Cour d'appel de Nîmes, 12 mai 2016, n° 14/03514

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 12 mai 2016, n° 14/03514
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 14/03514
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Mende, 18 juin 2014, N° 12/00017

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G. : 14/03514

XXX

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MENDE

19 juin 2014

RG:12/00017

Y

C/

A

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1re chambre

ARRÊT DU 12 MAI 2016

APPELANT :

Monsieur I Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Luc etienne GOUSSEAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LOZERE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/006381 du 30/07/2014 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉE :

Madame X A

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Jean CARREL de la SCP CARREL, PRADIER, DIBANDJO, Plaidant, avocat au barreau de LOZERE

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NÎMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 03 Mars 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, faisant fonction de Président

Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller,

Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Carole MAILLET, Greffier et Mme Agnes SOULIER, Greffier Stagiaire lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Mars 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Mai 2016

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, faisant fonction de Président publiquement, le 12 Mai 2016, par mise à disposition au greffe de la Cour

— - -

EXPOSÉ DU LITIGE

Alors qu’ils vivaient maritalement, Mme X A et M. I Y ont édifié une maison d’habitation sur un terrain sis ' XXX ' à XXX appartenant en propre à M. Y.

Soutenant qu’elle a opéré d’ importants apports en argent et procédé pendant la vie commune au remboursement des emprunts immobiliers contractés, Mme X A a assigné M. I Y en paiement de la somme de 100'000 € sur le fondement, à titre principal de l’article 555 du code civil et à titre subsidiaire, de la théorie de l’enrichissement sans cause, outre frais irrépétibles et dépens comprenant les frais de l’expertise de M. Z dont elle a obtenu la désignation aux fins d’évaluation de l’immeuble commun et de détermination de l’importance de ses apports suivant ordonnance de référé du 3 décembre 2008.

Par jugement du 19 juin 2014 le tribunal de grande instance de Mende a, au visa de l’article 555 du code civil, condamné M. I Y à payer à Mme X A la somme de 67'000 € outre intérêts au taux légal à compter de son prononcé et celle de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire de M. G Z. L’exécution provisoire a été ordonnée à hauteur des 3/4 de ces condamnations.

Dans ses dernières conclusions du 9 octobre 2014 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, l’appelant sollicite la cour au visa de l’article 555 du code civil et de la théorie de l’enrichissement sans cause, de :

' à titre principal, infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, débouter Mme X A de ses demandes fondées sur les dispositions de l’article 555 alinéa 3 du code civil, constater son option pour la démolition de l’ ouvrage et en conséquence ordonner sa démolition aux frais de Mme A et condamner cette dernière à lui payer une somme de 50'000 € sur le fondement des dispositions de l’article 555 alinéa 2 du code civil ;

' subsidiairement, débouter Mme A de toutes ses demandes fondées sur la théorie de l’enrichissement sans cause,

' très subsidiairement, infirmer le jugement entrepris sur le quantum de l’indemnité et juger que Mme X A est débitrice envers lui de la somme de 46'800 € au titre du droit d’usage d’habitation de l’immeuble, objet du litige, cantonner sa dette au profit de Mme X A à la somme de 56'261,50 € et par suite, constater après compensation qu’il reste redevable de la somme de 9461 € envers Mme X A, condamner cette dernière aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de son conseil ainsi qu’à lui payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures en réplique du 5 décembre 2014 auxquelles il est également explicitement renvoyé, Mme X A conclut au mal fondé de l’appel principal de M. I Y, au bien-fondé de son appel incident et en conséquence à l’infirmation partielle de la décision critiquée.

La cour condamnera M. I Y à lui payer une indemnité de 100'000 € à titre principal, par application de l’article 555 du code civil, à titre subsidiaire, au titre de la théorie de l’enrichissement sans cause, en tout état de cause, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2011, date du dépôt du rapport d’expertise. Elle déboutera M. I Y de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles et le condamnera aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise ainsi qu’à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 10 février 2016 avec effet au 3 mars 2016.

SUR CE

Sur l’application de l’article 555 du code civil

M. I Y reproche au premier juge d’avoir retenu l’application de l’article 555 du code civil en omettant de se pencher sur la notion de « tiers à la construction » qui ne peut être donnée à un concubin ayant partagé 25 ans de vie commune dont 12 dans la construction objet de l’instance, en ayant violé le principe du contradictoire en considérant d’autorité qu’il avait fait le choix de conserver la propriété des constructions faites par le tiers évincé et en tout état de cause en ne lui laissant pas l’option de la démolition qu’il entend exercer.

