Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 12 janvier 2022, n° 21/06186

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 15, 12 janv. 2022, n° 21/06186
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/06186
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 23 mars 2021
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 12 JANVIER 2022

(n°3, 14 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : 21/06186 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNGG


Décision déférée : Ordonnance rendue le 24 Mars 2021 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS


Nature de la décision : Contradictoire


Nous, N O-P, Conseillère à la cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de L M, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;


Après avoir appelé à l’audience publique du 20 octobre 2021 :

SHAD S.A., société de droit luxembourgeois


Prise en la personne de son représentant légal M. X Y, Administrateur de catégorie A


Élisant domicile au cabinet […]

[…]

[…]

représentée par Me Vincent AGULHON de l’AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque R 170

APPELANTE

et

LA DIRECTION NATIONALE D’ENQUETES FISCALES

[…]

[…]


Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 20 octobre 2021, le conseil de l’appelante et le conseil de l’intimée ;


Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 15 décembre 2021 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, puis prorogée au 12 janvier 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.


Avons rendu l’ordonnance ci-après :


Le 24 mars 2021 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal judiciaire (ci-après TJ) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :


- la société de droit luxembourgeois SHAD SA représentée par son administrateur de catégorie A, X Y, dont le siège social est […], ayant pour objet social notamment la constitution et la gestion de toute activité commerciale liée au domaine pharmaceutique.


L’ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants:


- locaux et dépendances sis 72, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 PARIS, susceptibles d’être occupés par la société SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS et/ou la société de droit luxembourgeois SHAD SA et/ou les sociétés SAS REGUS PARIS SA et/ou SAS REGUS HOLDINGS et/ou SAS REGUS BUSINESS CENTERS et/ou SARL LYON PLAZA BUSINESS CENTRE et/ou SARL REGUS MONTPELLIER et/ou SARL REGUS PORTES DE PARIS et/ou SARLL REGUS PROVENCE et/ou SARL REGUS VENDOME et/ou SARL REGUS OPERA.


L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit luxembourgeois SHAD SA exercerait ou aurait exercé en FRANCE une activité de prise de participations et de gestion de marques sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.


Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 286 pour la TVA).


L’ordonnance était accompagnée de 49 pièces annexées à la requête.


Il ressortait des éléments du dossier que la détention capitalistique de la société de droit luxembourgeois SHAD SA serait située en FRANCE.


Antérieurement au 30 septembre 2015, la SAS JUVISE, […] et dont l’associé unique était X Y détenait la totalité du capital de la SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS sise à la même adresse. Le 30 septembre 2015, dans le cadre d’une fusion absorption, la SAS JUVISE a fait apport à la SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS d’un actif net de 2.970.733 euros créant, en rémunérations de cet apport 278 864 actions attribuées en totalité à X Y.


Ainsi, à compter du 30 septembre 2015, le capital social de la SAS LABORATOIRES JUVISE
PHARMACEUTICALS était entièrement détenu par X Y, actionnaire unique de la société de droit luxembourgeois SHAD SA.


Dès lors, à l’issue de ces opérations, la société SHAD SA, détenue et dirigée par X Y, est devenue l’unique associée de la SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS.


En outre, la société de droit luxembourgeois SHAD SA serait présumée avoir successivement établi son siège social à des adresses de domiciliation et semblerait ne pas disposer, à l’adresse de son siège social au LUXEMBOURG, de moyens matériels et humains suffisants lui permettant d’exercer une activité conforme à son objet social.


Il apparaîtrait également que quatre administrateurs de catégorie B se seraient succédés depuis la création de la société de droit luxembourgeois SHAD SA et que les administrateurs de catégorie B actuels seraient présumés résider, à titre privé ou professionnel, à des adresses de domiciliation commerciale au LUXEMBOURG.


Compte tenu de la multiplicité de leurs engagements dans de nombreuses sociétés, lesdits administrateurs seraient présumer assurer et/ou avoir assuré une gestion purement administrative de cette dernière.


