Cour d'appel de Papeete, Chambre des urgences, 19 décembre 2019, n° 19/00389

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, ch. des urgences, 19 déc. 2019, n° 19/00389
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 19/00389
Décision précédente : Tribunal de première instance de Papeete, 29 septembre 2019, N° 229;19/00153
Dispositif : Autre décision avant dire droit

Sur les parties

Texte intégral

536/add

GR

------------

Copie exécutoire

délivrée à :

— Me Michel,

le 27.12.2019.

Copie authentique délivrée à :

— Me Jourdainne,

le 27.12.2019.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 19 décembre 2019

RG 19/00389 ;

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge des Référés n° 229, Rg n° 19/00153 du Tribunal de Première Instance de Papeete du 30 septembre 2019 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 10 novembre 2019 ;

Appelants :

M. Y Z, né le […] à Mamers, de nationalité française, retraité et

Mme J-K Z, née le […] à […], de nationalité française, retraitée, demeurant à […]' actuellement en Polynésie française ;

Représentés par Me Anne-laurence MICHEL, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

M. B A dit X, demeurant à Pahaatea, […] ;

La S.A.M. B.O. Société d’Assurances Mutuelles de Bretagne- Océan, société mutuelle à cotisations amiables régie par le code des assurances, Siren n° 327 136 743 dont le siège social est sis […], poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ;

Représenté par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete et Me Benoit DROUAN, avocat au barreau de Brest ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 21 novembre 2019, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, Mmes SZKLARZ et TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la Cour d’Appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Faits, procédure et demandes des parties :

Y et J-K Z ont demandé en référé le 5 juin 2019 une provision et une mesure d’expertise suite à un abordage survenu le 24 avril 2018 entre leur voilier Vahini Twin et le bonitier Heetai IV appartenant à B A assuré par la Compagnie SAMBO.

Par ordonnance du 30 septembre 2019, le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete a :

Dit n’y avoir lieu à référé ;

Renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

Condamné les époux Z aux dépens ;

Rejeté toute autre demande.

Y et J-K Z en ont relevé appel par requête enregistrée au greffe le 10 novembre 2019. Ils ont été autorisés à assigner à bref délai.

Il est demandé :

1° par Y et J-K Z, appelants, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 3 décembre 2019, de :

Dire et juger recevable et bien fondé l’appel à la cause de M. B A, propriétaire du bonitier «Heetai IV» ;

Dire et juger que l’expertise amiable contradictoire a conclu à des fautes exclusives du bonitier «Heetai IV», défaut de veille visuelle et non-respect des règles de barre du Règlement International pour Prévenir les Abordages de Mer (RIPAM) et qu’il a fixé contradictoirement un montant

provisoire des dommages ;

Par voie de conséquence,

Infirmer l’ordonnance du 30 septembre 2019 et statuant à nouveau,

Dire et juger que les conclusions expertales, co-signées des parties, établissent l’absence de contestation sérieuse ;

Dire et juger que le bonitier «Heetai IV» est seul responsable de l’abordage survenu avec le catamaran «Vahiti Twin» ;

Débouter la Société SAMBO et Monsieur A de leur demande subsidiaire d’expertise ;

condamner in solidum la Société SAMBO et M. B A à payer aux époux Z la somme de 6.358.083 FCP à titre de provision ;

Pour le surplus,

Dire et juger que les réserves émises par les experts justifient la désignation d’un expert judiciaire ;

Désigner un expert spécialisé dans la construction navale et navigation de plaisance ;

Lui donner pour mission de :

faire procéder au démontage des superstructures en composite présentant des fissurations et notamment au niveau du pied de mât et de la nacelle et décrire l’état des avaries constatées et en chiffrer le coût de remise en état ;

faire procéder au démontage du mât du catamaran «Vahini Twin» et décrire l’état d’avaries constatées aux cadènes et en chiffrer le coût de remise en état ;

dire si d’autres avaries sont découvertes, ayant un lien direct avec l’abordage du 24 avril 2018 et en chiffrer le coût de remise en état ;

chiffrer l’ensemble du préjudice subi par le propriétaire du «Vahini Twin», en sus du devis précité de 6.358.083 FCP ;

condamner in solidum la Société SAMBO et M. B A à réparer l’entier préjudice des époux Z et à leur payer la somme qui sera chiffrée par expertise judiciaire ;

condamner solidairement la Société SAMBO et M. B A au paiement de la somme de 220.000 FCP au titre des frais irrépétibles, et les condamner dans les mêmes termes aux entiers dépens, y incluant les frais d’expertise à intervenir ;

