Cour d'appel de Papeete, Chambre civile, 19 décembre 2019, n° 17/00334

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Chronologie de l’affaire

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Cyrille Chatail · Actualités du Droit · 13 janvier 2020
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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, ch. civ., 19 déc. 2019, n° 17/00334
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 17/00334
Décision précédente : Tribunal de première instance de Papeete, 30 juillet 2017, N° 424;15/00255
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

548

GR

--------------

Copie exécutoire

délivrée à :

— Me Jacquet,

Le 07.01.2020.

Copie authentique

délivrée à :

— Me Jannot,

le 07.01.2020.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 19 décembre 2019

RG 17/00334 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n°424, rg 15/00255 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 31 juillet 2017 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 9 novembre 2017 ;

Appelante :

Mme Y Z, […] ;

Représentée par Me Thierry JACQUET, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

La Sa Compagnie de Transport Financière et Immobilière 'Cotrafi', exploitant à l’enseigne 'SFT Gondrand Frères', inscrite au Rcs sous le […], […], dont le siège social est sis […], […], agissant par ses représentant légaux ;

Représentée par Me Olivier JANNOT, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 9 août 2019 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 26 septembre 2019, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, Mme X et M. GELPI, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Faits, procédure et demandes des parties :

La Société Compagnie de Transport Financière et Immobilière (Cotrafi), commissionnaire en douane à l’enseigne SFT Gondrand Frères, a assigné Y Z en paiement du solde d’une facture émise le 31 mai 2013 d’un montant de 5 879 616 FCP, incluant des droits et taxe de douane pour un montant de 4 286 468 FCP.

La Société Cotrafi a exposé qu’à la suite d’un contrôle douanier qui avait fait apparaître des non-conformités dans la déclaration effectuée (absence de certaines factures, tarif erroné), une déclaration rectifiée avait été établie qui augmentait le montant des droits à percevoir de 1 460 620 FCP à 4 286 468 FCP, en raison de l’application d’un tarif par la douane qui emportait taxation au titre d’un impôt local (TDL).

La Société Cotrafi a indiqué avoir payé les droits ainsi déterminés afin de disposer de la marchandise, et avoir émis la facture litigieuse, qu’Y Z avait refusé de régler intégralement, au motif que la douane avait entretemps proposé une transaction consistant à payer, outre les droits éludés acquittés pour un montant de 2 825 848 FCP, une pénalité de 1 100 000 FCP, ramenée finalement à 280 000 FCP lors d’un règlement transactionnel intervenu le 19 août 2014.

La Société Cotrafi a indiqué qu’Y Z avait payé la somme de 1 392 810 FCP le 7 mai 2014 correspondant au frêt et autres frais, à l’exclusion de tous droits et taxes. Elle a invoqué sa subrogation dans le privilège de la douane.

Y Z a mis en cause la responsabilité de la Société Cotrafi pour manquement à son devoir de conseil et de diligence.

Par jugement du 31 juillet 2017, le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete a :

— Condamné Y Z à verser à la Sa Cotrafi à l’enseigne SFT Gondrand la somme de 2 695 822 FCP représentant le solde de la facture du 31 mai 2013 avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2015, date de l’assignation ;

— Condamné Y Z à verser à la Sa Cotrafi la somme de 150 000 FCP au titre des frais irrépétibles ;

— Débouté pour le surplus ;

— Condamné Y Z aux dépens.

Y Z en a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 9 novembre 2017.

Par arrêt du 6 décembre 2018, la cour a :

— Déclaré recevable l’appel ;

— Rejeté la fin de non-recevoir soulevée ;

Avant dire droit,

— Invité Y Z à faire valoir ses observations sur le préjudice éventuel tiré de la perte de chance et le cas échéant sur la compensation entre les créances réclamées ;

Réservé les demandes et les dépens.

Il est renvoyé à cet arrêt pour un plus ample exposé de la procédure antérieure.

Il est demandé :

1° par Y Z, appelante, dans ses conclusions récapitulatives visées le 28 mars 2019, de :

— Infirmer le jugement entrepris ;

— Dire et juger que la Cotrafi a manqué à ses obligations d’information et de conseil ;

— Dire et juger que le préjudice qui en est résulté est constitué par la majoration des droits appliquée par le service des Douanes ;

— Dire et juger la créance de la Cotrafi éteinte par compensation avec le préjudice subi ;

— La condamner au paiement d’une somme de 350 000 FCP HT au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens ;

2° par la Compagnie de Transport Financière et Immobilière (Cotrafi), intimée, dans ses conclusions récapitulatives visées le 14 mai 2019, de :

— Rejeter toutes les demandes de l’appelante ;

— Confirmer le jugement entrepris ;

— Condamner l’appelante à lui payer la somme de 339 000 FCP par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 août 2019.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

Motifs de la décision :

Le jugement déféré a retenu que :

— Pour faire construire une maison individuelle, Y Z avait passé commande en métropole de structures et de composants en bois. Selon devis du 21 février 2013, son commissionnaire en douane, la Société Cotrafi, avait fixé le coût du fret maritime à 3 122 266 FCP et l’estimation des droits et taxes de douane à 1 640 028 FCP.

