Cour d'appel de Colmar, 29 septembre 2016, n° 15/02341

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 29 sept. 2016, n° 15/02341
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 15/02341
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Schiltigheim, 5 septembre 2013

Sur les parties

Texte intégral

XXX

MINUTE N° 1169/16

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 29 Septembre 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A 15/02341

Décision déférée à la Cour : 06 Septembre 2013 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM

APPELANT :

Monsieur Z Y

XXX

XXX

Non comparant, représenté par Me Pascaline WEBER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

SOGETI FRANCE, prise en la personne de son représentant légal,

N° SIRET : 479 942 583

XXX

XXX

XXX

Non comparante, représentée par Me Frédéric ZUNZ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme HAEGEL, Président de chambre,

Mme GROSCLAUDE-HARTMANN, Conseiller,

Mme LAMBOLEY-CUNEY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HAEGEL, Président de chambre,

— signé par Mme HAEGEL, Président de chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRETENTIONS

Monsieur Z Y a été engagé selon un contrat à durée indéterminée à compter du 12 juillet 1999 en qualité d’analyste d’exploitation par la Société BEE WAY aux droits de laquelle la Société TRANSICIEL puis la société SOGETI sont intervenus.

En dernier lieu Monsieur Y exerçait la fonction d’ingénieur base de données position 2.2 coefficient 130 de la convention collective SYNTEC.

Par courrier en date du 09 septembre 2011 Monsieur Y a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur au motif essentiel d’absence de fourniture de travail.

Par acte introductif d’instance, Monsieur Z Y a, en date du 23 septembre 2011, saisi le Conseil de Prud’hommes de SCHILTIGHEIM d’une demande dirigée contre la Société SOGETI FRANCE aux fins de voir juger que la prise d’acte intervenue produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir les indemnités qui en découlent.

Par jugement en date du 06 septembre 2013, le Conseil de Prud’hommes de SCHILTIGHEIM a jugé que la prise d’acte de rupture du contrat de travail de Monsieur Y s’analyse comme une démission et a débouté ce dernier de l’ensemble de ses prétentions en le condamnant au remboursement d’une somme de 2100€ correspondant à des avances sur salaire.

Par courrier recommandé expédié en date du 25 octobre 2013, Monsieur Y a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée en date du 27 septembre 2013.

Par ses dernières écritures parvenues à la Cour en date du 31 mai 2016, oralement soutenues à l’audience, l’appelant a conclu à l’infirmation du jugement entrepris et a demandé à la Cour statuant à nouveau de :

— Dire et juger que la prise d’acte de la rupture du 20 septembre 2011 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— Condamner la société SOGESTI à lui payer les montants suivants :

—  73496€ de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

—  9187,03€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis augmenté de 917€ au titre des congés payés y afférents,

—  11208€ au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  4000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de son appel il fait valoir :

— qu’il a régulièrement évolué dans ses fonctions et que les relations se sont dégradées mi 2011 à compter du moment où il a sollicité des avances de frais professionnels qu’il ne pouvait plus assumer d’autant que ceux-ci lui étaient remboursés avec un décalage de deux mois voire plus ;

— que de jurisprudence constante les frais avancés par le salarié doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due ;

— qu’il y a toujours eu un décalage entre les frais exposés et payés ;

— que s’il a refusé de recourir à la carte de paiement entreprise et de faire l’avance, cela ne peut lui être reproché ;

— que l’employeur à cause de ce litige lié aux frais, a tenté de mettre fin prématurément le 10 juin 2011 à une mission prévue jusqu’au 30 août 2011 mais qui a été finalement prolongée jusqu’au 5 juillet 2011 face à la protestation du client ;

— qu’il a ensuite été en situation d’inter-contrat à compter du 7 juillet 2011 alors que la mission n’était pas terminée, puis en congés payés du 1er août au 31 août 2011 ;

— que depuis cette date il n’a plus eu de mission et qu’il n’en a jamais refusé contrairement aux attestations mensongères produites au dossier ;

— que le 2 septembre 2011 lors de son entretien de carrière il lui a été signifié que son niveau d’expertise ne correspondait plus aux besoins de la société et qu’il a été poussé à solliciter une rupture conventionnelle souhaitée en réalité par l’employeur ;

— qu’ensuite il ne lui a plus été confié de mission cherchant à le pousser à accepter une rupture conventionnelle et le contraignant à prendre acte de la rupture de son contrat de travail ;

— qu’il ne lui a jamais été proposé de mission à La Poste ;

— que dès le 9 septembre 2011 par l’intermédiaire de son conseil il a dénoncé cette situation d’absence de fourniture de travail dans réaction de l’employeur ce qui a motivé sa lettre de prise d’acte de rupture du contrat de travail pour ce motif ;

— qu’il n’est pas établi qu’il avait une gestion incorrecte des frais professionnels mais il reconnaît le dépôt d’un dossier de surendettement suite à la maladie de son épouse;

— que l’utilisation de ce document dans l’instance prud’homale avait pour but de l’humilier.

