Cour d'appel de Paris, du 28 octobre 2003, 2003/34310

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.Le harcèlement moral est caractérisé étant donné que le comportement du supérieur hiérarchique a eu pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, ce qui a contribué à altérer sa santé physique et mentale et compromis son avenir professionnel.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 28 oct. 2003, n° 03/34310
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2003/34310
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Fontainebleau, 20 mars 2003
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006942907
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Sur les parties

Texte intégral

N° Répertoire Général : 03/34310 Sur appel d’un jugement rendu le 21 mars 2003 par le conseil de prud’hommes de Fontainebleau Section encadrement 1ère page

COUR D’APPEL DE PARIS 18ème ch. D ARRET DU 28 OCTOBRE 2003 (N° , pages) PARTIES EN CAUSE : Monsieur Dany X… 5, chemin des graviers 77130 CANNES ECLUSE APPELANT comparant assisté par Maître TEXIER-MARTINELLI, avocat au barreau de Melun (L102) ELECTRICITE DE FRANCE 1, avenue du Général de Gaulle 92141 CLAMART CEDEX INTIMEE représentée par Maître BRASSART, avocat au barreau de Paris (R087) COMPOSITION DE LA COUR :

Statuant en tant que Chambre Sociale Délibéré : PRÉSIDENT

:

:

Madame Y… : Madame Z… DEBATS : A l’audience publique du 1er octobre 2003, Monsieur LINDEN magistrat chargé d’instruire l’affaire a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposé. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré. GREFFIER : Mademoiselle A…, lors des débats ARRET : contradictoire – prononcé publiquement par Monsieur LINDEN, Président, lequel a signé la minute avec Mademoiselle A…, Greffier présent lors du prononcé. FAITS ET PROCEDURE M. X… a été engagé à compter du 2 janvier 1981 par Électricité de France (EDF) en qualité de cadre à la direction des études et recherches ; il a été titularisé en 1982 ; nommé ingénieur chercheur, M. X… est devenu responsable de divers laboratoires ; à compter du 1er janvier 1994, il a été nommé chef du groupe logistique du département Mécanique et technologie des composants (MTC), au sein du service Réacteurs nucléaires etéchangeurs ; le 2 novembre 1998, il a été nommé correspondant sécurité du département MTC, tout en conservant ses fonctions antérieures ; M. X… a été reconduit dans ses fonctions de chef du groupe pour l’année 2000. À compter du 1er octobre 1999, la durée du travail de M. X… a été fixée à 32 heures par semaine ; l’intéressé a été en arrêt de travail en raison d’une dépression du 22 septembre 2000 au 15 mars 2001 ; il a été affecté au groupe CPM (T 25) le 1er octobre 2001. En sus de son salaire et de sa prime ARTT, M. X… percevait depuis 1983 une « prime de recherche » versée en juin et décembre de chaque année et, depuis 1994, des « indemnités kilométriques ». M. X… a, le 14 décembre 2001, saisi le conseil de prud’hommes de Paris de demandes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de rappel de prime de recherche, d’indemnités kilométriques, de dommages-intérêts pour harcèlement moral et d’allocation de procédure ; il en a été débouté par jugement du 21 mars 2003. M. X… a interjeté appel. La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier, du 1er octobre 2003. MOTIVATION Sur les indemnités kilométriques M. X…, qui a bénéficié en qualité de chef de groupe d’indemnités kilométriques, sollicite leur intégration dans sa rémunération de base et un rappel de salaire à compter du mois de juillet 2001. Il reconnaît dans une lettre du 10 décembre 1999 à M. B… que les indemnités kilométriques sont liées à la fonction de chef de groupe ; par ailleurs, il est établi que la poursuite du versement des indemnités kilométriques au titre de l’année 2001 était une compensation du travail supplémentaire effectué par M. X…. Par suite, les demandes de ce dernier ont été à juste titre rejetées. Sur le rappel de prime de recherche Selon la note interne sur le statut du chercheur, la prime de recherche évolue suivant le résultat des travaux de l’intéressé ; elle est fixée chaque année en fonction,

