Cour d'appel de Papeete, 1er octobre 2015, n° 11/00713

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, 1er oct. 2015, n° 11/00713
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 11/00713
Décision précédente : Tribunal de commerce de Papeete, 13 octobre 2011, N° 378;2008000460

Sur les parties

Texte intégral

N° 526

RB


Copie exécutoire

délivrée à :

— Me Millet,

le 06.10.2015.

Copies authentiques délivrées à :

— Me Bourion,

— Me Quinquis,

le 06.10.2015.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 1 octobre 2015

RG 11/00713 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 378, rg n° 2008 000460 du Tribunal mixte de commerce de Papeete en date du 14 octobre 2011 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 29 décembre 2011 ;

Appelante :

La Sarl Tepoeani Promotion, inscrite au registre du commerce sous le numéro 07 162 B, n° Tahiti 824 912, dont le siège social est sis à XXX, par son gérant en exercice domicilié audit siège ;

Représentée par Me Dominique BOURION, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

La Sarl Sotap, venant aux droits de la Sarl RT X et Fils, inscrite au registre du commerce sous le numéro 2037-B, n° Tahiti 248 690, dont le siège social est sis à la zone industrielle de la Punaruu, XXX – XXX, par son gérant en exercice domicilié audit siège ;

Représentée par Me Thibaud MILLET, avocat au barreau de Papeete ;

Monsieur Z Y, né le XXX à XXX, gérant de société, demeurant à XXX, XXX, XXX – XXX

Représenté par François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 22 mai 2015 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 11 juin 2015, devant M. VOUAUX-MASSEL, premier président, M. BLASER, président de chambre et Mme TEHEIURA, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme B-C ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement ce jour par M. VOUAUX-MASSEL, président, en présence de Mme B-C, greffier, lesquels ont signé la minute.

A R R E T,

FAITS ET PROCEDURE :

Par requête du 26 septembre 2008, la SARL RT X ET FILS (SARL X) a demandé au tribunal de première instance de condamner solidairement la SARL TEPOEANI PROMOTION (SARL TEPOEANI) et M. Z Y à lui payer la somme de 7 403 813 FCP correspondant aux mensualités non réglées des mois de mars, avril et mai 2008 pour la location d’engins de chantier avec chauffeur.

La SARL TEPOEANI et M. Z Y ont chacun contesté être débiteur de la SARL X, en se fondant sur un compromis de vente intervenu entre eux le 12 avril 2008, par lequel M. Y avait vendu, sous condition suspensive, la parcelle de terrain sur laquelle les travaux avaient été réalisés à la SARL TEPOEANI dont il avait assuré la gérance jusqu’au 3 avril 2008.

Par jugement du 14 octobre 2011, le tribunal a :

— condamné M. Z Y à payer à la SARL X la somme de 7 403 813 FCP majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 juin 2008 ;

— condamné la SARL TEPOEANI à payer à la SARL X la somme de 500 000 FCP à titre de dommages intérêts ;

— ordonné l’exécution provisoire des condamnations ;

— débouté les parties de leurs autres demandes ;

— condamné M. Z Y à payer à la SARL X la somme de 150 000 FCP en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal a jugé, par interprétation du compromis de vente, que la commune intention des parties était de laisser à la charge de M. Z Y, propriétaire du terrain sur lequel les travaux avaient été effectués, les frais occasionnés par ceux-ci. Il a motivé la condamnation de la SARL TEPOEANI à des dommages intérêts par l’incident qu’elle avait provoqué au moment de la mise en état, en demandant à la SARL X de produire le compromis de vente qu’elle avait nécessairement en sa possession puisqu’elle en était signataire.

Par requête enregistrée le 29 décembre 2011 au greffe de la cour, la SARL TEPOEANI a interjeté appel de ce jugement. Par délibération du 2 janvier 2012, la SARL X a été dissoute avec transmission universelle du patrimoine à de la SARL SOTAP qui est intervenue aux droits de la société dissoute. Par conclusions du 10 mai 2013, M. Z Y a interjeté appel incident.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES DEVANT LA COUR :

1) la SARL TEPOEANI limite son appel aux dispositions du jugement qui l’ont condamnée à payer la somme de 500 000 FCP à titre de dommages intérêts à la SARL X et qui ne lui ont pas alloué de frais irrépétibles.

Elle soutient qu’en application des articles 18 et 21 du code de procédure civile de la Polynésie française, il appartenait au demandeur au procès, la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X, de verser aux débats ses moyens de preuve ; que l’incident n’était pas dilatoire puisqu’elle avait conclu au fond dès le 30 avril 2009 ; que le tribunal a statué ultra petita puisque la SARL SOTAP ne demandait que 200 000 FCP de dommages intérêts ; que la SARL SOTAP ne démontre pas l’existence d’un dommage.

