Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 28 novembre 2019, n° 17/03644

  • Sociétés·
  • Prestation·
  • Intervention·
  • Facture·
  • Client·
  • Filiale·
  • Demande·
  • Site·
  • Sécurité·
  • Commande

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Caen, 2e ch. civ., 28 nov. 2019, n° 17/03644
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 17/03644
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lisieux, 19 octobre 2017, N° 16.1877
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE :N° RG 17/03644 -

N° Portalis DBVC-V-B7B-F62I

Code Aff. :

ARRÊT N° JB.

ORIGINE : DECISION en date du 20 Octobre 2017 du Tribunal de Commerce de LISIEUX -

RG n° 16.1877

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2019

APPELANTE :

SAS CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE

N° SIRET : 341 152 395

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Didier DALIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SAS Y Z TEC

N° SIRET : 434 018 420

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de la SELARL THILL-LANGEARD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme BRIAND, Président de chambre,

Mme HEIJMEIJER, Conseiller,

Mme GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 10 octobre 2019

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 28 novembre 2019 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour et signé par Mme BRIAND, président, et Mme LE GALL, greffier

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 12 octobre 2012 et avenant du 20 décembre 2012 la société Challancin gardiennage a acquis sous conditions suspensives ultérieurement réalisées l’intégralité du capital social des sociétés Y Bretagne Centre, Pays de Loire, Normandie, Côte Normande et des sociétés Point Jaune et Y Services appartenant toutes à la SAS Y, holding du groupe.

La régularisation de ces cessions est intervenue le 10 janvier 2013.

Le même jour, la société Challancin Gardiennage, d’une part, agissant pour cette société et l’ensemble des filiales du Groupe Challancin en ce compris les filiales Y acquises par acte du 10 janvier 2013, et la société Y Z-Tec, d’autre part, ont conclu un accord de collaboration commerciale aux termes duquel les parties effectuaient mutuellement des prestations, chacune pour le compte de l’autre, de télésurveillance pour la société Y Z-Tec et de gardiennage et intervention sur site pour les sociétés reprises par le Groupe Challancin.

Le 31 décembre 2015 les sociétés Y Bretagne Centre, Pays de Loire, Normandie et Côte Normande ont fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine au profit de la société Challancin Prévention et Sécurité, anciennement Challancin Gardiennage.

Par exploit du 15 juin 2016, la SAS Challancin Prévention et Sécurité (ci après la SAS Challencin) a fait assigner la SAS Y Z-Tec (ci après la SAS Y HT) devant le tribunal de commerce de Lisieux en paiement, après compensation, d’une somme de 138 895,40 € au titre de prestations facturées et non réglées outre des dommages et intérêts.

Par jugement du 20 octobre 2017 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Lisieux a :

— donné acte à la société Challancin de ce qu’elle se reconnaît débitrice de la somme de 109 255,69 € à l’égard de la société Y H T

— constaté qu’à la date du 31 décembre 2015, la société Y HT reste devoir à la société Challancin la somme de 238 768,20 €,

— condamné, après compensation, avec intérêts de droit, la société Y HT à payer à la société Challancin la somme de 28 176,40 €,

— débouté les parties en leur demande de dommages et intérêts,

— condamné la société Y HT à payer à la société Challancin la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 CPC et aux entiers dépens.

La SAS Challancin a relevé appel de cette décision le 28 novembre 2017.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 28 août 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens développés, la SAS Challancin demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien-fondé son appel,

Constater que les chiffres eux-mêmes des sommes dues de part et d’autre font l’objet d’un accord entre les parties et ont été réconciliés par les experts-comptables des sociétés, la requérante acceptant in fine les chiffres de l’expert-comptable de la défenderesse,

Constater qu’à la date du 31 décembre 2015, il est dû par la société Y HT à la société Challancin la somme de 248 284,95 € et confirmer le jugement dont appel sur ce point, et qu’il est dû par la société Challancin une somme de 109 255,69 €,

Condamner avec intérêts de droit, après compensation, la société Y HT à verser à la société Challancin la somme de 139 026,26 €,

Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déduit des sommes dues à la société Challancin les sommes de 97 499 € (interventions 'tardives'), 5 987 € (absence de commande de gardiennage et de ronde), 2 712 €, 4 951 € et de 11 466,50 € (factures non comptabilisées par la société Y HT),

Condamner la société Y HT à verser à la requérante la somme de 140 000 € au titre du préjudice subi du fait de la résiliation de l’accord de coopération entre les parties, dont la responsabilité lui incombe et la somme de 10 000 € pour résistance abusive,

Débouter la société Y HT de sa demande de dommages et intérêts,

Condamner la société Y HT à verser à la société Challancin la somme de 5000€ au titre de l’article 700 CPC et en tous les dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 23 mai 2018 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens développés, la SAS Y HT demande à la cour de :

Rejeter l’appel de la société Challancin et le dire mal-fondé,

En conséquence,

Débouter la société Challancin de l’intégralité de ses demandes,

Recevoir l’appel incident de la société Y HT et le dire fondé,

Statuant de ce chef,

Réformer le jugement en ce qu’il a uniquement donné acte à la société Challancin de ce qu’elle se reconnaît débitrice de la somme de 109 255,69 € à l’égard de la société Y HT, en ce qu’il a constaté que la société Y HT reste devoir à la société Challancin et a condamné la société Y HT sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Statuant de nouveau,

Dire et juger que la société Y HT justifie être bien-fondée à opposer l’exception d’inexécution à la société Challancin au titre des prestations suivantes :

— absence de commande gardiennage ou de rondes à hauteur de 5 987 €,

— prestations non dues par Y Z-Tec car facturées directement au client intéressé à hauteur de 2 712 €,

— erreurs de facturation à hauteur de 4 521 €,

— prestations facturées pour des interventions hors délai ou qui n’ont pas eu lieu, ou concernant les propres personnels du Groupe Challancin pour un montant de 97 499 €,

— marge de Y HT de 20 % à déduire du montant des factures établies par le Groupe Challancin à hauteur de 23 884 €,

Condamner, le cas échéant, la société Challancin à payer à la société Y HT lesdites sommes,

En tout état de cause, faire masse de ces sommes et en ordonner la compensation avec les réclamations présentées par la société Challancin,

Vu la vague de résiliations de contrats à laquelle a dû faire face Y HT du fait des inexécutions contractuelles du Groupe Challancin,

Condamner la société Challancin à verser à la société Y HT une indemnité de 163 367 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image et à sa clientèle,

En tout état de cause, au constat que la société Challancin de ce qu’elle se reconnaît débitrice d’une somme de 109 255,69 € vis-à-vis de la société Y HT,

Condamner la société Challancin à payer cette somme à la société Y HT,

Ordonner la compensation entre les dettes et créances respectives des parties,

Débouter la société Challancin de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société Challancin à verser à la société Y HT une indemnité qu’il de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 CPC et aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

La SAS Challancin reconnaît devoir à la SAS Y HT la somme de 109 255,69 €.

Dans ses dernières conclusions la SAS Challancin soutient, en page 3, que la SAS Y HT lui est redevable de la somme de 248 738,20 € soit un solde en sa faveur de 139 512,51 € puis en page 5 que l’intimée lui est redevable de la somme de 248 284,95 € soit un solde en sa faveur de 139 029,26 €.

Dès lors qu’elle réclame à l’intimée le paiement de cette dernière somme dans le dispositif de ses conclusions la cour retient que selon l’appelante le montant de la dette de la SAS Y HT à son égard s’élève à la somme de 248 284,95 €.

Ni dans ses écritures ni dans aucun des documents produits la SAS Y HT ne se reconnaît débitrice de cette dernière somme.

Toutefois dans une lettre en date du 18 janvier 2017 produite par la SAS Challancin l’expert comptable de la SAS Y HT, monsieur A X, écrivait à madame B C, expert comptable des sociétés du groupe Challancin, à propos de la dette de la SAS Y HT,ce qui suit :

'Vous me fournissez un tableau faisant apparaître un total de 248 705, 52 €. Ce montant doit être rapproché des montants figurant dans la comptabilité de la société Y HT de 236 818,45 € soit un écart à expliquer de 11 887,07 € selon tableau EXCEL ci-annexé.

