Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 10 août 2017, n° 16/01028

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bourges, 1re ch., 10 août 2017, n° 16/01028
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 16/01028
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bourges, 6 juillet 2016
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

SA/YF

XXX

XXX

SCP GERIGNY & Associés

XXX

LE : XXX

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU XXX

N° – Pages

Numéro d’Inscription au Répertoire Général : 16/01028

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de BOURGES en date du 07 Juillet 2016

PARTIES EN CAUSE :

I – M. C X

né le XXX à XXX

Lieudit 'Saint R'

XXX

bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 18033 2016/002359 du 05/09/2016

- Mme F G épouse X

né le XXX à XXX

Lieudit 'Saint R'

XXX

- EARL H I, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité au siège social :

Lieudit 'Saint R'

XXX

Représentés et plaidant par Me Patrick GERIGNY de la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de

BOURGES

timbre dématérialisé n° 1265 1781 4342 1247

APPELANTS suivant déclaration du 19/07/2016

INCIDEMMENT INTIMÉS

XXX

N° /2

II – M. R S Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

- Mme J K épouse Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

- M. L Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

—  M. M Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentés et plaidant par Me Alain TANTON de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES

timbre dématérialisé n° 1265 1903 8908 3427

INTIMÉS

INCIDEMMENT APPELANTS

XXX

N° /3

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Mai 2017 en audience publique, la Cour étant composée de :

M. FOULQUIER Président de Chambre,

entendu en son rapport

M. GUIRAUD Conseiller

M. PERINETTI Conseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Z

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure

civile.

***************

Le 13 octobre 2008, les consorts Y ont inscrit, en garantie du paiement du solde du prix de cession de

parts sociales, plusieurs hypothèques judiciaires sur les parcelles en propriété indivise de M. C X,

débiteur, et Mme F G épouse X d’une contenance de 21 ha 63 a 96 ca sises à

Chateauneuf sur Cher.

Aux termes d’un acte notarié du 26 août 2009, les époux X ont donné à bail rural à long terme pour

une durée de 25 ans, moyennant un fermage annuel de 1 217 euros, les différentes parcelles à l’EARL H

I représentée par Mme F G épouse X gérante et associée unique de ladite société.

Ce bail à long terme a été enregistré le 28 septembre 2009 à la Conservation des hypothèques.

Les consorts Y ont assigné les époux X devant le tribunal de grande instance de Bourges afin

de voir procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre ces derniers sur

des biens leur appartenant à Chateauneuf sur Cher et à leur licitation.

Par jugement en date du 4 octobre 2012 rectifié le 29 mars 2013, le tribunal de grande instance de Bourges a

ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre M. C

X et Mme F G épouse X, rejeté leur demande de délais de paiement et ordonné

la licitation d’une propriété agricole située lieudit «Saint R» à Chateauneuf sur Cher.

Aucune licitation n’est intervenue à ce jour.

Par acte d’huissier du 26 septembre 2014, les consorts Y ont fait assigner M. C X, Mme

F G épouse X et l’EARL H I devant le tribunal de grande instance de Bourges

aux fins de voir, sur le fondement de l’article 1167 du code civil, déclarer inopposable, comme à tout

adjudicataire des parcelles de terres agricoles dont la licitation a été préalablement ordonnée, le bail rural à

long terme passé entre M. C X et Mme F G épouse X, d’une part et l’EARL

H I, d’autre part, en date du 26 août 2009 et publié le 28 septembre 2009, en conséquence, de voir dire

que le notaire chargé des opérations de licitation des parcelles concernées devra faire apparaître clairement,

dans toutes ses opérations de publicité ou publication se des opérations de licitation, le caractère libre de tout

bail des parcelles concernées, de voir condamner solidairement les époux X et l’EARL H I à

leur payer une indemnité de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts outre 3 500 euros sur le fondement de

l’article 700 du Code de procédure civile.