2° par la Société d 'Assurances Mutuelles Bretagne-Océan (SAMBO) et B A, intimés, dans leurs conclusions visées le 27 novembre 2019, de :

À titre principal,

Constater que les responsabilités au titre de l’abordage objet du présent litige sont contestées et ne pourront pas être établies avec certitude ;

Dire que la demande de provision formulée par les demandeurs se heurte à de nombreuses

contestations sérieuses ;

En conséquence, confirmer l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

Débouter M. et Mme Z de leur demande d’expertise judiciaire dès lors que celle-ci ne présente plus d’utilité plus d’un an et demi après les faits ;

Débouter M. et C Z de leurs demandes, fins et conclusions contraires ;

À titre subsidiaire,

Adjoindre les chefs de mission suivants à la mission de l’expert judiciaire :

Entendre les parties ;

Décrire la situation d’abordage au regard des déclarations des parties, et la qualifier au regard du RIPAM ;

Donner son avis sur les responsabilités à l’appui d’éléments probants ;

Visiter le navire ;

Déterminer son état d’entretien avant l’abordage ;

Réduire la provision en de notables proportions au regard de la faiblesse des éléments du dossier ;

En tout état de cause,

Condamner M. et Mme Z à verser une indemnité de 2.000 € à la SAMBO et à M. A au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, ainsi qu’aux entiers dépens.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

Motifs de la décision :

L’appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n’est pas discutée.

Les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause. Tel est le cas en l’espèce à l’égard de B A en qualité de propriétaire du navire Heetai IV.

S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.

Les circonstances et les conséquences matérielles du sinistre en cause sont décrites :

— dans une déclaration d’abordage faite par Y Z le 2 mai 2018 ;

— dans une déclaration à son assureur faite par B A le 28 avril 2018 ;

— dans un constat de gendarmerie du 30 avril 2018 ;

— dans un procès-verbal de constatations du 14 août 2018 établi contradictoirement par les experts des assureurs du Vahini Twin (M. D E) et du Heetai IV (M. F G).

Ce rapport a chiffré au montant de 6 358 083 FCP la réparation des dommages subis par le Vahini Twin (coque, poutre transversale, manutention et stockage, remplacement d’amures, réparations conservatoires et gasoil pour convoyage). Le sinistre s’est produit à Taiohae (Marquises), le chantier naval le plus proche est à Tahiti.

L’urgence n’est pas une condition de mise en 'uvre d’un référé- expertise. Il est nécessaire et suffisant que la mesure d’instruction permette d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Tel est le cas de l’évaluation des dommages supplémentaires éventuels pour lesquels les experts des assureurs ont formulé des réserves :

— état des superstructures en composite présentant des fissurations notamment au niveau du pied de mât et de la nacelle ;

— état de la poutre de compression qui a subi un choc mais qui ne présentait pas de dommage apparent ;

— état des points d’ancrage qui ne pouvaient être inspectés sans démontage.

Il sera par conséquent fait droit dans cette mesure à la demande d’expertise, aux frais avancés des appelants. Compte tenu du temps écoulé depuis le sinistre et de la documentation détaillée dont celui-ci a fait l’objet, il n’est pas établi qu’il soit nécessaire d’étendre la mesure d’instruction aux circonstances de l’abordage et à la recherche de l’établissement des responsabilités.

Le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans le cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable.

Dans leur rapport précité, les experts E et G ont conclu :

— Nous retenons comme hypothèse que le navire «Vahini Twin» était navire à voile, sans propulsion mécanique, lors de l’événement de mer (confirmation par 2 témoignages externes, analyse de la trace GPS). Il est à noter que B A, dans son rapport de mer, émet des réserves quant au mode de propulsion principal du catamaran qui pour lui avait le seul génois déroulé à moitié.

— Le navire de type bonitier «Heetai IV» était navire à propulsion mécanique au moment de l’abordage et à ce titre navire non privilégié (règle 18 RIPAM -règlement international pour prévenir les abordages en mer).

— Le navire à voile «Vahini Twin» peut être considéré comme navire à voile au moment de l’abordage et ce malgré le démarrage d’un moteur de propulsion 20 secondes avant l’abordage et sa route sur bâbord, destiné à prévenir l’abordage (Règle 17b – RIPAM).