— Un contrôle douanier du 29 avril 2013 avait constaté l’absence de déclaration relative à la laine de roche et l’omission de deux factures établies par le fournisseur, et avait retenu pour l’ensemble des matériaux importés une position tarifaire unique en préfabriqué. L’infraction douanière relevée à l’encontre de la Société Cotrafi pour fausse déclaration d’espèce avait entraîné des droits compromis d’un montant de 2 825 848 FCP. Un règlement transactionnel était intervenu le 19 août 2014 avec maintien du paiement des droits et taxes compromis et paiement d’une pénalité de 280 000 FCP.

— Y Z avait procédé en cours d’instance au versement de la somme de 1 790 984 FCP correspondant aux droits de douane qu’elle a reconnu devoir.

— La Société Cotrafi n’a pas manqué à son devoir de conseil et aurait dû reprendre les spécifications du fournisseur, l’entreprise Simonin, en déclarant un référencement unique pour la totalité des marchandises. Il n’a été causé aucun préjudice à Y Z qui devait s’acquitter du montant des droits et taxes afférents à ce type de matériaux et devait verser la taxe de développement local.

— La reconnaissance des droits éludés (reconnaissance de service) signée suite au contrôle douanier n’a pas causé à Y Z un préjudice de perte de chance de contester la rectification des droits de douane.

Ainsi que l’a relevé la cour dans son arrêt du 6 décembre 2018, le commissionnaire en douane est chargé d’effectuer, sous son nom et pour le compte d’un importateur, les formalités de dédouanement, dont la plus importante est la déclaration en douane, laquelle consiste en l’acte par lequel une personne manifeste, dans les formes et modalités prescrites, la volonté d’assigner à une marchandise un régime douanier déterminé. Le commissionnaire en douane agit en qualité de mandataire de son donneur d’ordre ; il a ainsi notamment un large devoir d’information et de conseil à l’égard de son client pour l’application de la législation douanière dont il est un spécialiste. Les conséquences éventuelles d’un manquement à un devoir d’information et de conseil d’un commissionnaire en douane s’analysent en une perte de chance et ne sont pas sanctionnées par la suppression du droit de recouvrement de la taxe dont celui-ci a fait l’avance, mais ouvre droit à la possible allocation pour le mandant de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré de la disparition de la probabilité d’une appréciation plus favorable de sa situation.

Y Z fait valoir que :

— Elle conteste la tarification douanière qui a été retenue dans la transaction passée entre l’administration et la Société Cotrafi, qui ne lui est pas opposable. Le contrôle douanier n’a pas porté sur toutes les marchandises, mais seulement sur celles réputées non déclarées (rouleaux de laine de roche et panneaux OSB). La tarification retenue ne repose que sur la circonstance que lors de la déclaration à l’exportation, il était mentionné qu’il s’agissait de matériaux nomenclaturés préfabriqués en bois, dès lors soumis à une taxation spécifique (TDL) ; mais c’est la Société Cotrafi elle-même, et non le fournisseur, qui a déclaré cette nomenclature.

— La Société Cotrafi a au demeurant contesté cette tarification devant la douane, et le fabricant comme l’entrepreneur de construction de la maison ont indiqué que les matériaux importés n’étaient pas des éléments préfabriqués. Mais, en signant la reconnaissance de service, la Société Cotrafi a rendu impossible l’expertise douanière prévue par la réglementation.

— La créance alléguée par la Société Cotrafi repose sur ses propres carences en qualifiant

improprement les matériaux importés sur la déclaration à l’exportation qu’elle a établie, et en acceptant la tarification erronée retenue par l’administration. Le commissionnaire en douane engage sa responsabilité en déclarant un matériel à une position tarifaire erronée. I. Z a de ce fait subi un préjudice qui doit être compensé avec la créance invoquée par la Société Cotrafi, puisque celle-ci l’a privée de toute chance de parvenir à l’annulation du redressement douanier. Son préjudice s’élève au moins au montant de la majoration qu’elle a encourue, car elle n’aurait pas importé ces matériaux si elle avait su qu’ils pouvaient être surtaxés.