J’ai fait analyser chacune des 39 factures. Je vous prie de trouver ci-après notre accord ou notre contestation par filiale et pour les exercices 2013,2014 et 2015. La seule contestation s’explique par les factures reçues des filiales du groupe Challancin et retournées en l’état avec un courrier d’accompagnement indiquant que les commandes ont été passées par les clients eux même et qu’il fallait que ceux-ci soient facturés en direct. Il semble que tous ces courriers ne soient pas exploités. Ces factures n’ont pas été comptabilisées par la société Y HT'.

A l’issue de cette analyse monsieur X D à 11 466,50 € le montant des factures contestées pour le motif précédemment exposé soit 'une différence non expliquée de 420,57 € entre le montant ci-dessus de 11 466,50 € et l’écart initial de 11 887,07 €' et proposait 'compte tenu de ce montant négligeable… de retenir notre montant de 236 818,45 € appuyé de tous les grands livres de la société Y HT. Je rappelle que nous n’avons jamais pu obtenir les grands livres des filiales du groupe Challancin malgré mes multiples demandes'.

Pour contester devoir la somme de 11 466,50 € et réclamer en outre un avoir de 2 712 € la SAS Y HT fait valoir que ces sommes correspondent à 'des prestations demandées par le client lui même, directement auprès de la filiale concernée sans que Y HT n’ait reçu d’information, ne soit intervenue ou n’ait facturé (dans ce cas il est logique que le groupe Challancin facture directement le client concerné et non pas Y HT)'.

Le processus de commande des prestations tel qu’il ressort de la convention de collaboration conclue par les parties le 10 janvier 2013 est décrit aux articles 2-1 et 2-2 du contrat.

L’article 2-1 du contrat prévoit qu''en pratique chaque demande potentielle d’intervention (prise en charge d’un site) fera l’objet de l’envoi d’une demande de prise en charge par Y HT au groupe Challancin adressé par mail à l’adresse suivante… au minimum 24 heures avant toute demande effective d’intervention sur site et dans la mesure du possible une semaine avant. Cette demande de prise en charge sera réalisée site par site à l’aide d’un document type joint en annexe 1" .

Son article 2-2 ajoute qu’ 'à réception de la demande de prise en charge d’un site pour réalisation d’éventuelles interventions, outre le retour confirmant son accord, le groupe Challancin s’engage à prendre contact avec le client qui lui aura été désigné pour assurer la prise en charge des moyens d’intervention propres à celui-ci……

Dès la prise en compte du site effectuée, celle-ci sera signalée à Y HT par l’envoi au centre de télésurveillance CORTIS (centre opérationnel de réception et de traitement d’informations de sécurité) du retour du document de demande de prise en compte dûment complété à cet effet…

Pour des raisons pratiques et opérationnelles les demandes d’intervention sont effectuées par téléphone directement auprès des intervenants circulant sur le secteur concerné…..

Selon un processus à déterminer d’un commun accord, chaque intervention fera l’objet d’une confirmation par mail au cas par cas et/ou sur un document hebdomadaire ou mensuel…

Chaque intervention doit, en outre, faire l’objet d’un compte rendu rédigé par l’intervenant conformément au modèle joint en annexe 2. Ce compte rendu d’intervention est établi en trois exemplaires: un exemplaire destiné au client (laissé sur place par l’intervenant), un exemplaire destiné à Y HT, un exemplaire pour le groupe Challencin….'

Selon l’article 2-3 consacré à la facturation 'il est convenu qu’à compter de la cession et au plus tard

le 1er du mois où celle-ci sera opérée, les interventions sur alarme réalisées par les filles cédées ainsi que par les éventuels sous traitants seront directement facturés aux clients de Y HTpar cette entité.

