Cour d'appel de Colmar, 26 mai 2016, n° 14/05433

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, 26 mai 2016, n° 14/05433
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 14/05433
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Colmar, 21 novembre 2013

Sur les parties

Texte intégral

VLC/IK

MINUTE N° 811/16

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

— avocats

— délégués syndicaux

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 26 Mai 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A 14/05433

Décision déférée à la Cour : 22 Novembre 2013 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE COLMAR

APPELANTE :

Madame I Y

XXX

XXX

Comparante, assistée de M. O THOMANN, délégué syndical -ouvrier

INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE :

EURL PHARMACIE DES MARAICHERS, prise en la personne de son représentant légal,

XXX

XXX

Non comparante, représentée par Me G DOGUET, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme HAEGEL, Président de chambre,

Mme GROSCLAUDE-HARTMANN, Conseiller,

Mme LAMBOLEY-CUNEY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HAEGEL, Président de chambre,

— signé par Mme HAEGEL, Président de chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Madame I Y née en 1964 a été embauchée à compter du mois de décembre 1990 en qualité de pharmacienne par la 'Pharmacie du Lion’ à Colmar exploitée par Madame Z qui en 2005 a cédé son officine à Madame X.

La pharmacie a été transférée dans le quartier des Maraîchers début 2007, et est devenue 'La Pharmacie des Maraîchers'.

Madame I Y a été placée en arrêt maladie à compter du mois de novembre 2008 jusqu’au mois de novembre 2010, date à laquelle elle a repris son travail dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, puis à compter d’avril 2011 à temps partiel à hauteur de 20h50 par semaine.

Madame I Y a été convoquée par lettre en date du 19 septembre 2012 à un entretien préalable à licenciement fixé au 2 octobre 2012, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre en date du 5 octobre 2012 Madame I Y a été licenciée pour faute grave.

Le 21 décembre 2012 Madame I Y a saisi le Conseil de Prud’hommes de Colmar en contestant la régularité et le bien fondé de son licenciement et en sollicitant divers montants, notamment une somme de 150 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les indemnités de rupture.

Le conseil de prud’hommes de Colmar a par jugement en date du 22 novembre 2013 statué comme suit :

'Dit et juge que la lettre du 5 octobre 2012 envoyée par l’EURL Pharmacie des Maraîchers à Madame I Y constitue bien une lettre de licenciement ;

Dit et juge que le licenciement de Madame I Y repose sur une cause réelle et sérieuse, et non sur une faute grave ;

Condamne en conséquence l’EURL Pharmacie des Maraîchers à payer à Madame I Y les sommes de :

—  1 400,52 € brut à titre de remboursement de la mise à pied majorée de 140,05 € brut au titre des congés payés,

—  7 710,03 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, majorée de 771 € brut au titre des congés payés,

—  20 568,08 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

Ces sommes avec les intérêts légaux à compter du 27 décembre 2012, date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

Déboute Madame I Y de ses autres chefs de demande.

Partage les frais et dépens par moitié entre les parties et les déboute de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure''.

Madame I Y a régulièrement interjeté appel de cette décision par courrier recommandé adressé le 16 décembre 2013 au greffe de la cour.

Par ordonnance en date du 18 juin 2014 la procédure a été radiée pour défaut de diligences de l’appelante.

Dans ses conclusions d’appel déposées le 30 octobre 2014 reprises par son représentant lors des débats, Madame I Y demande à la cour de :

'Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur au remboursement de la mise à pied conservatoire,

L’infirmer pour le surplus,

Et statuant à nouveau :

Dire et juger que la lettre du 5 octobre 2012 envoyée par l’EURL Pharmacie des Maraîchers à Madame I Y ne constitue pas une lettre de licenciement et qu’elle n’est pas opposable à Madame Y ;

Constater que la rupture intervenue est nulle et non avenue ;

En conséquence,

Ordonner sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir la réintégration immédiate de Madame Y,

Condamner l’EURL Pharmacie des Maraîchers à payer à Madame Y :

— l’ensemble des rémunérations et avantages divers que Madame Y aurait dû percevoir entre la date de la rupture de son contrat de travail et la date de sa réintégration effective à son poste dans l’officine,

—  150 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par la rupture abusive de son contrat de travail,

—  2 400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la rupture intervenue n’est pas constitutive d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse, a fortiori pour faute grave, et en conséquence :

Condamner l’EURL Pharmacie des Maraîchers à payer à Madame Y :

—  8 403,12 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis, majorée de 840,31 € brut au titre des congés payés,

—  2 771,31 € à titre de prime de fin d’année majorée de 277,23 € brut au titre des congés payés,

—  22 408,32 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  150 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice subi par la rupture abusive de son contrat de travail,

—  2 400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les deux instances'.