Elle demande en conséquence à la cour de dire qu’elle n’est redevable d’aucune somme à l’égard de la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X, et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 350 000 FCP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française comprenant les frais irrépétibles de première instance et d’appel, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

2) la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X demande la confirmation du jugement du 14 octobre 2011 en toutes ses dispositions et la condamnation de la SARL TEPOEANI à lui payer la somme de 200 000 FCP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Elle soutient que la SARL TEPOEANI a demandé pendant près d’un an la communication d’une pièce qu’elle possédait nécessairement puisqu’elle était partie à l’acte ; que cette attitude dilatoire constitue un abus de droit justifiant la condamnation prononcée ; qu’elle subit un préjudice résultant du retard dans le paiement des sommes obtenues et des frais irrépétibles importants.

Elle conteste l’appel incident de M. Z Y en soulevant une fin de non recevoir, le jugement du 14 octobre 2011 étant passé en force de chose jugée à l’expiration du délai de deux mois qui a suivi la signification du 28 octobre 2011 fait à sa personne. Elle soutient qu’il s’agit non d’un appel incident réservé aux intimés, mais d’un appel provoqué, irrecevable en ce qu’il n’a aucun lien de connexité avec l’appel principal « fût-ce de façon médiate ».

Elle demande en conséquence qu’il soit fait droit à sa fin de non recevoir pour chose jugée et que M. Z Y soit condamné à lui payer la somme de 300 000 FCP sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

3) M. Z Y demande à la cour de déclarer son appel recevable, d’infirmer les dispositions du jugement qui l’ont condamné à payer la somme de 7 403 813 FCP, de dire qu’il n’a pas la qualité de débiteur de la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X, de débouter cette dernière de ses demandes à son encontre et de la condamner à lui payer la somme de 200 000 FCP au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens dont distraction d’usage.

Il soutient que le délai de deux mois de l’article 909 du code de procédure civile métropolitain n’est pas applicable en Polynésie française ; que les articles 328 et 329 du code de procédure civile de la Polynésie française autorisent l’appel provoqué après forclusion du délai de l’appel principal ; qu’il n’est nullement exigé une connexité entre l’appel principal et l’appel provoqué mais seulement un lien juridique entre les parties qui résulte du litige de nature contractuelle.

Sur le fond, il soutient que le compromis de vente avec la SARL TEPOEANI n’est pas opposable à la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X, tiers au contrat ; que cette dernière a désigné dans sa requête la SARL TEPOEANI comme sa débitrice, celle-ci ayant d’ailleurs accepté une traite pour paiement des locations au titre de mars 2008 ; qu’il n’a signé certains bons de commande qu’en sa qualité de gérant de la SARL TEPOEANI, qualité qu’il a perdue à compter du 3 avril 2008 ; que sa qualité de propriétaire de l’assiette foncière sur laquelle les travaux ont été effectués est indifférente à la solution du litige.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l’appel provoqué de M. Z Y :

L’appel principal de la SARL TEPOEANI ne porte que sur les dispositions du jugement qui l’ont condamnée à payer la somme de 500 000 FCP à titre de dommages intérêts à la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X et qui ne lui ont pas alloué de frais irrépétibles. La SARL SOTAP n’a pas interjeté appel incident. Elle demande le rejet des prétentions de l’appelante, la confirmation du jugement et la condamnation de l’appelante au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française en appel.

L’appelante et l’intimée ont donc limité la saisine de la cour aux dispositions du jugement relatives à l’incident de procédure qui a entraîné la condamnation de la SARL TEPOEANI à des dommages intérêts en première instance, ainsi qu’à l’application de l’article 407 en première instance et en appel.

L’appel provoqué de M. Z Y, qui n’était pas intimé, interjeté par conclusions du 10 mai 2013, alors qu’il est établi que le jugement lui avait été signifié à la demande de la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X le 28 octobre 2011, est irrecevable en ce qu’il est sans lien avec l’objet du litige dévolu à la cour puisqu’il porte non sur l’allocation de dommages intérêts mais sur sa condamnation à payer à la SARL SOTAP la somme de 7 403 813 FCP.

Si, en application de l’article 329 du code de procédure civile de la Polynésie française, « tout appel provoqué par l’appel principal est recevable de même en tout état de cause », c’est précisément à la condition qu’il existe un lien suffisant entre les deux appels. En l’espèce, ce lien n’existe pas puisque l’appel principal ne portait que sur des dispositions du jugement sans rapport avec la condamnation de M. Z Y.

Il appartenait à ce dernier d’interjeter appel, non dans le délai de deux mois prévu par l’article 909 du code de procédure civile métropolitain pour les appels incidents, cette disposition étant inapplicable en Polynésie française, mais dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement ouvert par les articles 336 et 337 du code de procédure civile de la Polynésie française, éventuellement augmenté à raison des délais de distance déterminés par l’article 24 du même code.