En conséquence il est convenu que le groupe Challancin, au travers des filiales cédées et ses autres structures …. facturera à la Y HT les interventions effectuées à la demande de cette entité…'

Il ressort de ces dispositions combinées que chaque commande à l’initiative de la SAS Y HT et chaque intervention faisant suite à une commande par cette société laissent une trace écrite et que si rien dans le contrat n’interdit à la SAS Challancin de se voir confier certaines prestations directement par le client sans intervention de la SAS Y HT celle-ci ne doit se voir facturer par les sociétés du groupe Challancin que 'les interventions effectuées à (sa) demande…'

La SAS Challancin qui a la charge de la preuve, ne produit pas les demandes de prise en charge, les confirmations par mail ou les comptes rendus d’intervention qui établiraient que les prestations, objets des factures contestées, lui ont été commandées par la SAS Y HTet non directement par le client sans intervention de cette dernière comme celle-ci l’affirme sans être contredite.

La SAS Challencin doit donc être déboutée de sa demande tendant à la prise en compte de la somme de 11 466,50 € correspondant aux factures non comptabilisées par la SAS Y HT.

Par conséquent le montant de la dette totale de la SAS Y HT envers la SAS Challancin doit être fixé conformément à la proposition faite par monsieur X le 18 janvier 2017 à la somme de 236 818,45 € dont il faut déduire un premier avoir de 2 712 € TTC pour le motif précédemment exposé, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Pour le même motif tenant à l’absence de production par l’appelante de toute pièce justificative des commandes par la SAS SGPO HT des prestations de gardiennage et de rondes correspondant aux factures, objets de la demande d’avoir de 5 987 €, cette somme doit aussi être déduite du montant de la dette de cette société envers l’appelante, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Il appartient à la SAS SGPO HT qui se plaint d’erreurs de facturation telles que 'rondes de jour au lieu de rondes de nuit, erreur dans le nombre d’heures etc…' d’en rapporter la preuve, ce qui supposerait de produire pour chaque facture concernée, outre la facture elle même et le tarif des prestations, les justificatifs de la commande passée et de la prestation effectivement réalisée pour mettre la cour en mesure d’apprécier s’il y a ou non une erreur dans la facturation, ce qu’elle ne fait pas, les tableaux de synthèse produits ne renseignant pas la juridiction sur ces points.

Pour la plus importante des factures d’un montant de 2 733,12 € H.T concernant Y pays de Loire les pièces produites par l’appelante prouvent qu’il s’agissait d’ une commande de prestation de gardiennage que Y pays de Loire qui s’en explique dans un mail du 2 janvier 2014, a remplacée par des rondes facturées comme telles, ce que confirme la lettre en retour adressée par la SAS Y HT le 5 février 2014 de sorte qu’il n’y a pas d’erreur de facturation en ce que la prestation facturée est bien celle réellement exécutée et qui doit être payée.

La SAS Y HT doit donc être déboutée de sa demande d’octroi d’un avoir de 4 251 € TTC à ce titre, le jugement déféré étant réformé en conséquence.

La SAS Y HT réclame aussi un avoir de 23 884 € correspondant à la marge de 20 % qu’elle entend prélever sur le montant des factures en rémunération de sa prestation de télésurveillance incluse dans les factures adressées par les sociétés du groupe Challancin aux clients et qui rémunèrent une prestation complète comprenant leurs prestations physiques de gardiennage mais également la télésurveillance effectuée par l’intimée.

Le contrat de collaboration signé le 10 janvier 2013 ne contient aucune disposition relative à la rémunération des prestations réalisées par la SAS Y HT.

Le compte rendu de la réunion Y sécurité/ HT du 22 février 2013 indique au paragraphe 'facturation’ : 'Pour les clients existants la comptable client madame E F facture Z tec selon les tarifs existants et pratiqués historiquement par les filiales Y sécurité.

Pour les nouveaux clients, les tarifs facturés seront définis lors de l’acception de la sous traitance par Y sécurité'.

Les tarifs antérieurs intégraient la rémunération de la SAS Y HT dont les explications le confirment.

Toute modification de ces tarifs et de cette rémunération nécessite l’accord des parties dont la SAS Y HT ne rapporte pas la preuve.

Elle ne prouve pas notamment que l’appelante aurait accepté au moins partiellement des avoirs de 20 % pour ce motif sur la période de janvier à mai 2013 comme elle l’affirme dans ses conclusions qui ne renvoient toutefois à aucune pièce justificative permettant à la cour d’identifier les factures et les avoirs concernés et de vérifier la cause de ces derniers.

