Cour d'appel de Grenoble, 8 janvier 1974, n° 1973/00230

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 8 janv. 1974, n° 73/00230
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 1973/00230
Publication : PIBD 1974, 122, III-114
Décision précédente : Tribunal de grande instance, 3 janvier 1973
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Vienne, 4 janvier 1973
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Référence INPI : M19740001
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE GRENOBLE AUDIENCE PUBLIQUE DU 8 JANVIER 1974

Première Chambre Civile à laquelle siégeaient : Messieurs CHEVANNE, Premier Président, A et THIERRY, Conseillers,

En présence de Monsieur SARRADET, Avocat Général, Assistés de Monsieur F, Secrétaire Greffier.

ENTRE : La Société CARREFOUR SUPERMARCHES, Société Anonyme dont le siège est à Paris (15e) 24, Auguste C, représentée par son Président Directeur Général, Marcel F, demeurant en cette qualité audit siège. APPELANTE : d’un jugement du Tribunal de Grande Instance-de VIENNE, le 4 janvier 1973, suivant exploit du 13 février 1973.

Maître C, Avoué,

d’une part,

ET : La Société VIENNOISE de SUPERMARCHES,- Société Anonyme dont le siège est a VIENNE, place Miremont, représentée par son Président Directeur Général, Monsieur A, demeurant en cette qualité audit siège. « LE FORUM ». INTIMEE :

S.C;P. GRIMAUD, Avoués, Associés,

d’autre part,

Oui, Monsieur AUBIN, Conseiller Rapporteur en la lecture de son rapport écrit, établi conformément à l’article 8l-6 du Code de Procédure Civile ;

Les avoués des parties en leurs conclusions ;

Le Ministère Public en ses conclusions ;

— Maître V et Maître C, tous deux Avocats au Barreau de LYON, en leur plaidoirie ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

La Société Anonyme CARREFOUR SUPERMARCHES a déposé le 2 ' novembre 1966 une marque de fabrique et de commerce, enregistrée sous le numéro 714.046,'par l’Institut National de la Propriété Industrielle, portant sur un nombre important de produits et marchandises ;

Le 27 septembre 1968, elle a procèdé a un nouveau dépôt de la même marque, enregistré sous le n° 777.678 et porta nt sur des services ;

Prétendant que sa marque a été imitée frauduleusement par la Société VIENNOISE de SUPERMARCHÉS, elle a fait procéder le 28 avril 1972 à une saisie-contrefaçon, puis a fait assigner cette Société le 13 mai 1972 en réparation du préjudice qu’elle avait subi en raison du_délit d’imitation frauduleuse de marque, prévu par l’article 422-1 du Code Pénal, et subsidiairement de faits d’imitation illicite ;

L’assignation vise, en outre, des faits de concurrencé déloyale ;

Par jugement en date du 4 janvier 1973, le Tribunal de Grande Instance de VIENNE a débouté la Société CARREFOUR de sa demande, et la condamne à payer 5-000 francs de dommages-intérêts à la Société VIENNOISE de SUPERMARCHES ;

La Société CARREFOUR a relevé appel de cette décision, demandant que lui soit alloué le bénéfice de s’on exploit introductif d’instance, et que soit rejetée la demande reconventionnelle ;

La Société VIENNOISE de SUPERMARCHES, reprenant les moyens soutenus devant, les premiers Juges, prétend, au principal, que le procès-verbal de saisie-contrefaçon et l’exploit d’assignation sont nuls comme ne contenant pas l’indication précise du domicile de la demanderesse ;

Subsidiairement, elle affirme qu’il n’y a ni imitation frauduleuse, ni imitation illicite, ni concurrence déloyale ; qu’en effet la confusion des deux emblèmes n’est pas possible et que l’appelante ne justifie d’aucun détournement de clientèle

Attendu que l’appel principal et l’appel incident implicitement formés par la Société VIENNOISE de SUPERMARCHES sont’ réguliers en la forme, qu’ils doivent être déclarés recevables.;

Sur 1'exception de nullité :

Attendu que la Société CARREFOUR a omis d’indiquer dans ; sa requête en saisie-contrefaçon et dans l’exploit introductif d’instance l’adresse complète de son siège social ; que ces actes contiennent la seule mention "avant son siège social à PARIS (I5ème) ;

