Cour d'appel de Papeete, 11 décembre 2014, n° 11/00074

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, 11 déc. 2014, n° 11/00074
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 11/00074
Décision précédente : Tribunal de commerce de Papeete, 16 décembre 2010, N° 612;09/00231

Sur les parties

Texte intégral

N° 763

GTL


Copie exécutoire

délivrée à :

— Me Mikou,

le 31.12.2014.

Copie authentique

délivrée à :

— Me H. Auclair,

le 31.12.2014.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 11 décembre 2014

RG 11/00074 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 612, rg 09/00231 du Tribunal mixte de commerce de Papeete en date du 17 décembre 2010 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 15 février 2011 ;

Appelant :

Monsieur Z Y, né le XXX à XXX, directeur de société, demeurant à XXX, XXX – XXX

Représenté par Me Olivier HERRMANN-AUCLAIR, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

La Société KPMG Fidupac, société anonyme d’expertise comptable, inscrite au Rcs de Papeete sous le numéro 1138 B, ayant son siège social Centre Paofai – XXX, prise en la personne de son représentant légal ;

Représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 3 octobre 2014 ;

Composition de la Cour :

Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et la cause a été débattue et plaidée en audience publique du 13 novembre 2014, devant M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, Mme X et Mme B-C, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement ce jour par M. THIBAULT-LAURENT, président, en présence de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, lesquels ont signé la minute.

A R R E T,

FAITS – PROCEDURE – DEMANDES DES PARTIES :

Vu les faits de la cause et la procédure antérieure, exposés aux motifs du jugement entrepris du 17 décembre 2010, auxquels la Cour se réfère expressément ;

Vu la requête d’appel de M. Z Y, visée le 15 février 2011, portant constitution de Me TEFAN, avocat, concernant le jugement rendu le 17 décembre 2010, par lequel le Tribunal mixte de commerce de Papeete, dans une instance en vue d’obtenir une expertise comptable, a :

— rejeté sa demande d’expertise ;

— rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts présentée par la société KPMG FIDUPAC ;

— l’a condamné à verser à la société KPMG FIDUPAC la somme de 200.000 FCFP par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Vu l’assignation devant la Cour d’Appel délivrée le 2 mai 2011 à la requête de M. Z Y à la société anonyme d’expertise comptable KPMG FIDUPAC, portant signification de la requête d’appel ;

Vu la constitution de Me TEFAN, avocat, en date du 9 février 2011, puis la constitution de Me HERRMANN-AUCLAIR, avocat, en date du 1er juin 2011, après déconstitution du premier cité, dans les intérêts de M. Z Y ;

Vu la constitution de Me KRETLY, avocat, en date du 16 juin 2011, pris la constitution de Me MIKOU, en date du 27 septembre 2013, pour le compte de la société KPMG FIDUPAC ;

Vu, en leurs moyens, les conclusions d’appel des parties, aux termes desquelles elles ont respectivement demandé à la Cour :

Monsieur Z Y, appelant, de :

— le dire recevable et bien fondé en son appel ;

— En conséquence,

— réformer le jugement attaqué et :

— à titre principal

. condamner la société KPMG FIDUPAC à lui verser la somme de 20.000.000 FCFP à titre de réparation du préjudice du fait de la mise en oeuvre de la clause de garantie d’actif et de passif due aux manquements de la société KPMG FIDUPAC ;

. condamner la société KPMG FIDUPAC à lui verser la somme de 300.000 FCFP au titre de l’article 407 du code de procédure civile.

