Cour d'appel de Papeete, Chambre civile, 18 juin 2020, n° 19/00271

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, ch. civ., 18 juin 2020, n° 19/00271
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 19/00271
Décision précédente : Tribunal de première instance de Papeete, 3 juillet 2019, N° 92;2018/160
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

242

PG

--------------

Copie exécutoire

délivrée à :

— Me Jourdainne,

le 18.06.2020.

Copie authentique

délivrée à :

— Me Abgrall,

le 18.06.2020.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 18 juin 2020

RG 19/0027 ;

Décision déférée à la Cour : ordonnance autorisant la saisie-arrêt des salaires/pensions n° 92, rg n° 2018/160 du 4 juillet 2019 du Tribunal de Première Instance de Papeete ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 16 juillet 2019 ;

Appelante :

Mme C E Y, née le […] à Papeete, de nationalité française, hôtesse de l’air, demeurant à Punaauia résidence le […], […] ;

Ayant pour avocat la Selarl Groupavocats, représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

M. A B Z, né le […] à Papeete, de nationalité française, steward, demeurant à […] ;

Représenté par Me Patrick ABGRALL, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 6 mars 2020 ;

Composition de la Cour :

En raison de la période d’urgence sanitaire due à la pandémie du covid 19 conformément aux dispositions de l’article 11, alinéa 1, de la délibération n° 20220-14 APF du 17 avril 2020 de l’assemblée de la Polynésie française, portant adaptation des procédures en matière civile et commerciale, le président de la formation de jugement a décidé que l’affaire serait jugée selon la procédure sans audience.

Les parties ont été informées de cette décision par le greffe puis, à défaut d’opposition de leur part dans le délai de quinze jours, invitées à déposer leurs dossiers pour le 14 mai 2020.

A cette date, elles ont été informées qu’il serait délibéré de leur cause, conformément à la loi devant Mme LEVY, conseiller faisant fonction de président, M. X et Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, en vue d’un prononcé de l’arrêt par mise à disposition au greffe le 18 juin 2020 ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme LEVY, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Rappel des faits et de la procédure :

M. A Z a vécu en concubinage avec Mme C Y de 1998 à 2007.

Suivant acte authentique des 15 et 16 janvier 2004, Mme Y a acquis un terrain situé à Moorea (Polynésie française), sur lequel le couple a fait édifier une maison d’habitation financée au moyen d’un prêt bancaire commun de 29.500.000 FCP, souscrit auprès de la Banque de Tahiti.

Après la séparation du couple, M. Z s’est maintenu dans la maison aux motifs d’achever ses finitions et de l’entretenir afin d’en tirer le meilleur prix de vente possible, prétendument d’accord avec Mme Y.

Par requête du 8 décembre 2014, suivant une assignation à jour fixe du 2 décembre 2014, Mme C Y a fait attraire M. A Z devant le tribunal de première instance de Papeete, aux fins d’obtenir son expulsion des lieux sous astreinte et sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation.

Aux termes d’un jugement du 30 mai 2016, ladite juridiction a :

— dit que M. A Z était occupant sans droit ni titre de la maison située à Moorea PK 5,5, côté montagne, section Teavaro, parcelle 3B, propriété de Mme C Y ;

— ordonné son expulsion, ainsi que celle de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique, sous astreinte provisoire d’une durée de six mois et d’un montant de 20.000 FCP par jour de retard à compter d’un délai d’un mois à partir de la signification de la décision ;

— condamné M. A Z à verser à Mme C Y la somme de 150.000 FCP par mois à titre d’indemnité d’occupation jusqu’à la libération effective des lieux et la remise des clefs;

— condamné M. A Z à payer à Mme C Y la somme de 120.000 FCP en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— et condamné M. A Z aux dépens.

Cette décision, frappée d’appel par M. Z, a été confirmée en toutes ses dispositions par un arrêt de la présente cour du 21 décembre 2017 qui, y ajoutant, l’a condamné à verser à Mme Y la somme de 200.000 FCP au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens. Cet arrêt a été signifié à M. Z par exploit d’huissier délivré le 28 février 2018.

Soutenant bénéficier, sur le fondement de ces décisions, d’une créance à l’encontre de M. Z d’un montant total de 18.528.804 FCP, soit 14.850.000 FCP au titre de l’indemnité d’occupation d’octobre 2009 à décembre 2017, 3.199.727 FCP au titre des intérêts pour la période du 21 décembre 2017 au 31 décembre 2018, 380.000 FCP au titre des frais irrépétibles (en ce compris ceux réclamés au titre de la procédure engagée) et 99.077 FCP au titre des dépens, Mme C Y a sollicité, par requête enregistrée au greffe du tribunal de première instance de Papeete le 27 novembre 2018, la saisie-arrêt sur les salaires de M. A Z pour paiement de cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2019.

