Cour d'appel de Fort-de-France, 21 décembre 2012, n° 12/00371
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Fort-de-France, 21 déc. 2012, n° 12/00371 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Fort-de-France |
Numéro(s) : | 12/00371 |
Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Fort-de-France, 23 janvier 2012, N° F10/00218 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
- Parties :
Texte intégral
ARRET N°12/371
R.G : 12/00053
Du 21/12/2012
C/
Z
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 21 DECEMBRE 2012
Décision déférée à la cour : jugement du conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE en date du 24 Janvier 2012, enregistré sous le n° F10/00218
APPELANTE :
XXX
XXX
XXX
représentée par Me Frédérique URSULE, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIME :
Monsieur C Z
Fonds Nicolas
XXX
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame G H, Conseillère
Monsieur Patrick CHEVRIER, Conseiller
Madame E F, Conseillère
GREFFIER:
K L
DÉBATS : A l’audience publique du 25 octobre 2012
ARRÊT : contradictoire et en dernier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Mme C Z était embauchée par 18 contrats successifs à durée déterminée par la SAS ORION (la société) du 2 avril 2007 au 31 juillet 2009, en qualité de téléconseillère .
Le 1er septembre 2009, elle signait un contrat à durée indéterminée, moyennant un salaire mensuel de 1 435,40 €.
Par courrier en date du 26 mars 2010, elle était licenciée en ces termes :
' Nous faisons suite par la présente, à notre entretien préalable du 19 février 2010 au cours duquel vous avez souhaité être assistée par Melle O P-Q, salariée de l’entreprise.
Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs nous ayant contraints à enclencher une procédure de licenciement à votre encontre.
En effet, Melle G X , la directrice, a dû organiser une réunion avec l’ensemble du personnel, visant à inciter les salariés à changer leur attitude vexatoire envers la superviseuse Jennifer A et la responsable qualité Kathy BALMY qui ont été mises injustement mises à l’écart et la cible de reproches non fondés de la part de salariés de la société.
Le lendemain, vous avez tenu des propos inacceptables et haineux sur FACEBOOK à l’encontre de votre direction que vous avez accusée mensongèrement de vous traiter dixit >. Or, Mme X n’avait en aucune manière cité votre nom et avait adressé ses propos à l’ensemble des salariés. De plus, lors de la réunion, la directrice n’a tenu nullement des propos irrespectueux, se bornant simplement à inviter les salariés à modifier leur attitude envers leurs deux collègues. Cependant, vous n’avez pas limité vos propos à ces accusations mensongères , vous avez cru devoir déplorer par écrit, qu’une > vienne >.
Vous n’aviez pas filtré l’accès à votre groupe discussion à telle enseigne que les propos étaient lisibles par le public. Depuis, vous avez muré l’accès à votre groupe de discussion et même effacé les propos litigieux mais le mal était déjà fait.
Pour vous défendre , vous avez cru pouvoir arguer de votre droit à la liberté d’expression et de faits se rapportant à votre vie privée.
Cependant, nous vous précisons que les propos que vous avez eu l’audace d’écrire constituent un délit. De plus, ces faits fautifs se rattachent à votre vie professionnelle et peuvent donc être valablement sanctionnés, d’autant que vous les avez écrits à partir de l’ordinateur de l’entreprise.
Lors de l’entretien, vous n’avez pas cru devoir vous excuser de ces propos qui ont fortement choqué la directrice. Vous n’avez même pas eu l’air de les regretter.
Par ailleurs, il faut que vous sachiez que l’attitude que vous avez adoptée envers la superviseuse et la responsable les ont fortement affectées, à telle enseigne que nous avons dû les adresser à un centre médico-psychologique car la société ORION est garante de la santé physique mais aussi mentale de ses salariés.
L’attitude véhémente dont vous avez fait preuve a créé un climat malsain dans l’entreprise.
Vous comprendrez qu’il nous est impossible de poursuivre notre relation contractuelle avec vous.
La nature des faits reprochés justifie votre licenciement immédiat pour faute grave…./…'
Le 23 mars 2010, Mme Z saisissait le conseil de prud’hommes de Fort de France.
Par jugement en date du 24 janvier 2012, le conseil de prud’hommes disait le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnait la société à payer à Melle Z les sommes de :
1 104,16 € à titre de remboursement du salaire pendant la période de mise à pied,
2 870,80 € à titre d’indemnité de préavis,
789,47 € à titre d’indemnité de licenciement,
8 612,40 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il déboutait Mme Z du surplus de ses demandes et déboutait la société de sa demande.
