Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 sb, 17 décembre 2020, n° 17/03675

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 4 sb, 17 déc. 2020, n° 17/03675
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 17/03675
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bas-Rhin, 4 juillet 2017
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

CF/MDL

MINUTE N° 20/1386 NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

— avocats

— parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB

ARRET DU 17 Décembre 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 17/03675 – N° Portalis DBVW-V-B7B-GRSC

Décision déférée à la Cour : 05 Juillet 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du BAS-RHIN

APPELANTE :

S.A. ESPACE PRODUCTION INTERNATIONAL (EPI)

Prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

INTIMEE :

URSSAF ALSACE

Prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Comparante en la personne de Mme C D, munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Conseiller, faisant fonction de Présidente de chambre,

Mme PAÜS, Conseiller

Mme LE GUNEHEC, Vice-président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Conseiller, faisant fonction de Présidente de chambre,

— signé par Mme FERMAUT, Conseiller, faisant fonction de Présidente de chambre et Mme Caroline WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

La S.A. Espace Production International intervient dans le domaine de la fabrication et le négoce de matériel de bâtiment, essentiellement des sols.

Elle fait l’objet d’un contrôle opéré par les agents de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) portant sur l’application de la législation de sécurité sociale et de la réglementation de la garantie des salaires et de l’assurance chômage sur la période du 1er janvier 2009 au

31 décembre 2010.

Ce contrôle a donné lieu à 5 chefs de redressement, générant un rappel de cotisations d’un montant total de 244.729 €, ramené à 242.698 € après échanges d’observations entre l’URSSAF Alsace et la S.A. Espace Production International.

L’ensemble des cotisations de sécurité sociale redressé à hauteur de 242.698 €, augmenté des majorations de retard à hauteur de 33.805 € a été réclamé à la S.A. Espace Production International selon mise en demeure du 19 décembre 2012.

Contestant cette décision, la S.A. Espace Production International saisit la commission de recours amiable par lettre recommandée datée du 31 janvier 2013. Cette dernière ne se prononce pas sur le recours.

La S.A. Espace Production International saisit le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin par lettre recommandée postée le 19 avril 2013, lui demandant essentiellement d’annuler le redressement prononcé à hauteur de 276.503 €.

L’affaire est radiée du rôle des affaires en cours selon décision du 18 février 2015.

Elle est rétablie sur demande du conseil de la S.A. Espace Production International, datée du 21 janvier 2016.

Par jugement du 5 juillet 2017, le tribunal déboute la S.A. Espace Production International de ses demandes et valide la mise en demeure du 19 décembre 2012 à la somme de 276.698 €.

Le jugement est notifié le 19 juillet 2017 à la S.A. Espace Production International.

Par lettre recommandée postée le 4 août 2017, adressée au greffe de la cour d’appel, la S.A. Espace Production International fait régulièrement appel de ce jugement.

Par conclusions reçues au greffe le 15 mai 2019, à nouveau transmises le 5 octobre 2020, soutenues oralement à l’audience, la S.A. Espace Production International demande à la cour d’infirmer le jugement rendu et, statuant à nouveau, de :

— annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable,

— annuler la décision de l’URSSAF du Bas-Rhin fixant le redressement à 276.503 €,

— annuler le redressement prononcé par l’URSSAF du Bas-Rhin,

— dire n’y avoir lieu à redressement.

Par conclusions reçues au greffe le 27 novembre 2018, soutenues oralement à l’audience, l’URSSAF Alsace demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré,

— valider la mise en demeure du 19 décembre 2012,

— rejeter toute autre demande de la S.A. Espace Production International.

Il est renvoyé aux conclusions précitées pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS,

Interjeté dans les forme et délai légaux, l’appel est recevable.

Les premiers juges ont retenu que l’URSSAF Alsace n’est pas tenue de privilégier la procédure amiable, et souligné que l’inspecteur avait répondu en détail à toutes les observations formulées par la S.A. Espace Production International, que les représentants de cette dernière ont pu s’entretenir avec les agents de l’URSSAF Alsace pendant les opérations de contrôle, que les motifs des minorations retenues ont été explicitées par l’URSSAF Alsace.

Ils ont également retenu que contrairement à ce qu’affirme la S.A. Espace Production International, les agents de l’URSSAF Alsace n’ont pas procédé par échantillonnage mais par analyses exhaustives.

Sur le fond, les premiers juges ont relevé que la S.A. Espace Production International ne produisait aucun élément susceptible de remettre en cause les chefs de redressement ni leurs

montants.

1. À hauteur d’appel, la S.A. Espace Production International fait valoir tout d’abord que la réintégration dans l’assiette des cotisations CSG / CRDS de tout ou partie des indemnités versées à l’occasion de la rupture de contrats de travail est infondée.

