Cour d'appel de Lyon, du 17 avril 2001, 1999/05883

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Une bague offerte à l’occasion de fiançailles provenant de la famille de celui qui l’offre ne répond pas nécessairement à la définition d’un bien de famille remis à titre de prêt à usage à la fiancée, mais peut constituer un présent d’usage.

Dès lors qu’il n’est pas démontré que cette bague ait été un cadeau hors de proportion en considération de la confortable aisance du fiancé ni qu’il s’agissait d’un bijou de famille, la bague remise a le caractère de présent d’usage fait à l’occasion des fiançailles et ne donne pas lieu à restitution

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 17 avr. 2001, n° 99/05883
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 1999/05883
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 24 juin 1999
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006936647

Texte intégral

COUR D’APPEL DE LYON 2e Chambre ARRET du 17 AVRIL 2001 Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 25 Juin 1999

(RG : 1997/09214 -1re Ch)

N° RG Cour : 1999/05883

Nature du recours : DECL. D’APPEL Code affaire : 226 Avoués :

Parties : – Me GUILHEM, X… BAUFUME SUP . MADAME Y…
Y… demeurant : Aide Juridictionnelle 100 % du 25/11/1999 Avocat : Maître MASSOT PELLET

APPELANTE

---------------- – SCP AGUIRAUD-NOUVELLET . MADEMOISELLE Z… I demeurant : Avocat : Maître SANNIER

INTIMEE

---------------- – SCP AGUIRAUD-NOUVELLET . MONSIEUR Z… Ct demeurant : Avocat : Maître SANNIER

INTIME

---------------- – SCP AGUIRAUD-NOUVELLET . MONSIEUR Z… B demeurant : Avocat : Maître SANNIER

INTIME

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 15 Mai 2000 AUDIENCE DE PLAIDOIRIES du 30 Janvier 2001 LA DEUXIEME CHAMBRE DE LA COUR D’APPEL DE LYON, composée de * Marc GOURD, conseiller le plus ancien de la chambre faisant fonction de président en vertu de l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Lyon, en date du 1er décembre 2000, * Bernard SANTELLI, conseiller, * Marjolaine MIRET, conseiller, magistrats ayant tous les trois participé au délibéré, en présence,

lors des débats tenus en audience non publique, de Anne Marie BENOIT, greffier, a rendu l’ARRET contradictoire suivant : EXPOSE DU LITIGE :

Par déclaration du 29 juillet 1999 Madame Y…
Y… a relevé appel d’un jugement rendu le 25 juin 1999 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LYON qui a :

 – dit que la bague de fiançailles remise à Madame Y…
Y… constitue un bijou de famille ayant fait l’objet d’un prêt à usage,

 – constaté l’impossibilité de restitution de la bague,

 – condamné Madame Y…
Y… à verser à titre indemnitaire à Madame I Z… – M. Y…
Z… et M. B Z… assistés de son curateur la somme de 250 000 F représentant la valeur actuelle de remplacement de ce bijou,

 – dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la signification du jugement,

 – débouté les consorts Z… du surplus de leurs demandes.

Elle rappelle qu’elle a contracté mariage avec M. B Z… le 15 octobre 1980 à la mairie de CHAPONOST (RHONE) et que par jugement du 30 mars 1995 le Tribunal de Grande Instance de LYON a prononcé le divorce aux torts partagés soit après quinze années de mariage.

Elle ajoute que par acte d’Huissier de Justice du 23 juin 1997 M. B Z… ainsi que Madame I Z… et M. Y…
Z… lui ont demandé de restituer cette bague au motif qu’il s’agirait d’un bijou de famille d’une grande valeur qui lui aurait été confié au cours de la cérémonie de fiançailles en vue d’en faire ressortir sa valeur d’apparât mais qu’elle s’est opposée à cette demande qu’elle estimait injustifiée et sans fondement.

Elle expose :

 – que lors de la remise M. B Z… était en possession de cette bague, ce qui laissait présumer qu’il en était devenu propriétaire non par suite d’une acquisition mais en vertu d’une donation puisque cette

bague aurait appartenu à son arrière grand-mère,

 – que les autres demandeurs respectivement frère et soeur de M. B Z… n’ont aucune qualité pour revendiquer ce bijou sur lequel ils ne justifient d’aucun droit de propriété même indivis, de sorte qu’ils sont irrecevables dans leur demande,

 – qu’ainsi cette remise se rapporte à un présent d’usage qui échappe aux règles des donations et par conséquent de la révocation de celles-ci qui – en cas de divorce prononcé aux torts partagés – ne sont pas de plein droit mais doivent être demandés en vertu de l’article 267-1 du Code Civil,

 – que c’est ainsi à tort que M. B Z… qualifie cette bague de bijou de famille en invoquant le prêt à usage et en faisant état de sa qualité d’appârat,

 – que le fait que ce bijou ait appartenu à des membres de la famille Z… ne suffit pas à qualifier cette bague de bijou de famille quand bien même aurait-elle été transmise entre plusieurs générations d’une même famille,