Madame Y explique qu’au mois de janvier 2012 Madame X a embauché un jeune pharmacien, qui a pris des responsabilités qui étaient assumées par elle-même jusqu’à sa maladie.

Au soutien de son premier moyen elle fait valoir que la lettre de licenciement ne comporte aucune indication de son expéditeur, qu’elle comporte une signature illisible, et qu’elle ne peut valoir lettre de licenciement.

Madame Y réfute être l’auteur des huit griefs qui lui sont reprochés, en contestant l’imputation qui lui en est faite par l’usage du code informatique indiquant ses initiales.

Elle soutient par ailleurs que ces griefs consistant en des erreurs de délivrances de médicaments du 4 juillet au 1er septembre 2012 ne sont pas sérieux et pour certains sont prescrits, et reprend chaque grief en faisant valoir les observations suivantes :

1 – la délivrance le 30 août d’un médicament sous dosé à une personne atteinte d’un cancer : l’attestation du médecin traitant mentionne un surdosage à cette date, et l’erreur ne parait pas préjudiciable alors qu’un risque d’infection est évoqué par l’employeur,

2 – la délivrance le 27 juillet d’un médicament sur-dosé par rapport à la prescription : il n’y avait plus de stock en dosage habituel et elle a préconisé 1/2 comprimé au lieu d'1,

3 – la délivrance le 5 juillet d’un médicament sous-dosé : cette seule erreur est reconnue mais l’attestation du médecin mentionne 'pas de danger vital',

4 – la délivrance le 5 juillet d’un médicament sur-dosé (antibiotique) : l’erreur est contestée car il s’agit du dosage adulte + prescription. L’attestation du médecin prescripteur indiquant que la substitution de prescription est judicieuse,

5 – la délivrance le 4 juillet de profenil au lieu de biprofenid, qui n’existe pas sous la forme libération prolongée : ce n’est pas une erreur et une attestation du médecin prescripteur le confirme,

6 – la délivrance le 1er septembre de natispray fort au lieu de faible : la mention manuscrite du médecin est illisible et a été rajoutée sur l’ordonnance. L’attestation du médecin indique qu’il n’y a pas eu de préjudice pour la patiente,

— la délivrance le 8 juillet de ketum au lieu de ketoprofene : la posologie est identique,

— la délivrance le 27 août d’un vaccin repevax au lieu du revaxis : il s’agit d’une erreur de la préparatrice et le vaccin a été échangé sur le champ.

Madame Y souligne que son poste n’a pas été remplacé, que le jeune pharmacien a également quitté l’officine quelques mois plus tard, et a seul été remplacé.

A l’appui des montants sollicités, Madame Y explique notamment que les griefs imputés l’ont profondément choquée, et qu’elle n’a pas retrouvé une situation professionnelle stable.

Dans ses conclusions déposées le 13 août 2015 l’Eurl Pharmacie des Maraîchers demande à la cour de statuer comme suit :

'Infirmer le jugement rendu en ce qu’il a retenu la cause réelle et sérieuse et dire et juger que le licenciement est intervenu pour faute grave ;

En conséquence débouter Madame Y de l’ensemble de ses prétentions ;

La condamner aux dépens ;

Condamner Mme I Y au paiement de la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile'.

L’intimée se prévaut de ce que la lettre de licenciement a été signée par Madame X, et que de surcroît une lettre non signée ne rend pas le licenciement nul.

A l’appui du bien fondé du licenciement de Madame I Y, la Pharmacie des Maraîchers fait valoir que les griefs sont bien imputables à Mme Y (code opérateur individuel) et reprend chacun d’eux en réfutant la pertinence des éléments dont se prévaut l’appelante.

