Cour d'appel de Paris, 23 mars 2007, n° 06/07519

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 23 mars 2007, n° 06/07519
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 06/07519
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Longjumeau, 19 février 2006, N° 05/00974

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

18e Chambre E

ARRET DU 23 Mars 2007

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 06/07519

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2006 par le conseil de prud’hommes de Longjumeau section Activités diverses RG n° 05/00974

APPELANTES

SARL ACG

XXX

XXX

XXX

représentée par Maître Céline PASCOAL, avocat au barreau de l’ESSONNE de la SCP HORNY – MONGIN – SERVILLAT, avocat au barreau de l’ESSONNE, en présence de Monsieur X Y, gérant de la société

SARL ACTE

XXX

XXX

représentée par Maître Céline PASCOAL, avocat au barreau de l’ESSONNE de la SCP HORNY – MONGIN – SERVILLAT, avocats au barreau de l’ESSONNE

INTIME

Monsieur Z A

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Maître Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P392 de la SCP LEGENDRE-PICARD, avocats au barreau de PARIS, toque P392

INTERVENTION VOLONTAIRE :

CFDT (CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL

XXX

XXX

représenté par Maître Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P392 de la SCP LEGENDRE-PICARD, avocats au barreau de PARIS, toque P392

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Février 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Louis VERPEAUX, Président

Madame Marie-José THEVENOT, Conseillère

Madame Martine CANTAT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame B C, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par Monsieur Jean-Louis VERPEAUX, Président

— signé par Monsieur Jean-Louis VERPEAUX, Président et par Madame Evelyne MUDRY, Greffière présente lors du prononcé.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Monsieur Z A a été engagé par la SARL ACG en qualité de contrôleur technique automobile par contrat à durée indéterminée en date du 21 mai 2005 et il a pris ses fonctions, après agrément préfectoral, le 7 mai 2005. Sa période d’essai, d’un mois renouvelable a été renouvelée par l’employeur le 6 juillet 2005. Le 6 août 2005 la SARL ACG lui a notifié la rupture du contrat en période d’essai. Le même jour Monsieur Z A a été engagé par la SARL ACTE par contrat 'Nouvelles Embauches’ en qualité de contrôleur technique automobile. Le 30 août 2005 la SARL ACTE lui a notifié la rupture de son contrat en période de 'consolidation'.

Le 7 octobre 2005, Monsieur Z A a saisi le Conseil des Prud’hommes de Longjumeau aux fins de voir déclarer abusives les ruptures de contrat intervenues et d’obtenir réparation de ses préjudices.

Par jugement du 20 février 2006, le Conseil des Prud’hommes a prononcé la jonction des deux instances engagées devant lui, a dit abusives les deux ruptures de contrats de travail intervenues les 6 août 2005 et 30 août 2005, a condamné

— la SARL ACG à payer à Monsieur Z A les sommes de :

-8.220 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

-500 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

— la SARL ACTE à payer à Monsieur Z A les sommes de :

-8.220 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

-92,75 € au titre de l’indemnité de 8%,

-500 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SARL ACG et la SARL ACTE ont fait appel le 14 mars 2006.

Elles demandent à la Cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit les ruptures de contrat abusives et les a condamnées de ce chef, de rejeter l’ensemble des demandes de Monsieur Z A, de donner acte à la SARL ACTE de ce qu’elle entend verser à Monsieur Z A la somme de 92,75 € au titre de l’indemnité de fin de contrat, subsidiairement de réduire le montant des sommes allouées à titre de dommages et intérêts, et en tout état de cause de condamner Monsieur Z A à leur payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Z A demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL ACG et la SARL ACTE à l’indemniser, de l’infirmer pour le surplus, de condamner la SARL ACTE à lui payer les sommes de:

-1.525 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

-152,50 € au titre des congés payés afférents,

-1.525 € à titre de dommages et intérêts du fait de l’irrégularité de la procédure de licenciement,

-18.300 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

et de condamner la SARL ACTE à lui remettre les documents sociaux conformes.

Subsidiairement il demande de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné chacune des sociétés à lui payer la somme de 8.220 € à titre de dommages et intérêts du fait des ruptures abusives;

En toute hypothèse il demande que chacune d’elles soit condamnée à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et que les deux sociétés soient tenues solidairement du règlement de la totalité des condamnations;

Le Syndicat Confédération Française Démocratique du Travail est intervenu volontairement aux débats à titre accessoire pour appuyer les prétentions de Monsieur Z A .

