Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 16, 12 octobre 2021, n° 20/02301

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 16, 12 oct. 2021, n° 20/02301
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/02301
Dispositif : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

PÔLE 5 – CHAMBRE 16

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2021

(n° /2021 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02301 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBMTX

Décision déférée à la Cour : Sentence arbitrale du 03 Décembre 2019

DEMANDERESSE AU RECOURS :

Société X Y Z A. […]

Société de droit turc

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

Kücük Camlica M. B C D E […]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Bertrand DERAINS et Me GHARAVI du cabinet DERAINS & GHARAVI AARPI, avocats plaidants du barreau de PARIS

DÉFENDEUR AU RECOURS :

Organisme COMMITTEE FOR ROADS OF THE MINISTRY OF INVESTMENTS AND DEVELOPMENT OF THE REPUBLIC OF KAZAKHSTAN

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

Représentée par Me Olivier LOIZON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0564

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Septembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

I J, Président

Fabienne SCHALLER, Conseillère

Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : F G H

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par I J, Président et par F G H, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I/ FAITS ET PROCEDURE

1-La société X Y Z A. […] (ci-après « la société X ») est une société de construction de droit turc.

2-Le COMMITTEE FOR ROADS OF THE MINISTRY OF INVESTMENTS AND DEVELOPMENTS (ci-après « le Comité ») est une entité du Ministère des Investissements et du Développement de la République du Kazakhstan, en charge de la réglementation et de la mise en 'uvre de la politique du Ministère dans le domaine des routes.

3-En 2015, la société X a participé à un appel d’offres lancé par la République du Kazakhstan, relatif à un projet de reconstruction de la liaison Aktobe ' Makat au Kazakhstan, lequel était réparti en sept lots. Après avoir été pré-qualifiée pour 5 de ces lots, elle a soumis des offres pour les lots 4, 5 et 6, qui lui ont été attribués le 19 juillet 2017.

4-A l’occasion des négociations contractuelles qui ont fait suite à cette attribution, les parties sont convenues que la société X fournirait une garantie d’exécution à hauteur de 15% du prix contractuel, ainsi que de la clause de mobilisation suivante :

« A l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de la date de signature du Contrat, l’Entrepreneur est tenu de mobiliser en temps utile des machines, du matériel et du personnel pour la construction de routes, y compris l’organisation de camps de travail selon le calendrier approuvé. En cas de non-respect de cette exigence, le Maître d’Ouvrage est en droit de résilier le Contrat avec l’Entrepreneur, en prenant unilatéralement les mesures appropriées à l’égard de l’Entrepreneur ».

5-Les contrats définitifs pour les lots 4, 5 et 6 ont été adressés le 16 août 2017 par le Comité à la société X.

6-Dans ce cadre, la société X a fourni au Comité des garanties de bonne exécution ainsi que des garanties de restitution d’acompte.

7-La mobilisation a connu différentes difficultés dont l’imputabilité et les conséquences font l’objet d’un débat entre les parties et qui ont motivé la résiliation des contrats par le Comité le 21 février 2018.

8-Estimant que les contrats avaient été illicitement résiliés par le Comité le 21 février 2018, la société X a initié le 27 décembre 2017, sur le fondement de la clause d’arbitrage stipulée à la clause 20.6 (a) des conditions particulières des contrats, trois procédures arbitrales à l’encontre du Comité (une pour chacun des contrats) sous l’égide du Règlement d’arbitrage du Centre international d’arbitrage de Singapour (Singapore International Arbitration Centre – SIAC) en date du 1er août

2016. Elles ont par la suite été consolidées par application des articles 6.1(b) et 8.1 du Règlement.

9-Aux termes de sa sentence rendue à Paris le 3 décembre 2019, le tribunal arbitral a jugé que la société X avait violé ses obligations aux termes de la clause de mobilisation, rejeté ses demandes et fait partiellement droit à celles du Comité en condamnant la société X à lui payer la somme en principal de 6.709.931.050,04 KTZ assortie d’intérêts d’un montant journalier de 1.654.503,54 KTZ.

10-Le 24 janvier 2020, la société X a saisi la Cour d’appel de Paris d’un recours en annulation de la sentence sur le fondement des articles 1520-4 et 1520-5 du Code de procédure civile.

II / PRÉTENTIONS DE PARTIES

11-Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 1er mars 2021, la société X demande à la Cour de bien vouloir :

JUGER que le tribunal arbitral a agi en violation du principe de la contradiction et en conséquence annuler la Sentence sur le fondement de l’article 1520 4°du code de procédure civile.