La Société Cotrafi conclut que :

— La prétention d’Y Z tenant à la prescription de sa créance est infondée.

— La transaction avec l’administration des douanes n’a pas eu pour objet les droits et taxes, mais seulement les pénalités.

— À supposer que les déclarations de valeur (omission de deux factures du fournisseur) et d’espèce (positions tarifaires erronées) établies par le commissionnaire aient été fausses, le préjudice subi par Y Z n’est pas le montant des droits éludés, qui étaient dus en toute hypothèse, mais seulement celui des pénalités.

— La demande de la Société Cotrafi ne porte que sur le paiement des droits de douane qu’elle a avancés, dont une partie a été payée par l’appelante en cours d’instance.

— Il est contesté que le commissionnaire ait fait une déclaration sous une position unique «préfabriqué». La déclaration a été établie sur les indications d’I. Z et du fournisseur qui comportaient plusieurs positions tarifaires. Le contrôle douanier a réuni des documents complémentaires fournis par I. Z sur la base desquels la tarification a été rectifiée. L’objet des tarifications déclarées était en effet de tenter d’éluder une sur taxation des marchandises importées (TDL).

— Y Z était présente lors du contrôle et a insisté pour que le dédouanement s’effectue au plus vite. C’est sur ses instructions que le commissionnaire a accepté la position tarifaire retenue par la douane. Elle n’est pas bien fondée à alléguer ensuite une perte de chance.

— La société Cotrafi a soumis à l’administration le dossier de contestation établi par I. Z. Elle a elle-même contesté la tarification appliquée. Elle n’a pas manqué de diligence. L’expertise douanière, qui est au demeurant inexécutable faute d’experts désignés, n’a pas été réalisée en raison de l’impatience d’I. Z à disposer des marchandises.

— La commande a été passée antérieurement au devis établi par le commissionnaire. Ce dernier n’a pu influer sur la décision d’achat et d’importation prise par I. Z. Si elle a pu être induite en erreur sur le montant des droits de douane avant de passer commande, c’est en raison des informations erronées données par le fournisseur. Les bons de commande ne sont pas produits. Il ne peut être reproché au commission-naire d’avoir établi son devis sur la base d’informations erronées : les factures du fournisseur ont été transmises un mois plus tard.

Cela étant exposé :

Dans un courrier adressé le 18 novembre 2013 au service des Douanes, la Société Cotrafi a reconnu sa faute concernant la non-déclaration des deux factures Simonin 019 et 020 d’un montant de 12 744, 60 €. Y Z justifie par la production d’un courrier électronique qui n’est

pas contesté avoir transmis les factures de ses fournisseurs, dont les deux factures précitées, à la Société Cotrafi le 19 mars 2013. La déclaration de reconnaissance du service établie suite au contrôle

douanier du 29 avril 2013 mentionne que le déclarant, mandataire de la société de transit Gondrand (enseigne de Cotrafi), lui a remis spontanément ces deux factures, qui n’ont pas été comprises dans la déclaration en douane (réf. 13PPTI40001459W).

Il est ainsi établi que la Société Cotrafi a engagé sa responsabilité à l’égard d’Y Z en ne mettant pas préalablement à la disposition de la douane toutes les factures justificatives des marchandises importées que lui avait fournies sa mandante. Celles-ci étaient au demeurant bien mentionnées sur le document d’exportation établi le 25 mars 2013 au Havre. Le fait qu’elles aient été communiquées par Y Z après l’établissement d’un devis par Cotrafi le 21 février 2013 n’exonère pas le commissionnaire de sa responsabilité sur ce point.

L’infraction douanière en résultant est une fausse déclaration de valeur. Le montant des pénalités encourues est inclus dans la transaction intervenue entre l’administration et la société Cotrafi (Gondrand) pour un montant de 280 000 FCP. Ce montant n’est pas réclamé par Cotrafi à Y Z. Il ne résulte ni de la reconnaissance de service, ni de la transaction que le montant des droits compromis constaté par la douane (2 825 848 FCP) inclue des droits ayant pour objet l’omission des deux factures précitées. Y Z ne justifie donc pas avoir subi un préjudice de ce chef. Et il n’est pas non plus établi que les opérations de dédouanement des matériaux importés ont causé un retard pour la construction de sa maison.