— à titre subsidiaire :

. désigner un expert en application des articles 140, 141 et 142 du code de procédure civile afin d’évaluer le préjudice subi par lui ;

La Société KPMG FIDUPAC, intimée :

— dire que la requête d’appel est caduque ;

— dire que la requête d’appel est nulle pour violation du principe de l’éffet dévolutif de l’appel ;

— dire que la société FIDUPAC n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

— En conséquence,

— rejeter l’intégralité des demandes formées par M. Z Y ;

— le condamner au paiement de la somme de 5.000.000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 400.000 FCFP au titre des frais irrépétibles ;

Vu l’ordonnance de clôture du 3 octobre 2014 ;

MOTIFS DE LA DECISION,

Attendu qu’il est rappelé que par acte sous seing privé en date du 30 avril 2007, Z Y a promis de vendre à Vetea LIAUZUN la totalité des actions de la SA PACIFIQUE SUD ACCUMULATEURS (P.S.A ) pour le prix de 81.400.000 FCP, la cession devant être réalisée au plus tard le 11 mai 2007 ;

Que le prix de vente a été calculé sur la base des résultats 2005 de la société P.S.A ;

Que le vendeur a accordé une garantie de passif à hauteur de 30.000.000 FCP, cette garantie devant être éventuellement mise en oeuvre au vu des comptes de l’année 2006, élaborés avec le concours de la société d’expertise comptable KPMG FIDUPAC ;

Attendu que l’ordre de mouvement des titres a été signé le 12 juin 2007 ;

Que le même jour, le commissaire aux comptes de la société P.S.A a émis des réserves sur les comptes 2006 soumis à son examen sur les points suivants :

— Risque de non-recouvrement de la créance contre la société E.M. G.T en redressement judiciaire ;

— Prise en compte d’une facture adressée en 2006 à la SETIL alors que la marchandise n’était pas sortie du stock ;

— Incertitudes sur la valorisation du stock.

Qu’apparemment (aucun document n’est versé aux débats), l’acquéreur a mis en oeuvre la garantie de passif au cours de l’année 2008 en s’appuyant sur les réserves émises par le commissaire aux comptes ;

Attendu que, suivant acte en date du 24 juin 2009, Z Y a assigné la société KPMG FIDUPAC afin qu’une expertise comptable soit mise en oeuvre, l’expeirt ayant notamment pour mission de :

— Préciser les manquements de la société KPMG FIDUPAC dans sa mission d’expertise comptable à l’occasion de l’établissement des comptes de l’exercice 2006 de la société P.S.A ;

— Incidence de ces manquements sur la mise en oeuvre de la clause de garantie de passif ;

— Evaluer le montant du préjudice subi par Monsieur Y ;

Qu’à l’appui de sa demande d’expertise Z Y expose qu’il a chargé la société KPMG FIDUPAC d’établir le bilan de la société P.S.A à la fin de l’exercice 2006 ; que ce bilan revêtait une importance particulièrement importante puisque le jeu de la garantie de passif dépendait des résultats constatés ;

Qu’il précisait que la société KPMG FIDUPAC avait commis des erreurs comptables puisqu’elle avait omis de constater des provisions pour risques ou créances douteuses et puisqu’elle avait pris en compte une facture non réglée au cours de l’exercice ; que ces erreurs ont affecté le compte de charges à hauteur de la somme de 20.719.536 FCP et avaient entraîné la mise en jeu de la garantie de passif à hauteur dela somme de 20.000.000 FCP ;

Qu’il estimait, en conséquence, que la responsabilité de la société KPMG FIDUPAC est engagée à son égard ;

Sur la caducité de l’appel formé par M. Y :

Attendu qu''in limine litis’ la société intimée entend se prévaloir de la caducité de la requête d’appel, en se fondant sur les textes suivants :

L’article 333 du code de procédure civile de la Polynésie française dispose que :

'Sauf disposition contraire édictée par la présente loi pour certaines matières, et sous réserves des dispositions de la présente partie, la procédure d’appel est la même que la procédure de première instance'.

