Cour d'appel de Grenoble, 10 novembre 2003, n° 00/04741

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 10 nov. 2003, n° 00/04741
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 00/04741
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 14 septembre 2000, N° 00/10

Texte intégral

RG N° 00/04741

1353 N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 10 NOVEMBRE 2003

Appel d’une décision (N° RG 00/10) rendue par le Conseil de Prud’hommes GRENOBLE en date du 15 septembre 2000 suivant déclaration d’appel du 29 Septembre 2000

APPELANT:

Monsieur D-E X

[…]

[…]

Comparant en personne à l’audience, Assisté de Me Philippe GALLIARD (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE:

SA B C

[…]

[…]

Représentée par Mme CARAPET (D.R.H.) Assistée de Me Patrice CLEMENT-CUZIN de la SCP CLEMENT-CUZIN -

BALLY (avocats au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE:

Madame Françoise CUNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,
Monsieur Yann CATTIN, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.



DEBATS:

A l’audience publique du 24 Septembre 2003,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions, explications et plaidoirie(s).

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 10 Novembre 2003.

L’arrêt a été rendu le 10 Novembre 2003.

lo novembre 2003 Notifié le :

Grosse délivrée le : à HE GALLHARD


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FC 00/4741

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur X a été embauché par la société B C

INDUSTRIES où il exerçait la fonction de technicien à l’établissement Appareillage de

forte densité.

Il a été convoqué à un entretien préalable par courrier remis en main propre le 8 décembre 1999, puis licencié pour faute lourde par lettre recommandée du 22 décembre

1999.

Il a saisi le Conseil de Prud’hommes de Grenoble qui, par jugement en date du 15 septembre 2000 auquel le présent arrêt se réfère pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties a:

- confirmé son licenciement pur faute lourde,

- débouté l’intéressé de toutes ses demandes,

- condamné Monsieur X à verser à la société B C

INDUSTRIES la somme de 5.000,00 francs en application de l’article 700 du Nouveau

Code de Procédure Civile,

- condamné Monsieur X aux dépens.

Monsieur X a relevé appel de ce jugement.

Il fait valoir :

- qu’il lui a été reproché : un usage personnel du PC "afin d’offrir aux utilisateurs du réseau internet un

site que vous aves créé",

* « ce site constitue une atteinte aux bonnes moeurs »,

* "cet usage et les connexions n’étaient pas isolées",

* « La connexion imposait que le nom de la société apparaisse…..ce qui constitue une atteinte grave à l’image de l’entreprise »,

* « ces faits ont été reconnus »,

-que s’il a effectivement conçu un site, personne ni à l’intérieur de l’entreprise, ni à

l’extérieur ne pouvait y accéder, que seul Monsieur Y qui est l’un de ses amis

a pu le visiter car il a prêté à celui-ci la disquette correspondante,

- qu’il s’agissait d’un site personnel, à son usage exclusif, intime et personnel,

- qu’il est impossible depuis les PC d’accéder à INTERNET,

- qu’il a reçu de collègues de travail au titre de la messagerie interne des photos parfois érotiques et soit les a laissées en mémoire soit les a fait suivre à un camarade désigné, à


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titre de plaisanterie, que cela relève de la correspondance privée et que la fouille d’un disque dur s’apparente à la fouille du tiroir d’une secrétaire,

- que tout rapprochement ou superposition du nom de l’entreprise était techniquement impossible,

- qu’il n’a à aucun moment reconnu les faits qui lui sont reprochés.

Il demande à la Cour de :

46- constater que le seul grief valablement examiné et retenu par le premier juge est lié « à la méconnaissance des dispositions du règlement intérieur » ou « des instructions en qualité d’utilisateur de la messagerie électronique »,

- constater que ce non-respect, pour partie, d’un règlement intérieur, n’a créé aucun préjudice, direct ou indirect, à l’entreprise,

- constater qu’un tel fait relève de l’avertissement, de la mise en garde, voire de la mise

à pied et non pas du licenciement, constater que le premier juge, à tort, a déclaré que Monsieur X a interrogé des sites via INTERNET alors que son PC ne permettait pas d’interroger qui que ce soit

