Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 30 mars 2010, n° 09/00545

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Besançon, ch. soc., 30 mars 2010, n° 09/00545
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 09/00545
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lons-le-Saunier, 8 janvier 2009
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

XXX

COUR D’APPEL DE BESANCON

— XXX

ARRET DU 30 MARS 2010

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 09 février 2010

N° de rôle : 09/00545

S/appel d’une décision

du Conseil de prud’hommes de Lons-le-Saunier

en date du 09 janvier 2009

Code affaire : 80A

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

B A

C/

D Z, F Y

PARTIES EN CAUSE :

Madame B A, demeurant XXX à 39570 MESSIA-SUR-SORNE

APPELANTE

XXX, assistée par Monsieur J-AH AI, délégué syndical ouvrier, selon pouvoir daté et signé du 02 février 2010 par Madame R S, secrétaire syndicat C.G.T.

ET :

Monsieur D Z, demeurant XXX à 39570 MESSIA-SUR-SORNE

INTIME

REPRESENTE par Me Yves MERGY, avocat au barreau de LYON

Madame F Y, demeurant XXX

LONS-LE-SAUNIER

INTIMEE

XXX, assistée par Me Yves MERGY, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 09 Février 2010 :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur J K

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame F LAMBOLEY-CUNEY

GREFFIER EN CHEF : Monsieur J-François GREDER

Lors du délibéré :

PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur J K

CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame F LAMBOLEY-CUNEY

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt serait rendu le 16 mars 2010 et prorogé au 30 mars 2010 par mise à disposition au greffe.

**************

Mme B A a été embauchée le 2 août 2001 en qualité d’assistante maternelle par Mme F Y et M. D Z.

Suite à des confidences faites le 20 juin 2006 par leur enfant Ella, alors âgée de 3 ans et ½, relatives à des attouchements sexuels dont elle aurait été victime au domicile de Mme A par le mari de cette dernière, les consorts Y-Z ont déposé plainte à la gendarmerie, et le conseil général a suspendu l’agrément de Mme A.

Par lettre en date du 6 juillet 2006 les époux Y-AB ont répondu à un courrier de Mme A, lui confirmant la résiliation du contrat de travail.

Une enquête pénale a fait l’objet d’un classement sans suite le 5 octobre 2007.

Madame A a, le 27 juin 2008, saisi le conseil de prud’hommes de Lons-le-Saunier en vue d’obtenir une indemnité de 50 000 € au titre du préjudice financier et moral consécutif à la rupture abusive de contrat de travail, de 415 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure, de 830 € à titre d’indemnité de préavis outre 83 € au titre des congés payés afférents, de 456,50 € à titre d’indemnité de licenciement, et de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 9 janvier 2009, le conseil de prud’hommes de Lons-le-Saunier a rejeté toutes les prétentions de Mme B A, à l’exception de celles relatives à l’indemnité de licenciement à hauteur de 456,50 €.

Madame B A a régulièrement interjeté appel de cette décision par lettre recommandée adressée le 6 mars 2009, dont la notification lui a été faite le 3 mars 2009.

Dans ses conclusions déposées le 12 janvier 2010 dont son représentant s’est prévalu à l’audience, Mme A demande à la cour de réformer le jugement rendu, et sollicite l’octroi de 50 000 € au titre des préjudices financier, moral et pretium doloris consécutifs à la rupture abusive de contrat de travail, 415 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure, 815 € à titre d’indemnité de préavis, outre 81,50 € au titre des congés payés, 188,53 € au titre de l’indemnité de licenciement restant due, et 600 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait notamment valoir que :

— les époux Z-Y ont rompu le contrat de travail sur de simples présomptions, alors qu’en cas de doute ils auraient dû mettre Mme A en mise à pied conservatoire en attendant la preuve de culpabilité de son mari ;

— dans leur lettre de licenciement, ils ont fait figurer comme motif la seule mention « de très graves événements », termes non précis, non objectifs, et non vérifiables ;