JUGER que le tribunal a agi en violation de l’ordre public international, comprenant le principe d’égalité des armes, et en conséquence annuler la Sentence sur le fondement de l’article 1520 5° du code de procédure civile ;

CONDAMNER le Comité à payer à la Demanderesse la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

12-Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 mai 2021, le Comité demande à la Cour de bien vouloir :

REJETER le recours en annulation formé par la société X Y Z A. Ve Tic. As ;

CONDAMNER la société X Y Z A. Ve Tic. As à verser à la défenderesse la somme de 120 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

III/ MOYEN DES PARTIES

13-La société X soutient que le Tribunal arbitral l’a privée de la possibilité de faire valoir ses prétentions de fait et de droit et son argumentation, en violation du principe de la contradiction, en ce qu’il a empêché la production et le débat autour de preuves relatives au contexte général et au contexte factuel du litige. Elle fait notamment valoir que le Tribunal, en refusant sa demande de production de documents portant sur la comparaison entre les entrepreneurs sur l’avancement de la mobilisation et d’interrogatoire du témoin du Comité sur cette question, ne l’a pas laissée développer son argumentaire relatif à l’hostilité du Comité envers la société X et l’absence de violation de la clause de mobilisation. Elle fait également grief au tribunal de ne pas avoir tiré les conclusions du refus de production de certains documents en violation de son ordonnance.

14-En réponse, à l’irrecevabilité qui lui est opposée, la société X expose que l’interrogatoire du témoin du Comité devait permettre d’apprécier comment le Comité avait appliqué la clause de mobilisation avec les autres entrepreneurs. Elle soutient que les interventions de ses conseils, les professeurs Akinci et Gorkyayla, lors de l’audience soulignant l’intérêt de savoir comment le Comité avait géré les clauses de mobilisation avec les autres entrepreneurs prouve qu’elle a protesté contre le refus du tribunal arbitral de la laisser interroger le témoin du Comité et ajoute que seule la lecture de la sentence, faisant apparaître que le tribunal n’a pas tiré de conséquence du refus par le Comité de

produire certaines des pièces dont la production avait pourtant été ordonnée, lui a permis de constater pleinement la violation du principe du contradictoire.

15-La société X soutient en outre que la sentence arbitrale a été rendue en contrariété avec l’ordre public international procédural en ce que le principe d’égalité des armes, principe fondamental du procès, a été violé. Elle affirme ainsi qu’en l’empêchant de faire valoir ses prétentions et son argumentation et en l’empêchant d’interroger le témoin du Comité, le Tribunal a placé la société X dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.

16-En réponse, le Comité soutient que la société X est réputée avoir renoncé à se prévaloir des irrégularités invoquées au soutien de son recours pour s’être abstenue de les invoquer en temps utile devant le tribunal arbitral, en application de l’article 1466 du code de procédure civile.

17-Il fait valoir que la société X n’a formulé aucune réserve quant au déroulé de l’audience arbitrale, pendant celle-ci ou dans son mémoire post-audience alors que la société X fait grief au tribunal de ne pas l’avoir laissée développer son argumentaire et interroger le témoin du Comité. Il ajoute que si elle a relevé que le Comité n’a pas produit les documents dont elle sollicitait la communication, elle n’a jamais soutenu qu’il pourrait en résulter une violation du principe de la contradiction ou de l’ordre public procédural.

18-A titre subsidiaire, le Comité soutient que les arguments de la société X reviennent à remettre en cause le pouvoir d’appréciation du Tribunal et ne traduisent pas une violation du contradictoire. Il expose que le tribunal a jugé inopérant l’argument relatif à l’hostilité du Comité invoquée par la société X, car la seule question concernait le respect de son obligation de mobilisation. Il soutient que le seul constat objectif de la violation par la société X de cette obligation, sans considération de l’avancement des autres entrepreneurs, était suffisant pour trancher le différend et justifiait le refus de production de documents et d’interrogatoire du témoin sur ce sujet. Il ajoute que si le Tribunal dispose de la faculté de tirer les conclusions du refus de production de pièces par le Comité, il ne s’agit pas d’une obligation.

19-Le Comité soutient enfin que le moyen tiré de la la violation alléguée de l’ordre public international repose sur les mêmes griefs que celui relatif à la violation prétendue du principe de la contradiction et doit être rejeté pour les même raisons.

IV/ MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des moyens d’annulation ;

20-Aux termes de l’article 1466 du même code, la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s’abstient d’invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir.

21-Ce texte ne vise pas les seules irrégularités procédurales mais tous les griefs qui constituent des cas d’ouverture du recours en annulation des sentences, en ce compris le principe d’égalité des armes qui relève de l’ordre public international de protection, à l’exception des moyens tirés de ce que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence violerait l’ordre public international de fond.

22-En l’espèce, la société X soutient que « tout au long de la procédure arbitrale », le tribunal l’a empêchée « de faire pleinement valoir ses prétentions », et plus particulièrement de faire valoir ses arguments factuels au soutien de sa position tendant à justifier d’une hostilité du Comité à son égard, de telle sorte qu’elle n’avait pas été « mise en mesure de faire valoir ses prétentions de fait et de droit » en violation du principe de la contradiction.

23-Cependant, il appartenait à la société X de soulever cette irrégularité devant le tribunal

arbitral, ce qu’elle s’est abstenue de faire.