En défense les époux X et l’EARL H I ont conclu au débouté des consorts Y de toutes

leurs demandes et sollicitent leur condamnation au paiement d’une indemnité de 3 000 euros sur le fondement

de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 7 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Bourges :

— constate que le bail à long terme sur les parcelles de terres agricoles dont la licitation a été ordonnée a été

conclu en fraude des droits des créanciers,

en conséquence,

— déclare inopposable aux consorts Y, et par suite, à tout adjudicataire des parcelles agricoles dont la

licitation a été ordonnée par jugement du tribunal de grande instance de Bourges en date du 4 octobre 2012, le

bail rural à long terme passé entre M. C X et Mme F G épouse X, d’une

part, et l’EARL H I, d’autre part, en date du 26 août 2009 passé en l’étude de Me D Rainis, notaire

à E, et publié à la Conservation des Hypothèques de Saint Amand Montrond le 28 septembre 2009,

— dit que le notaire chargé de la licitation des parcelles concernées devra faire apparaître clairement, dans

toutes les opérations de publicité ou publication des opérations de licitation, le caractère libre de tout bail des

parcelles concernées,

— déboute les consorts Y de leur demande en dommages-intérêts,

— condamne solidairement les époux X et l’EARL H I à payer aux consorts Y une

indemnité de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Après avoir rappelé qu’en vertu de l’article 1167 du code civil, il appartient aux consorts Y de

démontrer que les époux X ont agi sciemment en fraude de leur droits de créanciers, le premier juge

constate que la conclusion du bail rural à long terme avait pour but de protéger les biens dont les époux

X sont propriétaire par la dépréciation de valeur que ce bail provoque, en espérant que les consorts

Y renonceraient à poursuivre la licitation. Le juge estime qu’il y a collusion frauduleuse dans

l’imbrication entre les co-bailleurs (les époux X) et le preneur (Mme X en tant que gérante de

l’EARL H I) caractérisant ainsi l’intention frauduleuse, ce qui justifie de faire droit à leur demande

d’inopposabilité du bail rural à eux-mêmes et en conséquence à tout adjudicataire des parcelles.

Par déclaration en date du 19 juillet 2016, M. C X, Mme F G épouse X et

l’EARL H I ont interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions n°2 notifiées par RPVA le 24 janvier 2017, les Consorts X demandent à la cour

de :

— infirmer en totalité la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Bourges le 07 juillet 2016 et

statuant à nouveau,

— débouter M. L Y, M. R S Y, Mme J K épouse Y, M.

M Y de l’intégralité de leurs demandes.

— condamner M. L Y, M. R S Y, Mme J K épouse Y, M.

M Y au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Soulevant tout d’abord l’irrecevabilité de la demande, les époux X font valoir que l’action paulienne

engagée par les consorts Y modifie les conditions de la licitation telle que prévue par le jugement du

tribunal de grande instance du 4 octobre 2012, que le défaut de levée d’un état hypothécaire qui aurait révélé

l’existence du bail rural à long terme n’a pas permis en effet au tribunal d’envisager un partage en nature,

lequel aurait résolu la question de l’inopposabilité qui aurait alors concerné les seuls biens attribués au mari, et

qu’en conséquence la présente action, qui tombe sous le coup de la jurisprudence relative à la concentration

des moyens et l’unicité de procédure, ne tend indirectement qu’à revenir sur l’autorité de chose jugée attachée à

la précédente décision.

Subsidiairement sur le fond, les époux X, considérant que la décision s’appuie sur une appréciation

plus subjective qu’objective des faits, soutiennent que l’épouse, mariée sous le régime de la séparation de

biens, n’avait pas besoin de rechercher à protéger son patrimoine personnel, qu’elle est parfaitement fondée à

consentir un bail à long terme sur les droits détenus dans l’indivision et que sa seule qualité de gérante de

l’Earl H I ne démontre pas sa volonté de nuire aux créanciers. Ils ajoutent que les biens indivis ont été

acquis le 19 décembre 2006 alors que l’hypothèque judiciaire date du 24 juillet 2008, que le fait de ne pas

avoir usé de la faculté offerte par l’article 815-17 du code civil ne peut suffire à prouver la mauvaise foi dès

lors qu’elle n’avait pas la possibilité financière d’acquitter l’obligation au nom et en l’acquit du débiteur. Les époux X indiquent également que les consorts Y sont uniquement créanciers de M. C

X, que l’inopposabilité du bail rural ne peut concerner que sa part et qu’il aurait fallu, pour que l’action

paulienne fût efficace, que les consorts Y aient demandé le partage en nature des biens, qui aurait

permis l’individualisation de la part de mari, et non la licitation.