Cette seule mention est insuffisante pour légitimer un licenciement pour faute grave et ne permet pas d’en connaître avec exactitude le motif. De plus M. A a bénéficié d’un classement sans suite ;

— le conseil a retenu la perte de confiance qui n’est pas invoquée dans la lettre de licenciement et qui n’a pas été débattue oralement devant le conseil ;

— le préjudice moral est d’autant plus important qu’une enquête pénale a eu lieu, et que le mari de Mme A a été placé en garde à vue ;

— le préjudice financier résulte du fait que l’accusation mensongère a occasionné le retrait de l’agrément de Mme A à partir du 6 juillet 2006 jusqu’à sa mise à la retraite ;

— le pretium doloris résulte de ce que Mme A a subi une grave dépression ;

— Le non-respect de la procédure permet l’attribution d’une indemnité égale à un mois de salaire ;

— l’indemnité de préavis est due puisqu’au moment du licenciement l’employeur n’avait pas connaissance d’un retrait d’agrément ;

— l’indemnité de licenciement est calculée sur la base des six meilleurs mois consécutifs de salaire.

Dans leurs conclusions déposées le 19 janvier 2010 dont leur conseil s’est prévalu lors de l’audience, Mme F Y et M. D Z demandent à la cour de constater que la rupture du contrat de travail est intervenue de plein droit antérieurement à la lettre du 7 juillet 2006 du seul fait de la suspension de l’agrément, et demandent confirmation du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lons-le-Saunier, sauf en ce qui concerne l’indemnité de licenciement en réclamant à titre conventionnel la somme de 339,50 € au titre du trop-versé, ainsi qu’une somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils précisent que leurs deux enfants mineurs Margot âgée de 12 ans et Ella âgée de 7 ans ont été confiées à Mme A.

Le 20 juin 2006, Mme Y a reçu les confidences de sa fille Ella alors âgée de 3 ans ½ laissant supposer des faits d’attouchements sexuels susceptibles de mettre en cause le mari de l’assistante maternelle, M. P A. Selon certificat médical du Dr X, consulté le 21 juin 2006, il a été noté une rougeur inflammatoire de la vulve compatible avec une vulvite souvent banale chez un enfant de cet âge mais pouvant également être liée à des phénomènes de frottement.

Un entretien a eu lieu avec la famille A pour solliciter des explications.

Quelques jours après ce rendez-vous, Mme A a adressé une télécopie datée du 4 juillet 2006 indiquant qu’elle était meurtrie d’avoir été accusée et réclamant un certificat de travail, une attestation Assedic, des indemnités de tous les salaires nets, un mois de préavis et les congés payés, et divers frais (de téléphone, médicaments, école, essence).

S’agissant de la rupture, les consorts Y-Z font valoir qu’elle a été consommée par la lettre adressée par Mme A et par le retrait d’agrément. Par la lettre faxée à ses employeurs, Mme A a anticipé la rupture du contrat de travail qui allait suivre. Le même jour, soit le 4 juillet 2006, Mme A a consulté son médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail jusqu’au 28 juillet 2006, arrêt renouvelé pendant plus d’une année.

Dans ces conditions M. Z et Mme Y ont par courrier du 6 juillet 2006 notifié la rupture du contrat de travail en dispensant la salariée d’effectuer son préavis.

Mme A a saisi à deux reprises le juge des référés en septembre 2006, puis en 2007 en liquidation d’astreinte.

S’agissant du licenciement, Mme A n’a pas contesté la rupture puisqu’elle avait fait l’objet d’une suspension de son agrément le 4 juillet 2006, et ne pouvait donc plus exercer sa profession (le motif de la suspension était dû au non-respect de l’agrément, Mme A gardant 7 enfants au mépris des dispositions d’ordre public). Elle avait d’ailleurs elle-même pris acte de la rupture du contrat de travail en réclamant son solde de tout compte et tous les documents de rupture, avant de recevoir le courrier de ses employeurs.

S’agissant du préjudice moral invoqué, c’est au mari de Mme A qu’il appartient de porter plainte le cas échéant, et le pretium doloris dont Madame A se prévaut n’a aucun lien avec l’exécution du contrat de travail. Quant au préjudice économique il est contesté puisqu’à compter de juillet 2006 Mme A a perçu des indemnités journalières.