Il résulterait donc de tout ce qui précède que la société de droit luxembourgeois SHAD SA, dont le siège social au LUXEMBOURG serait présumé ne pas avoir de substance réelle, serait une société holding qui serait présumée disposer du siège de sa direction effective en FRANCE, en la personne de X Y, résident français, qui serait son principal dirigeant et associé unique.


Il était indiqué que la société SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS exerce une activité commerciale dans le domaine pharmaceutique.


La consultation des déclarations d’Impôt sur les Sociétés (IS) n° 2065 et leurs tableaux annexes laisse apparaître que la SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS a versé, depuis 2016, un montant de 6 410 000 € à son associé, la société de droit luxembourgeois SHAD SA, à titre de dividendes.


Il ressort de l’examen des comptes annuels déposés au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg que la société de droit luxembourgeois SHAD SA a déclaré, depuis 2016, des revenus de participations provenant de sociétés liées pour 6 427 017,87€.


Ainsi, depuis 2016, le montant des dividendes versés par la société SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS à sa société mère, la société de droit luxembourgeois SHAD SA, correspondrait quasiment en totalité aux revenus de participations déclarés par cette dernière.


Par conséquent, la société de droit luxembourgeois SHAD SA percevrait des redevances de marques de sa filiale, la société de droit français SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS.


Il apparaîtrait également que la société de droit belge SPRL JUVISE PHARMACEUTICAL, détenue en totalité par la société de droit luxembourgeois SHAD SA, exercerait une activité commerciale dans le domaine de l’industrie pharmaceutique qui ne générerait aucun produit d’exploitation ni produit financier depuis, au moins, l’année 2015.


La société de doit luxembourgeois SARL TROWBRIDGE dispose de son siège social […] à Luxembourg, elle a pour activité les services administratifs et le soutien aux entreprises. Elle est représentée par son gérant X Y, et a pour associé unique la société SHAD SA.
Selon les comptes annuels déposés au RCS de Luxembourg la SARL TROWBRIDGE présente u n déficit de 12.342,79 euros au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2019.


Dès lors, la société de doit luxembourgeois SARL TROWBRIDGE, détenue en totalité par la société de droit luxembourgeois SHAD SA, exercerait une activité commerciale dans le domaine des services administratifs et soutien aux entreprises présentant un résultat déficitaire au titre du seul exercice clos depuis sa création.


Dans ces conditions, les produits d’exploitation de la société de droit luxembourgeois SA SHAD sont présumés émaner exclusivement de sa filiale française détenue à 100%, la société de droit français SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS .


Dès lors, il peut être présumé que la société de droit luxembourgeois SA SHAD exerce sur le territoire français une activité de prise de participations et de gestion de marques.


Dès lors, la société de droit luxembourgeois SHAD SA, qui disposerait en FRANCE du siège de sa direction effective en la personne de X Y, résident français et son principal dirigeant et associé unique, serait présumée exercer ou avoir exercé sur le territoire national une activité professionnelle sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait ou aurait omis de passer, en FRANCE, les écritures comptables y afférentes.


Au vu de tout ce qui précède, le JLD a autorisé la visite domiciliaire dans les locaux et dépendances sis 72, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 PARIS, susceptibles d’être occupés par la société SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS et/ou la société de droit luxembourgeois SHAD SA et/ou les sociétés SAS REGUS PARIS SA et/ou SAS REGUS HOLDINGS et/ou SAS REGUS BUSINESS CENTERS et/ou SARL LYON PLAZA BUSINESS CENTRE et/ou SARL REGUS MONTPELLIER et/ou SARL REGUS PORTES DE PARIS et/ou SARLL REGUS PROVENCE et/ou SARL REGUS VENDOME et/ou SARL REGUS OPERA.


Les opérations de visite et saisie se sont déroulées le 25 mars 2021 dans les locaux susmentionnés, de 8H50 à 17H15 en présence de X Y, représentant légal de la SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS, occupante des lieux.