En ce qui concerne les montants sollicités par Madame Y, l’intimée fait valoir qu’ils sont à déterminer au regard d’un salaire brut de 2 570,01 €, que Madame Y revendique une prime de fin d’année qui n’a jamais été versée ; elle précise que l’intéressée a bénéficié en 2011 d’une prime de noël qui n’a aucun caractère contractuel.

SUR CE, LA COUR,

Sur le licenciement

Il est constant qu’en l’état des données du débat, Madame I Y n’a pendant toute la durée de son embauche jamais été destinataire d’aucune sanction, relative notamment à des défaillances professionnelles.

Après avoir repris son travail le lundi 27 août 2012 à l’issue d’une période de congés, Madame Y a moins d’un mois plus tard fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire notifiée par lettre recommandée reçue le 20 septembre 2012 dans le cadre d’une procédure disciplinaire, et ce alors qu’elle avait une ancienneté de près de 22 années et une parfaite connaissance de son métier, comme le rappelle dans ses écrits son ancien employeur.

Madame I Y a été licenciée pour faute grave par lettre en date du 5 octobre 2012 retenant huit erreurs de délivrance commises par la pharmacienne, et d’avoir ainsi délivré « au cours des dernières semaines, des médicaments sans prendre en compte ces éléments (délivrance stricte des médicaments), et surtout avec les risques qui peuvent être liés à la mise en danger d’autrui, à la mise en danger de la santé des patients et, par ailleurs, à des situations qui pourraient entraîner un surdosage, infection ou autre conséquence médicale.»

Madame Y réitère à hauteur de cour un premier moyen soutenant la nullité de son licenciement au regard de ce que ce courrier du 5 octobre 2012 ne peut être considéré comme une lettre de licenciement.

Or il est incontestable que la lettre de licenciement notifiée à l’appelante a été rédigée et signée par l’employeur de Madame Y, identifié sous le nom de Madame K X, et il importe peu que cet écrit ne soit pas rédigé sur un papier à entête et ne comporte pas les coordonnées de la pharmacie.

Ce moyen principal et les demandes qui y sont afférentes seront donc également rejetées à hauteur de cour.

Le licenciement pour motif personnel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse et sur des faits matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée à Madame I Y le 5 octobre 2012 qui fixe les limites du litige, énonce huit griefs qu’il appartient à l’Eurl Pharmacie Des Maraîchers d’établir la réalité et le sérieux.

Les griefs reprochés à Madame Y sont les suivants :

1 – «le 30 août 2012, vous avez délivré à une personne atteinte d’un cancer, du zarzio 30 en lieu et place du zarzio 48, dosage inférieur à celui prescrit par le médecin et donc un risque d’infection par le patient ».

A l’appui de cette erreur de prescription l’employeur se rapporte à ses annexes 5 (ordonnance de prescription) et 6 (relevé de délivrance des médicaments par Madame Y).

Si ces pièces auxquelles se rapporte l’employeur confirment bien une délivrance d’un médicament à un dosage inférieur avec les données informatiques de Madame Y, aucune pièce ne justifie le risque d’infection dénoncé par l’employeur.

Madame Y verse en revanche aux débats une attestation du médecin prescripteur, le docteur C D, qui précise que la patiente concernée était traitée habituellement par le médicament zarzio et que « le 30 août 2012 je lui ai prescrit ce médicament à une dose plus forte (48 au lieu de 30). Néanmoins, la dose de 30 aurait probablement été suffisamment efficace.

Je ne pense donc pas que l’erreur de dosage lors de la délivrance du médicament aurait été préjudiciable pour la patiente. Je n’ai à aucun moment contacté la pharmacie à ce sujet».

Il ressort de ces données médicales, qui émanent du médecin traitant de la patiente concernée, que la gravité de cette erreur de prescription alléguée par l’employeur n’est pas avérée.

2 ' « le 27 juillet 2012, vous avez délivré du ciprofloxacine 500 mg en lieu et place du 250 mg prévu par l’ordonnance, ne respectant pas le dosage prescrit par le médecin ».

A l’appui de cette erreur de prescription l’employeur se rapporte à ses annexes 7 (ordonnance de prescription) et 8 (relevé de délivrance des médicaments par Madame Y).