 – qu’il convient que les bijoux représentent une part substantielle des fortunes familiales, de sorte que n’ont été retenus comme tels que les bijoux de très grande valeur,

 – que l’estimation produite par les consorts Z… ne peut être retenue dès lors que rien ne démontre que la bague qui lui a été remise en 1980 corresponde à celle qui a été présentée au bijoutier le 26 octobre 1976 et qui l’a estimé alors à 100 000 F réévaluée aujourd’hui à 250 000 F selon un autre bijoutier à la date du 10 décembre 1998,

 – qu’en tout cas la valeur retenue au jour des fiançailles en 1980 n’est par hors de proportion avec les facultés financières de M. B Z… qui est propriétaire indivis à concurrence d’un quart d’un important patrimoine immobilier constitué de 10 appartements à LYON et à

SAINT-ETIENNE ainsi que de parts de SCI qui lui procuraient en 1989 un revenu net annuel de 211 823 F,

 – que cette bague a bien fait l’objet d’un vol en ESPAGNE comme l’atteste la déclaration de plainte auprès de la police espagnole contrairement à ce que soupçonne M. B Z…

Elle réclame la réformation du jugement déféré, la demande en restitution n’étant pas fondée et la condamnation in solidum des consorts Z… à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* * *
Madame I Z… – M. Y…
Z… et M. B Z… répliquent et exposent :

 – que Madame I Z… et M. Y…
Z… sont respectivement tante et frère de M. B Z… et qu’ils ont ainsi un intérêt personnel et certain à agir à raison du caractère familial du bijou concerné,

 – que selon la jurisprudence le bijou de famille est remis en vertu d’un prêt à usage et doit donc être restitué en cas de rupture des fiançailles ou en cas de divorce,

 – que le bijou de famille se définit par l’ancienneté du rattachement du bijou à la famille du disposant ainsi qu’à la valeur marchande ou ornementale de ce bijou,

 – que c’est le caractère de disproportion avec les ressources dont disposaient les époux au moment de leur mariage qui permet de retenir la qualification de bijou de famille,

 – qu’en l’espèce la famille Z… manifeste un attachement particulier aux traditions familiales notamment par celle du baptême de l’ainé des enfants du nom de Y… et ce depuis de nombreuses générations,

 – que la bague litigieuse a été offerte à leur arrière grand-mère par ses trois filles vers les années 1913 pour qu’elle soit laissée aux doigts des descendants de leur mère attestant de la trace de leur passage sur terre,

- qu’au dècès de Madame L Z… en 1935 cette bague a été conservée par ses trois filles qui à leur décès l’ont transmise à leur neveu Y…
Z… leur grand-père décédé en 1957,

 – qu’ainsi ce bijou a été transmis en indivision à ses enfants dont Y… leur père et I,

 – qu’ainsi le Tribunal a pu constater que depuis quatre générations ce bijou était présent dans la famille Z…,

 – que Madame Y…
Y… divorcée Z… ne conteste pas cette origine,

 – que les attestations produites font état des qualités d’appârat de ce bijou qui n’a été remis qu’en vue de faire arborer à la mariée un bijou remarquable issu du patrimoine familial et d’assurer sa transmission symbolique à la nouvelle génération,

 – qu’il ne peut s’agir ainsi d’un simple présent d’usage,

 – que ce bijou évalué à 100 000 F en 1976 vaut aujourd’hui 250 000 F et qu’il était hors de proportion avec les facultés financières de M. B Z… au moment des fiiançailles, ses revenus postérieurs ne pouvant entrer en ligne de compte,

 – qu’en sa qualité de dépositaire Madame Y…
Y… est tenue d’indemniser les revendiquants puisqu’elle devait conserver ce bijou et prendre les précautions nécessaires,

 – que le vol s’est produit alors que plusieurs demandes en restitution avaient été faites en vain.

Ils demandent la confirmation du jugement déféré et la condamnation de Madame Y…
Y… à leur verser la somme de 10 000 F au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* * *

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2000.

MOTIFS ET DECISION

Attendu qu’au soutien de sa demande en restitution de la bague qu’il a remise en 1980 à l’occasion de leurs fiançailles à Mlle Y…
Y…, M. B Z…

allègue qu’il s’agit d’un bijou dans sa famille depuis quatre générations puisqu’elle a appartenu à Madame Y…
Z… née L X… pour lui avoir été offerte par ses trois filles vers les années 1913, qui l’ont elles-mêmes léguée à leur neveu Y…
Z… son grand-père, lequel l’a laissée à ses deux enfants dont Y…
Z… son père et I Z… sa tante et que pareille origine démontre que ce bijou dans l’espèce était destiné, avec les transformations rendues nécessaires par le goût de l’époque, à être transmis de génération en génération à toutes les femmes qui entreraient dans la famille ;

Attendu que M. B Z… en soutenant cette prétention laisse supposer que la bague litigieuse lui a été remise par sa famille à titre de don manuel à charge pour lui de la remettre à sa fiancée de l’époque – avant qu’elle ne devienne sa femme – à titre de prêt pour qu’elle la porte en cette qualité au nom de la famille sous la condition de la persistance de leur mariage ;

