Cour d'appel de Douai, 1er décembre 1982, n° 3991/80

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 1er déc. 1982, n° 91/00080
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 3991/80

Sur les parties

Texte intégral

PiBD 1983, 319, II.- 61 M COUR D’APPEL DE DOUAI

n° 3991/80 ARRET DU 1er DECEMBRE 1982

Jugt TGI DUNKERQUE 17.10.1980

APPELANTE :

La Société des Etablissements Y Laiterie MONT SAINT

MICHEL, dont le siège social est à […]

([…]

Représentée par Me LEVASSEUR, avoué

Assistée de Me Bernard POCHON, Avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

La Coopérative Union Vendéenne Agricole Laitière U.S.V.A.L. dant le siège social est à […], agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

Représentée par la SCP LE MARC 'HADOUR-VERITA

Assistée de Me ROZIER, avocat au barreau de BORDEAUX et de Me LECLUSE, avocat au barreau de DUNKERQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. THERY, Président
M. MILLEVILLE & Mme VIGNERON, Conseillers

Greffier Mme J. LECLERCQ

DEBATS à l’audience publique du 12 octobre 1982

ARRET contradictoire, prononcé à l’audience publique du ler décembre 1982, date indiquée à l’issue des débats

S


3991/80 2

Attendu que la S.A. "Etablissements Y Laiterie MONT

SAINT MICHEL (ci-après dénommée Société Y) se disant proprié taire de la marque « MONT SAINT-MICHEL » déposée le 15 février 1933 pour désigner du beurre et renouvelée par elle le 11 mai 1964 puis le 11 mai 1973 a assigné devant le tribunal de grande instance de DUNKERQUE la Société Coopérative Agricole « UNION SUD VENDEENNE AGRI COLE LAITIERE » (ci-après dénommée Société U.S.V.A.L.) qui commercia lise du beurre sous la marque « SAINT-MICHEL » en contrefaçon de sa marque « MONT SAINT-MICHEL » et en réparation du préjudice qui en dé coule ;

que la Société U.S.V.A.L. ayant formé une demande recon ventionnelle en nullité des dépôts de la marque « MONT SAINT-MICHEL » des 11 mai 1964 et 11 mai 1973 et en paiement de dommages et inté rêts pour concurrence déloyale, la Société Y a répliqué en de mandant de déclarer nul le dépôt de la marque d’U.S.V.A.L. effectué le 13 octobre 1968 et renouvelé le 23 octobre 1978 ;

Attendu que par jugement du 17 octobre 1979, le tribunal de grande instance a déclaré nuls les dépôts effectués

1) le 11 mai 1964 par la Société Y

2) le 23 octobre 1968 et le 23 octobre 1978 par la Société U.S.V.A.L.

* ordonné l’inscription de la nullité des dépôts de la Société U.S.V.A.L. au registre national des marques

* et débouté les parties du surplus de leurs de mandes respectives ;

Attendu que par acte du 6 octobre 1980, la Société Y

a interjeté appel de cette décision ; qu’elle soutient que pour déclarer nul le dépôt de la marque « MONT SAINT-MICHEL » du 11 mai 1964 le tribunal a considéré à tort que cette marque était déceptive au motif que la mention « garantie d’origine » tend à faire croire à l’acheteur que le beurre provient des pâturages entourant le Mont Saint-Michel alors que la marque a été déposée pour désigner« des beurres de toutes natures et de toutes provenances » ;

qu’en effet la marque « MONT SAINT-MICHEL » est une marque de pure fantaisie qui ne peut suggérer une indication de provenance puisque le lieu géographique choisi ne comporte pas de pâturages ;

qu’ainsi la Société Y revendique la propriété de la marque « MONT SAINT-MICHEL » et prétend que la Société U.S.V.A.L. s’est rendue coupable à son égard de contrefaçon ou à tout le moins d’imita tion frauduleuse en commercialisant du beurre sous la marque "SAINT

