Cour d'appel de Nîmes, 1ère chambre, 16 janvier 2020, n° 18/02927

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 1re ch., 16 janv. 2020, n° 18/02927
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 18/02927
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 18/02927

N° Portalis DBVH-V-B7C-HB7U

JCB-MB

COMMISSION D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE DOMMAGES RESULTANT D’UNE INFRACTION D’AVIGNON

05 juillet 2018

RG :15/00015

Organisme FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D’ACTES DE TERRORIS ME ET AUTRES INFRACTIONS

C/

B C

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1re chambre

ARRÊT DU 16 JANVIER 2020

APPELANTE :

LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D’ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS (FGTI),

géré par le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages dont le siège social est sis […], pris en la personne de son Directeur Général élisant domicile en sa délégation de Marseille, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité en son siège sis

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-Michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur F B C

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me David INNOCENTI, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Jean-Christophe BRUYERE, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Christophe BRUYERE, Président

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats, et Mme Maléka BOUDJELLOULI, Greffière, lors du prononcé,

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

À l’audience publique du 07 Novembre 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Janvier 2020,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Christophe BRUYERE, Président, publiquement, le 16 Janvier 2020, par mise à disposition au greffe de la Cour.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Exposant qu’il avait été victime d’une agression par arme blanche le 20 octobre 2013, M. F B C a saisi la commission d’indemnisation des victimes d’infractions d’Avignon par requête du 10 février 2015, afin que soit ordonnée, avant dire droit, une mesure d’expertise médicale et que

lui soit allouée la somme provisionnelle de 1 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance du 24 septembre 2015, le Président de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions d’Avignon a ordonné avant dire droit une expertise médicale confiée au Docteur X et a alloué à M. F B C la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel.

Sur la base du rapport X déposé le 4 avril 2016, M. F B C a sollicité de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions d’Avignon l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 298 492 euros.

Par jugement du 5 juillet 2018, la commission d’indemnisation des victimes d’infractions d’Avignon a fixé à la somme de 268 507 euros la réparation du préjudice corporel de M. F B C, lui a alloué en conséquence après déduction de la somme provisionnelle déjà versée, la somme de 263 507 euros ainsi que la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, a dit que ces sommes seront directement versées par le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions selon les modalités prévues par l’article R50-24 du code de procédure pénale et a laissé les dépens à la charge de Trésor public.

Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions a relevé appel de cette décision le 30 juillet 2018.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 avril 2019, le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions demande à la cour, à titre principal, de confirmer la décision du 05 juillet 2018 sur les points suivants :

—  510 euros au titre des frais divers

—  1.225 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

—  6.500 eurosau titre des souffrances endurées

—  200 euros au titre du préjudice esthétique

—  7.320 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

—  2.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent

—  0 euros au titre du préjudice d’agrément

mais de l’infirmer en ce qu’elle a fixé le préjudice de M. F B C à la somme de 10.324 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et 240.528 euros au titre de la perte de gains futurs, de dire qu’aucune somme n’est due à ce titre, de fixer la somme due au titre de l’indemnité professionnelle à la somme de 10.000 euros, de constater que le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions a déjà versé à M. F B C la somme de 5.000 euros, de fixer l’entier préjudice de M. F B C à la somme de 27.755 euros, de lui allouer cette somme, de le débouter de l’ensemble de ses prétentions et de son appel incident et de dire que les dépens sont laissés à la charge du Trésor public.

À titre subsidiaire, le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions demande à la cour de constater que la décision du 05 juillet 2018 est entachée d’une erreur matérielle, que la CIVI a fixé la perte de gains futurs à la somme de 204.528 euros, d’allouer à M. F B C la somme 199.528 euros (204.528- 5.000) et de dire que les dépens seront laissés à la charge du Trésor public.

Le Fonds conteste essentiellement l’indemnisation allouée au titre du préjudice professionnel et de la perte de gains professionnels.

Dans le dernier état de ses écritures notifiées par voie électronique le 15 octobre 2019, M. F B C demande à la cour de constater que son droit à indemnisation de n’est ni contesté ni contestable, de confirmer la décision entreprise s’agissant des évaluations concernant les postes de préjudices suivants :

— Les frais divers : 510 euros

— Perte de gains professionnels actuels : 10.324 euros

— Préjudice professionnel : 338 324 euros (après réactualisation) et en tout état de cause 204 528 euros

et faisant droit à son appel incident, de la réformer pour le surplus.