Que, par ailleurs, l’article 334 du même code dispose que :

'Sous réserve des dispositions de l’article 332 ci-dessus, l’appel est formé par une requête déposée par avocat au greffe, enregistrée et communiquée, selon les dispositions des articles 17 à 31" ;

Que, l’article 21 du même code dispose que :

'L’original de la requête accompagné d’autant de copies que de défendeurs ou bien l’original de la requête avec l’assignation, est déposé au greffe de la juridiction compétente au plus tard dix jours avant l’audience’ ;

Que, pour mémoire, l’alinéa 4 de l’article 21 disposait que 'l’absence de dépôt des requêtes et d’assignation dans le délai de dix jours susvisé entraîne de plein droit leur caducité, sauf si le demandeur justifie que le non-respect du délai provient d’une cause qui lui est étrangère'. (alinéa supprimé par l’article 10 de la Délibération n° 2009-73 APF) ;

Attendu que la société intimée soutient fort justement que si la caducité de la requête n’est plus acquise de plein droit en cas d’absence de dépôt de la requête et de l’assignation dans le délai de dix jours avant l’audience, il n’en demeure pas moins que le dépôt tardif de la requête et de l’assignation demeure une cause de nullité, aux termes de l’article 43 du code de procédure civile de la Polynésie française, si l’irrégularité a porté une atteinte certaine aux intérêts de la partie qui les invoque ;

Attendu qu’en l’espèce, l’irrégularité, à savoir la délivrance de l’assignation plus de dix jours après la date de la première audience, ne porte pas atteinte aux intérêts de la société KPMG FIDUPAC, puisque l’absence de dépôt de conclusions à l’audience du 15 avril 2011 par elle n’est pas sanctionnée par une déchéance ou une forclusion ;

Attendu qu’il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de prononcer la nullité de la procédure initiée par M. Y en raison du dépôt tardif de la requête et de l’assignation ;

Sur l’effet dévolutif de l’appel :

Attendu qu’aux termes du code de procédure civile de la Polynésie française, l’appel a un effet dévolutif ; que l’article 346 du code susvisé dispose que 'L’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit’ ;

Attendu qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour de Cassation que le principe de l’effet dévolutif fait obstacle à ce que le demandeur introduise un chef de demande en appel qui n’avait pas été soumis aux premiers juges ;

Attendu que, dans le cadre du recours introduit devant le Tribunal, M. Y avait sollicité, à titre principal, la désignation d’un expert ; que dans le cadre de sa requête d’appel il sollicite, cette fois, à titre principal, la condamnation de la société FIDUPAC à lui verser la somme de 20.000.000 FCFP à titre de réparation du préjudice subi par lui du fait de la mise en oeuvre de la garantie de passif due selon lui aux prétendus manquements de la société FIDUPAC ;

Attendu que la requête d’appel formée par M. Y est donc contraire au principe de l’effet dévolutif de l’appel puisqu’il a modifié les demandes initialement présentées devant le Tribunal mixte de commerce ;

Attendu qu’au demeurant c’est pour la première fois devant la Cour que M. Y sollicite la condamnation de la société FIDUPAC à réparation du préjudice qu’il aurait subi dans le cadre de la mise en oeuvre de la garantie de passif, que cette demande est nouvelle au sens de l’article 349 du code de procédure civile précité pour avoir été présentée pour la première fois devant la Cour et ne peut être considérée comme connexe à la demande principale d’expertise ;

Attendu qu’il s’ensuit que cette demande est irrecevable en cause d’appel en ce qu’elle porte atteinte au principe du double degré de juridiction ; que la Cour n’est régulièrement saisie en appel que de la demande d’expertise, seule soumise aux premiers juges ;

Sur la demande d’expertise :

Attendu que c’est à juste titre, et par des motifs pertinents, exacts et suffisants exempts de toute erreur de Droit que la Cour s’approprie et qui seront ci-après reproduits que, les premiers juges ont rejeté la demande d’expertise présentée par M. Z Y ;

Attendu, en effet, que :

'Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 85 du Code de procédure civile en aucun cas, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.

En l’espèce, Z Y sollicite, à titre principal, la mise en oeuvre d’une mesure d’expertise et s’en remet à l’expert pour la détermination des fautes susceptibles d’avoir été commises par le défendeur et pour l’évaluation de son préjudice.

Une telle manière de procéder contrevient directement à la règle de preuve susmentionnée.

Le demandeur aurait dû, dans un premier temps, faire constater par le tribunal la responsabilité de son adversaire et, dans un second temps, réclamer, éventuellement à dire d’expert, l’indemnisation de son préjudice.