L’indemnité de préavis n’est pas due puisque la salariée n’était pas en mesure de l’exécuter de par la suspension de son agrément et son arrêt maladie.

L’indemnité de licenciement était de 117 € (23,90 X 4 ans et 11 mois) correspondant à 1/10e par année de présence, soit un montant moindre que celui alloué par le conseil.

SUR CE , LA COUR

Attendu qu’aux termes de l’article 18 de la convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004, la rupture du contrat intervient soit à l’initiative de l’employeur par le retrait de l’enfant (qui, quel qu’en soit le motif, implique que l’employeur doit notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception), soit à l’initiative du salarié par la démission, soit en raison de la suspension ou retrait de l’agrément ;

Attendu qu’il ressort des éléments versés aux débats que l’enfant Ella a révélé le 20 juin 2006 à sa mère des faits susceptibles de constituer des abus sexuels alors qu’elle était confiée à son assistante maternelle Mme A, et mettant en cause le mari de cette dernière ;

Que le 21 juin 2006 les consorts Y-Z ont fait examiner leur fillette par leur médecin généraliste, le docteur X, qui a établi un certificat médical mentionnant « il existe une petite rougeur inflammatoire de la vulve compatible avec une vulvite souvent banale chez une enfant de cet âge (hygiène, oxyures) mais qui peut être aussi liée à des phénomènes de frottements. Cet examen montre l’intégrité des organes génitaux externes mais ne permet pas de conclure à la présence ou l’absence d’attouchements. » ;

Que selon les indications données par les parties au cours des débats, Mme Y s’est rendue au domicile de Mme A le même jour, le 21 juin 2006, pour s’expliquer avec elle et récupérer les affaires de l’enfant ;

Que le 22 juin 2006 M. Z a déposé plainte auprès de la gendarmerie en dénonçant des agressions sexuelles dont son enfant aurait été victime de la part du mari de l’assistante maternelle ; que l’enfant a été auditionnée dès le 23 juin 2006 en présence d’une psychologue, Madame T-U ;

Attendu que par document faxé le 4 juillet 2006 au matin, Madame B A a fait part à M. Z de son ressentiment en raison des accusations ayant mis en cause son mari, a demandé des excuses, et a réclamé un certificat de travail, une attestation assedic, une indemnité de préavis, et divers frais ;

Qu’un courrier recommandé en date du 6 juillet 2006 adressé à Mme B A et signé par M. D Z et Mme F Y indique « en réponse au courrier que vous venez de m’adresser et par lequel vous me réclamez un certain nombre de sommes d’argent au titre de diverses indemnités, je vous rappelle qu’en raison des très graves évènements qui sont récemment survenus et qui mettent en cause votre mari et peut-être vous-même en qualité de complice, je procède à la résiliation immédiate du contrat qui nous unit et au terme duquel je vous ai confié la garde de ma fille Ella en votre qualité d’assistante maternelle. Je vous rappelle en effet être dispensé de vous accorder un quelconque préavis dès lors que le retrait de l’enfant se trouve justifié par un motif grave qui devrait d’ailleurs être de nature à vous faire retirer l’agrément dont vous bénéficiez. Ce motif grave me dispense également de vous payer de quelconques indemnités de rupture.» ;

Attendu qu’il est incontestable que le contrat liant les parties a été suspendu le 21 juin 2006 suite à des révélations graves faites par la fillette des consorts Y-Z, impliquant le mari de Mme A comme ayant commis des attouchements sexuels sur elle ;

Que le courrier adressé par Mme A à ses employeurs le 4 juillet 2006, auquel les consorts Y-Z ont répondu le 6 juillet 2006, est une prise d’acte de la rupture, puisque Mme A sollicite la délivrance des certificat de travail et attestation Assedic ;

Que la rupture du contrat résulte donc non pas du courrier daté du 6 juillet 2006 adressé par l’employeur, mais de la prise d’acte adressée aux consorts Y-Z par la salariée le 4 juillet 2006 ;