Sur les dommages intérêts alloués à la SARL SOTAP :

Au cours de la procédure de mise en état devant le tribunal, la SARL TEPOEANI a, par conclusions du 27 novembre 2009, soit un an après la requête introductive d’instance, demandé qu’il soit fait injonction à la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X de produire l’intégralité du compromis de vente conclu par acte authentique des 11 et 12 avril 2008 entre M. Z Y et la SARL TEPOEANI.

Après plusieurs échanges de conclusions, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 28 mai 2010, rejeté la demande de production de pièce présentée par la SARL TEPOEANI et il a fait injonction à celle-ci et à M. Z Y de produire aux débats le compromis de vente signé par eux le 12 avril 2008. Il a rejeté, en l’état de la procédure, la demande reconventionnelle de la SARL SOTAP tendant à faire sanctionner l’abus de droit commis par la SARL TEPOEANI par l’allocation de dommages intérêts ainsi que sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le tribunal a pour sa part considéré que l’incident provoqué par la SARL TEPOEANI constituait un abus de droit, la pièce demandée étant en sa possession puisqu’elle l’avait communiquée sur injonction du juge de la mise en état, et que le délai inutile imposé par le règlement de cet incident lui était imputable et devait donner lieu à réparation.

Si, en application de l’article 72 du code de procédure civile de la Polynésie française, une partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer spontanément, la SARL SOTAP a exposé sans être démentie qu’elle ne disposait que d’un extrait du compromis de vente qui lui avait été adressée, par télécopie du 23 juin 2008, par M. Z Y pour justifier de l’existence de ce compromis.

Dès lors, la SARL TEPOEANI ne pouvait, au prétexte des dispositions des articles 18 et 21 du code de procédure civile de la Polynésie française qui imposent au requérant de fournir les pièces visées dans la requête, soulever un incident de ce chef alors qu’elle était partie à l’acte authentique dont elle demandait la production, qu’elle en détenait nécessairement un exemplaire et qu’elle ne pouvait ignorer les dispositions de l’article 77 du code de procédure civile de la Polynésie française qui permettent au juge saisi d’en ordonner la production.

Cet incident a différé de plusieurs mois la solution d’un litige dont la SARL TEPOEANI savait qu’il ne pouvait être réglé en l’absence de ce document puisque les deux parties attraites devant la juridiction déniaient chacune leur engagement, et parce que l’article 6 du code de procédure civile de la Polynésie française prescrit au juge de ne retenir dans sa décision que les documents dont les parties ont pu débattre contradictoirement.

Dès lors, la SARL TEPOEANI a manqué au devoir de loyauté imposé aux parties par l’article 10 du Code civil et l’article 4 du code de procédure civile de la Polynésie française, et elle a agi de manière dilatoire. La sanction de cet agissement sera sa condamnation à une amende civile d’un montant de 100 000 FCP, conformément à l’article 1er du code de procédure civile de la Polynésie française.

Il est inexact de soutenir que le jugement a statué ultra petita sur les dommages intérêts alloués à la SARL SOTAP puisque, par conclusions du 21 janvier 2011, celle-ci réclamait le versement d’une indemnité d’un montant de 1 000 000 FCP.

En revanche, la SARL SOTAP ne démontre pas l’existence d’un préjudice né de l’allongement de la procédure qui n’ait pas déjà été réparé par la condamnation assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 juin 2008, qui prend en compte le délai écoulé depuis cette mise en demeure, et qui a désormais force de chose jugée. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur les frais du procès en première instance et en appel :

La solution donnée au litige en appel commande que chaque partie supporte les frais du procès qu’elle a exposés en appel. Chaque partie succombant sur quelque chef de demande, les dépens seront partagés. Les dispositions du jugement qui a statué sur les frais irrépétibles de première instance sont équitables et seront confirmées.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;

Déclare irrecevable l’appel provoqué de M. Z Y ;

Statuant dans les limites de l’appel ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SARL TEPOEANI PROMOTION à payer à la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X la somme de 500 000 FCP à titre de dommages intérêts ;

Statuant à nouveau, condamne la SARL TEPOEANI PROMOTION au paiement d’une amende civile de 100 000 FCP ;

Confirme pour le surplus les dispositions du jugement déférées à la cour ;

Déboute la SARL TEPOEANI PROMOTION et la SARL SOTAP venant aux droits de la SARL X de leurs autres demandes en appel ;

Laisse à la charge de chacune des parties les sommes exposées par elle en appel ;

Partage les dépens à parts égales entre les trois parties en application de l’article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 1 octobre 2015.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. B-C signé : R. VOUAUX-MASSEL

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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