MICHEL" qui constitue l’élément caractéristique de sa marque, capable à lui seul de retenir l’attention de la clientèle qu’il existe un danger de confusion entre les deux marques;

que par contre la Société Y soutient que le tribunal a justement prononcé la nullité du dépôt de la marque de la Société U.S.VA.L. du 23 octobre 1968 et de son renouvellement du 23 octobre

1978 au motif qu’il ne s’agit pas d’une marque individuelle mais d’une marque collective qui a été déposée sans respecter les prescriptions légales ;


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qu’en conséquence la Société Y demande d’infirmer partiellement le jugement entrepris et de

- déclarer valable le dépôt de la marque « MONT SAINT-MICHEL » effectué le 11 mai 1964

- dire que la marque « SAINT-MICHEL » constitue une contrefaçon partielle ou à défaut une imitation frauduleuse de la marque « MONT SAINT-MICHEL » et en conséquence

faire défense à la Société U.S.V.A.L. d’utiliser la denomination

SAINT-MICHEL sous quelques formes et de quelques manières que ce soit pour désigner du beurre

- ordonner la confiscation des produits, papiers, emballages, prospectus comportant cette dénomination,

- ordonner une expertise pour déterminer le montant du préjudice cause par la vente de beurres sous la dénomination critiquée

- dès à présent, condamner la Société U.S.V.A.L. à lui payer la somme provisionnelle de 250 000 F enfin ordonner la publication de l’arrêt dans cinq journaux de son choix ;

Attendu que la Société U.S.V.A.L. sollicite au contraire la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré nul le dépôt de la marque « MONT SAINT-MICHEL » du 11 mai 1964 mais relève appel incident pour faire également déclarer nul le dépôt de cette marque du 11 mai 1973 et valable le dépôt de sa propre marque effectué le 23 octobre 1968 et renouvelé le 23 octobre 1978 ;

que reconventionnellement, elle réclame le paiement de la somme de 50 000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile;

que, par conclusions additionnelles signifiées le 22 septembre 1982, la Société U.S.V.A.L. demande également de faire déclarer nul le renouvellement du dép ôt du 11 mai 1964 qui a été effectué le 29 juin 1979 après l’ordonnance de clôture de la procédure de première instance du 22 mai 1979 ;

que la Société Y réplique que cette demande est une demande nouvelle qui est irrecevable en appel ; qu’au surplus, elle est mal fondée compte tenu que ce dernier dépôt qui est soumis à la loi du 31 décembre 1964 a franchi avec succès l’examen de l’Institut Na tional de la Propriété Industrielle (ci-après dénommé I.N.P.I.) ;

Attendu qu’à l’appui de ses prétentions la Société U.S.V.A.L. allègue essentiellement que la fausse indication de provenance de la marque « MONT SAINT-MICHEL » ne résulte par de la seule mention « garantie d’origine » mais aussi de la référence par l’image et par l’écrit au Mont Saint-Michel; que par contre sa marque n’est pas une marque collec tive mais une marque individuelle destinée à couvrir son activité personnelle de production et de commercialisation des beurres prévue par ses statuts et son règlement intérieur ;

qu’enfin il n’existe pas de confusion possible entre le beurre commercialisé sous la marque « MONT SAINT-MICHEL » accompagné de


33321

ia représentation graphique du Mont surmonté de son abbaye et son propre beurre vendu sous la dénomination « SAINT-MICHEL » accompagné du dessin d’une vachette sur une cartouche vert olive, d’une ou deux coquilles Saint-X et d’un ou deux cachets précisant l’appelation

d’origine contrôlée du beurre ;

SUR LA VALIDITE DU DEPOT DE LA MARQUE DE LA SOCIETE Y -

Attendu que le 15 février 1933, Z Y aux droits de qui se trouve la Société Y, a déposé au greffe du tribunal de FOUGERES , la marque « MONT SAINT-MICHEL » avec la figuration du célèbre

mont pour désigner du beurre ; que cette marque a fait l’objet de renouvellements succes

sifs :

- le 25 mai 1949 au greffe du même tribunal par Mme Veuve Y ayant-droit de Z Y avec cette précision que la marque est destinée à distinguer des beurres "de toutes sortes et de toutes

provenances"

