Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 12 novembre 1997

  • Diffusion importante du modèle argue de contrefaçon·
  • Capacite de vendre 80 % de la masse contrefaisante·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Capacite commerciale suffisante du demandeur·
  • Caractère important des actes de contrefaçon·
  • Anteriorite du modèle argue de contrefaçon·
  • Date de la commande du modèle au fabricant·
  • Commande du modèle incrimine posterieure·
  • Atteinte au pouvoir attractif du modèle·
  • Protection du modèle dans son ensemble

Résumé de la juridiction

Ajout d’une decoration a un tee-shirt, a l’origine sous-vetement masculin, lui conferant un caractere feminin et moderne

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 12 nov. 1997
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19970321
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La Société ETAM se prévalant de ses droits d’auteur sur un modèle de tee shirt à manches courtes en coton agrémenté d’un entre deux de dentelle au crochet (en filet) autour du décolleté et au bas des manches qu’elle aurait créé pour la saison été 1991 et estimant que la société ALAIN MANOUKIAN commercialisait un modèle en reproduisant les caractéristiques, a fait procéder le 28 avril 1994 à une saisie contrefaçon au magasin à l’enseigne la société ALAIN MANOUKIAN 176 BD Saint Germain à Paris 6e après y avoir été autorisée par ordonnance ; C’est dans ces conditions que par exploit en date du 9 mai 1994, ETAM a assigné la société ALAIN MANOUKIAN en contrefaçon ou subsidiairement pour faits de concurrence déloyale et parasitisme économique ; Elle sollicitait outre la validation de la saisie contrefaçon et des mesures d’interdiction sous astreinte et de publication, la condamnation de la société ALAIN MANOUKIAN à lui payer à titre provisoire une somme de 300 000 francs à titre de dommages et intérêts et le cas échéant la désignation d’un expert ; Par ailleurs elle réclamait le versement d’une somme de 20 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; La société ALAIN MANOUKIAN concluait à ce qu’ETAM soit déboutée de ses demandes et reconventionnellement sollicitait sa condamnation à lui payer la somme de 250 000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire et celle de 20 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Le tribunal par le jugement entrepris après avoir retenu que le modèle d’ETAM constituait une création originale et antérieure au tee shirt de la société ALAIN MANOUKIAN a :

- dit que la société ALAIN MANOUKIAN avait commis des actes de contrefaçon au préjudice d’ETAM
- validé la saisie contrefaçon
- prononcé des mesures d’interdiction sous astreinte de 5 000 francs par article contrefait pendant trente jours passé lequel délai il serait à nouveau fait droit
- ordonné la publication du jugement dans trois journaux au choix d’ETAM et aux frais de la société ALAIN MANOUKIAN
- condamné la société ALAIN MANOUKIAN à payer à ETAM la somme de 100 000 francs à titre de dommages et intérêts majorée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation

— ordonné l’exécution provisoire avec constitution de garantie
- condamné la société ALAIN MANOUKIAN à payer la somme de 15 000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; Appelante selon déclaration du 17 novembre 1995, la société ALAIN MANOUKIAN soutenant que le modèle d’ETAM ne présente aucune originalité et qu’au surplus elle bénéficie sur le modèle en litige d’un droit d’antériorité, demande à la Cour d’infirmer le jugement déféré et de débouter ETAM de l’intégralité de ses prétentions ; Par ailleurs elle reprend sa demande reconventionnelle telle que formulée devant les premiers juges et réclame paiement de la somme de 20 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile ; ETAM poursuit la confirmation du jugement sauf du chef des dommages et intérêts ; Formant appel incident sur ce point, elle poursuit la condamnation de la société ALAIN MANOUKIAN à lui payer une somme de 200 000 francs à titre de dommages et intérêts pour compenser son préjudice matériel et celle de 100 000 francs pour réparer l’atteinte à son image de marque ; Subsidiairement dans l’hypothèse où la Cour considérerait que le tee shirt n’est pas susceptible de protection au titre du droit d’auteur, elle sollicite la condamnation de la société ALAIN MANOUKIAN pour concurrence déloyale à lui verser la somme de 300 000 francs à titre de dommages et intérêts ; En tout état de cause elle demande qu’un expert soit éventuellement désigné aux fins d’évaluation de son préjudice ; Enfin elle réclame paiement de la somme de 15 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