Mais le montant des droits compromis résulte de la constatation, d’autre part, par le contrôle douanier d’une infraction de fausse déclaration d’espèce, consistant dans une différence entre la déclaration de sortie des marchandises de la communauté européenne, qui fait état d’une construction préfabriquée en bois (code 94060020), et la présence en container de plaques en bois (panneaux OSB) qui n’ont pas été mentionnées dans la déclaration 13PPTI40001459W mais qui figurent dans la facture 1303-019 du fournisseur, l’entreprise Simonin. Le montant des droits compromis de ce fait (2 825 848 FCP) résulte de l’assujettissement de la totalité de la marchandise à une surtaxe (TDL).

Par courriers des 18 novembre 2013 et 17 février 2014, la Société Cotrafi a contesté la classification de l’ensemble des marchandises en tarification préfabriqué. Elle a demandé la saisine du comité d’expertise douanière. Dans sa réponse du 26 mai 2014, l’administration des douanes a maintenu sa position en se référant à la reconnaissance de service établie suite au contrôle.

Dans ce document, le représentant de la Société Cotrafi (Gondrand) agissant pour le compte d’Y Z a déclaré : «J’accepte la reconnaissance du service et les suites contentieuses éventuelles». Le commissionnaire a établi le 23 avril 2013 une déclaration en douane rectifiée conforme au tarif retenu par le contrôle douanier.

C’est à la Société Cotrafi, en sa qualité de déclarante en douane, que revient la responsabilité envers l’administration d’attribuer une origine à la marchandise importée. Et un commissionnaire en douane, en sa qualité de mandataire salarié spécialisé, doit veiller à ce que la déclaration qu’il effectue soit conforme à la réglementation douanière en vigueur (v. p . ex. Com. 18 déc. 2012 n° 11-16.223).

La Société Cotrafi a commis une erreur engageant sa responsabilité en ne joignant pas aux documents d’importation la facture n° 019, alors que le libellé de celle-ci n’était pas, selon l’administration, conforme au référencement de matériel préfabriqué en bois qui avait été déclaré. Elle n’a contesté la tarification retenue par la douane que plusieurs mois après avoir ratifié celle-ci au moment du contrôle.

Il résulte d’un échange de courriers entre Y Z et la Société Simonin les 9-13 mai 2013 que cette dernière affirme avoir communiqué à la Société Gondrand (Cotrafi) les nomenclatures douanières des marchandises exportées, et a précisé : «En aucun cas il s’agit d’une construction préfabriquée, nous avons simplement fourni des produits standard non ouvragés pour la construction.» Ces déclarations sont corroborées par le libellé des factures Simonin qu’I.

Z a adressées à Cotrafi le 19 mars 2013.

Aucun élément ne permet ne contredire l’affirmation d’Y Z selon laquelle c’est la Société Cotrafi qui a établi l’état de déclaration de sortie des marchandises de la Communauté européenne du 25 mars 2013 (EXA01). Ce document mentionne que le déclarant est l’établissement de Cotrafi en Seine-Maritime. Il indique les références des documents de voyage et il est signé au nom du déclarant. Or, c’est sur la base du référencement déclaré dans ce document (construction préfabriquée en bois, code marchandises 940600200) que le contrôle douanier a basé son redressement. Ainsi que l’a exposé Y Z dans un courrier adressé à Gondrand (Cotrafi) le 14 avril 2014 : «Lors de l’arrivée du container sous douane, la déclaration EX-A pour le fournisseur Simonin effectuée par les services Gondrand à l’export de France était erronée. Alors que les factures Simonin suggéraient qu’il ne s’agissait pas de préfabrication».

Aucun élément ne permet d’imputer à Y Z, plutôt qu’à Cotrafi, la responsabilité de la discordance entre la déclaration et les factures. D’une part, deux de celles-ci ont été omises par Cotrafi qui l’a reconnu. D’autre part, l’infraction relevée par la douane est une fausse déclaration d’espèce ayant pour but ou pour effet d’obtenir un droit réduit à l’importation : espèce reconnue 94060010 (construction préfabriquée) soumise à la TDL. Cette déclaration a été faite par le commissionnaire.

Le commissionnaire en douane engage sa responsabilité envers son mandant quand il déclare sans la vérifier au préalable l’origine de la marchandise ou une position tarifaire erronée. La Société Cotrafi a été en possession des factures du fournisseur avant l’exportation et le transport. Disposant d’un établissement au port d’exportation, elle ne justifie pas ne pas avoir été en mesure de vérifier si les marchandises étaient ou non conformes, au vu de ces factures, à la tarification de matériaux préfabriqués qu’elle a déclarée en douane. Elle ne justifie pas non plus que le choix de cette tarification ait été fait sur instructions d’Y Z, qui le conteste et qui, dans son message de transmission des factures dont le libellé est très détaillé, avait indiqué à son commissionnaire qu’elle se tenait à sa disposition pour tout complément d’information.

