Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 18 juin 2020, n° 19/00730

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 18 juin 2020, n° 19/00730
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 19/00730
Décision précédente : Tribunal de grande instance, 8 janvier 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

CG

MINUTE N° 171/2020

Copies exécutoires à

Maître RAMOUL-BENKHODJA

Maître WELSCHINGER

Copie au

MINISTÈRE PUBLIC

[…]

Le 18 juin 2020

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 18 juin 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 19/00730 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HADH

Décision déférée à la Cour : recours sur la décision de la COMMISSION D’INDEMNISATION DES VICTIMES D’INFRACTIONS (C.I.V.I.) du 09 janvier 2019 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de COLMAR

APPELANT et requérant :

Monsieur Z A

représenté par sa mère Madame B Y

demeurant […]

[…]

représenté par Maître RAMOUL-BENKHODJA, avocat à la Cour

INTIMÉ et requis :

Le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME ET D’AUTRES INFRACTIONS

pris en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représenté par Maître WELSCHINGER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 et de l’ordonnance de Madame la Première Présidente du 31 mars 2020, l’affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2020 sans audience, les parties ayant expressément donné leur accord, devant la Cour, composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Monsieur Emmanuel ROBIN, Conseiller

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

qui en ont délibéré.

MINISTÈRE PUBLIC auquel le dossier a été communiqué :

Madame Mathilde PIMMEL, Substitut général

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par arrêt de la cour d’assises du Haut-Rhin du 29 mars 2018, Maxime X a été reconnu coupable d’homicide volontaire commis dans la nuit du 21 au 22 février 2016 à Orbey sur la personne de Armel A, âgé de 17 ans.

Par arrêt civil du même jour, la cour a déclaré M. X seul et entièrement responsable du préjudice subi par les parents de la victime, Mme D Y et M. E A, ainsi que ses frères, Timothée et Z A ; elle a condamné M. X à payer, à titre de dommages et intérêts, 30 000 euros à chacun des parents, en réparation de leur préjudice moral, 2 100,01 euros à la mère et 2 785,61 euros au père, en réparation de leur préjudice économique, et 18 000 euros à chacun des enfants, en réparation de leur préjudice moral.

Suite aux appels interjetés par M. X, la cour d’assises du Bas-Rhin a confirmé, le 15 mai 2019, cet arrêt sur la culpabilité et, par arrêt civil du même jour, l’entière responsabilité de M. X et le montant des dommages et intérêts alloués pour préjudice moral ; elle a porté à 2 399,89 euros le préjudice matériel de la mère et à 4 181,64 celui du père.

Par requête précédemment déposée, le 27 avril 2018, Z A, représenté par sa mère, avait formé une demande d’indemnisation devant la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) du tribunal de grande instance de Colmar.

Par décision du 9 janvier 2019, la CIVI a débouté Mme Y, agissant en qualité de représentant légal de son fils, de sa demande, en retenant une faute de la victime, comme soutenu par le fonds de garantie et contrairement à l’avis du ministère public.

La commission a rappelé qu’elle n’était pas liée par la décision de la juridiction pénale, sauf en ce qui concerne la qualification des faits, et que les dispositions de l’article 706-3 du code de procédure pénale lui permettaient de refuser la réparation ou de la réduire en raison de la faute de la victime. Elle a estimé qu’il

ressortait du dossier pénal que l’homicide avait été commis en réaction à une tromperie de la part du jeune Armel A, qui avait vendu à Maxime X, à la recherche de résine de cannabis, deux carambars pour 40 euros, en lui faisant croire qu’il s’agissait de barrettes de ce produit ; elle a relevé qu’Armel A était connu pour infraction à la législation sur les stupéfiants et que sa mère avait craint un règlement de comptes en relation avec les stupéfiants.

*

Z A, représentée par Mme Y, a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 31 janvier 2019.

Par conclusions du 30 septembre 2019, le mineur, représenté par ses parents, demande à la cour d’infirmer la décision déférée et de lui allouer une indemnité de 18 000 euros au titre de son préjudice moral.