Par ses derniers écrits reçus à la Cour en date du 14 juin 2016, oralement repris à l’audience l’intimée a demandé à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’appelant, à titre subsidiaire qu’il soit jugé qu’il ne justifie pas de son préjudice ou que toute condamnation soit limitée à un montant de 18373,98€ et en tout état de cause la condamnation de Monsieur Y au remboursement d’une somme de 2100€ et à 1000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle réplique quant à elle :

— que c’est Monsieur Y lors de l’entretien de carrière le 2 septembre 2011 qui a annoncé sa volonté de bénéficier d’une rupture conventionnelle ;

— qu’elle n’entendait pas se séparer de ce dernier puisqu’elle préparait son affectation sur un projet à La Poste qu’il a refusé (annexe 8) ;

— qu’elle a reçu le courrier de prise d’acte en date du 20 septembre 2011 qu’elle a analysé comme une démission ;

— qu’il appartient au salarié d’établir des griefs suffisamment graves et qu’en cas de doute celui-ci doit bénéficier à l’employeur ;

— que le positionnement de l’intéressé en inter-contrat admis dans ce type d’activité et pour une période très courte, ne constitue pas un manquement de l’employeur ;

— qu’au surplus les périodes d’inter-contrat qui sont considérées comme du temps de travail effectif sont comptabilisées et payées comme des heures de travail ;

— qu’il n 'est justifié d’aucun grief antérieur ou de plainte auprès de l’inspection du travail ou des instance représentatives du personnel ;

— que la prise d’acte est motivée par le refus de l’entreprise de consentir à la rupture conventionnelle sollicitée ;

— que c’est bien le salarié qui souhaitait rompre la relation de travail puisqu’il a refusé de nombreuses missions ;

— qu’elle n’avait aucune raison de se séparer d’un salarié qui avait toujours rempli ses objectifs ;

— qu’elle n’est pas à l’origine des problèmes financiers de la famille Y puisqu’au contraire elle lui avait consenti des avances sur salaires et que c’était pour l’arranger qu’elle avait décidé de raccourcir sa mission sur BORDEAUX au risque de mécontenter le client ;

— que Monsieur Y rembourse par acomptes le trop-perçu de 2100€ au titre des avances sur salaires ;

— que subsidiairement la demande de Monsieur Y qui ne justifie pas de son préjudice est hors de proportion et doit être limitée à 6 mois de salaire ;

— qu’elle ne réclame pas d’indemnité pour non respect du préavis.

SUR CE, LA COUR,

SUR LA PRISE D’ACTE DE RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL ET SES

CONSEQUENCES

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire ceux d’une démission.

Pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués doivent être établis et suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, Monsieur Z Y a, par un courrier de son conseil daté du 20 septembre 2011, pris acte de la rupture de son contrat de travail en visant l’absence d’affectation d’une mission déjà dénoncée par un courrier daté du 9 septembre 2011, au mépris de l’obligation de l’employeur de fournir du travail, cela constituant une faute grave justifiant la résiliation dudit contrat. Il était précisé que l’employeur lui avait signifié à plusieurs reprises ne plus avoir de missions à lui confier et qu’il a ainsi été tenté de le pousser à une rupture conventionnelle.

Il doit en être déduit que c’est Monsieur Y qui a été à l’origine de la rupture et qu’il en impute la responsabilité à son employeur.

A cette fin, il ressort du dossier qu’il invoque tout à la fois des difficultés engendrées par le remboursement de ces frais professionnels, l’absence de mission depuis le 7 juillet 2011 et l’interruption de la mission de Lyon prévue initialement jusqu’au 31 août 2011 tout en faisant valoir ce que ces man’uvres avaient pour but de le pousser à une rupture conventionnelle.

Il convient de reprendre les griefs invoqués par Monsieur Y afin de vérifier si ceux-ci étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

S’agissant des difficultés engendrées par le remboursement des frais professionnels exposés par Monsieur Y au cours de ses missions, il n’est pas contesté que ces frais étaient à la charge de l’employeur et qu’au cours des mois de mai et juin 2011, l’intéressé a été confronté a des difficultés de trésorerie causées par les nécessaires avances effectuées par ses soins sur ses frais professionnels et le décalage existant avec leur remboursement,en raison d’une situation financière personnelle très tendue du fait de l’arrêt de maladie de son épouse.