Par déclaration en date du 6 mars 2012, la société relevait appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 13 février 2012.
La société demande à la cour d’i nfirmer le jugement, de déclarer le licenciement fondé sur une faute grave et de condamner Mme Z à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société souligne que Melle Z avait entrepris de liguer les salariés contre la hiérarchie et elle estime que les attestations produites démontrent la réalité des agissements de Melle Z.
Elle estime que les propos tenus sur Facebook constituent une incitation à la haine et un abus de liberté d’expression, et que la personne visée était parfaitement identifiable et identifiée.
Elle ajoute qu’en ne murant pas l’accès à son profil, Melle Z ne pouvait pas prétendre avoir agi dans le cadre de sa vie privée.
Elle souligne les conséquences préjudiciables pour l’entreprise du fait de la tenue de tels propos.
Melle Z demande à la cour de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui payer les sommes de :
1 435,05 € à titre d’indemnité de requalification,
1 104,16 € à titre de remboursement du salaire pendant la période de mise à pied,
2 870,80 € à titre d’indemnité de préavis,
789,47 € à titre d’indemnité légale de licenciement,
12 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que le travail de téléconseillère relève de l’activité normale de l’entreprise et qu’elle ne pouvait être engagée par contrat à durée déterminée.
Sur la faute qui lui est reprochée, elle fait observer qu’aucun nom n’est mentionné dans ses messages sur Facebook.
Sur le prétendu trouble social engendré par les agissements de Melle Z, elle indique que la preuve n’en est pas rapportée.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, la cour se réfère au jugement querellé et aux conclusions des parties auxquelles celles-ci ont expressément déclaré se rapporter lors de l’audience de plaidoirie.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement.
L’employeur qui envisage de rompre le contrat de travail doit énoncer dans ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige
La faute grave qui incombe à l’employeur est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
En l’espèce, il résulte du procès verbal de Mme Z devant les services de gendarmerie qu’elle reconnaît qu’elle a prononcé sur son profil « face book » entre choses la phrase suivante « mais Kan ta direction te traites comme la dernière des merdes, il y a de quoi péter les plombs surtout que c’une blanche qui vient faire la loi dans ton pays » tout en soutenant que cette phrase dont le caractère diffamatoire et injurieux ne peut être contesté, n’était destiné ni à Mme X ni à la Directrice mais à une tierce personne, gérante d’une association dans laquelle elle-même exerce à titre bénévole.
Une telle explication n’est pas crédible. En effet, outre la simple lecture de cette phrase est suffisamment éloquente « ta direction te traite comme de la merde » quant aux personnes qu’elle vise, il faut rappeler qu’elle intervient dans un climat particulièrement tendu, le lendemain d’une réunion ayant opposé la direction, Mmes Y et A respectivement superviseuse et responsable logistique, d’origine métropolitaine, aux autres salariés lesquels leur reprochaient le début d’incendie provoqué par un onduleur, Mme Z affirmant que les intéressées n’avaient pas su gérer la situation et montant « une cabale » contre ces dernières en incitant les autres salariés à les exclure de leur profil « face book » et à les ignorer.
Or il est constant que des critiques malveillantes destinées à discréditer la direction ou des propos haineux et diffamatoires sont constitutifs d’une faute grave justifiant le licenciement, quand ils dépassent le simple cadre de la liberté d’expression.
Tel est bien le cas en l’espèce, les propos ayant été tenus sur « face book » qui est de nature publique sauf si l’internaute prend la précaution de créer « un mur » empêchant le libre accès au site. Or la salariée admet qu’elle n’avait pas en place un tel procédé à l’époque des faits. Le caractère public aggrave la portée de ces propos injurieux et discriminatoires, ce dont a bien conscience la salariée puisque tout en les reconnaissant elle soutient vainement qu’ils concernaient une tierce personne.
La faute grave est donc caractérisée et le licenciement justifié. Le jugement doit être infirmé et Mme Z déboutée de toutes ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par la section commerce du conseil de prud’hommes de Fort-de-France le 24 janvier 2012'
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement fondé sur une faute grave,
Déboute Mme C Z de l’intégralité de ses demandes
Condamne Mme C Z à payer à la SAS ORION la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme C Z aux dépens de première instance et d’appel
Et ont signé le présent arrêt Mme G H, conseillère faisant fonction de Présidente, et M. K L, greffier
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Textes cités dans la décision