Vu l’article L136-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l’espèce, qui prévoit que, s’agissant de la CSG,

« Sont inclus dans l’assiette de la contribution :

(') les indemnités de licenciement ou de mise à la retraite et toutes autres sommes versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail pour la fraction qui excède le montant prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi, ou, en l’absence de montant légal ou conventionnel pour ce motif, pour la fraction qui excède l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. En tout état de cause, cette fraction ne peut être inférieure au montant assujetti à l’impôt sur le revenu en application de l’article 80 duodecies du code général des impôts. (…) ».

Ces dispositions visant la CSG sont reprises pour la CRDS.

Le fait que les indemnités soient versées dans le cadre d’une transaction est sans incidence sur les règles d’exonération et d’intégration : l’indemnité transactionnelle ne peut être exonérée que pour la fraction représentative d’une indemnité elle-même susceptible d’être exonérée.

En l’espèce, il a été relevé que M. X, ancien salarié de la S.A. Espace Production International, a été licencié pour motif économique et a été radié des effectifs le 8 décembre 2010 après près de 5 ans dans l’entreprise.

Il résulte du tableau produit par la S.A. Espace Production International (annexe 7) que ce salarié a perçu, à l’occasion de son licenciement, une indemnité transactionnelle nette de 65.000 €. Ce même tableau détaille le montant brut de cette somme, précisant que la « fraction à intégrer », sous-entendu dans l’assiette des cotisations, se monte à 65.828 €.

La S.A. Espace Production International ne produit aucune convention de transaction émanant de l’employeur et du salarié, ni aucun autre document, permettant d’établir le caractère indemnitaire de cette transaction prévoyant le paiement d’une somme excédant les montants légaux ou conventionnels dus du fait de ce licenciement. En outre, l’indemnité légale avait déjà été versée à M. X lors de la passation de la convention transactionnelle.

L’intégralité de l’indemnité transactionnelle doit donc être soumise à la CSG et à la CRDS. Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute la S.A. Espace Production International de ce chef de demande.

S’agissant des transactions passées avec Mme E-F, M. Y, M. Z, Mme A et M. B, tous ont été licenciés pour faute grave, privative d’indemnité de licenciement. Tous ont passé une transaction avec l’employeur.

Aucune de ces conventions de transaction n’est produite qui permettrait de vérifier que l’indemnité transactionnelle présente un caractère indemnitaire selon l’intention des parties à ces conventions. Toutefois, l’URSSAF Alsace, tenant compte des observations de la société, admet que l’indemnité transactionnelle versée après un licenciement pour faute grave est

assujettie à la CSG et à la CRDS pour la fraction excédant le montant de l’indemnité de licenciement prévu par la convention collective ou, à défaut, la loi, et a minoré le montant de la régularisation opérée.

La demande de la société concernant ces salariés est ainsi sans objet.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute la S.A. Espace Production International de sa demande concernant l’assujettissement à CSG et CRDS de ces indemnités transactionnelles.

2.S’agissant des rémunérations non déclarées, constituées de frais professionnels / missions (déplacements).

La S.A. Espace Production International soutient tout d’abord que l’URSSAF Alsace a procédé par voie d’échantillonnage, au lieu de faire une analyse exhaustive par salarié concerné et qu’elle n’a pas privilégié la voie amiable.

En outre, la S.A. Espace Production International fait état d’un accord tacite intervenu lors d’un précédent contrôle effectué par l’URSSAF Alsace portant sur les mêmes pratiques de remboursement forfaitaire des frais kilométriques professionnels.

La lecture de la lettre d’observations établie par l’URSSAF Alsace montre que cette dernière n’a pas du tout procédé par échantillonnage mais a examiné très précisément la situation de chaque salarié concerné, et récapitulé les redressements par salarié dans son annexe 1. L’URSSAF Alsace n’a ainsi aucunement procédé par échantillonnage mais a bien analysé chaque situation et déterminé le montant du redressement pour chacune d’elles.

S’agissant de l’accord tacite, prévu à l’article R243-59 du code de la sécurité sociale, il suppose l’existence d’une pratique erronée de la part de l’employeur, vérifiée lors d’un contrôle, pour laquelle le contrôle n’a abouti à aucune observation de la part de l’organisme de contrôle.

La S.A. Espace Production International soutient que tel a été le cas pour les frais de déplacement de salariés examinés par l’URSSAF Alsace lors d’un précédent contrôle effectué en 2005. La S.A. Espace Production International, sur qui pèse la charge de la preuve de l’existence d’un accord tacite, en l’espèce contesté par l’URSSAF Alsace, produit un extrait du rapport de contrôle, dont il résulte que l’URSSAF Alsace a procédé à un redressement sur les indemnités kilométriques versées aux salariés, réintégrant dans l’assiette des cotisations la part de l’acompte mensuel non utilisé et non récupéré par l’employeur.

Ce faisant, la S.A. Espace Production International démontre que le contrôle de 2005 n’a abouti à aucun accord tacite sur le point visé -qui porte quant à lui sur la réalité de frais supplémentaires de transport, de repas ou d’hébergement supportés par les salariés de la société du fait d’une situation de déplacement- et n’indique pas les pratiques non conformes qui auraient été tolérées par l’URSSAF Alsace.