Les moyens développés oralement par les parties au soutien de leurs prétentions sont contenus dans leurs écritures déposées à l’audience et auxquelles il est référé pour plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Considérant que la jonction des instances, justifiée par la liaison étroite des demandes doit être confirmée;

Considérant que ni la SARL ACG ni la SARL ACTE n’ont contesté la recevabilité de l’intervention volontaire du Syndicat CFDT, que l’intérêt de celui-ci à agir à titre accessoire résulte du fait que sont en litige les conditions d’application d’un texte récent, soit l’ordonnance 2005-893 du 2 août 2005 portant des dispositions qui modifient le droit commun du contrat de travail et concernent les intérêts collectifs des salariés représentés par le syndicat;

Que cette intervention sera donc déclarée recevable;

Considérant que la SARL ACG et la SARL ACTE ont en commun :

— leur objet social, soit le contrôle technique des véhicules automobiles,

— leur papier à en-tête qui comporte le même logo, un numéro de téléphone et de fax unique pour les deux sociétés,

— leurs associés qui sont les cinq mêmes personnes, quatre personnes physiques et une personne morale la société ALDIF,

Considérant que les tâches administratives des deux sociétés ACG et ACTE sont, selon elles, 'sous-traitées’ à cette société ALDIF, qui a le même siège social que la SARL ACTE, est gérée par D E, associé dans les deux sociétés ACG et ACTE et également gérant de la SARL ACTE ; qu’aucun contrat entre ces sociétés n’a toutefois été versé aux débats;

Considérant que Monsieur Y F, le gérant de la SARL ACG est directeur commercial de la société ALDIF, et dispose, sans aucune délégation formelle versée aux débats, du pouvoir d’engager aussi la SARL ACTE puisqu’il a signé les lettres de rupture des deux contrats de travail les 6 et 30 août 2003;

Considérant que les deux sociétés ACG et ACTE sont par ailleurs affiliées au même réseau de contrôle technique, SECURITEST, ce qui leur permet d’employer dans l’un ou l’autre de leurs sites indifféremment les mêmes salariés bénéficiant d’un agrément préfectoral valable sur tout leur réseau;

Considérant qu’il résulte de ces éléments que les sociétés AGC et ACTE sont étroitement liées, que si elles disposent d’une personnalité juridique distincte, leur fonctionnement est quasi-commun;

Considérant que Monsieur Z A a été affecté par la SARL ACG au centre de Sainte Geneviève des Bois, que le 6 août 2005 il lui a été notifié la rupture du premier contrat et la conclusion de second sans que son centre de rattachement ne soit modifié, le lieu d’exercice de son travail demeurant le même aux termes du contrat 'Nouvelles Embauches'; que les autres conditions contractuelles relatives notamment au salaire de 1.370 €, et au montant d’une indemnité de 155 €, demeuraient également identiques;

Considérant qu’il y a lieu de relever que l’ordonnance du 2 août 2005 relative au contrat 'Nouvelles Embauches’ est entrée en vigueur quelques jours avant l’expiration de la période d’essai renouvelée du premier contrat, que le contenu général de ce texte et l’imminence de son éventuelle application étaient connues du grand public depuis plusieurs mois, que les débats parlementaires sur l’autorisation de légiférer par ordonnances au sujet de ce nouveau type de contrat de travail avaient débuté en juin 2005;

Que lorsque la SARL ACG a prolongé le 6 juillet 2005 la période d’essai de Monsieur Z A cette volonté gouvernementale de modifier rapidement les règles protectrices des salariés en cas de licenciement lui était déjà nécessairement connue;

Considérant que la SARL ACTE a engagé Monsieur Z A le jour même de la rupture de son premier contrat à durée indéterminée;

Qu’elle ne peut de bonne foi soutenir avoir ignoré les conditions de ce précédent emploi alors qu’elle l’a maintenu dans le poste même qu’il occupait précédemment au sein de la SARL ACG; que comme l’a souligné le Conseil des Prud’hommes Monsieur Z A ne pouvait pas sans contradiction être jugé insatisfaisant dans le poste par l’une des deux sociétés et capable de le tenir dans des conditions parfaitement identiques par l’autre société;

Considérant qu’il doit être déduit de l’ensemble de ces éléments, soit l’étroite liaison des sociétés, leur connaissance d’une évolution législative favorable à leurs intérêts et l’absence de toute effectivité dans la rupture de la relation de travail, que la rupture du premier contrat de travail ne reposait pas sur l’inadaptation de Monsieur Z A à l’emploi, qu’elle n’est intervenue que pour permettre la conclusion du second et que la succession des contrats avait pour cause la volonté des employeurs de contourner la loi relative au contrat à durée indéterminée de droit commun, d’éluder le droit du licenciement en ses dispositions protectrices du salarié en engageant Monsieur Z A selon le nouveau contrat dit contrat 'Nouvelles Embauches';