Aux termes d’une ordonnance du 4 juillet 2019, à laquelle la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, cette juridiction a :

— débouté Mme Y de sa demande au titre de l’indemnité d’occupation et du calcul des intérêts ;

— ordonné en revanche la saisie des salaires de M. A B Z, entre les mains de son employeur actuel (à savoir la Sa Air Tahiti Nui) ou futur, de la somme totale de 419.077 FCP, représentant le montant des frais irrépétibles et des dépens alloués par les deux décisions précitées ;

— laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles ;

— et condamné M. A Z aux dépens.

Suivant requête enregistrée au greffe le 16 juillet 2019, Mme C Y a relevé appel de cette décision. Aux termes de ses conclusions récapitulatives reçues par RPVA au greffe le 9 janvier 2020, elle demande à la cour de :

— déclarer son appel recevable et bien fondé ;

— infirmer l’ordonnance entreprise du 4 juillet 2019 seulement en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande au titre de l’indemnité d’occupation et du calcul des intérêts ;

— en conséquence, dire et juger que la saisie des salaires de M. Z sera également ordonnée :

* pour un montant de 14.850.000 FCP au titre des indemnités d’occupation,

* et pour un montant de 3.818.301 FCP au titre des intérêts au taux légal et au taux majoré ;

— condamner M. Z à lui payer la somme de 150.000 FCP au titre de l’article 407 du code

de procédure civile ;

— et le condamner aux dépens.

En réplique, suivant conclusions récapitulatives reçues par RPVA au greffe le 27 février 2020, M. Z demande à la cour de :

— déclarer irrecevable l’appel de Mme C Y formé à l’encontre de l’ordonnance n° 92 du 4 juillet 2019 ;

— subsidiairement sur le fond, vu l’article 748 alinéa 2 du code de procédure civile de la Polynésie française relatif à la saisie arrêt sur les salaires, vu le défaut de titre et ses contestations sérieuses, confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a été dit que la saisie sur salaire devait comprendre les frais irrépétibles de première instance et d’appel, outre les dépens fixés à 99.077 FCP, alors que ceux-ci n’ont pas été vérifiés et ne sont pas taxés ;

— de ce dernier chef, pour violation des articles 401 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française , infirmer également la décision dont appel ;

— condamner Mme C Y à lui payer la somme de 200.000 FCP pour frais irrépétibles en cause d’appel, ce par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

— et condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction d’usage.

L’article 268 du code de procédure civile prescrivant d’exposer les moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il y sera procédé dans la motivation ci-après, à l’effet d’y répondre, en renvoyant pour un plus ample exposé à leurs écritures respectives.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2020, fixant l’affaire à l’audience civile de la cour du 2 avril 2020.

Cette audience a été supprimée par décision des chefs de cour du 18 mars 2020, ayant ordonné la fermeture des sites judiciaires de la Polynésie française à compter de cette date afin de lutter contre la propagation du virus covid-19. Par suite de l’adoption au plan national de la loi d’urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie, l’Assemblée de la Polynésie française a adopté, le 17 avril 2020, une délibération portant adaptation des procédures en matière civile et commerciale. Les dispositions de celle-ci, applicables à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, prévoient notamment, en leur article 11, que lorsque la représentation par avocat est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroulera sans audience.

Il en a été ainsi pour le présent dossier, les parties ayant été avisées que, sauf opposition de leur part dans un délai de quinze jours, leur affaire pourrait être mise en délibéré à compter du 14 mai 2020, date fixée pour le dépôt de leurs dossiers.

A cette date, à défaut d’opposition de leur part, les parties ont été informées par le greffe que l’arrêt serait prononcé le 18 juin 2020, par mise à disposition.

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité de l’appel :

M. Z soutient tout d’abord que l’appel de Mme Y, fondé sur l’article 754 du code de procédure civile de la Polynésie française, est irrecevable au motif que ces dispositions sont exclusivement relatives au jugement statuant sur la validité ou la mainlevée de la saisie pratiquée, et non pas sur une ordonnance statuant en matière de conciliation, de sorte que Mme Y se devait de poursuivre la procédure en validité, pour ensuite interjeter appel du jugement à intervenir dans les conditions prévues par l’article 754 susvisé.

Toutefois, il ne résulte aucunement des dispositions des articles 746 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française que les ordonnances ordonnant une saisie-arrêt sur salaire ne sont pas susceptibles d’appel tant qu’une instance en demande de validité de celle-ci n’a pas donné lieu à un jugement. En effet, l’article 752 dudit code énonce que : «Tout créancier saisissant, le débiteur et le tiers saisi peuvent requérir la convocation des intéressés…» devant le juge, de sorte qu’il n’édicte aucune obligation conditionnant le recours à l’encontre de l’ordonnance préalable. De surcroît, en l’espèce, l’ordonnance critiquée, prononcée au contradictoire des parties, toutes deux comparantes et assistées par un avocat, précise spécifiquement qu’elle est prononcée en premier ressort.

Pour ces motifs, M. Z sera débouté de sa fin de non-recevoir.