Le 8 avril 2021 la société SA SHAD a interjeté appel contre l’ordonnance (RG 21/06186).


L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 20 octobre 2021 et mise en délibéré pour être rendue le 15 décembre 2021. Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2022.

Par conclusions n°1 du 17 juin 2021 et par conclusions n° 2 déposées au greffe de la cour d’appel de PARIS le 7 octobre 2021, l’appelante fait valoir:

I Rappel des faits et de la procédure.


L’appelante rappelle que la société SHAD SA est une société luxembourgeoise, dont le siège est […] à Luxembourg. La société SAS Laboratoire Juvise Pharmaceuticals est une société de droit français dont le siège social est à Villeurbanne (69). La société SHAD SA, détenue à 100% par X Y , détient l’intégralité du capital de la société SAS Laboratoire Juvise Pharmaceuticals.


Le 25 mars 2021, la société SAS Laboratoire Juvise Pharmaceuticals a fait l’onjet d’une procédure de visite et de saisie à son établissement secondaire par des agents de la DNEF, en application d’une ordonnance rendue par le JLD du TJ de Paris du 24 mars 2021. La société SHAD a interjeté appel de cette ordonnance.
II Discussion .


La légalité de l’ordonnance du JLD ne résiste pas à l’analyse : le JLD ne démontre nullement que les conditions posées par l’art L16B du LPF étaient satisfaites et le JLD a uniquement retenu les éléments à charge et n’a pas tenu compte des éléments à décharge qui ressortaient des pièces communiquées.

I – les conditions matérielles posées par l’article L.16 B du LPF n’ont pas été respectées.


A- L’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champs de l’article L. 16 B du LPF.


-L’article L16B du LPF vise les cas de présomption de fraude mais son champ d’application est restreint par une liste limitative d’indices matériels pour lesquels une opération de visite et de saisies peut être autorisée.


Les termes de l’article L16 B sont rappelés, et les trois hypothèses susceptibles de permettre la mise en oeuvre de la procédure sont énumérées. Le droit de visite domiciliaire obéit à des règles strictes afin de concilier fraude fiscale et respect de la liberté individuelle. La Cour de Cassation exige que la présomption de fraude fiscale se rattache à l’un des manquements précisément énumérés par l’art L16B.


Cet article vise une liste limitative d’indices matériels qui correspondent aux seules situations dans lesquelles l’autorité judiciaire peut autoriser l’Administration fiscale à procéder aux visites et saisies. Il est rappelé la décision du Conseil Constitutionnel du 29 décembre 1983 par laquelle le Conseil a censuré la première version de l’art L 16B du LPF.


Il découle de l’article L.16 B du LPF que l’autorisation de procéder à une visite domiciliaire est conditionnée au fait que l’Administration fiscale justifie qu’un « contribuable » est présumé se soustraire à l’impôt français.


En l’espèce, l’ordonnance est fondée sur le fait que SHAD SA serait présumée s’être soustraite au paiement de l’impôt « en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ['] dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts ». Cette conclusion se fonde sur trois éléments: le fait que SHAD SA ne soit pas immatriculée au RCS en FRANCE ; qu’elle ne soit pas répertoriée auprès du Service des Impôts des Non-Résidents ' service de Remboursement de la TVA aux assujettis établis à l’étranger ; et le fait qu’elle ne soit pas répertoriée au compte fiscal des professionnels de la base nationale de la Direction Générale des Finances Publiques.


Ainsi, aucun de ces éléments n’est de nature à établir que SHAD SA aurait omis de passer des écritures dans des documents comptables dont la tenue est exigée par le CGI.


-La régularité ' des écritures comptables’ de la société SHAD SA.


La société SHAD SA établit régulièrement et dépose annuellement ses comptes au Luxembourg (pièces 8 à 8 D), ainsi elle tient une comptabilité complète et régulière au LUXEMBOURG, ce qui n’est pas contesté.