L’article 555 alinéa 1 du code civil dispose que « lorsque les plantations constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété soit d’obliger le tiers à les enlever. »

L’alinéa 4 de cet article stipule que « si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression des dits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l’une ou l’autre des sommes visées à l’alinéa précédent. »

L’alinéa trois précédent, enfin, édicte que « si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d''uvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages. »

Peu importe la durée de vie commune de M. I Y et de Mme X A de même que la durée de leur cohabitation dans l’immeuble litigieux. Ainsi que le premier juge l’a déjà signifié à M. I Y, des concubins sont juridiquement des étrangers l’un par rapport à l’autre dans leurs rapports patrimoniaux, sauf établissement de pactes ou conventions dont il n’est pas excipé, et Mme X A est un tiers par rapport à M. I Y, tout particulièrement en l’espèce au sens de l’article 555 du code civil.

Ainsi, aux termes d’une jurisprudence constante, l’article 555 du code civil a vocation à régir les rapports entre concubins sauf dans l’hypothèse où existerait une convention réglant le sort de la construction, convention dont il n’est pas prétendu en l’état qu’elle existerait.

En l’espèce, M. I Y ne conteste pas le fait que Mme X A a financé l’achat de matériaux utilisés pour la construction. Cette dernière est donc fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 555 du code civil et des principes d’indemnisation qu’il édicte.

Le tribunal n’a pas violé le principe du contradictoire en considérant que M. I Y n’avait comme choix que celui de rembourser Mme X A soit d’une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit du coût des matériaux et du prix de la main-d''uvre estimée à la date du remboursement compte tenu de l’état dans lequel se trouve la construction, il a fait purement et simplement application des dispositions combinées des alinéas 1, 3 et 4 l’article 555 du code civil et ce, alors même que M. I Y n’ayant pas sollicité devant lui dans le dernier état de ses écritures la démolition de l’immeuble, il n’avait pas à répondre à un tel moyen.

En effet, en l’espèce, Mme X A n’aurait aucunement été condamnée à restituer les fruits en raison même de sa bonne foi dans la réalisation des travaux, le financement des matériaux nécessaires à la construction de la maison d’habitation devenue domicile familial ayant été effectué par cette dernière avec l’accord de son concubin qui a justement employé ces matériaux à l’édification de l’immeuble qui l’a abrité avec sa compagne et leurs deux enfants.

Mme X A qui a réalisé de bonne foi des travaux a droit à indemnisation. M. I Y n’est pas en droit quant à lui d’exiger la suppression de la construction. Il n’a pour seule option que le remboursement à Mme B soit d’une somme égale à la plus-value apportée à l’immeuble, soit du coût des matériaux estimés à la date de remboursement.

Il y a donc lieu de débouter M. I Y de sa demande visant à voir exercer l’option en démolition de l’immeuble et conséquemment de ses demandes en réparation par Mme X A du préjudice qu’il a prétendument subi .

Sur le montant de l’indemnité

Mme X A demande à la cour de condamner M. I Y à lui payer une indemnité de 100'000 € représentant la moitié de la valeur actuelle de l’immeuble au regard de la plus-value résultant de l’évolution du marché

M. I Y conclut, s’agissant de l’indemnité à laquelle peut prétendre Mme X A, sur le seul remboursement du coût des matériaux et sur les emprunts ayant financé pour partie ces matériaux.

Ainsi qu’il l’a été dit précédemment, l’option définie par l’article 555 alinéa 3 du code civil appartient au propriétaire du fonds, non au tiers évincé. En conséquence Mme X A ne peut prétendre qu’au remboursement du prix des matériaux ou de la main-d''uvre à la date du remboursement au regard de l’état de l’immeuble, option choisie par M. Y.

L’expert Z a déterminé que le coût des matériaux de construction de l’immeuble s’est élevé à 80'032,30 € et que le coût de la main-d''uvre est sensiblement équivalent au coût des matériaux, le prix de revient de la construction s’établissant à 160'000 €. Il a ajouté que les deux concubins en souscrit des emprunts en 1996 et 2007 pour un montant total de 48'111,80 €.