Attendu, certes, que l’article 5§ du Code de Procédure Civile, en vigueur à la date des actes précités, exigeait la mention du domicile du requérant ; que s’agissant d’une grarnde ville, la seule indication de l’arrondissement est insuffisante ; que cette formalité est substantielle ;

Mais attendu qu’avec raison, les premiers Juges ont fait application des articles 53, 54 et 125 du décret du 20 juillet 1972, considérant que l’intimée ne prouve pas le grief que lui cause l’irrégularité invoquée et qu’en tout état de cause la nullité des actes est couverte par une régularisation ultérieure ;

Attendu, en effet, que, dès le 30 mai 1972, l’appelante a indiqué précisément son domicile en tête de ses- premières conclusions ; que l’irrégularité des actes précités n’a pas empêché l’intimée de constituer avoué et de conclure le 2 septembre 1972, sans aucune difficulté ;

Attendu que la décision querellée doit être confirmée sur ce point ;

Sur les atteintes à la marque :

Attendu que dans le détail de son argumentation la Société CARREFOUR invoque simultanément le délit de contrefaçon de marque, le délit d’imitation frauduleuse de marque et des faits d’imitation illicite de marque ;

Mais attendu qu’il ne résulte pas des écritures de l’appelante, devant la Cour, qu’elle ait entendu modifier le fondement juridique de son action ; qu’elle déclare reprendre son exploit introductif d’instance ; Attendu qu’il n’y a donc pas lieu d’examiner si la Société VIENNOISE de SUPERMARCHES a commis le délit de contrefaçon, que les arguments développés par l’appelante sur ce chef sont inopérants ; qu’il convient seulement de rechercher si l’intimée a imité, frauduleusement ou non, la marque de la Société CARREFOUR ; qu’en effet l’assignation vise seulement le délit d’imitation frauduleuse, prévu par l’article 422-1 du Code Pénal et subsidiairement des faits d’imitation illicite ;

Attendu que la marque déposée par la Société CARREFOUR pour les produits et services est constituée par une figure affectant la forme d’un croissant dont la face concave est prolongée en son milieu sans solution de continuité par une tête de flèche banale, que l’ensemble indissoluble forme une figure originale dont l’observateur ne perçoit pas le sens au premier examen, que cet ensemble est précédé d’un triangle à base curviligne dont il est séparé par un arc de cercle de couleur blanche, l’ensemble donnant une impression de symétrie par rapport à la tête de flèche ;

Attendu qu’aucune couleur n’a été revendiquée lors du dépôt de l’emblème formant marque ; qu’en fait l’ensemble croissant et tête de flèche est de couleur bleue, l’arc de cercle de couleur blanche, le triangle précédant de couleur rouge, l’emblème apparaissant sur fond blanc ;

Attendu que la Société CARREFOUR soutient que la combinaison fantaisiste ci-dessus décrite est la lettre C. initiale de sa dénomination sociale et de son enseigne inscrite en blanc, accolée à une flèche aux barbes de forme arrondie,;

Attendu que cette explication est plausible ; qu’elle est confortée par les certificats délivrés par 1'Institut National de la Propriété Industrielle aux termes desquels la marque est « Vignette C », ou « Graphisme C » mais qu’elle n’est pas évidente, ainsi qu’il a déjà été dit ;

Attendu que l’appelante ajoute, ce qui est contestable, que la lettre C est inscrite dans un losange dont les angles supérieurs et inférieurs sont tronqués ;

Attendu qu’il est plus exact et dire que le « graphisme C » est un C majuscule amputé de ses parties supérieures et inférieures de celle manière que l’emblème s’inscrit dans un hexagone ;

Attendu que la marque de la société VIENNOISE de SUPERMARCHES se compose d’une minuscule traversé par une flèche, qu’à cette figure ont été adjoints les mots « LE FORUM », surmontant: l’emblème, et « SUPEBMARCHES » inscrit au-dessous de ce même emblème ; •

Que si les premières vignettes sortant cette marque comportent la combinaison des trois couleurs bleu, blanc, rouge-orangé, celles actuellement en service sont vertes sur fond blanc ;

Attendu que pour que soit constitué le délit d’imitation frauduleuse de marque, il faut que cette imitation soit de nature à tromper l’acheteur et qu’elle procède d’une intention frauduleuse ; qu’en d’autres termes il appartient à l’appelante de démontrer qu’il existe pour le consommateur d’attention moyenne, celui qui s’intéresse à la marque des produits par y achetés, une possibilité de confusion ;