à l’extérieur de l’entreprise, et que jamais cet usage de son PC n’a pu faire apparaître directement ou indirectement le nom de l’entreprise,

- réformer le jugement de première instance,

- constater que les faits visés par la lettre de licenciement sont inexacts, mal qualifiés,

d’ailleurs non examinés par le premier juge, et constater que le premier juge a ajouté un argument non visé dans la lettre de licenciement et en conséquence, condamner

l’employeur à payer à Monsieur X :

30.489,80 €

* dommages et intérêts 200.000,00 F

4.786,90 € 31.400,00 F

*préavis (deux mois)

* remboursement mise à pieds 7 jours et 4 jours 1.288,81 € 8.454,03 F 'à préciser) 7.622,45 € 50.240,00 F

* indemnité de licenciement

3.590,17 €

23.550,00 F* solde des congés payés

(Concernant les congés payés acquis avant l’année civile 99, l’employeur a reconnu à

l’audience que c’est de façon irrégulière qu’il ne les avait pas réglés : l’employeur s’est engagé à l’audience à les régler : à ce jour, ils n’ont pas été payés….)

- A titre subsidiaire, dire et juger que s’il y a cause réelle et sérieuse, les indemnités contractuelles telles que visées ci-dessus sont dues,

- condamner l’employeur aux dépens et à 10.000,00 Francs au titre de l’article 700 du

Nouveau Code de Procédure Civile.'

La société B réplique :

- qu’au début du mois de décembre 1998, à l’occasion du changement des outils


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justifiée professionnellement l’a intriguée, qu’en analysant les disques durs, elle a pu constater qu’il se livrait pendant ses heures de travail à des activités extra-professionnelles, qu’il avait créé un véritable site

INTERNET voué aux adeptes du sado-masochisme et ses dérivés,

- qu’il s’agit d’ ordinateurs mis à sa disposition pour les besoins de son emploi,

- que dès la mise en marche des ordinateurs, une mire s’affiche et met en garde

l’utilisateur contre toute utilisation non professionnelle du matériel, que l’article 5-4 du règlement intérieur est également consacré à l’usage et à la restitution du matériel de

l’entreprise, qu’une note interne a été diffusée à tous les utilisateurs de la messagerie

- que l’utilisation irrégulière du matériel s’est déroulée sur une très longue période, électronique,

- que le rapport établi Monsieur Z est édifiant,

- que les pratiques de Monsieur X lui sont préjudiciables et peuvent conduire par à augmenter les risques informatiques qu’elle encourt, que Monsieur X utilisait non seulement la mémoire de son ordinateur personnel situé sur son disque dur mais également la mémoire centrale accessible par chaque utilisateur identifié ainsi que par les

informaticiens administrateurs.

Elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- condamner Monsieur X à lui verser la somme de 1.500,00 euros en application

- y ajoutant, de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- le condamner aux dépens.

SUR CE, LA COUR

Attendu que Monsieur X a été licencié pour faute lourde par lettre recommandée en date du 22 décembre 1999 libellée comme suit :

"A l’occasion d’un changement de l’ensemble des outils informatiques, nous avons découvert que vous vous serviez à titre personnel de votre outil informatique (PC) afin d’offrir aux utilisateurs du réseau Internet un site que vous aviez créé et dont le contenu constitue pour le moins une atteinte aux bonnes moeurs. Cet usage et les connexions extérieures qu’il engendrait n’étaient pas isolés, nous avons pud’ailleurs dénombrer de nombreuses connexions avec des adresses extérieures.