L’ordonnance comporte des contradiction de motifs : elle repose sur les dipositions de l’art L16B et elle produit la comptabilité de la société au Luxembourg déposée régulièrement.


Les termes de l’ordonnance sont éclairants, pour retenir la prétendue absence de moyens matériels et humains suffisants, l’ordonnance se réfère aux pièces 8 à 8D et 8 bis, en détaillant les frais de téléphone, le montant des immobilisations corporelles et les frais liés à l’emploi du salarié, sans mentionner les autres frais qui sont détaillés (frais professionnels et loyers), alors que ces frais sont systèmatiquement analysés pour apprécier les moyens matériels d’une société.


L’ordonnance concernant la prise en compte dans le résultat de SHAD SA des dividendes versés vise les pièces 8, 8.A, 8.B, 8.C et 8.D qui contiennent les comptes sociaux de SHAD SA . L’administration fiscale n’établit ni n’allègue aucune irrégularité en lien avec ceux-ci. La société a pour seule obligation de tenir une comptabilité régulière au Luxembourg.


Dans ces conditions, il ne peut qu’être constaté que SHAD SA n’a pas sciemment omis de tenir les documents comptables requis par le droit luxembourgeois, qui sont les seuls documents comptables que cette dernière est tenue d’établir.


Il est soutenu qu’il appartenait au JLD d’effectuer cette simple constatation matérielle pour rejeter la thèse de l’administration selon laquelle SHAD SA aurait omis de tenir une comptabilité.


Il est argué que ni l’Administration ni le premier juge pouvaient faire abstraction de cette comptabilité luxembourgeoise, dès lors qu’un tel déni constituerait une discrimination liée à la nationalité, sanctionnée par la jurisprudence de la CJUE.


Par conséquent, l’absence de dépôt de déclarations fiscales en FRANCE ne saurait à elle seule constituer une présomption d’absence de comptabilité justifiant la mise en 'uvre de l’article L. 16 B du LPF.


L’appelante cite l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 9 septembre 2020 (aff. LVMH, n° 19/16971) à l’appui de son argumentation.


En conséquence, il est demandé de constater que SHAD SA tient une comptabilité régulière au LUXEMBOURG intégrant les redevances et les dividendes perçus de sa filiale française JUVISE PHARMACEUTICALS; et de juger que l’absence de dépôt de déclarations fiscales en FRANCE ne saurait à elle seule constituer une présomption d’absence de comptabilité justifiant la mise en 'uvre de l’article L. 16 B du LPF. Les 2 autres hypothèses susceptibles de permettre la mise en eouvre des dispositions de l’art L16B ne sont pas établies, les conditions d’application du dispositif ne sont pas satisfaites.


A ce titre, il est argué que l’ordonnance est dépourvue de base légale et doit être infirmée.


B l’absence de présomptions que la société SHAD SA se soit soustraite à l’impôt au sens de l’art L 16B du LPF.


Selon l’art L16B du LPF, l’autorité judiciaire doit constater l’existence de présomptions selon lesquelles le contribuable se serait soustrait à ses obligations déclaratives. La société SHAD SA entend établir que les constatations du juge ne permettaient pas de présumer qu’une partie de son activité était déployée en France.


Il est rappelé que le groupe JUVISE est un groupe international dont le coeur d’activité est le rachat d’actifs pharmaceutiques auprès de grands groupes mondiaux. La holding, la société SHAD SA, a été établie au Luxembourg pour renforcer son attractivité auprès des investisseurs financiers étrangers. En avril 2003, X Y a inventé la marque JUVISE, en février 2009 la marque est déposée à l’INPI en France par Juvise SAS.