Il demande à la cour statuant à nouveau de dire que ses préjudices seront indemnisés comme suit:

— Le déficit fonctionnel temporaire : 1.600 euros

— […] : 30.000 euros

— Le préjudice esthétique temporaire : 3.000 euros

— Le déficit fonctionnel permanent : 7.500 euros

— Le préjudice esthétique permanent : 5.000 euros

— Le préjudice d’agrément : 10.000 euros

et de lui allouer en conséquence la somme totale de 406 238 euros, de déduire la provision déjà allouée pour un montant de 5.000 euros.

Il réclame par ailleurs la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qu’il soit dit que ces sommes seront directement versées par le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions et de condamner ce dernier aux dépens.

M. F B C fait essentiellement valoir que l’auteur des blessures, M. Y, a été identifié et les violences n’ont jamais été contestées de sorte que leur matérialité ne fait l’objet d’aucun doute.

Par conclusions du 25 juin 2019, le ministère public a déclaré s’en rapporter à l’appréciation de la cour.

Par ordonnance du 21 juin 2019, la procédure a été clôturée le 31 octobre 2019 et l’affaire a été fixée à l’audience du 7 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

L’appel formé par le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions ne

porte pas sur le principe de l’indemnisation qui est pleinement reconnu et accepté mais est limité à la liquidation du préjudice, de sorte qu’il y a lieu de confirmer le droit à réparation intégrale des dommages subis par M. F B C.

Sur la réparation des préjudices subis

Cette évaluation sera effectuée sur le fondement du rapport définitif du Docteur X établi le 8 mars 2016 dont les conclusions ne sont pas contestées par les parties, à l’exception des souffrances endurées, du préjudice esthétique permanent et du préjudice d’agrément que la victime estime minimisées par l’expert.

Ce rapport servira en conséquence de base valable pour l’appréciation du préjudice subi par M. F B C mais non exclusive compte tenu de l’ensemble des pièces versées aux débats.

[…]

A. Les préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Les dépenses de santé actuelles

Bien qu’aucune demande ne soit formulée à ce titre, il convient de fixer le préjudice de M. F B C à la somme de 41 349,54 euros correspondant aux frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques et d’appareillages engagés par la Caisse primaire d’assurance maladie des Hautes-Alpes, en lien avec l’agression du 20 octobre 2013, conformément à l’état définitif de ses débours produit le 13 septembre 2016.

La perte de gains professionnels actuels

Ce poste de préjudice est destiné à compenser le coût économique du dommage pour la victime et correspond à la perte de salaires subis du chef de l’inactivité imposée par l’accident.

L’expert conclut dans son rapport que l’arrêt des activités professionnelles de M. F B C a été total du 20 octobre 2013, date des faits litigieux, au 24 novembre 2013, sans prolongation documentée.

Pour démontrer le montant de sa perte de gains professionnels actuels durant l’arrêt de travail médicalement justifié par l’accident mais également jusqu’à sa consolidation, M. F B C, employé agricole au moment des faits, fournit des attestations de proches lesquels soulignent son état de santé affaibli et son impossibilité de travailler.

Or, si M. F B C estime que le premier juge a « pallié la carence » de l’expert en jugeant que « les attestations de Mesdames Z et A confirment qu’à la suite des faits le requérant était très affaibli » et « qu’au vu de ces éléments, il est certain que le requérant a été contraint d’arrêter totalement de travailler dans le secteur agricole jusqu’à la date de consolidation », aucun document probant tel que des arrêts de travail complémentaires, des bulletins de salaire, des relevés d’indemnité journalières ou des documents fiscaux des années concernées ne permettent à la cour d’apprécier la réalité des allégations de la victime.

La cour relève au surplus que l’organisme social dont dépend M. B C n’a eu aucun débours le concernant et que la victime affirme elle-même n’avoir pas pu reprendre son travail agricole en raison de la vente de son matériel pour faire face à des problèmes financiers, totalement étrangers aux faits d’espèce.

L’arrêt des activités professionnelles postérieur au 24 novembre 2013 dont fait état M. F B

C ne saurait dans ces conditions présenter de lien direct et certain avec les faits dont il a été victime le 20 octobre 2013, d’autant qu’il a cherché à se « reconvertir » en qualité de serveur les mois de décembre 2013 et janvier 2014, soit quelques jours seulement après la fin de son arrêt de travail initial.