Outre l’usage à des fins personnelles des outils de l’entreprise pendant le temps de travail, le contenu du site que vous avez créé, dont la connexion imposait que le nom de


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notre société apparaisse à travers votre e-mail professionnel constitue une atteinte grave

à l’image de l’entreprise de nature à lui porter préjudice";

Attendu qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la suite d’une migration de l’ensemble des PC individuels chez B C, il a été constaté l’existence d’un contenu à transférer anormalement élevé en ce qui concerne le PC de Monsieur D -

E X ;

que la société B C a fait examiner les PC en cause par Monsieur

Z, ingénieur INPG, expert près la Cour d’Appel; que Monsieur Z indique :

- que l’ancien et le nouveau matériel de Monsieur X contenaient de très des photos nombreux fichiers soit récupérés sur INTERNET soit correspondant personnelles de Monsieur X, que les photos récupérées sur INTERNET comportaient un caractère, la plupart du temps pornographique ou sado-masochiste,

- que la somme des fichiers ainsi récupérés sur ces deux matériels dépasse en contenu plusieurs centaines de mégas octets (millions de caractères), que ce chiffre peut paraître important et qu’il doit être considéré comme tel d’autant qu’en l’espèce, les images ont été enregistrées sous forme de fichiers compressés, que des fichiers compressés quand ils atteignent de tels volumes doivent être considérés comme tout à fait anormaux

d’autant qu’ils n’ont aucune relation avec l’activité de F C et le

travail de Monsieur X, que le site INTERNET “alpsm" conçu par Monsieur X se retrouve effectivement dans les données récupérées sur son ordinateur, que ce site était en cours de préparation mais n’était pas encore opérationnel,

- que les accès par Monsieur X à des sites INTERNET variés, le rapatriement

d’information en masse ont des conséquences néfastes multiples : "** la totalité des sites Internet, et tout particulièrement les sites Internet à caractère pornographique sont organisés pour capter le maximum d’informations de la

part de leurs « clients ». Ces sites envoient donc vers les utilisateurs un maximum de petits programmes de type « spam » (publicité) ou “espions" (cookies) qui permettent ensuite de connaître parfaitement les intentions de l’utilisateur. Les cookies sont tout particulièrement des instruments redoutables au service la

propagation des virus ;

*Identification : cet accès à des services pornographiques permet en particulier

à ces serveurs de connaître parfaitement l’identification des clients. Ainsi donc, il est fort possible que dans tous ces sites, la société B

C soit identifiée comme un client intensif, ce qui théoriquement n’est pas


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positif vis à vis de l’image de marque de cette société."

- qu’il est donc certain que les agissements tels que celui de Monsieur D-E

X peuvent conduire à augmenter notablement les risques informatiques encourus par B C,

- que les très nombreux accès INTERNET constatés sur les ordinateurs analysés et la grande quantité des données rapatriées conduisent à penser que plusieurs centaines

d’heures ont été consacrées, non seulement à naviguer sur INTERNET, mais surtout à rapatrier des fichiers ;

que si Monsieur Z n’est pas intervenu dans le cadre d’une expertise judiciaire dûment instituée par décision de justice, son rapport n’en a pas moins valeur de renseignement ; que Monsieur X ne fournit aucun élément de nature à démentir les informations qu’il contient et notamment le fait que l’expert a pu constater de nombreux accès Internet sur le matériel qu’il utilisait; qu’en l’état de cette indication de l’expert, Monsieur X est mal fondé à soutenir qu’il était impossible depuis son PC d’accéder à un site INTERNET;

qu’il est également mal fondé à se prévaloir du droit au respect de l’intimité de sa vie privée et au secret de sa correspondance ; que certes dans un arrêt en date du 2 octobre 2001, la Cour de Cassation a décidé que

l’employeur ne pouvait sans violation de l’intimité de la vie privée prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail ;

mais qu’en l’espèce, les faits reprochés à Monsieur X ressortent, non seulement de la prise de connaissance du contenu de messages personnels émis et reçus par lui grâce au matériel mis à sa disposition par la société B C INDUSTRIES, lequel contenu ne peut être pris en considération comme relevant du secret de la correspondance, mais aussi de l’analyse du disque dur du PC et des fichiers qu’il comporte; que le disque dur ne saurait bénéficier en tant que tel et dans son intégralité de la protection dont se prévaut Monsieur X ; qu’étant censé contenir des éléments à caractère professionnel, il ne saurait être contesté que l’employeur qui en est le propriétaire doit pouvoir y avoir accès ; qu’il n’est de plus pas démontré et pas même soutenu que le caractère strictement personnel et intime des fichiers auxquels Monsieur Z a accédé était spécialement signalé de sorte qu’au seul vu d’un tel signalement, l’employeur n’aurait pas dû ouvrir ou faire ouvrir ces fichiers ;