DECISION I – SUR L’ANTERIORITE Considérant que la société ALAIN MANOUKIAN soutient rapporter la preuve de ce que son modèle est daté par un envoi du 20 décembre 1990 réceptionné le 27 décembre 1990 alors qu’ETAM prétendrait faire remonter ses droits au 11 janvier 1991 ; Qu’elle ajoute qu’elle a été livrée par son fabricant la société HELEN’S CLUB dès le 25 février 1991 ce qui implique une commande à la fin de l’année 1990 ;

Considérant qu’ETAM conteste la certitude de la date de commande du tee shirt litigieux par la société ALAIN MANOUKIAN et expose que les pièces produites portent sur un cardigan, un gilet et un tee shirt à « manches tombantes » d’une forme différente et plus fantaisiste ; Qu’elle prétend qu’en ce qui la concerne, elle justifie avoir passé une première commande le 11 janvier 1991 ; Considérant ceci exposé qu’il résulte des documents communiqués par ETAM que pour sa collection été 1991 elle a :

- établi sous la référence 51 221/5 pour le coloris blanc et sous la référence 51220/4 pour les coloris bleu et rouge, le croquis d’un tee shirt à manches courtes comportant un entre deux ou « jour échelle » à l’encolure, au bas des manches et du vêtement et une poche poitrine comportant l’inscription un, deux, trois Paris
- commandé le 11 janvier 1991 à ZEE K à HONG KONG à deux reprises 900 pièces du modèle référencé d’une part 51221/5 et d’autre part 51220/4 en précisant que le référence fournisseur était RITSOUKO BIS
- reçu ces marchandises les 4 et 25 mars 1991 de cette société de HONG KONG sous la référence RITSOUKO BIS
- passé deux nouvelles commandes du même modèle à ZEE K pour la collection été 1992 le 25 novembre 1991 avec la référence 51308/4 lesquelles ont été livrées les 2 et 3 janvier 1992 et suivies d’une troisième commande le 17 mars 1992
- établi sous la référence 30818/7 ou JOURS ECHELLE pour la collection été 1993 le croquis d’un tee shirt à manches courtes comportant un entre deux ou « jour échelle » à l’encolure et au bas des manches dont la fabrication était confiée à la société COSTA MATOS 61 450 LA FERRIERE AUX ETANGS
- passé commande à cette société de ce modèle le 31 mars 1993 pour 200 exemplaires, le 25 mai 1993 pour 150 exemplaires et le 9 juin suivant pour 600 ; Considérant que le tee shirt dont se prévaut ETAM étant conforme à celui créé pour la collection été 1993 et non à celui conçu pour la collection été 1991, seule la date du 31 mars 1993 doit être retenue comme date certaine de création dudit modèle ; Considérant s’agissant du modèle de la société ALAIN MANOUKIAN qu’il résulte du procès verbal de saisie contrefaçon que sa référence est 46935 ; Or considérant que les pièces communiquées par la société ALAIN MANOUKIAN pour démontrer que ce modèle aurait été commandé dès décembre 1990 et livré en mars 1991 voire en décembre 1990, mentionnent s’agissant du tee shirt les références 75 844 / F 1049 (cette dernière étant manifestement celle du fournisseur grec) et non 46 935 ;