Il a chiffré les avoirs personnels de Mme X B au 4 octobre 1995 avant la construction de l’immeuble à la somme de 39'836,17 €. Ces avoirs ont financé le coût d’achat des matériaux pour 39'836,17 €, le solde en ayant été financé par les emprunts, trois prêts Crédit agricole et un prêt Crédit immobilier pris en charge à partir du compte de Mme X A à concurrence de 29 852 € en capital.

La cour ne peut que suivre le premier juge en ce qu’il a décidé que rien ne justifie que les apports en argent de Mme X A soient affectés d’un coefficient de 90 % comme le propose l’expert au seul motif que lors de la séparation du couple celle-ci disposait d’une épargne résiduelle de 2000 € alors même qu’entre le début de la construction en 1996 et la séparation en début d’année 2008, cette dernière a eu largement le temps de reconstituer une épargne de précaution (moins de 17 € par mois).

De même, l’expert a noté que les gains de Mme X A aux charges, hors allocations familiales et hors bourse scolaire représentaient près de cinq fois ceux de M. Y sur la période courant du 1er janvier 2005 au 28 février 2008. Dès lors ne se justifie pas une participation de Mme A au remboursement des emprunts réduite de moitié. Au prorota des revenus du couple tels que mentionnés par l’expert pour un montant total de 72'019 € sur la période du premier janvier 2005 au 28 février 2008 soit 52434 € pour Mme A, 11945 € pour M. Y et 7640 € au titre des prestations familiales, Mme B a participé au remboursement des emprunts à hauteur de 73 % soit à hauteur de 21 791, 96 € du capital des prêts qui seul peut être pris en considération à l’exclusion des intérêts, frais de dossier et garantie, car seul le montant des prêts versés, le ' capital ' au demeurant seul retenu à juste titre tant par l’expert que par le tribunal, a été employé au financement des travaux.

Il est par ailleurs rapporté en preuve par Mme X A qu’elle a participé au paiement de la pompe à chaleur à hauteur de 1951,22 €.

M. I Y sera donc condamné à rembourser à Mme X A la somme de 39'836,17 € + 21 791,96 €+ 1 951,22 € soit 63 579, 35 € la dite étant réactualisée en fonction de l’indice B.T. 01depuis le jour du dépôt de son rapport par l’expert judiciaire, le 15 juillet 2011 jusqu’à ce jour, et les intérêts au taux légal courant régulièrement sur la dite somme réactualisée à compter du prononcé de cet arrêt jusqu’à complet paiement.

Sur la demande de M. I Y en paiement par Mme X A d’une indemnité d’occupation, force est de rappeler que les deux concubins partageaient la jouissance de l’immeuble dans le cadre d’une vie de famille avec leurs deux enfants communs. Aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges du ménage. Chacun doit donc supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées. M. I Y et Mme X A sont présumés avoir l’un et l’autre contribué au fur et à mesure de leur vie commune aux dépenses exposées pour les besoins de celle-ci. Il a été précédemment exposé que les revenus de Mme X A étaient de cinq fois supérieurs à ceux de M. Y. Dans ce contexte la prise en charge par ce dernier du coût intégral du logement familial entre dans sa juste contribution aux charges familiales. Il n’est donc pas fondé à réclamer paiement à Mme X A d’une indemnité d’occupation et ce d’autant plus que la demande à ce titre est prescrite comme ayant été formée plus de cinq années après la séparation du couple.

M. I Y ne peut donc qu’être débouté de sa demande en paiement d’une indemnité d’occupation par Mme X A et par suite de sa demande en compensation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant en son appel, M. I Y en supportera les entiers dépens en sus de ceux de première instance incluant les frais d’expertise et participera aux frais non compris dans les dépens exposés par Mme X A à concurrence de 2 500 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, en matière civile, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf à modifier le quantum de la condamnation de l’indemnité due par M. I Y à Mme X A ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne M. I Y à payer à Mme X A la somme de 63 579, 35 € avec indexation sur l’indice B.T. 01depuis le 15 juillet 2011 jusqu’à ce jour ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Condamne M. I Y aux dépens d’appel lesquels seront recouvrés conformément à l’ aide juridictionnelle ainsi qu’à payer à Mme X A la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme HEBRARD, Conseiller faisant de Président et par Mme MAILLET, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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