La SAS Y HT en appelle vainement au 'pouvoir souverain des juges du fond en l’absence de contrat écrit’ pour apprécier le prix de son travail dés lors qu’elle ne fournit à la cour aucun document probant la renseignant sur les prix habituellement pratiqués dans son secteur d’activité pour les prestations de télésurveillance et lui permettant d’apprécier si le prélèvement de 20 % demandé est justifié au regard des usages de la profession et en particulier correspond à sa pratique habituelle à l’égard de ses autres clients comme elle l’affirme.

Cet avoir n’apparaissant pas justifié le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Y HT de sa demande d’octroi d’un avoir de 23 884 € au titre de la rémunération de ses prestations.

Enfin la SAS Y HT réclame un avoir de 97 499 € TTC pour les prestations d’intervention sur alarme réalisées par les sociétés du groupe Challancin hors du délai raisonnable d’intervention.

L’article 2-2 du contrat prévoit sur ce point que :

'D’un commun accord et sans qu’il soit fixé de délai contractuel 'impératif’ il est toutefois convenu que les interventions sur alarme, de par leur nature, doivent être réalisées dans les délais les plus courts. A cet effet le groupe Challancin s’engage à mettre tout en oeuvre pour assurer des interventions dans un délai 'raisonnable’ qui, pour les sites placés dans un périmètre de 15 kilomètres du point de détention des clefs, ne devrait pas excéder une demi-heure augmentée de 1 minute par kilomètre supplémentaire (dans l’éventualité d’une intervention en Ile de France, ces délais sont portés respectivement à 60 minutes et 1 min 30 sec par km supplémentaire)'.

La nature même de son activité fait de la réactivité de la SAS Challancin un élément déterminant de la bonne ou mauvaise exécution de la prestation qui lui est confiée et l’absence dans la convention de disposition conditionnant le paiement de sa prestation au respect d’un délai impératif d’intervention ne prive pas pour autant la SAS Y HT du droit que détient tout co-contractant de faire constater que la prestation demandée n’a pas été correctement exécutée et de demander à la juridiction saisie d’en tirer les conséquences s’agissant du paiement de la facture.

En l’espèce et sans qu’il soit nécessaire de se référer aux délais d’intervention en usage dans la profession la SAS Y HT prouve par la production des nombreux courriels, lettres et demandes

d’explication échangés, regroupés et produits par l’intimée sous les numéros 16,17 et 20, que contrairement à ce que soutient la SAS Challancin elle a constaté dés le printemps 2013 tant l’exécution hors 'délai raisonnable', notamment en cas d’alarme incendie ou d’alarme intrusion, que parfois l’absence d’exécution des prestations confiées à l’appelante.

Contrairement à ce que soutient la SAS Challancin ces dysfonctionnements lui ont été signalés conformément à ce que prévoit le contrat de collaboration par la SAS Y HT qui verse aux débats nombre des courriers adressés.

Les factures concernées par les avoirs demandés pour ce motif sont récapitulées, filiale par filiale, dans les tableaux de synthèse produits par l’intimée pour les années 2013,2014 et 2015 sous les numéros 4,5,6,7 et 8 , lesquels font apparaître un délai d’exécution systématiquement supérieur à 60 minutes voire l’absence d’intervention.

Ces éléments factuels ne sont pas utilement contredits par la SAS Challancin.

Sur le plan contractuel ils autorisent à considérer que la prestation réalisée hors du délai d’exécution raisonnable qu’impliquait le motif de l’intervention pour être efficace, est une intervention inutile et n’ouvrant pas droit à rémunération.

La demande d’avoir formée pour ce motif par la SAS Y est donc fondée.

Mais comme le fait justement remarquer la SAS Challancin non contredite par l’intimée sur ce point les tableaux précités révèlent que les avoirs réclamés à hauteur de la somme totale de 97 499 € TTC incluent des 'avoirs demandés à Challancin pour lequel le client a payé Y HT'. Cette dernière ayant encaissé dans ce cas la somme facturée pour la prestation contestée, ne peut demander cumulativement un avoir du même montant et la somme correspondante doit être déduite de sa réclamation.

Le total des avoirs concernés s’élève à la somme de 48 127 € H.T soit la somme de 57 752,40 € TTC qui doit être déduite de celle de 97 499 € TTC.