Dans leurs conclusions notifiées le 16 mars 2017, les consorts Y demandent à la cour, confirmant pour

l’essentiel le jugement entrepris, de :

— leur déclarer inopposable comme à tout adjudicataire des parcelles de terres agricoles dont la licitation a été

ordonnée par jugement du tribunal de grande instance de BOURGES en date du 4 octobre 2012, le bail rural à

long terme passé entre M. C X et Madame F G épouse X, son épouse,

d’une part et l’EARL H I, d’autre part, en date du 26 août 2009 passé en l’étude de Maître D

Rainis, notaire à E, et publié à la Conservation des hypothèques de Saint-Amand Montrond en date du 28

septembre 2009.

— dire et juger que le notaire chargé des opérations de licitation des parcelles concernées devra faire apparaître

clairement, dans toutes opérations de publicité ou publication des opérations de licitation, le caractère libre de

tout bail des parcelles concernées.

— condamner les époux X et l’EARL H I aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme

de 2 500 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance.

— et, réformant sur ce point le jugement, condamner solidairement les époux X et l’EARL H I à

leur payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts.

— condamner solidairement les époux X et l’EARL H I à leur payer la somme de 3 000 € par

application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel.

Sur l’irrecevabilité de leur action paulienne, ils expliquent qu’elle ne relève pas de l’article 1360 du Code de

procédure civile et qu’il appartenait aux époux X de soulever ce moyen lors de l’assignation à l’origine

de la procédure qui depuis a été couverte par le jugement définitif du 4 octobre 2012, d’autant que le texte

précité n’a pas vocation à s’appliquer à l’assignation délivrée à la requête d’un créancier personnel de l’un des

coindivisaires et qu’il appartenait aux époux X d’informer le tribunal de l’existence de ce bail et non

aux consorts Y.

Ils font valoir qu’il importe peu que la publication du bail auprès des services de publicité foncière soit

antérieure à l’engagement de la procédure d’ouverture de compte liquidation et partage de l’indivision existant

entre les époux X puisqu’aucune prescription n’est en jeu. S’agissant de l’autorité de la chose

précédemment jugée, ils soutiennent que les deux actions engagées successivement sont différentes de par

leur objet et leur fondement juridique, que leur action paulienne ne tombe pas sous le coup d’un principe

d’unicité de procédure et que le caractère définitif du jugement du 4 octobre 2012 ne permet plus aux époux

X d’invoquer aujourd’hui l’irrecevabilité de la nouvelle action.

Sur le fond les consorts Y exposent que le bail à long terme consenti par les époux X sur les

parcelles hypothéquées entraîne une perte de valeur relativement importante et, dans la mesure où le bail est

donné à une personne morale et peut s’avérer perpétuel par la transmission des parts de celle-ci, a même pour

effet d’empêcher leur licitation.

En réponse aux moyens soulevés par la partie adverse, ils font observer que la licitation a été prononcée par le

tribunal car aucun accord sur un partage en nature n’avait pu se dégager, qu’en tout état de cause aucun texte

ne leur imposait de solliciter un partage en nature et que la licitation d’un bien indivis n’est nullement

conditionnée à l’impossibilité de son partage en nature. Ils ajoutent que le bail portant indistinctement sur

l’ensemble des parcelles indivises ne peut être « découpé » selon l’affectation ultérieure des droits et portions

revenant à chacun des époux et que, du fait même de la licitation, il ne pourra pas plus revenir aucunes

parcelles en nature aux époux X, de sorte que c’est à juste titre qu’ils demandent que le bail leur soit

déclaré inopposable globalement. Ils ajoutent que la propriété indivise des parcelles ne peut faire écran

juridique à toute action du créancier et qu’il appartenait à Mme X de soulever, lors de la précédente

procédure, l’application de l’article 815-17 du code civil. Sur le droit de préemption du fermier, les consorts

Y rappellent qu’il est ouvert au fermier de bonne foi ce qui ne peut être le cas en l’espèce, d’autant que

ce droit n’existe que dans les rapports entre le bailleur et le preneur et n’affecte pas les rapports entre le

bailleur et les tiers.

À l’appui de leur demande de dommages-intérêts qu’ils chiffrent à 15 000 euros, ils font observer que le

comportement frauduleux des époux X, qui a eu pour fait de retarder l’exécution du jugement

ordonnant la licitation et de rallonger le délai de recouvrement de leur créance, leur cause un indéniable

préjudice dont ils sont fondés à solliciter l’indemnisation.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 4 avril 2017.