Sur le fond :

Il résulte des dispositions combinées de l’article L.3352-4 du code du travail de la Polynésie française et de l’article 748 du code de procédure civile de la Polynésie française, que les salaires ne sont saisissables que sur le fondement d’un titre exécutoire.

Or, constitue un titre exécutoire une décision judiciaire ayant force exécutoire, ce qui est le cas en l’espèce de l’arrêt prononcé par la présente cour le 21 décembre 2017, régulièrement signifié à Madame Y par exploit d’huissier du 28 février 2018 et n’ayant fait l’objet d’aucun pourvoi en cassation, ainsi qu’en atteste le certificat du 17 mai 2018 produit aux débats.

Contrairement à ce que soutient M. Z, les éventuelles difficultés d’interprétation de cette décision n’ont pas pour effet de la priver de son caractère exécutoire. Il revient donc à la présente cour d’analyser la portée de l’arrêt précité, lequel a confirmé en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 30 mai 2016 par le tribunal de première instance de Papeete.

Ce dernier, après avoir constaté l’absence de bail verbal entre les parties, a condamné M. Z au paiement d’une indemnité d’occupation d’un montant de 150.000 FCP par mois 'jusqu’à la libération effective des lieux et la remise des clefs', sans toutefois préciser le point de départ du calcul de cette indemnité.

Il résulte cependant des énonciations de ce jugement, ainsi que des documents produits aux débats, en particulier l’attestation du 4 décembre 2014 de M. D Z, que l’intimé a occupé la maison appartenant à Mme Y à compter du mois d’octobre 2009. Par ailleurs, si M. Z soutient l’avoir quittée bien avant son adjudication judiciaire, intervenue en décembre 2017 suite à la saisie immobilière diligentée par la banque, force est de constater qu’il ne justifie d’aucune autre domiciliation avant cette date. Dès lors, contrairement à ce qu’a estimé le premier juge, il convient de considérer que l’indemnité d’occupation due par M. Z en exécution de décisions de justice désormais définitives a bien couru du mois d’octobre 2009 au mois de décembre 2017, soit pendant 98 mois (et non 99 mois entiers, à défaut de dates exactes d’échéances au cours des mois considérés), et que, du fait des décisions judiciaires susvisées, Mme Y dispose effectivement d’un titre exécutoire à concurrence de la somme de 14.700.000 FCP (98 x 150.000 FCP).

Pour s’y opposer, M. Z ne peut valablement prétendre, sur le fondement des courriels des 18 et 19 mars 2013 échangés avec Mme Y, que son occupation des lieux était conforme à

leur accord, dès lors que cette argumentation a précisément été écartée par les décisions dont peut se prévaloir l’appelante.

En revanche, la cour ne peut considérer que cette dernière justifie également d’un titre exécutoire concernant la somme de 3.818.301 FCP qu’elle réclame au titre des intérêts au taux légal et au taux majoré. En effet, cette prétention, fondée sur le seul décompte produit aux débats, est contestée par M. Z. Or, en pareille hypothèse, pour pouvoir être recouvrés par voie d’exécution, les intérêts doivent faire l’objet d’une disposition spéciale du titre en vertu duquel est exercée la poursuite.

De même, ainsi que le soutient à juste titre M. Z, Mme Y ne bénéficie pas d’un titre exécutoire concernant le recouvrement des dépens qu’elle a évalués à la somme totale de 99.077 FCP. En effet, conformément aux dispositions des articles 411 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française, la créance relative aux dépens de procédure n’acquiert de caractère exécutoire qu’à l’issue de la procédure de vérification conduite par le greffier de la juridiction compétente. L’ordonnance déférée sera donc également réformée de ce chef.

Sur l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française :

Au regard des faits de l’espèce, l’équité commande de rejeter la demande formée par Mme Y au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Sur les dépens :

Chaque partie succombant partiellement en ses demandes, il convient de dire que chacune d’elles conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Déboute M. A Z de sa fin de non-recevoir ;

Déclare par conséquent Mme C Y recevable en son appel ;

Sur le fond :

Infirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a débouté Mme C Y de sa demande au titre des intérêts légaux et en ce qu’elle a autorisé la saisie des salaires ou pensions de M. A Z, entre les mains de son employeur : la Sa Air Tahiti Nui, domiciliée […], […], à hauteur de la somme de 320.000 FCP correspondant aux indemnités allouées au titre des frais irrépétibles en première instance, pour 120.000 FCP, et en appel, pour 200.000 FCP;

Sur le surplus, statuant à nouveau :

Ordonne la saisie des salaires ou pensions de M. A, B, Z, entre les mains de son employeur actuel, la Sa Air Tahiti Nui, domiciliée […], […], ou futur, pour la somme supplémentaire totale de 14.700.000 FCP ;

Déboute Mme C Y du surplus de ses demandes ;

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l’article 407 du code de

procédure civile de la Polynésie française ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Prononcé à Papeete, le 18 juin 2020.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. LEVY

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