Il fait valoir que la décision rendue est 'scandaleuse' et incompréhensible, puisque la commission elle-même a relevé la disproportion entre la prétendue faute et le meurtre, ajoutant que ce soir là, Armel n’a pas vendu de produit stupéfiant. Il rappelle que ce dernier était mineur et que, pour un mauvais tour, il a été frappé de dix coups de couteau, dont quatre perforants ; il conteste qu’il ait été informé que M. X s’était déjà fait 'carotter' le même jour et que, celui-ci étant dépeint comme une personne respectueuse et taciturne, il ait pu imaginer risquer sa vie.

*

Par ses dernières conclusions du 15 juillet 2019, le fonds de garantie sollicite le rejet de l’appel et la confirmation de la décision entreprise.

Il fait valoir qu’il suffit que la faute de la victime ait contribué à causer le préjudice, ce qui est le cas en l’espèce ; que, selon le réquisitoire définitif du parquet, Armel A était grand consommateur de stupéfiants et en vendait ou dépannait ses connaissances, ce que savait la plupart des jeunes d’Orbey ; qu’il a joué avec le feu en trompant délibérément M. X, auquel il a fait sentir un morceau de résine au bout d’un carambar emballé dans du cellophane, selon l’ordonnance de mise en accusation ; que M. X était en possession d’un couteau aiguisé, qui lui servait à couper la résine, et qu’Armel A savait qu’il était énervé car en manque, recherchant du cannabis.

*

Le Procureur général a requis le 8 novembre 2019 l’infirmation de la décision déférée, la

faible gravité de la faute, au regard des conséquences tragiques qui ne pouvaient être anticipées, commandant de réparer au moins partiellement le préjudice reconnu par la cour d’assises.

*

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance en date du 4 février 2020.

L’audience fixée au 20 mai 2020 n’a pu se tenir en raison des circonstances sanitaires mais les parties ne se sont pas opposées à ce que l’affaire soit mise en délibéré sans audience au 18 juin 2020, bien qu’avisées le 14 mai 2020 de cette possibilité.

MOTIFS

En application de l’article 706-3, alinéa 1, du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits, volontaires ou non, qui présentent le caractère matériel d’une infraction, peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque ces faits ont entraîné la mort.

Cependant, l’alinéa 2 de cet article dispose que 'la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime'.

En l’espèce, il est constant que le meurtre dont a été victime Armel A est consécutif à la vente par celui-ci à son agresseur de deux fausses barrettes de cannabis, confectionnées par lui et un autre jeune, à l’aide de carambars, d’un morceau de résine placé au bout de l’un, pour le lui faire sentir, et de cellophane.

Il savait que M. X recherchait activement du cannabis ; il était donc prévisible qu’il ne pourrait qu’être énervé, une fois la supercherie découverte. De plus, selon l’ordonnance de mise en accusation, Armel a notamment appris par G H, lequel avait précédemment rencontré Maxime X au kebab d’Orbey, que ce dernier recherchait du cannabis ; or G H et deux autres jeunes ont expliqué que Maxime X était entré brusquement dans l’établissement, énervé, semblant en manque et, n’ayant pu en obtenir, était reparti en claquant la porte.

Il apparaît dès lors que la victime a elle-même commis une faute pénale, en lien avec le commerce de stupéfiants, pouvant être qualifiée d’escroquerie, directement à l’origine du meurtre.

Le fait que la réaction de M. X ait été disproportionnée est sans incidence sur le droit à réparation des victimes par ricochet, dont la cour estime, comme le premier juge, qu’il doit être exclu, compte tenu de la faute de la victime directe.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée, tout en laissant les dépens d’appel à la charge de l’Etat conformément à l’article R 93-II-11° du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, sans débats en audience,

CONFIRME en toutes ses dispositions la décision déférée ;

DIT que les dépens d’appel resteront à la charge du Trésor public.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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