24-En effet, d’une part, la société X n’a pas contesté la décision du tribunal arbitral ayant fait droit seulement partiellement à sa demande de communication de pièces par le Comité de sorte que toute allégation de violation du principe du contradictoire qui pourrait résulter de cette décision est manifestement tardive et en tout état de cause ne saurait non plus résulter de ce que le tribunal n’aurait pas selon la société X tiré les conséquences de l’abstention du Comité de produire certains de ces documents, cette appréciation relevant du fond du litige et d’une appréciation que la cour ne peut remettre en question dans le cadre de son contrôle de juge de l’annulation.

25-D’autre part, il est constant que la société X a eu connaissance lors de l’audience du refus du tribunal arbitral pour ses conseils d’interroger le témoin unique du Comité sur l’avancée de la mobilisation des autres entrepreneurs sélectionnés dans le contexte du projet aux conseils.

26-Ainsi, il ressort du procès-verbal de l’audience du 21 mars 2019 que le président du tribunal a en effet considéré que cette question n’était pas pertinente et qu’il pensait qu’il n’était pas « utile de poursuivre avec cette série de questions », aux motifs que ce qui était important pour le tribunal était de savoir « quel équipement, quels matériels, quel personnel, etc. dont disposait la société X à un moment donné » (« What matters is what equipment, materials, personnel and so forth X had at any given time »), le président du tribunal ayant ajouté que « établir des comparaisons avec d’autres entrepreneurs, nous n’avons pas l’impression que cela aide le tribunal, et comme je l’ai dit, nous exclurons et ne considérerons pas des preuves produites par les parties sur ce point précis » (« making comparisons with the other contractors we do not feel helps the tribunal and we will preclude, as I say and not consider evidence form either party on that particular point »).

27-Ayant pris connaissance de cette position, la société X n’a émis aucune protestation contre cette analyse en contemplation d’une atteinte au principe de la contradiction.

28-Le simple fait pour les conseils de la société X d’avoir observé lors de cette même audience que les termes des contrats attribués à tous les entrepreneurs impliqués dans le projet, notamment ceux relatifs à leurs obligations de mobilisation, étant similaires, le fait de savoir « comment ces termes avaient été appliqués aux autres entrepreneurs était pertinent » et d’ajouter pour l’un des conseils « Donc, si je peux me permettre, non pas comparer mais examiner comment le [Comité] gère les autres lots peut aider à comprendre comment le [Comité] interprète la clause de mobilisation » ne saurait s’analyser comme une contestation alors que ce faisant, la société X n’a fait que porter une appréciation différente de celle du tribunal sans pour autant contester celle de ce dernier.

29-En tout état de cause, si la société X soutient devant le juge de l’annulation qu’en l’empêchant d’interroger le témoin du Comité sur ce sujet, le tribunal l’a empêchée de développer son argumentation et de prouver celle-ci sur un sujet déterminant pour l’arbitrage, elle aurait dû s’en prévaloir immédiatement, ce qu’elle s’est abstenue de faire.

30-Au contraire, il résulte du procès-verbal de la dernière audience en date du 22 mars 2019 que le conseil de la société X a indiqué que «Au nom du demandeur, nous tenons également à remercier pour la conduite très équitable et efficace de l’audience» («Also on behalf of the Claimant we would like to thank for the very fair conduct and efficient conduct of the hearing ») manifestant ainsi, sans qu’une telle formule ne puisse être réduite à une simple formule de politesse, sa satisfaction sur la manière « très équitable » avec laquelle le tribunal avait conduit cette audience, comportement incompatible avec une prétendue violation du principe de la contradiction ou une atteinte avec l’égalité des armes.

31-Enfin, la société X n’a pas davantage émis la moindre réserve sur le non respect du principe du contradictoire ou le principe de l’égalité des armes lors de son dernier mémoire après l’audience

déposée le 31 mai 2019, conformément au calendrier de procédure convenu entre les parties.

32-A cet égard, la société X ne peut valablement soutenir que c’est à la lecture de la décision qu’elle a pris conscience de «l’ampleur de la violation du principe de la contradiction», alors que les faits dénoncés préexistaient à cette sentence.

33-Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la société X doit être réputée avoir renoncé à invoquer ces deux moyens et n’est dès lors pas recevable à se prévaloir de ces moyens devant le juge de l’annulation.

34-Le recours sera en conséquence rejeté.

Sur les frais et dépens ;

35-Il y a lieu de condamner la société X, partie perdante, aux dépens.

36-En outre, elle doit être condamnée à verser au Comité, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 30 000 euros.

V/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1- Déclare irrecevables les moyens soulevés par la société X au soutien de son recours en annulation ;

En conséquence,

2- Rejette le recours en annulation contre la sentence rendue le 3 décembre 2019 ;

3- Condamne la société X Y Z A. Ve Tic. AS à payer au Committee for Roads of the Ministry of Investments and Developments of the Republic of Kazakhstan la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

4-Condamne la société X Y Z A. Ve Tic. AS aux entiers dépens.

La greffière Le Président

F G H I J

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