Dans ces conditions, le jugement sera réformé sur le quantum alloué à M. F B C en réparation de sa perte de gains professionnels actuels, qui sera évaluée à la somme de 1 583 euros, correspondant à sa perte de revenus mensuels nette pour le mois d’arrêt de travail consécutif à l’agression.

Les frais divers

Il s’agit des frais exposés en rapport avec l’accident non inclus dans les dépenses de santé mais également de toutes les dépenses liées à la réduction d’autonomie entre le dommage et la consolidation.

Les parties ne sollicitant pas de réformation sur ce point, le jugement sera confirmé en qu’il a alloué à M. F B C la somme de 510 euros en réparation des frais divers, au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation.

B. Les préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

La perte de gains professionnels futurs

Ce poste de préjudice vise à l’indemnisation de la perte ou de la diminution des revenus consécutive à l’incapacité permanente à compter de la date de consolidation.

M. F B C indique avoir subi une perte partielle d’emploi en raison de ses blessures, laquelle est à l’origine d’une diminution de ses revenus.

En raison de son accident et des séquelles qu’il conserve, M. F B C précise avoir obtenu la qualité de travailleur handicapé le 13 janvier 2015.

Il indique avoir retrouvé depuis 2015 une activité dans le secteur agricole limitée à des travaux ne nécessitant ni des mouvements importants du tronc ni le port de charges lourdes, après une tentative de reconversion infructueuse.

Le premier juge, suivant ce raisonnement, a évalué la perte de gains professionnels futurs de la victime à la somme de 1 000 euros par mois durant toute sa vie professionnelle, soit 12 000 euros par an, qui, multipliée à l’euro de rente proposée par M. B C, aboutit à la somme de 204 528 euros en capital.

Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions conteste cette évaluation et affirme qu’il n’existe aucune perte de gains professionnels futurs, M. F B C conservant 95% de ses capacités fonctionnelles.

Il souligne qu’il n’est pas établi que la reconnaissance de travailleur handicapté soit imputable aux faits et que la commission d’indemnisation des victimes d’infractions a indemnisé ce poste de préjudice en l’absence de tout justificatif.

Le préjudice devant être certain et la réparation intégrale du préjudice excluant toute indemnisation au-delà du préjudice réellement subi, la Cour de cassation admet de manière constante que soit prise en compte pour le calcul de la perte de gains professionnels futurs la capacité subsistante de la victime à exercer une activité professionnelle.

Il s’agit donc ici d’indemniser une perte de gains effective et certaine en lien avec l’accident et non une perte de chance.

En l’espèce, l’expert X, nonobstant le déficit fonctionnel permanent de 5% de la victime, conclut à une pénibilisation des tâches en raison de la dolorisation des mouvements du tronc insuffisante à contre-indiquer toute activité dans le domaine agricole.

M. B C ne produit aucun élément permettant à la cour de considérer que la perte de revenus qu’il déplore, au demeurant non contestée, est en lien direct et certain avec l’agression dont il a été victime.

Il sera ainsi débouté de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs et la décision de première instance sera en conséquence infirmée de ce chef.

L’incidence professionnelle

Ce poste de préjudice correspond aux séquelles limitant les possibilités professionnelles ou rendant l’activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible.

Cette incidence professionnelle a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l’ obligation de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

L’expert a pu relever qu’il existait chez M. F B C une incidence professionnelle, même si la victime a pu reprendre une activité agricole.

Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, s’il ne conteste pas l’incidence professionnelle subie par M. F B C compte tenu de la gêne ressentie dans son activité, réclame toutefois qu’elle soit évaluée à la somme de 10 000 euros.

M. F B C fait quant à lui valoir qu’il a été privé de sa force de travail et qu’il subit ainsi une dévalorisation sur le marché du travail, outre une pénibilité des tâches, justement indemnisées par le premier juge à hauteur de 204 528 euros.

C’est par de pertinents motifs adoptés par la cour que le tribunal a jugé que l’accident a généré d’importantes conséquences sur la vie professionnelle de M. F B C, ouvrier peu qualifié sans possibilité de reconversion professionnelle et que sa dévalorisation sur le marché du travail, corrélée à une diminution de ses droits à la retraite, lui crééait un préjudice indemnisable.