Qu’au surplus, outre que les croquis produits sont le résultat d’un montage de plusieurs photocopies, il apparait que ce tee shirt est dépourvu de manches ; Que par ailleurs les caractéristiques de la garniture ne sont pas visibles ; Considérant en revanche qu’il est établi que la société ALAIN MANOUKIAN a déposé le 22 septembre 1993 en l’étude de Me B notaire quatre vingt sept feuilles contenant 349 photos de la collection FEMME ETE 94 et que celles mises aux débats commencent précisément toutes par les chiffres 4, 6, 9 identiques à ceux de la référence du modèle incriminé ; Qu’il y a lieu d’observer que lors du dépôt précédent intervenu le 23 novembre 1992 les modèles photographiés et communiqués aux débats commencent également tous par une même série de trois chiffres ; Considérant par ailleurs qu’il convient de relever que lors des opérations de saisie contrefaçon Mademoiselle P RICHARD responsable du magasin a déclaré à l’huissier : « vous êtes ici dans la boutique pilote de Alain M, ce tee shirt ras du cou et loin du cou tel que nous l’appelons est référencé 46 935 008 … il est arrivé en boutique au mois de janvier 1994 » ; Considérant qu’il résulte tant du dépôt effectué le 22 septembre 1993 que des déclarations de Melle P RICHARD que le tee shirt incriminé n’a pas été commandé par la société ALAIN MANOUKIAN en décembre 1990 mais au plus tôt en septembre 1993 pour la collection été 1994 ; Considérant en conséquence qu’ETAM justifie de droits antérieurs à la société ALAIN MANOUKIAN sur le modèle de tee shirt en cause ; II – SUR L’ORIGINALITE DU TEE SHIRT D’ETAM Considérant que la société ALAIN MANOUKIAN soutient que la garniture du tee shirt d’ETAM ne présente aucune originalité, s’agissant d’une broderie qui existe depuis le Moyen Age et qui est utilisée banalement comme garniture de lingerie et de vêtements ; Qu’elle ajoute qu’ETAM ne saurait se prévaloir de la technique de réalisation de cette broderie laquelle ne peut être prise en compte au titre du droit d’auteur ; Considérant ceci exposé qu’il résulte des extraits d’ouvrage que la décoration litigieuse qui se rapproche d’un picot en dentelle, est en elle même connue ; Que par ailleurs ETAM ne peut valablement opposer le procédé de fabrication de cette garniture et le fait que pour l’obtenir une machine à double picots de type UNION SPECIALE équipés tous deux d’un guide spécial aurait été mise au point dès lors que

s’agissant d’un procédé technique il ne peut être éventuellement protégé que par le droit des brevets et non par le droit d’auteur ; Mais considérant que l’intimée réplique à juste titre que ce n’est pas la garniture en tant que telle qui est opposée à la société ALAIN MANOUKIAN mais le tee shirt dans son ensemble ; Or considérant que la société ALAIN MANOUKIAN ne produit aucune pièce tendant à démontrer qu’en mars 1993 (date de création retenue ci-dessus pour le modèle ETAM) étaient commercialisés des tee shirts à manches courtes agrémentés d’un double picot autour du décolleté et au bas des manches ; Considérant que M. C expert consulté par la société A. MANOUKIAN s’il fait état dans son rapport de juin 1994 de ce que des modèles similaires seraient mis en vente par les sociétés KOOKAI et PRISUNIC ne fournit cependant aucune indication sur la date de création de ceux-ci ; Que l’appelante ne donnant pas davantage d’éléments sur ce point, ceux-ci ne peuvent donc être pris en compte ; Considérant qu’en concevant de border d’une garniture évoquant une dentelle l’encolure et le bas des manches d’un simple tee shirt, lequel est à l’origine un sous vêtement masculin, ETAM a conféré à son vêtement un caractère tout à la fois féminin et moderne et lui a ainsi donné une physionomie propre permettant de le distinguer des autres types de tee shirt ; Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a dit que le tee shirt d’ETAM était une création originale protégeable par le droit d’auteur ; III – SUR LA CONTREFACON Considérant que la société ALAIN MANOUKIAN ne conteste pas la matérialité de la contrefaçon ; Qu’en toute hypothèse la comparaison des deux modèles communiqués en original à la Cour démontre que le tee shirt de la société ALAIN MANOUKIAN constitue une copie servile du tee shirt d’ETAM ; Que la même garniture sous forme d’un double picot a été apposée au bas des manches et autour du décolleté d’un simple tee shirt à manches courtes dépourvu de toute autre motif décoratif ; IV – SUR LES MESURES REPARATRICES

