause de non-garantie des vices cachés figurant au contrat de vente.

L’expert joint dans son rapport le devis de l’entreprise générale du bâtiment Omnium, aux termes duquel les travaux de peinture, d’étanchéité des murs et de réalisation des enduits et la dépose du revêtement plastique dans la salle de jeux des enfants et libération d’une chape étanche et pose d’un nouveau revêtement plastique similaire s’élève à 15'541,85 € hors-taxes soit avec une TVA de 10 %, au montant total de 17'096,03 € TTC que Mme [P] sera condamnée à payer aux acquéreurs, à titre de réduction du prix de vente.

Le trouble de jouissance subi par les acquéreurs du fait de l’humidité importante des lieux sera entièrement réparé par l’octroi de la somme de 5 000 €, et les appelants seront déboutés de leur demandes plus amples sur ce point.

Sur la responsabilité de l’agent immobilier

Le tribunal a exactement retenu que des époux acquéreurs ne peuvent pas reprocher à l’agent immobilier de ne pas avoir mis en corrélation la description du bien immobilier avec le montant de la taxe foncière, dont l’avis lui avait été fourni par Mme [P], pour en déduire que celle-ci, était nécessairement minorée, ce dont les acquéreurs pouvaient se convaincre eux-mêmes, l’annonce faisant mention d’un F2 indépendant, alors qu’il ne s’agissait que d’un hangar, ce que l’acte authentique de vente précise.

Par suite, l’annonce comporte cette mention erronée, ce qui est sans emport, s’agissant d’un document non contractuel.

La Sarl Agence de [Localité 5] n’a pas manqué à son devoir d’information et de conseil et les demandes des époux acquéreurs en ce qu’elles sont dirigées contre l’agent immobilier ont donc été à bon droit rejetées par le tribunal.

Aucun abus du droit d’ester en justice ne peut être retenu de la part des appelants, dont les demandes prospèrent pour partie, d’où il suit le rejet de la demande de dommages intérêts présentée par Mme [P] pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [G] [P] à payer à M. [K] [T] et à Mme [D] [T], ensemble, la somme de 22'096,03 €, à titre de réduction du prix de vente,

Déboute Mme [G] [P] de sa demande reconventionnelle tendant à l’octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne Mme [G] [P] aux dépens de première instance et d’appel et à ceux de la procédure de référé, ainsi qu’aux frais d’expertise de M. [C],

Condamne Mme [G] [P] à payer à M. [K] [T] et à Mme [D] [T], ensemble, la somme de 3 000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

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