SUR QUOI,

Selon l’article 1341-2 du Code civil, le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer

inopposable à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit

d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.

Cette fraude n’implique pas que soit démontrée l’intention de nuire et peut résulter de la seule connaissance

par le débiteur et son cocontractant à titre onéreux du préjudice que l’acte argué de fraude cause au créancier

au moment où il est passé.

En l’espèce, il est constant que M. C X s’est porté caution solidaire au profit des consorts

Y du paiement du reliquat du prix de cession de parts sociales s’élevant à 80 000 euros au profit de la

SARL GPE et que cette dernière a cessé d’honorer ses engagements de remboursement échelonné et a été

placé en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire. Les consorts Y ne pouvant obtenir le

remboursement de leur créance ni du créancier principal ni de la caution, ont inscrit, le 13 octobre 2008,

plusieurs hypothèques judiciaires définitives sur les parcelles litigieuses appartenant indivisément aux époux

X. Il est notable que M. C X a saisi le juge de l’exécution, par assignation des 29 et 30

octobre 2008, aux fins d’obtenir la nullité de ces inscriptions mais qu’il a été débouté de sa demande par

jugement rendu le 9 février 2009.

C’est dans ces circonstances que, par acte notarié du 26 août 2009, publié le 28 septembre 2009, les époux

X ont consenti à l’EARL H I, dont Mme F G épouse X est la gérante et

unique associée, un bail rural à long terme d’une durée de 25 ans sur les parcelles leurs appartenant de manière

indivise dans la proportion de 70 % pour le mari et de 30 % pour l’épouse, objet des hypothèques définitives

ci-dessus mentionnées. La situation hypothécaire de ces parcelles est expressément rapportée en page 6 de

l’acte reçu par Maître Rainis, notaire à E, et n’a donc pu échapper à aucune des parties à l’acte.

Le jugement a relevé, à juste titre, que la conclusion de ce bail à long terme d’une durée de 25 ans, quelques

mois seulement après l’issue défavorable de la procédure engagée par M. X devant le juge de

l’exécution pour obtenir la levée des hypothèques judiciaires définitives, alors surabondamment que les époux

X ne démontraient pas l’utilité de la conclusion de ce bail au profit de l’EARL, n’avait d’autre objet,

ainsi qu’il ressort des pièces nº 7 et 8 communiquées par les consorts Y, que de diminuer

substantiellement la valeur vénale du bien hypothéqué, d’autant que ce bail consenti à une personne morale

était reconductible indéfiniment, et d’en empêcher, de fait, la vente sur saisie au profit de quiconque.

Il a également retenu, de manière pertinente, que la connaissance du préjudice ainsi causé au créancier en

passant cet acte, constitutive de la fraude au sens du texte précité, était suffisamment rapportée par le fait que

chacun des époux X avait la qualité de bailleur et que Mme X était en outre preneur en sa

qualité de gérante de l’EARL H I, la Cour observant, en outre, que Mme X pouvait d’autant

moins ignorer les difficultés financières de son mari et les inévitables poursuites à venir que l’état

hypothécaire du bien loué était rapporté dans l’acte notarié de bail.

La fraude découlant de la seule connaissance par le débiteur et son cocontractant à titre onéreux du préjudice

résultant, pour le créancier, de l’acte passé, il est indifférent que l’épouse, mariée sous le régime de la

séparation de biens, n’ait pas besoin de rechercher à protéger son patrimoine personnel, qu’elle soit par ailleurs

parfaitement fondée à consentir un bail à long terme sur les droits détenus dans l’indivision et que sa volonté

de nuire au créancier ne puisse être déduite de sa seule qualité de gérante de l’Earl H I.

En conséquence, c’est à bon droit que le tribunal a déclaré le bail rural à long terme inopposable aux consorts

Y, créanciers poursuivant la licitation du bien hypothéqué en leur faveur et, par voie de conséquence,

à toute personne qui se porterait adjudicataire dans le cadre de la licitation ordonnée par le jugement du 4

octobre 2012.