L’appelante rappelle l’historique et l’évolution des sociétés SHAD SA, Juvise pharmaceuticals SAS et Juvise SAS et explique la création de la société SHAD SA au Luxembourg par volonté d’internationalisation du groupe et de son activité.
S’agissant d’une société holding, SHAD SA détient plusieurs filiales dont une seule se trouve établie en France, son rôle est similaire à celui exercé par toute holding d’un groupe international. Sont rappelés l’objet de la société et ses statuts (pièce 1 de l’ordonnance). Le juge dans sa décision a évoqué l’activité de SHAD SA, ses adresses de domiciliation, les immobilisations corporelles et les frais de personnel déclarés. Le juge a estimé que la société ne disposait pas de moyens humains et matériels au Luxembourg pour exercer son activité, sans examiner dans quelle mesure ces activités exigent effectivement des moyens matériels et humains, étant observé qu’une activité consistant en la simple perception de produits financiers et de redevance de marque, n’exige pas de moyens conséquents.


Le JLD bien qu’ayant accès aux informations concernant l’activité de SHAD SA n’a exploité celles-ci qu’à charge.


La décision de la cour d’appel du 17 mars 2021 (Ch 5-15) est rappelée, même si la DNEF dans ses conclusions argue qu’en l’espèce, il était question de 'véhicules d’investissements financiers’ , des instruments financiers passifs, ce qui n’est pas le cas de la société SHAD qui est une holding. L’appelante rappelle que la holding SHAD SA en l’espèce se limite à la simple gestion d’un portefeuille mobilier. La DNEF rappelle les termes de l’ordonnance sans démontrer en quoi la société SHAD SA n’a pas de substance suffisante au Luxembourg pour exercer les actvités entrant dans son objet social.


Pour ce motif, l’ordonnance doit être annulée.

II -Au surplus, le JLD n’a non seulement pas vérifié que la demande d’autorisation de visite et de saisie soumise par la DNEF était bien fondée mais celui-ci est par ailleurs allé au -delà de son office en affirmant des faits sans les démontrer.


Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée. Il découle de l’article L. 16 B du LPF une obligation pour le JLD de vérifier «de manière concrète» que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée et qu’elle comporte tous les éléments d’information en possession de l’Administration. L’utilisation de l’ordonnance pré-rédigée par l’administration ne fait pas de doute, elle est néanmoins contestable puisqu’elle ne permet pas de s’assurer dans le cas présent que le juge a procédé à une vérification concrète du bien fondé de la demande, tant elle témoigne du défaut d’examen sérieux et objectif par le juge des pièces de l’administration.


A- Aucun élément n’est apporté au soutien de la thèse selon laquelle la société SHAD SA n’aurait pas de substance réelle au Luxembourg ni au soutien de la thèse selon laquelle le siège de direction effective de la société SHAD SA serait situé en France en la personne de X Y.


Au sens du droit fiscal international, le siège de direction effective est en principe le lieu où sont prises les principales décisions stratégiques en matière de gestion et de politique industrielle ou commerciale nécessaires à la conduite des affaires de l’entreprise, c’est le lieu où le conseil d’administration prend ses décisions. La localisation du siège de direction effective d’une entreprise est présumée identique à celle de son siège statutaire. La définition donnée par le Conseil d’Etat est rappelée.


La seule circonstance qu’un administrateur d’une société étrangère soit français et réside en France ne peut suffire à caractériser une présomption tenant à la localisation du siège de direction effective en France. Or en l’espèce le JLD se fonde uniquement sur les pièces qui retracent les évolutions de l’identité des administrateurs de la société ainsi que le nombre de sociétés qu’ils administrent, et sur les pièces concernant de domicile personnel de X Y , administrateur de catégorie A, pour présumer que SHAD SA n’a pas de substance réelle au Luxembourg et que la localisation de son siège de direction effective est en France.
Le JLD retient le critère de la succession de différents administrateurs et du nombre de leurs mandats exercés pour apprécier la substance réelle de la société. Or la partie appelante argue que la composition du Conseil d’administration depuis la création de SHAD SA serait de nature à démontrer la réalité de l’activité luxembourgeoise de la société. Ainsi parmi les 4 administrateurs de catégorie B, 3 sont de nationalité belge, selon les statuts de la société, la competence des administrateurs de catégorie B ne se limite pas à une gestion purement administrative dès lors que les décisions prises à la majorité des voix inclut un administrateur de catégorie A et un administrateur de catégorie B, ainsi X Y ( catégorie A), ne peut prendre seul les décisions stratégiques concernant la conduite des affaires de SHAD SA.