Madame Y conteste la réalité de cette erreur et produit en ce sens aux débats une attestation du patient concerné, Monsieur E F, qui témoigne que « n’ayant plus de ciprofloxacine 250 mg, la pharmacienne m’a délivré du ciprofloxacine 500 mg en me précisant bien de prendre une demi dose ».

Ce grief n’est donc pas fondé, étant observé que les allégations de l’employeur,qui ne remet pas en cause la rupture de stock concernant la bonne posologie mais fait état d’un témoignage de complaisance au regard de ce que ce client serait un voisin de Madame Y, ne font que conforter le fait que Madame Y pouvait parfaitement retenir que ce patient serait en mesure de respecter la posologie en tenant compte du dosage délivré.

3 ' « le 5 juillet 2012, vous avez délivré du chlormadinone 5mg en lieu et place du 10mg prévu par l’ordonnance dans le cadre d’un traitement hormonal ».

A l’appui de cette erreur de prescription l’employeur se rapporte à ses annexes 9 (ordonnance de prescription) et 10 (relevé de délivrance des médicaments par Madame Y).

Outre de la prescription de ces faits anciens de plus de deux mois à la date de convocation à entretien préalable, Madame Y se prévaut également de l’attestation du docteur A qui a prescrit le médicament en cause, et qui mentionne que cette délivrance « ne présentait pas de danger vital » pour la patiente «pour laquelle il y avait une possibilité théorique d’inefficacité du traitement ».

Au-delà de l’absence manifeste de gravité suffisante de ce grief pour justifier le licenciement disciplinaire d’une salariée pharmacienne ancienne de plus de vingt ans, la date de la délivrance concernée démontre que l’employeur s’est manifestement appliqué à compiler toutes les délivrances non conformes de Madame Y, démarche qu’il confirme d’ailleurs au soutien de l’absence de prescription de certains griefs datant de plus deux mois.

La cour rappelle cependant que si c’est la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits qui marque le point de départ de la prescription, c’est à l’employeur qu’il appartient de rapporter la preuve de ce qu’il n’en a eu connaissance que plus tard.

Or à l’appui des vérifications effectuées 'a posteriori', l’employeur invoque la gravité de l’erreur de délivrance du médicament Zarzio commise par Madame Y le 30 août 2012 comme l’ayant incité à procéder selon ses écrits (page 12 de ses conclusions) à des « vérifications pour déterminer la réalité, la nature et l’ampleur des faits » ; ces explications sont d’autant moins pertinentes que les faits allégués par l’employeur comme ayant provoqué ces vérifications n’ont, comme il l’a été ci-avant retenu, aucun caractère de gravité de nature à mettre en doute la compétence professionnelle de Madame Y et à justifier que l’employeur procède à des recherches d’autres erreurs de délivrance imputables à Madame Y.

Ce troisième grief est bien prescrit et de surcroît inconsistant.

4 ' « le 5 juillet 2012, vous avez délivré de la roxithromycine, un antibiotique. L’ordonnance prévoyait du 100mg et vous avez délivré du 150mg, délivrant ainsi à nouveau un médicament en surdosage. ».

L’employeur se rapporte à ses annexes 19 (ordonnance de prescription) et 20 (relevé de délivrance des médicaments par Madame Y).

Outre la prescription de ces faits qui sont également anciens de plus de deux mois, Madame Y verse aux débats l’attestation du docteur O P, chirurgien dentiste qui a prescrit le médicament en cause, et qui mentionne que « la substitution de mon ordonnance s’avérait judicieuse, étant donné que la patiente est un sujet adulte, de bonne corpulence (supérieure à 40 kg). La patiente, en qualité de visiteuse médicale a demandé d’obtenir de la roxithromycine 150mg, forme qu’elle avait l’habitude d’avoir avec son médecin traitant.. ».

Ce grief est prescrit et de surcroît inconsistant.

5 ' « le 4 juillet 2012, vous avez délivré du profénid 100mg (ketum 100) en lieu et place du biprofenid lp 100 qui possède une libération prolongée tout au long de la journée.

L’employeur se rapporte à ses annexes 11 (ordonnance de prescription) et 12 (relevé de délivrance des médicaments par Madame Y).