notamment, de l’atteinte des objectifs fixés ; selon une note du 2 août 1990, elle est liée à la qualité de la recherche dont la responsabilité incombe au chercheur ; son montant est variable. M. X… a perçu : – en 1998, 36 300 F ; – en 1999, 34 400 F ; – en 2000, 32 700 F ; – en 2001, 16 990 F ; – en 2002, 16 990 F. Le groupe dont M. X… avait la responsabilité n’étant pas un groupe de recherche, mais un groupe de maintenance et de logistique, il est normal que l’employeur ait, en 1999, harmonisé le montant de la prime de recherche de M. X…, qui bénéficiait du ratio prime sur salaire le plus important, avec celui des autres chefs de groupe. En revanche, EDF ne peut justifier la diminution de la prime de recherche de M. X… en 2000 et 2001 par son congé pour maladie, son absence de travail après son retour en mars 2001 et des critiques sur son travail, telles qu’une communication insuffisante sur les agents de son groupe, le refus d’utiliser les agendas électroniques et de communiquer son emploi du temps, l’impossibilité de finaliser l’entretien individuel, les difficultés relationnelles avec d’autres chefs de groupe, le retard dans l’établissement de consignes de sécurité ; en effet, ces motifs sont étrangers à l’objet de la prime. La Cour est en mesure de fixer le montant dû à M. X… à une somme de 4 790 euros. Sur les heures supplémentaires La disponibilité (surcroît de travail non prévu et explicitement demandé par la hiérarchie) est, en principe, rémunérée en congés supplémentaires ; selon l’accord du 25 janvier 1999, « la rétribution des dépassements horaires des cadres est distincte de la rétribution de la performance. La disponibilité demandée fait l’objet d’un entretien individuel annuel entre l’agent et sa hiérarchie qui conviennent, à cette occasion et a priori, d’une rétribution forfaitaire des dépassements horaires. » Le chef de département indique dans un mail du 25 mai 1999 que la prime de recherche rémunère la performance, et

non la disponibilité Le fait que M. X… n’ait pas rempli les relevés hebdomadaires d’activité n’exclut pas l’accomplissement effectif d’heures supplémentaires ; l’intéressé justifie, par la production de ses agenda personnels, dont le contenu est corroboré par des attestations et les relevés du poste de garde, avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires, rendues nécessaires par l’étendue de ses tâches, en sa double qualité de chef de groupe et de correspondant sécurité, et en avoir avisé à plusieurs reprises ses supérieurs hiérarchiques. En l’absence de convention de forfait, M. X… peut prétendre au paiement des heures supplémentaires qu’il a accomplies, pour un montant que la Cour est en mesure de fixer à 9 000 euros, outre les congés payés afférents, de 900 euros. Sur le harcèlement moral Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. M. X… estime avoir été victime d’agissements pernicieux et de mesures discriminatoires en matière d’évaluation, de rémunération, d’affectation, de qualification, de reclassement, de promotion et de mutation. Il résulte des pièces versées au dossier et des débats que d’importants conflits sont apparus à l’arrivée de M. C… en qualité de chef du département MTC, en septembre 1999, notamment sur les questions de sécurité. M. X… a détaillé l’ensemble des faits selon lui constitutifs de harcèlement moral, dont il impute l’essentiel de la responsabilité à M. C… ; pour sa part, EDF conteste l’existence de harcèlement moral. Il n’y a pas lieu, dans le cadre du présent arrêt, d’analyser en détail chacun des faits dont fait état M. X…, mais de rechercher, au vu des pièces et des débats, si ce dernier a été ou non victime de harcèlement moral. Si un certain

nombre d’attestations produites par M. X… font état des propos de ce dernier et non de faits auxquels leurs auteurs auraient personnellement assisté, leur caractère circonstancié et concordant leur donne néanmoins une valeur probante certaine. M. D… atteste que M. X… lui avait déclaré que M. C… lui avait demandé « de se mettre enfin au travail » et que « le temps qu’il passait au bureau révélait un manque d’organisation de sa part ». M. E… affirme avoir été très choqué par M. C… qui ne ratait pas une occasion pendant la réunion (de fin 1999) de s’attaquer personnellement à M. X…, devant la direction et le personnel. M. F… fait état de « situations incohérentes et parfois incompréhensibles » dans lesquelles M. C… mettait M. X… ; ainsi, « il lui avait fait faire un dossier complet, avec un autre animateur, sur les aménagements routiers (…) Lorsque tout a été prêt pour lancer la réalisation, M. C… lui a dit de ne pas s’en occuper et de laisser tomber, sans donner aucune raison » ; il ajoute que, selon M. X…, M. C… le surchargeait de travail tout en lui reprochant de ne pas faire son travail, et qu’un jour M. C… lui avait dit qu’il était temps qu’il change de « crémerie ». Il déclare : « pour moi, il était clair que le département avait mis M. X… sous pression pour qu’il se taise sur les problèmes de sécurité des boucles ». M. G… atteste : « en 1999, M. X… m’a dit qu’il commençait à en avoir marre de faire le travail de deux personnes et en plus de cela d’avoir à subir sans arrêt les remontrances personnelles de M. C…, même pendant les réunions, celui-ci prétendant qu’il faisait mal son travail ou qu’il ne travaillait pas assez ». M. H… indique : "Le 22 mai 2000, j’ai remplacé M. X… en réunion d’État-major (…) Une liste des descriptions d’emplois à rédiger a été dressée et il était demandé de les terminer pour la fin du mois de juin. M. X… en avait six à rédiger, ce qui me paraissait tout à fait