Attendu que cette interprétation n’est appuyée d’aucuns éléments desquels il résulterait que cette bague ait été en possession de la famille Z… bien avant que les fiançailles n’interviennent avec Mlle Y…
Y… ;

Attendu que les photographies versées aux débats pour en attester, ne peuvent cependant constituer cette preuve puisqu’elles montrent seulement que Madame Y…
Y… portait effectivement ce bijou lors de la cérémonie, ce que personne ne conteste ;

Attendu que M. B Z… ne peut pas davantage satisfaire à cette preuve par la production d’attestations qui – outre le fait que la preuve testimoniale n’est pas admise en matière civile – n’établissent pas l’origine familiale du bijou litigieux, mais se contentent de constater que Madame Y…
Y… était en possession de cette bague le jour du mariage ou rapportent des propos tenus à cette occasion ;

Attendu qu’il n’est en tout cas pas démontré que cette bague – que
Madame Y…
Y… a décrit dans sa déclaration de plainte faite à la police espagnole le 26 février 1997 à la suite du vol dont elle prétend avoir été victime comme un solitaire en diamant d’une valeur de 100 000 F – ait été un cadeau hors de proportion à la confortable aisance du fiancé – qui en 1989 déclarait des revenus fonciers se rapportant à la possession de dix appartements – hormis des parts détenues dans une société civile immobilière – d’un montant brut (loyers avant de pratiquer les déductions fiscalement admises pour frais et charges) de 2 300 000 F ;

Attendu que la valeur du bijou remis – certes estimé par Madame Y…
Y… à 100 000 F en 1997 – ne peut résulter de l’attestation que M. B Z… verse aux débats établie par un joaillier – en l’occurrence la Maison BEAUMONT – dont ni la compétence ni le sérieux ne sont mis en doute – mais qui ne permet pas – en l’absence de mentions caractéristiques de la bague – de l’authentifier, en prouvant que celle qui lui a été présentée le 26 octobre 1996 est celle là même qui a été remise à Madame Y…
Y… ;

Attendu que la cause de cette remise – outre le fait que la disproportion dans la valeur du bijou rapportée à la fortune de M. B Z… n’est pas établie – consiste dans l’usage consacré par les moeurs de l’époque de faire des cadeaux – notamment à l’occasion d’un mariage – lorsque le fiancé offre à la fiancée une bague de fiançailles – qui expriment, au-delà des convenances sociales, l’affection que les fiancés se portent l’un à l’autre et dont l’importance est fonction de leur faculté pécuniaire au moment où la remise intervient ;

Attendu qu’il n’est d’ailleurs pas exclu à cet égard que la bague de fiançailles puisse provenir de la famille de celui qui l’offre, sans remettre en cause de ce seul fait qu’il s’agit d’un présent d’usage et qu’en tant que tel il ne répond pas nécessairement à la définition

d’un bien de famille remis à titre de prêt à usage à la fiancée à charge pour elle dans ce cas de le restituer en cas de rupture du lien conjugal ;

Attendu que les dons de cadeaux et présents d’usage échappent tant à la déchéance de droit de l’article 955 du Code Civil, lorsque le donataire s’est rendu coupable envers le donateur de sévices, délits ou injures graves, certes inapplicable en l’occurrence, le divorce ayant été prononcé aux torts partagés – qu’à la révocabilité de l’article 1096 du même Code – et ce dans la mesure où, correspondant à la situation financière du donateur, ils ne constituent pas de véritables libéralités au sens des dispositions susvisées ;

Attendu que ceci est tellement vrai que l’article 852 du Code Civil – en les excluant de l’obligation du rapport successoral – les soustrait de ce fait au régime des donations prévu par l’article 1096 du Code Civil qui dispose que les donations entre époux pendant le mariage sont toujours révocables ;

Attendu que tel est précisément le cas en l’espèce, la bague remise ayant le caractère d’un présent usage fait à l’occasion des fiançailles et ne donnant pas lieu en conséquence à restitution ;

Attendu que la recevabilité des demandes de Madame I Z… et de M. Y…
Z… respectivement tante et frère de M. B Z… est sans objet, dès lors qu’il n’a pas été retenu que la bague litigieuse constituait un bien de famille dont ils entendaient en leur qualité se prévaloir pour solliciter la restitution au même titre que M. B Z…

Attendu qu’il convient de débouter les demandeurs de leurs prétentions et de réformer en conséquence le jugement déféré ;

Attendu qu’aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de Madame Y…
Y… ;

Attendu que chacune des parties doit conserver la charge des dépens

qu’elle a exposés ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme le jugement déféré ;

Et statuant à nouveau ;

Déclare mal fondées les demandes formées par M. B Z… – M. Y…
Z… et Madame I Z… et les en déboute ;

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de Madame Y…
Y… ;

Laisse à chacune des parties ses dépens. Cet arrêt a été prononcé publiquement par le président, en présence du greffier, et signé par eux. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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