Attendu, qu’il convient donc ce procéder à une comparaison des deux marques et de rechercher par un examen successif de la marque déposée et de la marque incriminée si l’impression d’ensemble créée chez l’acheteur peut conduire celui-ci à une confusion ;

Attendu que l’image de la marque déposée qui subsiste dans l’esprit est celle d’un croissait accolé d’une flèche suggérant une symétrie

par rapport au croissant entre la tête de flèche, à droite, et le triangle à base curviligne, à gauche, que cette image est également réversible, étant symétrique dans le sens de la hauteur ;

Attendu, au contraire, que l’imagé perçue par l’observateur de la marque de l’intimée demeure un « f » minuscule traversé par une flèche, l’ensemble étant asymétrique aussi bien par rapport au plan horizontal -qu’en largeur ; Attendu que la seule ressemblance entre les deux emblèmes réside dans les têtes de flèche, encore qu’il ne s’agisse même pas d’une imitation servile, les angles des deux têtes étant différente ;

Mais attendu, que cette ressemblance partielle ne suffi-pas à créer une possibilité de confusion entre les deux marques qu’il est inexact de prétendre que la boucle supérieure du « f » imite le graphisme de la bouclé supérieure du C, celle-ci n’étant pas perceptible à l’examen ;

Attendu, dès lors, qu’à bon droit, les premiers Juges ont rejeté la demande fondée sur l’imitation frauduleuse ou non de la marque de l’appelante ;

Sur la concurrence déloyale ;

Attendu que la Société CARREFOUR soutient qu’en employant une combinaison de couleurs, blanche et rouge sur fond blanc, constamment et notoirement utilisée par elle, bien que non revendiquée spécialement dans le dépôt de la marque, mais exempte de toute banalité dans le commerce du supermarché, la Société VIENNOISE de SUPERMARCHES a commis des faits de concurrence déloyale ;

Attendu que l’huissier ayant procédé à la saisie-contrefaçon a constaté l’utilisation sur des vignettes à l’intérieur du magasin de VIENNE de l’intimée et sur un panneau placé sur la R.N. 502 à 5 kms de ce magasin de marques tricolores, qu’il a, d’autre part, mentionné l’existence de vignettes vertes sur fond blanc ;

Attendu que contrairement aux allégations de l’appelante, la combinaison de couleurs utilisée par la Société VIENNOISE de SUPERMARCHES est celle du blanc pur la lettre « f » et le corps de la flèche, du rouge-orangé pour la tête de flèche, le tout sur fond bleu : Attendu que l’utilisation des couleurs nationales n’est pas le privilège exclusif de la Société CARREFOUR ;

Attendu surtout que la Société CARREPOUR ne démontre pas ni n’offre de démontrer qu’elle a utilisé une combinaison des trois couleurs avant la Société VIENNOISE de SUPERMARCHES ;

Attendu, enfin, qu’il ne saurait être sérieusement soutenu qu’il existe une concurrence entre deux Sociétés dont les installations les plus

proches, celle de VENISSIEUX et celle de VIENNE sont distantes de près de 30 kms ; qu’il n.'est allégué aucun détournement de clientèle ;

Attendu que l’action de l’appelante n’est pas mieux fondée sur ce chef ;

Sur la demande reconventionnelle :

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que la Société CARREFOUR, en introduisant la présente action, après avoir fait procéder à une saisie contrefaçon, alors qu’aucune confusion n’est possible entre sa marque et celle de l’intimée et que la Société VIENNOISE de SUPERMARCHES n’est; pas sa concurrente, a fait preuve, pour le moins, de légèreté et de témérité ;

Que les premiers Juges ont ainsi suffisamment justifié la condamnation de la Société CARREFOUR à payer des dommages- intérêts en réparation dû préjudice causé par une action fautive et en ont exactement apprécié le quantum à la somme de 5»000 francs ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR ;

Reçoit:, en la forme, les appels principal et incident dit mal fondés ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Condamne la Société CARREFOUR aux dépens d’appel distraits au profit de la S.C.P. GRIMAUD, Avoué Associés, sur son affirmation d’y avoir pourvu.

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