C’est tout à fait vainement que les époux X, après avoir abandonné le moyen d’irrecevabilité tel

qu’explicité devant le premier juge, soutiennent devant la cour que l’action paulienne engagée par les consorts

Y modifie les conditions dans lesquelles la licitation a été ordonnée par le jugement du tribunal de

grande instance du 4 octobre 2012, alors que ce moyen ne tend qu’à remettre en cause l’autorité de la chose

jugée attachée à cette décision, qui est désormais passée en force de chose jugée à défaut d’appel de leur part.

Il est tout aussi vainement soutenu que la présente action paulienne serait irrecevable, faute par les époux

Y de n’avoir pas concentré l’ensemble de leurs moyens lors de la précédente instance, alors que la

jurisprudence dite de l’unicité de procédure n’interdit nullement d’intenter successivement deux actions qui

n’ont pas le même objet, ni le même fondement juridique. En l’occurrence, la précédente instance tendait à

obtenir le partage de biens indivis par voie de l’action oblique, tandis que la présente demande, fondée sur la

fraude paulienne, a pour objet de voir déclarer inopposable au créancier un acte qui aurait pour effet de

l’empêcher, de fait, de procéder à la licitation ordonnée dans le cadre de la première procédure, de sorte que

les deux demandes n’ont ni le même objet, ni le même fondement juridique.

Enfin, c’est également en vain qu’il est soutenu par les époux X que les consorts Y étant

uniquement créanciers de M. C X, l’inopposabilité du bail rural ne peut concerner que sa part

dans les biens indivis et qu’il aurait fallu, pour que l’action paulienne fût efficace, que les consorts Y

aient sollicité le partage en nature des biens. En effet, dès lors que le bail a été consenti sur un ensemble de

biens indivis objet d’hypothèques judiciaires et qu’a été ordonnée la licitation de ces derniers par jugement

définitif, les créanciers étaient parfaitement en droit de demander que ce bail leur soit déclaré inopposable en son entier et que les parcelles en leur ensemble soient considérées comme libres de toute occupation à

l’occasion de leur licitation.

Mme X récupérera sa part du prix de licitation de ces biens indivis mais le bail rural, qui ne peut

s’appliquer à une somme d’argent, sera définitivement éteint, sauf le recours éventuel en indemnité du preneur

à l’encontre des bailleurs.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action paulienne des consorts

Y, constaté que le bail rural à long terme a été conclu en fraude des droits des créanciers, déclaré ce

bail inopposable à ces derniers et, par suite, à tout adjudicataire des parcelles vendues sur licitation et dit que

le notaire chargé des opérations de licitation devra mentionner le caractère libre de tout bail des parcelles

concernées.

Les époux X et l’Earl H I, par leurs manoeuvres frauduleuses mises en évidence dans le cadre

de la présente instance, sont parvenus à différer, au moins depuis le jugement du 4 octobre 2012 ordonnant la

licitation des parcelles hypothéquées au profit des consorts Y, la vente effective de ces dernières et le

désintéressement des créanciers, et ont persisté dans leur attitude dilatoire en relevant appel d’un jugement

parfaitement motivé. Ils ont ainsi causé aux consorts Y, qui se sont trouvés confrontés à ces difficultés

d’exécution liées à cette fraude et cette mauvaise foi et à l’allongement du délai de désintéressement, un

préjudice spécifique en réparation duquel ils seront condamnés solidairement à leur verser une indemnité de 5

000 euros.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il est équitable d’allouer aux

consorts Y la somme de 2 000 euros en compensation de leurs frais non compris dans les dépens

d’appel, en complément de la somme de 2 500 euros accordée sur ce même fondement au titre des frais

exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 7 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Bourges, sauf en ce

qu’il a débouté les consorts Y de leur demande de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau de ce seul chef réformé,

Condamne solidairement M. C X, Mme F G épouse X et l’Earl H

I à payer à M. R Y, Mme J K épouse Y, M. L Y et

M. M Y la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

Condamne solidairement M. C X, Mme F G épouse X et l’Earl H

I à payer à M. R Y, Mme J K épouse Y, M. L Y et

M. M Y la somme de 2 000 euros en compensation des frais non compris dans les dépens

d’appel,

Condamne solidairement M. C X, Mme F G épouse X et l’Earl H

I aux dépens d’appel.

L’arrêt a été signé par M. FOULQUIER, Président, et par Mme Z, Greffier auquel la minute de

la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

A. Z Y. FOULQUIER

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