Il en résulte que le juge s’est limité à une analyse superficielle des pièces produites par l’Administration et a méconnu son obligation de vérification concrête du bien fondé de la demande exigée par l’art L 16B du LPF.


L’ordonnance doit être infirmée.


B- Le JLD en affirmant ainsi sans aucune démonstration que le siège de direction effective de la société SHAD SA est localisé en France excède l’office qui est le sien dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l’article L 16Bdu LPF.


Dans son ordonnance, le JLD utilise l’indicatif pour affirmer que la société dispose en France du siège de sa direction effective en la personne de F. Y, alors qu’aucun élément probant n’est apporté au soutien de cette déduction.


De plus, il n’appartient pas au JLD dans le cadre de l’art L16B du LPF de déterminer de la localisation du siège de direction effective d’une société, qui est de la compétence du juge de l’impôt.


C -L’absence de motivation propre de l’ordonnance démontre un contrôle insuffisant des faits présentés allant ainsi à l’encontre des dispositions de l’article L 16B du LPF.


Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation est suffisamment fondée. L’appelante rappelle la jurisprudence de la Cour de Cassation en la matière. Si la jurisprudence de la Cour de Cassation valide la pratique des ordonnances prérédigées par l’administration, il n’en demeure pas moins que le JLD doit se départir des arguments de l’administration en analysant de manière objective les éléments d’information fournis, or l’ordonnance, similaire à la requête , repose sur des faits insuffisants. Cette rédaction témoigne de l’absence de contrôle effectif par le JLD des éléments factuels apportés par l’administration. En réponse à la DNEF, il est rappelé que l’appelante ne conteste pas l’ordonnance prérédigée mais conteste l’absence de vérification de manière concrète de la demande d’autorisation, qui lui était soumise.


L’ordonnance doit être infirmée.


Par ces motifs, il est demandé au Premier Président de la Cour d’appel de Paris de :


-constater que l’ordonnance rendue par le JLD du TJ de PARIS le 24 mars 2021 a été rendue en méconnaissance des dispositions de l’article L 16B du LPF.


En conséquence,


-infirmer l’ordonnance rendue par le JLD du TJ de PARIS le 24 mars 2021,


-ordonner la restitution des pièces saisies à l’occasion des opérations de visite et de saisies effectuées le 25 mars 2021,
-débouter la DNEF de l’ensemble de ses demandes,


-condamner la DNEF à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions du 13 septembre 2021 et conclusions n°2 déposées le 18 octobre 2021, l’Administration fait valoir :

1 Un rappel préalable de la procédure est exposé.

[…]

2-1 Rappel préalable des faits :


L’Administration fiscale rappelle et développe les éléments soumis à l’appréciation du juge justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire dans la requête ainsi que les pièces produites.


Aux termes de l’article L 16B du LPF, l’autorité judiciaire peut autoriser l’Administration à effectuer une visite domiciliaire lorsqu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement de l’impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la TVA, pour rechercher la preuve de ces agissements.


Il est rappelé la jurisprudence constante de la Cour de Cassation en la matière.