La décision déférée sera néanmoins infirmée quant au montant alloué, qu’il y a lieu d’apprécier au regard des éléments ci-dessus développés à la somme de 50 000 euros.

[…]

A. Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Le déficit fonctionnel temporaire

Il s’agit d’indemniser l’indisponibilité temporaire subie par la victime, c’est à dire la perte ou la diminution de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique.

Le Docteur G X décompose ce préjudice en plusieurs périodes :

— un déficit temporaire total du 20 octobre au 3 novembre 2013 (15 jours au total),

— un déficit temporaire partiel à 50% du 4 novembre au 3 décembre 2013 (30 jours au total),

— un déficit temporaire partiel à 30% du 4 décembre 2013 au 4 janvier 2014 (31 jours au total),

— un déficit temporaire partiel à 10% du 5 janvier au 20 mai 2014 (136 jours au total),

Compte tenu de l’importance et de la durée de la gêne occasionnée à la victime, la réparation de ce déficit a justement été évaluée par le premier juge sur la base de 23 euros par jour à la somme de 1 225 euros et le jugement sera confirmé sur ce point.

[…]

Il s’agit de réparer les douleurs physiques et morales endurées par la victime jusqu’à la date de consolidation du fait des blessures subies et des traitements institués, étant précisé que les douleurs chroniques post consolidation sont une composante du déficit fonctionnel permanent.

L’expert X évalue à 3,5/7 les souffrances endurées par M. B C tenant compte du choc initial, de la fracture associée des os propres du nez qui restera sans lendemain, de la contrainte à l’intervention chirurgicale, de la douleur générée par la sternostomie comportant une suture métallique douloureuse au niveau sterno-claviculaire droit, de l’astreinte à la rééducation fonctionnelle et de la douleur morale.

La victime considère toutefois que l’expert n’a pas réellement tenu compte du choc initial ni de la douleur morale, précisant qu’il n’a jamais perdu connaissance lors de l’attaque et qu’il a cru qu’il allait mourir.

Au vu des conclusions expertales, auxquelles s’ajoutent le traumatisme psychologique relatif à la peur de mourir associé à l’engagement du pronostic vital de la victime et aux transfusions sanguines massives, la cour considère que les souffrances endurées par M. F B C ont été sous-évaluées.

Il sera ainsi accordé à la victime la somme de 20 000 euros en réparation de ce poste de préjudice et le jugement sera infirmé sur ce point.

Le préjudice esthétique temporaire

La victime peut subir pendant la maladie traumatique une altération de son apparence physique justifiant une indemnisation.

En l’espèce, le Docteur X relève que la cicatrice de sternotomie à l’origine des mouvements du tronc et d’un parage par vaste pansement est à l’origine d’une atteinte à l’image de soi constituant un préjudice esthétique temporaire chiffré à 1/7 pendant un mois.

M. F B C ajoute que son apparence générale était altérée non seulement en raison de la sternotomie mais également par des drains et des poches de sang pour les transfusions, par le port d’un masque pour la respiration artificielle liée à la détresse respiratoire qu’il a présentée, par les cicatrices et pansements qu’il a gardés plusieurs semaines ainsi que par la fracture du nez, omis par l’expert.

Ces éléments doivent légitimement être pris en compte dans l’indemnisation du préjudice esthétique temporaire de M. F B C et il lui sera alloué la somme de 1 000 euros en réparation de ce poste de préjudice.

Le jugement sera réformé sur ce point.

B. Les préjudices extra-patrimoniaux permanents (post consolidation)

Le déficit fonctionnel permament

Le Docteur Giorgii évalue le taux de déficit fonctionnel permanent de M. F B C, défini comme la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte à son intégrité, à 5% compte tenu de la discrète réduction des mouvements du tronc en regard des cicatrices générées par la sternotomie et par la cicatrice traumatique, sans toutefois prendre en considérant l’aspect psychologique du traumatisme lié à l’agression dont M. F B C a été victime.

Eu égard à l’âge de M. F B C au jour de la consolidation de son état (52 ans) et du taux d’incapacité retenu par l’expert, il lui sera accordé, en réparation de ce dommage, la somme de 7 500 euros qu’il réclame, sur la base d’un point majoré de 1.500 euros tenant compte de son déficit psychologique.

Le jugement sera ainsi réformé de ce chef.

Le préjudice esthétique permanent

La victime peut subir du fait de la maladie traumatique une altération de son apparence physique justifiant une indemnisation.