Considérant que la société ALAIN MANOUKIAN expose qu’ETAM ne rapporte pas la preuve de son préjudice et que bien au contraire l’examen de son bilan établit sa prospérité et l’absence de conséquences sur son chiffre d’affaires et sa notoriété ; Qu’elle ajoute que la contrefaçon n’ayant pas porté atteinte à l’image de marque d’ETAM, rien ne justifie d’ordonner la publication de la décision ; Considérant qu’ETAM réplique d’une part qu’en copiant purement et simplement son modèle, la société ALAIN MANOUKIAN s’est livrée à un détournement de clientèle et que son chiffre d’affaires eût été plus important si la contrefaçon n’avait pas eu lieu ; Qu’elle demande à la Cour de fixer la réparation de son préjudice matériel à la somme de 200 000 francs en estimant que la société ALAIN MANOUKIAN a pu vendre au moins 5 000 tee shirts ; Que par ailleurs elle fait valoir que cette diffusion a banalisé son modèle et évalue à la somme de 100 000 francs l’indemnisation de l’atteinte à son image de marque ; Qu’enfin elle sollicite la confirmation des mesures de publication ; Considérant ceci exposé que le modèle contrefaisant a été mis en vente en janvier 1994 et qu’il n’est ni démontré ni même allégué que les actes de contrefaçon se soient poursuivis au delà du prononcé du jugement ; Que si on se réfère aux commandes habituelles de la société ALAIN MANOUKIAN, on constate par exemple que celle-ci avait retenu 8 695 exemplaires du modèle référencé 75 844 ; Que le nombre de 5 000 avancé par ETAM n’est donc pas excessif ; Mais considérant que d’autres sociétés concurrentes d’ETAM ayant mis sur le marché à l’été 1994 des tee shirts présentant des caractéristiques en partie identiques ainsi que l’établissent les tickets de caisse relatifs à leur vente, l’intimée ne peut prétendre qu’elle aurait vendu 80 % de la masse contrefaisante ; Considérant en revanche que la contrefaçon a également porté atteinte à la valeur attractive du modèle d’ETAM lequel bénéficiait indéniablement de la faveur du public puisqu’il était commercialisé depuis l’été 1993 ; Considérant dans ces conditions que la Cour possède les éléments d’appréciation suffisants pour apprécier la réparation du préjudice subi par ETAM toutes causes confondues à la somme de 200 000 francs ; Considérant qu’il y a lieu par ailleurs de confirmer les mesures d’interdiction telles qu’ordonnées par les premiers juges ;

Considérant qu’à titre d’indemnisation complémentaire et eu égard à l’importance de la diffusion du modèle contrefaisant, les mesures de publication ordonnées par les premiers juges seront confirmées, étant précisé toutefois que le coût de chaque insertion ne pourra excéder la somme de 25 000 francs HT et qu’il devra être fait mention du présent arrêt ; V – SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SOCIETE ALAIN MANOUKIAN Considérant que l’appelante qui succombe ne saurait qualifier d’abusive la procédure diligentée à son encontre ; Qu’elle sera donc déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts de ce chef ; VI – SUR L’ARTICLE 700 DU NCPC Considérant que l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile à ALAIN M ; Considérant en revanche qu’il y a lieu d’allouer à ETAM pour les frais hors dépens par elle engagés en appel une somme supplémentaire de 15 000 francs ; PAR CES MOTIFS Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages et intérêts, Le réformant de ce chef et y ajoutant, Condamne la société ALAIN MANOUKIAN à payer à la société ETAM la somme de 200 000 francs à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues, Dit que les mesures de publication devront faire mention du présent arrêt, Dit que le coût desdites mesures mis à la charge de la société ALAIN MANOUKIAN ne saurait excéder la somme de 25 000 francs HT par insertion, Condamne la société ALAIN MANOUKIAN à payer à la société ETAM une somme supplémentaire de 15 000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, Rejette toute autre demande des parties, Condamne la société ALAIN MANOUKIAN aux dépens d’appel, Admet la SCP BOURDAIS VIRENQUE titulaire d’un office d’avoué, au bénéfice de l’article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.

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