Outre la prescription de ces faits, Madame Y fait justement valoir que le médecin avait prescrit non pas du biprofenid lp 100 comme l’a retenu l’employeur dans la lettre de licenciement, mais du profenid lp 100 qui est un médicament inexistant.

Ce cinquième grief est donc prescrit et non fondé.

6 ' « le 1er septembre 2012, vous avez délivré du natispray fort (0,3 mg), qui est un médicament préconisé pour l’angine de poitrine, en lieu et place du natispray faible (0,15 mg) que prévoyait l’ordonnance. ».

L’employeur se rapporte à ses annexes 17 (ordonnance de prescription) et 18 (relevé de délivrance des médicaments par Madame Y).

Madame Y produit quant à elle l’attestation du médecin prescripteur, le docteur G H, qui mentionne que « la délivrance de Nastispray fort au lieu de Natispray faible ne porte pas préjudice à la patiente ».

Cette erreur de prescription n’a donc aucun caractère de gravité.

7 ' « le 8 juillet 2012, vous avez délivré du ketum 100 mg en lieu et place du ketoprofène lp 100 prescrit par le médecin ».

L’employeur se rapporte à ses annexes 13 (ordonnance de prescription) et 14 (relevé de délivrance des médicaments par Madame Y).

Outre la prescription de ces faits, Madame Y conteste l’erreur de délivrance et soutient que la posologie est identique.

Aucun élément ne démontre la gravité de cette substitution.

8 ' «le 27 août 2012, vous avez délivré un vaccin repevax en lieu et place du revaxis que souhaitait le médecin.».

L’employeur se rapporte à ses annexes 15 (ordonnance de prescription) et 16 (relevé de délivrance des médicaments par Madame Y).

Madame Y se prévaut d’une attestation du docteur B, pédiatre ayant prescrit le vaccin, qui mentionne qu’il n’y aurait eu aucune conséquence médicale à l’administration d’un repevax en lieu et place d’un revaxis et qui ajoute « on aurait approximativement approché la nouvelle recommandation du calendrier vaccinal (avril 2013) ».

Cette erreur de délivrance, comme les autres erreurs compilées par l’employeur, ne présente donc aucune mise en danger de la santé des patients.

En conséquence la cour retient que le licenciement pour faute grave de Madame Y est infondé.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de Madame Y en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Au regard de la rémunération de Madame Y au moment de la rupture, qui était d’un montant de 2 570,01 € brut tel qu’il ressort des bulletins de paie produits par l’employeur, duquel il n’y a pas lieu d’ajouter une prime de fin d’année revendiquée par la salariée qui n’a jusqu’alors pas été perçue et n’a d’ailleurs aucun caractère contractuel, le jugement déféré sera confirmé dans ses dispositions relatives aux montants alloués à Madame Y au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, au titre de l’indemnité de licenciement, et au titre de l’indemnité de préavis augmentée des congés payés afférents.

Compte tenu de l’ancienneté de l’appelante au moment de la rupture, l’Eurl Pharmacie des Maraîchers sera condamnée à payer à Madame I Y la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le surplus des prétentions de Madame I Y sera rejeté.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens seront infirmées.

Il est inéquitable de laisser à la charge de Madame I Y ses frais irrépétibles ; il lui sera alloué une somme de 1 200 € à ce titre.

L’Eurl Pharmacie des Maraîchers qui succombe assumera ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare l’appel principal partiel de Madame I Y et l’appel incident partiel de l’Eurl Pharmacie des Maraîchers recevables ;

Confirme le jugement rendu le 22 novembre 2013 par le conseil de prud’hommes de Colmar dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit que le licenciement de Madame I Y repose sur une cause réelle et sérieuse, et sauf en ce qu’il a partagé les frais et dépens par moitié entre les parties ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés, et y ajoutant :

Dit que le licenciement pour faute grave de Madame I Y est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l’Eurl Pharmacie des Maraîchers à payer à Madame I Y la somme de 60 000 € (soixante mille euros) de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l’Eurl Pharmacie des Maraîchers à payer à Madame I Y la somme de 1 200 € (mille deux cent euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres prétentions de Madame I Y ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’Eurl Pharmacie des Maraîchers ;

Condamne l’Eurl Pharmacie des Maraîchers aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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