A la décharge de l’employeur, il doit être rappelé que Monsieur Y avait refusé l’usage d’une carte de paiement de l’entreprise semble-t-il en raison de sa situation personnelle, que des solutions ont pu être trouvées (des collègues ayant ponctuellement aidé l’intéressé) et que surtout au 1er septembre 2011 l’ensemble des sommes dues étaient réglées, à telle enseigne, que c’est Monsieur Y qui était redevable d’une avance sur salaire qui lui avait été faite.

Même s’il n’est pas contestable que Monsieur Y a été dans une situation financière délicate du fait du délai pris par le remboursement de ses frais professionnels, qui lui ont été intégralement payés par la suite sans qu’une mauvaise gestion ou des dépenses inconsidérées ne lui aient été reprochées, il convient d’admettre que la situation compte-tenu de la régularisation intervenue, n’était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

S’agissant de l’interruption de la mission prévue initialement de février 2011 au 31 août 2011 auprès d’un client à Lyon, il ressort du dossier que l’employeur reconnaît avoir mis fin prématurément, au 10 juin 2011, à la mission de Monsieur Y après que celui-ci lui ait fait part de ses difficultés financières et ce afin de limiter les frais de ce dernier. Il est en effet justifié d’échanges de mails par lesquels, il a alors été autorisé à rester à son domicile tout en demeurant joignable dans l’attente d’une nouvelle affectation. Ce n’est que suite à la protestation du client que la mission de Monsieur Y a été prolongée à LYON jusqu’au 10 juillet 2011.

Rien ne permet d’affirmer comme Monsieur Y semble le croire, que l’interruption de cette mission était une mesure de rétorsion contre lui, cette décision relevant du pouvoir de direction de l’employeur et ne lui a pas au demeurant été préjudiciable puisqu’il a été placé en situation d’inter-contrat, période pendant laquelle il a été rémunéré avant qu’il ne prenne ses congés entre le 1er et le 31 août 2011.

S’agissant du grief à l’absence de mission depuis le 7 juillet 2011, il a déjà été évoqué la situation particulière de Monsieur Y qui intervenait dans le cadre de missions ponctuelles et qui entre celles-ci, pouvait se retrouver pour des périodes variables en situation d’inter-contrat, considérées comme un temps de travail effectif et pendant lesquelles il était rémunéré.

Il est acquis aux débats que Monsieur Y a eu en date du 2 septembre 2011 un entretien de carrière dont le compte-rendu ne fait pas état de ce qu’il souhaitait quitter l’entreprise puisque tout au contraire, il était évoqué sa volonté de travailler sur des programmes ORACLE.

Il n’en reste pas moins qu’une possibilité de rupture conventionnelle a été évoquée, comme en témoigne l’échange de mails produit au dossier et il importe peu de savoir qui en a été à l’initiative puisque par définition ce mode de rupture doit être conventionnel et que rien ne s’oppose à ce que l’on se renseigne à ce sujet.

Il ressort du dossier qu’aucune des parties n’a tout compte fait voulu recourir à ce mode de rupture.

L’employeur affirme sans le prouver que Monsieur Y aurait refusé de nombreuses propositions de missions. Il est toutefois avéré qu’une proposition de mission à La Poste à Nancy a été évoquée avec ce dernier et que selon l’aveu de Monsieur X « practice manager » son supérieur hiérarchique, compte-tenu de l’éventualité d’une rupture conventionnelle celle-ci ne lui a pas été proposée, pour finalement être perdue pour l’entreprise.

La situation qui s’est ensuite dégradée suite à l’intervention du conseil de Monsieur Y n’a plus trouvé d’arrangement avant la prise d’acte par ce dernier.

Il n’est toutefois pas contesté que pendant cette période d’inter-contrat, Monsieur Y a bien été rémunéré et que l’employeur n’a pas failli sur ce point à ses obligations.

Par ailleurs, la durée de la période d’inter-contrat ne peut être considérée comme excessive et il convient d’admettre que Monsieur Y s’est quelque peu précipité en prenant acte de la rupture de son contrat et qu’il aurait mieux valu, si comme il le prétend l’employeur cherchait à se défaire de lui, qu’il lui en laisse l’initiative.

Force est d’admettre que la gravité des griefs invoqués par Monsieur Y n’est pas suffisamment caractérisée et que c’est à bon droit que cette prise d’acte a été qualifiée de démission par les premiers juges qui seront confirmés.

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE

Monsieur Y ne conteste pas devoir une somme de 2100€ à l’intimée correspondant à une avance sur salaire.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

SUR LE SURPLUS

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile en l’espèce.

L’appelant qui succombe supportera l’ensemble des frais et dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevable l’appel interjeté par Monsieur Z Y contre le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de SCHILTIGHEIM en date du 6 décembre 2013 ;

CONFIRME ledit jugement ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur Z Y aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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