infaisable dans les délais impartis. D’ailleurs, l’un des chefs de groupe présents a dit : vous lui demandez quelque chose d’impossible, il va avoir de quoi s’occuper.« M. I… déclare : »Lors du bilan de contrat 1999, nous avons tous été surpris d’entendre M. C… casser le travail du groupe devant la Direction, alors que d’une part le groupe avait fait d’énormes progrès et atteint quasiment tous les objectifs fixés au contrat, et que d’autre part M. C… ne nous avait jamais fait aucune remarque avant cette réunion de bilan. Nous n’étions pas d’accord avec les remarques faites par M. C… lors du bilan et nous nous demandions si ce n’était pas une façon de dévaloriser le travail du chef de groupe devant la Direction. Cette méthode nous a dégoûtés, et nous avions tous un grand sentiment d’injustice.« M. J… indique : »on avait déjà été témoins de comportements injustifiés du nouveau chef de département à son égard, par exemple lors du bilan de groupe 1999 : M. C…, lorsqu’il intervenait devant le directeur, pendant l’exposé de M. X…, intervenait systématiquement pour le contredire et le discréditer (…) C’était surtout sa façon d’intervenir qui m’a choqué, car elle était vraiment vexante et irrespectueuse, comme s’il voulait le casser à tout prix. Mais cela n’a pas empêché la Direction de féliciter M. X… et le groupe pour tout le travail accompli qui était énorme. On s’était dit que M. C… devait avoir quelque chose de personnel contre M. X… pour l’attaquer aussi lâchement et de façon aussi virulente et agressive devant tout le monde, alors qu’il ne nous avait jamais rien dit auparavant.« Mme K… atteste avoir été informée par M. X… en octobre 2001 de sa situation de »harcèlement professionnel« , ce dernier lui ayant expliqué que sa »mise sous pression avait commencé lorsqu’il avait voulu faire remédier plusieurs mois auparavant à un problème de sécurité du personnel extérieur intervenant sur les installations du département

MTC.« À son retour le 15 mars 2001, M. X…, dont le bureau avait été logiquement attribué au nouveau chef de groupe, a refusé, ce qui était compréhensible, d’occuper un bureau situé à proximité de celui de M. C…, un tel emplacement étant, selon la juste expression de M. L…, »malheureux" ; M. C… indique d’ailleurs que cette situation, qui n’était pas « souhaitable », était provisoire ; M. X… s’est installé dans une pièce d’archives ; ainsi, de manière objective, il a été isolé pendant cinq semaines, son ordinateur n’étant raccordé au réseau que le 9 mai 2001 ; selon EDF, M. X… ne souhaitait pas une remise au travail trop rapide (cf attestation de M. M…), mais l’intéressé, qui affirme qu’il souhaitait travailler au plus vite, devait en tout état de cause se voir confier une activité ; si les propositions d’affectation faites ultérieurement à M. X… étaient loyales, l’intéressé est de fait resté sans activité réelle pendant plusieurs mois. En définitive, alors que M. X… s’était investi de façon considérable dans l’exercice de ses fonctions de chef de groupe et de correspondant sécurité, M. C… l’a rabaissé et critiqué systématiquement ; il lui a confié des tâches en imposant des délais qui ne pouvaient être tenus ; à son retour de congé maladie, M. X… resté isolé, sans justification, pendant cinq semaines. Le comportement de M. C… a eu pour effet une dégradation des conditions de travail de M. X…, qui a contribué à altérer très gravement sa santé physique et mentale et compromis son avenir professionnel, de sorte que le harcèlement moral est caractérisé. Il convient, pour l’appréciation du préjudice subi par M. X…, de prendre en considération le fait que ce dernier a parfois interprété le comportement de M. C… de façon subjective ; certaines observations et critiques formulées par ce dernier étaient justifiées et M. X… a donné au texte du mail que lui avait adressé M. C… ( j’ai eu connaissance du courrier

que tu as envoyé à G. Menjon. Il m’a fait très mal. Il m’est dorénavant encore plus difficile de communiquer avec toi et je ne pourrai m’abstraire de ces difficultés dans nos relations futures) et à son envoi en mode « protection contre la copie » un caractère menaçant qu’il n’avait pas. Par ailleurs M. X… n’a pas fait l’objet de rétrogradation, les fonctions de chef de groupe, auxquelles sont associées les délégations de signature et de pouvoir, ayant toujours un caractère temporaire, et le même niveau que celles d’ingénieur chercheur. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le préjudice subi par M. X… sera réparé par l’allocation d’une somme que la Cour est en mesure de fixer à 10 000 euros. Sur l’article 700 du nouveau Code de procédure civile Il sera alloué à M. X…, au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, une somme de 2 200 euros. PAR CES MOTIFS La Cour Infirme partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau, Condamne EDF à payer à M. X… : – 10 000 euros (dix mille euros) à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; – 9 000 euros (neuf mille euros) à titre d’heures supplémentaires ; – 900 euros (neuf cents euros) au titre des congés payés afférents ; – 4 790 euros (quatre mille sept cent quatre-vingt-dix euros) à titre de rappel de prime de recherche ; – 2 200 euros (deux mille deux cents euros) au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Confirme pour le surplus le jugement déféré ; Condamne EDF aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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  1. Code de procédure civile
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