Attendu qu’en vertu d’une jurisprudence constante, lorsqu’un salarié prend l’initiative de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements qu’il reproche à son employeur, qu’il s’agisse d’une lettre de démission ou d’une prise d’acte de la rupture, celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits reprochés à l’employeur sont avérés et suffisamment graves, et d’une démission dans le cas contraire ; Qu’en l’espèce il ne peut être reproché aux consorts Y-AD des manquements à leurs obligations d’employeurs, les diligences accomplies par ces derniers dans le cadre de révélations graves faites par leur enfant n’étant nullement fautives mais au contraire parfaitement légitimes et justifiées, ne serait-ce que pour leur permettre en leur qualité de parents de protéger leur enfant, peu importe le caractère fondé ou non des accusations de la fillette à l’égard du mari de Mme A ; qu’il importe peu en effet que la procédure pénale ait ensuite été classée sans suite au bénéfice de M. A pour infraction insuffisamment caractérisée, le fait pour les consorts Y-Z d’avoir eu recours aux voies judiciaires étant parfaitement conforme à un exercice cohérent de leurs responsabilités parentales ; qu’au surplus le caractère mensonger des accusations de la fillette n’est absolument pas démontré, puisque la psychologue qui a procédé à l’examen psychologique de la petite Ella a indiqué que l’activité de pâte à modeler a permis à la fillette d’élaborer avec des phrases intelligibles et mettre en mots les actes perpétrés par le dénommé « Jo » ; que l’expert a précisé dans la conclusion de son rapport que si l’enfant n’a pu donner les précisions attendues par les enquêteurs quant au comportement du mari de la nourrice, « l’expression verbale de la fillette, recueillie lors de l’audition, les propos rapportés par rapport au personnage de Jo ne paraissent pas être de l’ordre de la fabulation ou de paroles répétées d’un tiers. La parole recueillie ce jour relève d’une réalité qui paraît tout à fait projective et donc vécue par Ella. » ; que si les souffrances à la fois morales et économiques occasionnées par le déclenchement de cette procédure et dont Mme A fait état sont incontestables, cette dernière ne peut pour autant reprocher à ses employeurs d’avoir agi avec légèreté, alors que leur fillette a été de son côté soumise à des examens médicaux et à une audition que ses parents auraient certainement souhaité lui épargner ;

Qu’au surplus la suspension de l’agrément de Mme A est intervenue le même jour que la prise d’acte, soit le 4 juillet 2006, et a mis de toute façon un terme au contrat, conformément à l’article 18 de la convention collective des assistants maternels du particulier employeur, qui prévoit que la suspension ou le retrait de l’agrément s’impose au salarié et à l’employeur, qui ne peut plus confier son enfant ;

Qu’en conséquence la prise d’acte de la rupture par Mme B A équivaut à une démission ;

Que les prétentions de Mme B A formées au titre de la rupture du contrat imputable à l’employeur seront en conséquence rejetées, et qu’il sera fait droit aux prétentions reconventionnelles des consorts Y-Z en remboursement de l’indemnité de licenciement qu’ils sollicitent à hauteur de la somme de 339,50 € ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des parties ;

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit l’appel de Madame B A recevable mais mal fondé,

Confirme par substitution de motifs le jugement rendu le 9 janvier 2009 par le conseil de prud’hommes de Lons-Le-Saunier, sauf en ce qui concerne le montant alloué à titre d’indemnité de licenciement et en ce qui concerne les dépens ;

Dit que la rupture du contrat de travail est imputable à Mme B A,

Rejette toutes les prétentions de Mme B A au titre de la rupture y compris au titre de l’indemnité de licenciement,

Condamne Mme B A à rembourser à Mme F Y et M. D Z la somme de trois cent trente neuf euros et cinquante centimes (339,50 €) perçue à ce titre,

Dit n’y avoir à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des parties,

Condamne Mme B A aux entiers dépens.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le trente mars deux mille dix et signé par Monsieur J K, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

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