En l’espèce, le Docteur X évalue ce préjudice à 1,5/7.

M. F B C estime là encore que ce préjudice est sous-évalué pour ne pas tenir compte de l’intégralité des cicatrices, de la déhiscence et de la déformation de l’hémothorac qu’il présente.

Toutefois, au regard des barèmes applicables en la matière, il apparaît que le premier juge a tenu compte de ces éléments pour apprécier l’ampleur du préjudice, majoré par rapport aux sommes habituellement applicables en la matière.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a justement évalué le préjudice esthétique permanent de M. F B C à la somme de 2 000 euros.

Le préjudice d’agrément

Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs.

La nouvelle définition du déficit fonctionnel permanent prend en compte l’indemnisation des douleurs physiques et morales permanentes ainsi que l’indemnisation de la perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d’existence, qui n’ont donc plus lieu d’être indemnisés sous couvert d’un préjudice d’agrément général, à moins que la victime n’apporte la preuve de la pratique d’une activité spécifique antérieure.

Le Docteur X ne conclut pas expressément à un préjudice d’agrément mais relève, aux dires de la victime, que M. F B C a pu reprendre la pratique du VTT en signalant qu’il rencontre une limitation d’efficacité en raison d’un essoufflement pour lequel sont documentés à la

fois une éthylo-tabagisme chronique antérieur ainsi qu’une coronopathie.

Suite à l’infarctus qu’il a subi en juillet 2013, soit 3 mois avant les faits, M. F B C s’est mis à pratiquer le vélo sur les conseils de son médecin.

S’il affirme avoir dû arrêter le vélo à la suite de l’agression,la privation de cette activité de loisir, s’apparentant à un trouble dans les conditions d’existence, a d’ores et déjà été indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. F B C sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice d’agrément autonome.

* * *

En définitive, la réparation du dommage de M. F B C peut être évaluée de la façon suivante :

[…]
Préjudices patrimoniaux temporaires Dépenses de santé actuelles (CPAM)

41 349,54 €

Pertes de gains professionnels actuels

1 583 €

Frais divers

510 €

Préjudices patrimoniaux permanents Pertes de gains professionnels futurs

rejet

Incidence professionnelle

50 000 €

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
Préjudices extra-patrimoniaux temporaires Déficit fonctionnel

1 225 €

Souffrances endurées

20 000 €

Préjudice esthétique temporaire

1 000 €

Préjudices extra-patrimoniaux permanents Déficit fonctionnel permanent

7 500 €

Préjudice esthétique permanent

2 000 €

Préjudice d’agrément

rejet

[…]

83 818 €

Provisions

—  5 000 €

TOTAL

78 818 €

Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions devra ainsi verser à M. F B C la somme de 78 818 euros en réparation des faits dont il a été victime le 20 octobre 2013, déduction faite des provisions déjà versées à hauteur de 5 000 euros, conformément aux dispositions de l’article R.50-24 du code de procédure pénale.

Sur les demandes accessoires

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de M. F B C et il sera débouté de sa demande à ce titre.

Les dépens seront laissés à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré sur la liquidation des préjudices corporels de M. F B C au titre de la perte de gains professionnels actuels, de la perte de gains professionnels futurs, de l’incidence professionnelle, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et du déficit fonctionnel permanent,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe l’indemnisation du préjudice corporel de M. F B C à la somme de 83 818 euros, décomposée comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 41 349,54 euros (CPAM)

— perte de gains professionnels actuels : 1 583 euros

— frais divers : 510 euros

— perte de gains professionnels futurs : rejet

— incidence professionnelle : 50 000 euros

— déficit fonctionnel temporaire : 1 225 euros

— souffrances endurées : 20 000 euros

— préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros

— déficit fonctionnel permament : 7 500 euros

— préjudice esthétique permanent : 2 000 euros

— préjudice d’agrément : rejet

Dit que le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions devra lui verser la somme de 78 818 euros, déduction faite des provisions déjà versées à hauteur de 5 000 euros, conformément aux dispositions de l’article R.50-24 du code de procédure pénale,

Condamne M. F B C à restituer au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions la somme de 184 689 euros correspondant au trop-versé en exécution du jugement déféré,

Y ajoutant,

Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties,

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la Caisse primaire d’assurance maladie,

Déboute M. F B C de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code

de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Arrêt signé par M. BRUYERE, Président et par Mme BOUDJELLOULI, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

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