Sur le fond, la S.A. Espace Production International ne s’explique pas sur les incohérences relevées par l’URSSAF Alsace concernant les déplacements de ses salariés, le remboursement erratique des frais de déplacements et de grands déplacements et l’utilisation des voitures attribuées à des salariés.

L’URSSAF a donc à bon droit considéré que les sommes versées aux salariés de la société ne correspondaient pas à des frais réellement engagés par les salariés, mais s’analysaient en réalité en des compléments de rémunération qu’il convenait de réintégrer dans l’assiette des

cotisations et contributions de sécurité sociale en application de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur ce point.

3. S’agissant de la réintégration dans l’assiette des cotisations des primes d’assurance automobile payées par la S.A. Espace Production International pour les véhicules privés de certains de ses salariés, la S.A. Espace Production International ne conteste pas ces versements mais soutient que la prise en charge de ces primes venait en compensation de ce que les salariés concernés recevaient des remboursements de frais kilométriques réduits (en dessous du barème fiscal).

Cependant la preuve de la nécessité pour ces salariés d’utiliser leur véhicule personnel à des fins professionnelles n’étant pas rapportée par la S.A. Espace Production International, les remboursements octroyés aux salariés par la société ne peuvent s’analyser en des remboursements de frais professionnels au sens de l’arrêté du 20 décembre 2002, et ont à bon droit été analysés comme la prise en charge de dépenses personnelles des salariés à réintégrer dans l’assiette des cotisations et contributions.

Ce moyen sera également rejeté.

4. S’agissant des taux AT/MP, l’URSSAF Alsace a relevé que le taux AT « Bureau », de 1,00 % en 2009 et de 1,03 % en 2010, était appliqué aux salariés se déplaçant régulièrement, et pour lesquels le taux AT est porté respectivement à

3,45 % pour 2009 et à 4,59 % pour 2010.

La S.A. Espace Production International produit une lettre de la CARSAT datant du 11 avril 2011 établissant la liste des salariés soumis au taux « bureau », en partie différente de ce qu’a retenu l’URSSAF Alsace dans les suites du contrôle.

Cependant, ainsi que le relève l’URSSAF Alsace, cette lettre de la CARSAT vise la société EPI Flooring, qui est une société distincte. En l’absence de tout éclaircissement sur les liens entre les deux sociétés face à leurs obligations sociales, il convient de retenir que cette lettre de la CARSAT ne concerne par la S.A. Espace Production International.

Cette dernière ajoute une lettre de la CARSAT datée du 17 avril 2014, laquelle souffre les mêmes critiques que la lettre examinée plus haut, car elle est destinée à la société Alsapan. En outre, elle ne vise aucunement les exercices sur lesquels a porté le contrôle.

Ce moyen sera rejeté.

5. S’agissant des avantages en nature octroyés par la S.A. Espace Production International à certains de ses salariés, soit la mise à disposition permanente de véhicules, l’URSSAF Alsace rappelle que selon les dispositions de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en nature versé en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations.

Un « avantage » consiste dans la fourniture ou la mise à disposition d’un bien ou service permettant au salarié de faire l’économie de frais qu’il aurait dû normalement supporter.

Tel est le cas pour les voitures mises à disposition permanente d’un salarié et utilisées de façon privée.

L’URSSAF Alsace a constaté que tel était le cas pour pour la S.A. Espace Production International, qui met à la disposition de certains de ses salariés des voitures de fonction, soit le directeur grands comptes, le directeur des ventes, les chefs de secteurs régionaux et les inspecteurs commerciaux.

La S.A. Espace Production International produit 6 avenants à 6 contrats de travail, avenants tous datés du 1er juin 2007, prévoyant que la mise à disposition de voiture est à usage exclusivement professionnel.

Il convient toutefois de noter que les documents produits et concernant un même salarié diffèrent pour certains de ceux communiqués dans le cadre des opérations de contrôle. Par ailleurs ils n’attestent en rien des modalités d’utilisation par les salariés des véhicules de la société mis à disposition.

En outre, les constatations de l’URSSAF quant à la mise à disposition permanente des véhicules aux salariés concernés sont étayées par les pièces remises par la S.A. Espace Production International (cartes d’essence, cartes de péage, factures d’entretien) et par l’impossibilité pour la S.A. Espace Production International de justifier des modalités d’utilisation des véhicules remis à ses salariés (absence de tenue d’un carnet de bord).

La S.A. Espace Production International conteste le mode de calcul du redressement sur ce point (évaluation forfaitaire), mais ne développe aucun argument et ne propose aucun mode de calcul différent.

Ce moyen sera également écarté.

Dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont débouté la S.A. Espace Production International de ses demandes. Le jugement déféré sera confirmé.

Partie perdante, la S.A. Espace Production International sera condamnée aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l’appel interjeté recevable ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 5 juillet 2017

par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin ;

y ajoutant,

CONDAMNE la S.A. Espace Production International aux dépens exposés

postérieurement au 31 décembre 2018.

Le Greffier, Le Président,

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