Le commissionnaire en douane engage aussi sa responsabilité lorsqu’il règle une taxation d’office sans protester alors qu’il connaît l’opposition de son mandant. La présence d’Y Z au moment du contrôle douanier ne suffit pas à établir qu’elle a acquiescé à la reconnaissance de service signée par le représentant du commissionnaire ou qu’elle a donné instruction à cet effet pour obtenir un dédouanement immédiat. Et, même si cela avait été le cas, la Société Cotrafi ne justifie pas avoir informé Y Z des conséquences de cette reconnaissance (l’acceptation d’une augmentation du double du montant des droits et taxes), alors même que la sur taxation avait pour origine les propres fautes du commissionnaire. La Société Cotrafi a ainsi manqué à son obligation d’information et de conseil à l’égard d’Y Z.

Comme il a été dit précédemment, Y Z ne justifie pas d’un préjudice qui serait constitué par la mise à sa charge des pénalités douanières à un montant transigé, qui sont restées à la charge de la Société Cotrafi, ni d’un autre préjudice résultant des opérations matérielles de dédouanement.

Elle est, par contre, recevable et bien fondée à demander la réparation du préjudice qu’elle a subi, du fait des fautes commises par la Société Cotrafi : par la non-conformité entre les déclarations en douane et la désignation sur factures des marchandises importées selon la tarification déclarée ; par la non-mise à disposition préalable de la douane de toutes les factures ; et par l’établissement d’une reconnaissance du service suivi du dépôt d’une déclaration rectifiée selon le redressement effectué par la douane.

Ce préjudice n’est pas seulement constitué par les pénalités douanières, car Y Z a été liée par le montant du redressement douanier qui est intervenu en conséquence directe des fautes

commises par le commissionnaire, tout en étant privée du droit effectif de contester la tarification appliquée par la douane et acceptée par le commissionnaire.

Le préjudice est constitué, comme le soutient à bon droit l’appelante, par le montant de la majoration des droits et taxes dont la Société Cotrafi a fait l’avance, car il ne résulte d’aucun élément de la procédure qu’Y Z ait inclus dans son projet de construction d’une maison à l’aide de matériaux importés le coût de la taxe de développement local appliquée en cas d’utilisation d’éléments préfabriqués.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a condamné Y Z à payer à la Sa Cotrafi, qui est subrogée à la douane par l’effet de l’article 253 du code des douanes de la Polynésie française, la somme de 2 695 822 FCP représentant le solde de la facture du 31 mai 2013.

Mais le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté Y Z de sa demande d’indemnisation du manquement de la Société Cotrafi à son obligation d’information et de conseil. La cour dispose d’éléments suffisants d’appréciation pour fixer le montant de l’indemnisation complète du préjudice subi par Y Z au montant du solde de ladite facture, qui correspond à celui des droits et taxes qui ont été appliqués au vu des déclarations établies fautivement par la Société Cotrafi et de l’acceptation par celle-ci du redressement douanier. La compensation des dettes réciproques sera par suite prononcée.

Il sera fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de l’appelante. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Vu l’arrêt du 6 décembre 2018, statuant sur les points restant à juger ;

Confirme le jugement rendu le 31 juillet 2017 par le tribunal civil de première instance de Papeete en ce qu’il a condamné Y Z à verser à la Sa Compagnie de Transport Financière et Immobilière (Cotrafi à l’enseigne SFT Gondrand) la somme de 2 695 822 FCP représentant le solde de la facture du 31 mai 2013 avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2015, date de l’assignation ;

Infirme pour le surplus et, statuant à nouveau ;

Condamne la Sa Compagnie de Transport Financière et Immobilière (Cotrafi à l’enseigne SFT Gondrand) à payer à titre de dommages et intérêts à Y Z la somme de 2 695 822 FCP augmentée des intérêts au taux légal courus depuis le 13 avril 2015 ;

Prononce la compensation entre ces deux condamnations ;

Condamne la Sa Compagnie de Transport Financière et Immobilière (Cotrafi à l’enseigne SFT Gondrand) à payer à Y Z la somme de 350 000 FCP en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Rejette toute autre demande ;

Met à la charge de Sa Compagnie de Transport Financière et Immobilière (Cotrafi à l’enseigne SFT Gondrand) les dépens de première instance et d’appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 19 décembre 2019.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL

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