- le 11 mai 1964 au greffe du tribunal de Commerce de RENNES par la Société Y Frères, alors en nom collectif, qui a repris les élé ments caractéristiques du dépôt précédent en ajoutant la mention

« garantie d’origine »

- enfin le 29 juin 1979 à 1'I.N.P.I. par la Société Anonyme Y qui n’a pas modifié le renouvellement antérieur

Attendu que par ailleurs le 11 mai 1973, cette société a déposé la même marque à 1'1.N.P.I. pour désigner du beurre sans la mention« garantie d’origine » et sans indiquer qu’il s’agit du renouvelle

ment d’un dépôt antérieur ; Attendu tout d’abord que la Société U.S.VA.L. est recevable à demander pour la première fois en appel la nullité du renouvellement du dépôt effectué en juin 1979 qu’elle ne pouvait pas solliciter en première instance puisque ce renouvellement est intervenu postérieure ment à l’ordonnance de clôture du 22 mai 1979;

Attendu au fond sur la validité de la marque de la Société

Y que le Mont Saint-Michel ou sa région n’ayant pas une réputa tion particulière en matière de production de beurre, ce lieu géogra phique peut être choisi comme marque pour désigner du beurre de toute

provenance ; qu’il s’agit, en l’occurence, d’une marque de pure fantaisie et non d’une indication de provenance ;

Attendu cependant que la mention « garantie d’origine » qui a été ajoutée à ce nom géographique lors des renouvellements du dépôt initial effectués en 1964 et 1979 tend à faire croire faussement à

l’acheteur que le beurre provient des pâturages de la région du Mont

Saint-Michel ;


que d’ailleurs la Société Y s’ingénie à fonder cette croyance puisque sur certains emballages, il est mentionné qu’il s’agit d’un « beurre de haute qualité provenant des pâturages de la région du Mont Saint-Michel » ;

Attendu que la marque de la Société Y est ainsi deve nue défective lors des renouvellements des dépôts effectués en 1964 et 1979 ce qui doit entraîner leur nullité et la caducité du dépôt initial de 1933 qui n’a pas été renouvelé valablement en 1964 ;

que la Société Y ne peut sérieusement soutenir que son dernier renouvellement de dépôt de 1979 qui est soumis à la loi du 31 décembre 1964 est valable dès lors qu’il a subi avec succès l’exa men préalable de l’I.N.P.I. alors que cet examen est effectué sous réserve d’une décision judiciaire ;

Attendu par contre que le dépôt de 1974 qui est un nouveau dépôt et non le renouvellement d’un dépôt antérieur et qui ne contient pas la mention « garantie d’origine » est parfaitement valable ;

SUR LA VALIDITE DE LA MARQUE DE LA SOCIETE U.S.V.A.L. -

Attendu que la Société U.S.V.A.L. qui est une union de coopé ratives agricoles constituée sous la forme d’une société civile parti culière de personnes, a déposé le 23 octobre 1968 au greffe du tribunal de commerce de la ROCHE-SUR-YON, la marque « Laiterie Coopérative Saint-Michel en 1'Herm » pour désigner du beurre dénommé « Coquille » en provenance de la région « Charente-Poitou » ;

que les mots « SAINT-MICHEL » sont écrits avec un graphisme différent du reste du texte et sont repris isolément sur une bande noire perpendiculaire à l’inscription de la marque ; que cette marque a été renouvelée le 23 octobre 1978 à

1'I.N.P.I. ;

Attendu qu’il est constant et non contesté que la Société U.S.V.A.L. a effectué un dépôt de marque individuelle et non un dépôt de marque collective qui serait soumis aux prescriptions de la loi du 31 décembre 1964 ;