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que de plus, l’article 5.4 du règlement intérieur rappelait : que le matériel confié en vue de l’exécution du travail ne devait pas être utilisé à des

fins personnelles,

- qu’il ne fallait pas introduire dans les ordinateurs, calculateurs, machines à commandes numériques, mis à disposition par l’entreprise, tout élément matériel, logiciel ou ensemble de données de provenance personnelle, inconnue ou ne concernant pas

l’entreprise ; qu’il n’est pas contesté qu’une note interne a également été diffusée attirant l’attention des salariés notamment sur le fait que les messages envoyés à l’extérieur de l’entreprise devaient faire l’objet d’une attention particulière, que la messagerie serait identifiée comme provenant à la fois de l’utilisateur et de l’entreprise ;

que Monsieur A souligne que dès la mise en marche de l’ordinateur, une mire s’affiche et met en garde l’utilisateur contre toute utilisation non professionnelle

dudit matériel ; qu’il est établi, à partir de l’analyse du disque dur du PC de Monsieur X et des fichiers de ce disque dur dont le caractère strictement personnel n’était pas spécialement signalé, laquelle n’est pas illicite, qu’il a effectivement utilisé son outil informatique à titre personnel et pendant le temps de travail, qu’il a créé un site personnel à caractère sado-masochiste dont le contenu constitue pour le moins une atteinte aux bonnes moeurs, que cet usage et les connexions n’avaient pas un caractère isolé, que le nom de la société apparaissait à travers l’e-mail professionnel, que cet usage était de nature à porter préjudice à la société dès lors qu’il augmentait les risques informatiques et qu’elle pouvait apparaître comme un client intensif de sites pornographiques ;

que les faits visés dans la lettre de licenciement sont donc démontrés ;

que s’il n’est pas établi que Monsieur X a agi dans l’intention de nuire à son des employeur, les faits dont il s’est rendu coupable caractérisent cependant manquements graves et renouvelés à ses obligations de salarié qui rendaient impossible son maintien dans l’entreprise, y compris pendant la durée du préavis, peu important par ailleurs qu’il ait toujours été bien noté en ce qui concerne sa prestation de travail; qu’à cet égard, il doit du reste être relevé qu’il était mentionné dans le compte-rendu du

23 mars 1999 qu’il était en dessous des performances attendues ;

qu’ils justifient un licenciement pour faute grave; qu’en présence d’un tel licenciement, la mise à pied conservatoire était justifiée, que
Monsieur X ne peut bénéficier ni de l’indemnité de préavis, ni des congés payés


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y afférents, ni de l’indemnité de licenciement, ni de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

qu’il a par contre droit aux congés payés acquis au titre de la période du 1er juin 1999

au 8 décembre 1999, soit 15,5 jours; qu’il ressort en outre de son bulletin de paie de décembre 1999 qu’il lui restait dû au titre de ceux acquis pendant la période antérieure 5,5 jours à prendre avant le 31 mai 1999 ; qu’il lui sera alloué la somme de 12.573,18 francs, soit 1.916,77 euros au titre des congés

payés dus ; que vu les éléments du litige et sa solution, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties l’intégralité de ses propres frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la

loi,

Déclare recevable l’appel de Monsieur X,

Réforme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute lourde était justifié et en ce qu’il a condamné Monsieur X à payer à la société B C INDUSTRIES la somme de 5.000,00 francs (762,25 euros) en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que le licenciement repose sur une faute grave et non sur une faute lourde,

En conséquence, condamne la société B C à payer à Monsieur

X la somme de 1.916,77 euros (12.573,18 francs) au titre des congés payés dus,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la société B C INDUSTRIES aux entiers dépens de


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première instance et d’appel,

Confirme pour le surplus ledit jugement,

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

Prononcé publiquement par Madame CUNY, Président, qui a signé avec Monsieur

HAZANE, Greffier, Présent lors du prononcé.

LE PRESIDENT LE GREFFIER hajalle Finne

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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