En aucune manière il ne peut, devant le juge du fond, éluder la phase procédurale afférente à la démonstration par ses soins de l’existence à son profit d’un principe de créance à l’encontre de son adversaire.

Or, force est de constater, au vu des pièces versées aux débats, que la responsabilité de la société KPMG FIDUPAC envers Z Y est loin d’être acquise . En effet :

— D’une part, Z Y fait mention de la mise en jeu, par le cessionnaire des actions, de la garantie de passif mais ne produit aux débats aucun document permettant de justifier du versement par ses soins d’une quelconque indemnité.

— D’autre part, il ne justifie d’aucun manquement caractérisé de son expert comptable aux règles de la comptabilité, se contentant de faire référence aux réserves émises par le commissaire aux comptes à l’occasion de l’établissement du bilan de l’année 2006 . Or, la mise en oeuvre de réserves par le commissaire aux comptes ne permet en aucune manière de considérer que l’expert comptable, en charge de l’établissement des comptes, a commis de manière certaine une faute, cela d’autant moins qu’en l’espèce le commissaire aux comptes a accepté de certifier les comptes après avoir noté qu’ils étaient réguliers et sincères et qu’ils donnaient une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice.

La preuve d’une faute commise par l’expert comptable est d’autant moins établie qu’en sa qualité de président du conseil d’administration de la société P.S.A Z Y a, le 9 mai 2007, arrêté les comptes de l’année 2006 sans faire la moindre réserve sur la méthode d’élaboration et sur la sincérité desdits comptes.

— Enfin et surtout, aucun lien de causalité n’est établi entre la faute supposée (manquement à l’orthodoxie comptable) et le préjudice allégué (mise en jeu de la garantie de passif) tant il est vrai que la prétendue régularisation comptable à effectuer au titre du bilan de 2006 ne porte que sur des charges . Or, l’augmentation du poste charges a mécaniquement pour conséquence d’entraîner la mise en jeu de la garantie de passif selon les termes de la promesse synallagmatique de cession d’actions signée par les parties.

En d’autres termes, la mise en jeu de la garantie de passif n’est pas, a priori, la conséquence d’une faute de l’expert comptable mais des mauvais résultats de l’entreprise au cours de l’exercice 2006. Que le compte charges ait été modifié au moment de l’établissement du bilan ou après le travail du commissaire aux comptes ne change rien au fait que le mauvais résultat obtenu au titre de l’année 2006 rendait inéluctable la mise en jeu de la garantie de passif.

A supposer que des erreurs comptables aient été commises elles n’ont eu pour effet que de retarder la mise en jeu de la garantie de passif et non de la provoquer.'

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de la société FIDUPAC :

Attendu que c’est très exactement que les premiers juges ont considéré que la preuve de la mauvaise foi ou la volonté de nuire de M. Y n’était pas rapportée et que la demande reconventionnelle d’allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive devait être rejetée ;

Attendu que la société FIDUPAC n’apporte pas plus en cause d’appel la preuve d’un acte de malice de la part de M. Y ;

Attendu qu’il s’ensuit que la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande reconventionnelle ;

Sur l’application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française :

Attendu que l’équité commande d’allouer à la société FIDUPAC la somme de 300.000 FCFP par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française pour les frais non compris dans les dépens engagés en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

DECLARE Monsieur Z Y recevable mais mal fondé en son appel ;

DECLARE irrecevable la demande nouvelle formée en cause d’appel par M. Z Y tendant à la condamnation de la société FIDUPAC à lui verser la somme de 20.000.000 FCFP en réparation du préjudice prétendument subi par lui dans le cadre de la mise en jeu de la garantie de passif ;

EN CONSEQUENCE,

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. Z Y à payer à la société KPMG FIDUPAC la somme de 300.000 FCFP par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

CONDAMNE le même aux entiers dépens.

Prononcé à Papeete, le 11 décembre 2014.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. THIBAULT-LAURENT

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