Attendu qu’en vertu de l’article 3 de ses statuts la société U.S.V.AL. a pour objet social non seulement de faciliter à ses membres toutes opérations concernant Ja production, la transformation, l’écou lement ou la vente de produits laitiers mais aussi d’effectuer person nellement ces opérations ;

que le règlement intérieur établi en application de l’article 60 de ces statuts dispose en son article 11 que la Société U.S.V.A.L. a « la responsabilité de l’écoulement de la totalité des marchandises produites par les usines » ;

qu’il apparait ainsi que la Société U.S.V.AL. a une activité personnelle de production et de commercialisation du beurre ce qui justifie le dépôt d’une marque individuelle:

que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a déclaré nul le dépôt de 1968 et son renouvellement de 1978 alors que ceux-ci sont valables ;


[…]

SUR LA DEMANDE DE LA SOCIETE Y EN PAIEMENT DE DOMMAGES ET

INTERETS POUR CONTREFACON OU IMITATION FRAUDULEUSE DE SA MARQUE

Attendu que l’examen de l’emballage de la Société U.S.V.AL. qui a fait l’objet d’une saisie contrefaçon le 10 mars 1978 révèle que cette société commercialise son beurre sous une marque sensiblement différente du modèle déposé en 1968 pour lequel elle bénéficie d’une antériorité par rapport à la marque adverse ; qu’en effet seuls les termes « SAINT-MICHEL » inscrits en caractères rouges très apparents sont utilisés avec la mention Charentes-Poitou et en petits caractères, le nom de la Société U.S.V.A.L. ainsi que l’adresse de son siège social à Saint-Michel en 1'Herm ; que sur le côté gauche de l’emballage figure une vachette

stylisée ;

Attendu que cette marque est totalement distincte de la marque de la Société Y décrite ci-dessus ;

qu’en effet la première se réfère à la localité productrice du beurre en Charentes-Poitou avec la figuration d’un animal stylisé tandis que la seconde est caractérisée essentiellement par le nom du célèbre lieu géographique associé à son image ;

Attendu que les mots « SAINT-MICHEL » qui sont fréquemment St

utilisés pour désigner des communes ou des monuments sont faiblement distinctifs et ne peuvent donc être revendiqués par la Société Y comme constituant les éléments attractifs de sa marque ; qu’il s’en suit que la contrefaçon partielle qui est réalisée par la reproduction quasi-identique d’une marque n’est pas établie en

1'espèce à l’encontre de la société U.S.V.A.L. ;

Attendu que la Société Y ne prouve pas davantage que la Société U.S.VA.L. s’est rendue coupable à son égard d’une imitation frauduleuse de sa marque ; qu’en effet les deux marques qui doivent être appréciées dans leur ensemble sont constituées par des éléments nominaux et figuratifs trop dissemblables pour qu’un acheteur de diligence moyenne puisse les confondre même si elles ne sont pas prononcées ou présentées

simultanément ; que c’est donc à bon droit que les premiers juges ont dé bouté la Société Y de sa demande en paiement de dommages et

intérêts ;

SUR LA DEMANDE DE LA SOCIETE U.S.VA.L. ENPAIEMENT DES FRAIS NON

REPETIBLES Attendu que la Société Y a engagé avec légèreté cette action en contrefaçon alors que sa marque ne peut prêter à confusion avec la marque utilisée par la Société U.S.VA.L.

que la Société U.S.V.A.L. a donc été contrainte d’assurer sa défense ce qui a entrainé pour elle des frais non répétibles qu’il parait inéquitable de laisser à sa charge à concurrence de la somme

de 10 000 F ;

…/….



PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions à l’exception du dépôt de la marque de la Société U.S.V.A.L. effectué le 23 octobre 1968 et de son renouvellement en date du 23 octobre 1978 qui doivent être déclarés valables

Déclare recevable et bien fondée la demande de la société

U.S.V.A.L. en nullité du renouvellement du dépôt de la marque de la Société Y en date du 29 juin 1979

Ordonne l’inscription de la nullité des dépôts de la Société Y du 11 mai 1964 et du 29 juin 1979 au Registre National des Marques

Condamne la Société Y à payer à la Société U.S.V.A.L. la somme de 10 000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile

Condamne la Société Y aux dépens de première instance et d’appel

Accorde un droit de recouvrement direct au profit de la SCP LE MARC’HADOUR-VERITA.

Le greffier, Le Président,

Joelere

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