— Le navire privilégié «Vahini Twin», a maintenu son cap et sa vitesse dès lors qu’il avait en visuel le bonitier «Heetai IV» (rapport de mer M. Z, trace GPS, règle 17i du RIPAM).

— Il n’est pas démontré qu’il y ait eu une veille visuelle et auditive permanente par l’équipage du bonitier (règle 5 ' RIPAM).

— Le navire à voile «Vahini Twin» était privilégié sur le bonitier «Heetai IV» qui aurait dû s’écarter de la route du voilier (règle 18 – RIPAM).

Les experts sont parvenus à ces conclusions d’après les rapports établis par les capitaines des deux navires et les données de navigation annexées. La contestation élevée par la Compagnie SAMBO et par B A tient à ce que : le bonitier était en action de pêche au moment de l’abordage ; le catamaran aurait navigué en réalité au moteur ; ce dernier se serait abstenu de toute man’uvre d’évitement praticable. Mais, dans sa déclaration, B A a indiqué que les deux membres de l’équipage du bonitier, au moment de l’abordage, étaient occupés à ranger les lignes et nettoyer le pont et qu’ils n’avaient pas vu le catamaran ni entendu quoi que ce soit qui aurait pu les alerter. Au vu des conclusions des experts établies contradictoirement, la contestation élevée par les intimés n’est pas sérieuse à hauteur de référé.

L’urgence n’est pas une condition du référé-provision. La cour dispose des éléments qui lui permettent de faire droit à la demande de provision pour le montant de 6 358 083 FCP évalué contradictoirement par les experts des assureurs des parties.

Il sera fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice des appelants.

La partie qui succombe est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Déclare recevable l’appel en cause de B A ;

Infirme l’ordonnance rendue le 30 septembre 2019 par le Juge des Référés du Tribunal de Première Instance de Papeete ;

Statuant à nouveau,

Commet M. H I, expert inscrit sur la liste probatoire de la cour d’appel de Papeete, avec mission de :

les parties et leurs conseils entendus ou appelés ;

prendre connaissance des pièces produites et de tous documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission ; entendre tout sachant;

évaluer s’il y a lieu la nature et le coût des travaux de remise en état du voilier Vahini Twin à la suite de l’abordage du 24 avril 2018 sur les points qui ont fait l’objet de réserves par les experts E et G dans leur rapport du 14 août 2018, à savoir :

— état des superstructures en composite présentant des fissurations notamment au niveau du pied de mât et de la nacelle ;

— état de la poutre de compression qui a subi un choc mais qui ne présentait pas de dommage apparent ;

— état des points d’ancrage qui ne pouvaient être inspectés sans démontage ;

Faire toutes constatations techniques de sa compétence utiles à la solution du litige en ce qui concerne la réparation des préjudices résultant dudit abordage sur le voilier Vahini Twin ;

Établir un pré rapport et répondre aux dires des parties ;

Fixe à 150 000 FCP le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui sera versée par Y Z et J-K Z au greffe de la juridiction dans les trente jours du prononcé de l’arrêt ;

Dit que l’expert devra déposer son rapport dans les trois mois suivant l’acceptation de sa mission ;

Dit que les opérations d’expertise seront surveillées par M. le conseiller RIPOLL ou par un magistrat chargé du contrôle des expertises ;

Dit qu’après avoir pris connaissance de la procédure et déterminé les opérations nécessaires et leur calendrier, l’expert devra apprécier le montant prévisible des frais de l’expertise et, s’il se révèle que ces derniers seront nettement supérieurs au montant de la provision, en donner avis aussitôt pour qu’il soit statué sur un éventuel supplément de consignation après avoir recueilli les observations des parties; disons qu’il sera tenu compte de l’accomplissement de cette diligence pour la justification de l’accomplissement de la mission de l’expert et la fixation de sa rémunération ;

Condamne in solidum B A et la Société d’Assurance Mutuelles Bretagne-Océan à payer à Y Z et J- K Z les sommes de :

—  6 358 083 FCP à titre de provision ;

—  200 000 FCP en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Rejette toute autre demande ;

Met les dépens de première instance et d’appel à la charge de B A et de la Société d’Assurance Mutuelles Bretagne- Océan ;

Revoie l’affaire à l’audience de mise en état du 27 mars 2020.

Prononcé à Papeete, le 19 décembre 2019.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL

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