Considérant que cependant, selon l’Ordonnance du 2 août 2005 qui avait fait l’objet de vives et nombreuses discussions publiques, ce type de contrat était réservé, comme son nom l’indique et comme l’a justement précisé le Conseil des Prud’hommes, aux embauches nouvelles ainsi que l’énonce son article premier; qu’un tel contrat ne pouvait donc être conclu avec un salarié qui disposait déjà d’une embauche à durée indéterminée de droit commun;

Considérant que la fraude à la loi, en l’espèce certaine, a manifestement été concertée entre les deux entreprises dès le renouvellement de la période d’essai du premier contrat, que la rupture du premier contrat était illicite et que le second contrat était entaché dès l’origine d’un vice puisque le salarié était contraint d’y souscrire pour conserver son emploi;

Qu’il y a lieu d’en tirer les conséquences juridiques quant à la situation de Monsieur Z A;

Considérant que le contrat 'Nouvelles Embauches', s’il est un contrat à durée indéterminée, déroge au droit commun du contrat de travail sur plusieurs points et notamment en ce qui concerne la durée de la période pendant laquelle l’employeur peut, sans exposer de motif, se séparer rapidement de son salarié, qu’en matière de contrat de travail, un contrat dérogatoire conclu en méconnaissance de ses dispositions spécifiques essentielles est réputé contrat de droit commun;

Considérant que la succession artificielle de contrats dont le but était de maintenir le salarié dans une situation précaire doit conduire à requalifier ainsi la relation de travail et à juger que Monsieur Z A se trouvait lié à ses deux employeurs selon un seul contrat à durée indéterminée de droit commun et que les deux sociétés, co-responsables de fraudes à la loi destinées à leur bénéficier à toutes deux, doivent être tenus solidairement des conséquences de cette requalification et des conséquences de la rupture de la relation de travail, intervenue sans motif et sans procédure régulière;

Considérant qu’en l’absence de fraude Monsieur Z A aurait poursuivi son emploi sans interruption depuis le 7 juin 2005 et aurait disposé d’une ancienneté de plus de deux mois au 30 août 2005, que cette ancienneté doit lui être reconnue, qu’une indemnité de préavis lui est due en application de l’article L 122-8 du Code du Travail et de la convention collective applicable , qu’au regard de son salaire cette indemnité doit être fixée à la somme de 1.525 €, qu’une somme de 152,50 € au titre des congés payés afférents doit être également fixée;

Considérant que compte tenu des circonstances de la rupture de la relation de travail, des difficultés personnelles de Monsieur Z A , né en 1954 et travailleur reconnu handicapé classé B par la COTOREP, à retrouver un travail, la somme de 10.000 € doit être allouée en réparation de l’ensemble des préjudices subis au titre de cette rupture abusive;

Considérant qu’une somme de 1.525 € doit être allouée en réparation du préjudice subi du fait des irrégularités de la procédure de licenciement, par application de l’article L 122-14-5 du Code du Travail;

Considérant que conformément à la demande de Monsieur Z A la société ACTE sera condamnée à remettre les documents sociaux rectifiés conformes;

Considérant que les intérêts des sommes doivent courir à compter du 10 octobre 2005 pour ce qui concerne les sommes allouées au titre du préavis et à compter du présent arrêt pour les autres sommes allouées à titre indemnitaire;

Considérant que les dépens suivent le sort du principal et qu’au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile une somme de 2.000 € doit être allouée à Monsieur Z A , à la charge des deux sociétés in solidum;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME la jonction ordonnée;

DECLARE recevable l’intervention du syndicat CFDT;

INFIRMANT le jugement,

CONDAMNE solidairement la SARL ACG et la SARL ACTE à payer à Monsieur Z A au titre d’un contrat à durée indéterminée de droit commun les sommes de :

-1.525 € (mille cinq cent vingt cinq euros) d’indemnité de préavis et 152,50 € (cent cinquante deux euros et cinquante centimes) de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal depuis le 10 octobre 2005,

-10.000 € (dix mille euros) de dommages et intérêts en réparation de la rupture abusive,

-1.525 € (mille cinq cent vingt cinq euros) en réparation des irrégularités de la procédure de licenciement;

ORDONNE à la SARL ACTE de remettre à Monsieur Z A une attestation ASSEDIC et un certificat de travail conformes;

CONDAMNE IN SOLIDUM la SARL ACG et la SARL ACTE aux dépens et au paiement à Monsieur Z A d’une somme de 2.000 € (deux mille euros) pour l’ensemble de ses frais en première instance et en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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Cour d'appel de Paris, 23 mars 2007, n° 06/07519