L’avoir octroyé à la SAS Y HT pour l’exécution hors délai ou l’absence d’exécution de certaines prestations doit donc être fixé à la somme de 39 746,60 €, le jugement déféré étant réformé en conséquence.

Le compte entre les parties s’établit en conséquence ainsi qu’il suit :

créance SAS Challancin à l’égard de Y HT : 236 818,45 €

créance Y HT à l’égard de la SAS Challancin : 109 255,69 €

solde en faveur de la SAS Challancin : 127 562,76 €

A déduire :

avoir pour prestations à facturer directement au client : 2 712,00 €

avoir pour absence de commande gardiennage ou rondes : 5 987,00 €

avoir pour exécution des prestations hors délai : 39 746,60 €

solde en faveur de la SAS Challancin : 79 117,16 €

Resituée dans le contexte précédemment rappelé la rupture à l’initiative de la SAS Challancin de ses relations contractuelles avec la SAS Y HT ne peut être imputée à faute à cette dernière et la SAS Challancin est mal fondée à lui réclamer une indemnité de 140 000 € qui correspondrait à une année de marge brute du chiffre d’affaires d’un montant de 700 000 € qu’elle soutient avoir perdu sans en justifier par la production de documents comptables.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Challancin de sa demande de dommages et intérêts.

Il doit en être de même de celles déboutant la SAS Y HT de sa demande en paiement de la somme de 163 367 € TTC qui représenterait la perte de clientèle subie du fait des dysfonctionnements dénoncés.

En effet seule la ville d’Evreux motive sa décision de résiliation par ces dysfonctionnements sans qu’aucune des pièces produites ne permette d’en chiffrer les conséquences financières exactes pour la SAS Y HT. Les autres lettres de résiliation produites soit ne renseignent pas sur le motif de la résiliation soit indiquent qu’elle est due à un déménagement, une fermeture du site ou un décès. La perte de ces clients est donc sans rapport avec l’exécution de ses prestations par la SAS Challancin.

Par voie de conséquence l’atteinte à l’image et à la clientèle de la SAS Y HT qui en serait résultée n’est pas caractérisée et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Y HT de sa demande en paiement d’une somme de 30 000 € de dommages et intérêts à ce titre.

La SAS Y HT sera donc condamnée à payer à la SAS Challancin prévention et sécurité la somme de 79 117,16 € pour solde de sa créance avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2016, date de l’assignation en paiement valant mise en demeure à défaut de production d’une mise en demeure antérieure, le jugement déféré étant réformé en conséquence.

Les précédents développements démontrant que la résistance opposée par l’intimée était partiellement fondée le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Challancin de sa demande en paiement de dommages et intérêts à ce titre.

Ses dispositions relatives à l’exécution provisoire, aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront également confirmées.

Chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions devant la cour conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens qu’elle aura personnellement exposés pour les besoins de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 20 octobre 2017 par le tribunal de commerce de Lisieux :

— dans ses dispositions donnant acte à la société Challancin de ce qu’elle se reconnaît débitrice de la somme de 109 255,69 € à l’égard de la société Y Z-Tec,

— dans ses dispositions faisant droit aux demandes d’avoir de la SAS Y Z tec à hauteur des sommes de 2 712 € et 5 987 € et déboutant cette société de sa demande d’avoir à hauteur de la somme de 23 884 €,

— dans ses dispositions déboutant la SAS Y Z tec de ses demandes en paiement des sommes de 163 367 € et 30 000 € à titre de dommages et intérêts,

— dans ses dispositions déboutant la SAS Challancin prévention et sécurité de ses demandes en paiement des sommes de 150 000 € et 5 000 € à titre de dommages et intérêts,

— dans ses dispositions ordonnant l’exécution provisoire et dans celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance,

Réforme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Condamne La SAS Y Z Tec à payer à la SAS Challancin prévention et sécurité la somme de 79 117,16 € pour solde de sa créance avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2016,

Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens qu’elle aura personnellement exposés pour les besoins de la procédure d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

N. LE GALL S. BRIAND

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 28 novembre 2019, n° 17/03644