2-2 L’argumentation développée par l’appelante ne remet pas en cause le bien fondé des présomptions retenues par le premier juge.

a ' Sur l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L 16B


L’appelante reproche au JLD de s’être fondé sur des éléments qui ne permettraient pas d’établir l’existence de présomptions selon lesquelles le contribuable se serait soustrait à l’établissement et au paiement de l’impot sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d’affaires, en énumérant les actes prévus par l’article L 16 B du LPF. Ce moyen sera rejeté. En effet la Cour de Cassation a jugé que pouvaient être relevées des présomptions relevant des articles1741 et 1743 du CGI et également que l’exercice d’une activité professionnelle occulte sur le territoire national sans souscrire les dclarations fiscales y afférentes autorise la mise en eouvre de l’article L16 B du LPF.


L’appelante énonce que l’autorisation de visite et de saisie est infondée dès lors que la société SHAD tient sa comptabilité au Luxembourg. Cette argumentation sera rejetée.


L’administration rappelle, en premier lieu, que la discussion de l’application d’une convention fiscale relève de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le magistrat saisi d’une demande d’autorisation de visite domiciliaire, ni le Premier président statuant en appel.


De même, la discussion de l’existence d’un établissement stable en FRANCE relève du contentieux de l’impôt.


En deuxième lieu, l’ordonnance vise « des présomptions selon lesquelles la société de droit luxembourgeois SHAD SA exercerait ou aurait exercé en FRANCE une activité de prise de participations et de gestion de marques, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et ainsi omettrait ou aurait omis de passer les écritures comptables correspondantes ».


Contrairement aux affirmations de l’appelante, la société SHAD n’est pas seulement visée par des présomptions d’omission de passation d’écriture comptables, mais elle est, avant tout, visée par des présomptions d’exercice d’une activité de prise de participations et de gestion de marques, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes.


Il est soutenu que ces présomptions se rattachent, de toute évidence, à l’article L. 16 B du LPF: la société SHAD SA est en effet présumée se soustraire à l’impôt « en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ».


Dès lors, s’il n’est pas contesté que la société SHAD SA tient une comptabilité au LUXEMBOURG, celle-ci ne reflète pas sincèrement et fidèlement son activité qu’elle est présumée déployer en FRANCE.


Il en découle que la prétendue discrimination alléguée par l’appelante est inopérante.


En troisième lieu, l’administration ne reproche pas à la société SHAD de tenir sa comptabilité au LUXEMBOURG (et non en FRANCE).


Il est encore rappelé que ce qui était ici en cause était la présomption d’une activité exercée à partir de la FRANCE, où il pouvait être présumé que la société disposait d’une direction effective et de moyens propres d’exploitation.


Il est argué qu’une telle activité aurait dû être déclarée en FRANCE, pour y être soumise à l’ensemble des impôts commerciaux.


Contrairement aux affirmations de l’appelante, le fait que la société SHAD tienne sa comptabilité au LUXEMBOURG n’interdit pas à l’administration d’enquêter sur les conditions effectives d’exercices de son activité en FRANCE et de recourir à l’article L. 16 B du LPF sans que cela ne constitue une quelconque entrave à la tenue d’une comptabilité sur le territoire du lieu de situation du siège social ou au choix du lieu du siège social.


Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 16 B du LPF constituent uniquement un moyen d’investigation destiné à contrôler le respect de la réglementation fiscale et pouvant être mis en 'uvre sur autorisation du JLD et pouvant faire l’objet d’un contrôle par le Premier président de la Cour d’appel.


Il résulte de tout ce qui précède que les motifs retenus par l’ordonnance entrent parfaitement dans le champ d’application de l’article L. 16 B du LPF.

b ' Sur la prétendue absence de contrôle du juge et sur la prétendue absence de motivation de l’ordonnance


S’agissant de la critique relative à la pré-rédaction de l’ordonnance, selon une jurisprudence constante de la Cour de Cassation, les motifs et le dispositif de l’ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l’a rendue et signée ; la circonstance que l’ordonnance soit rédigée dans les mêmes termes que celles rendues par d’autres Présidents n’est pas de nature à l’entacher d’irrégularité; au titre de l’effet dévolutif de l’appel, il appartient au Premier Président, saisi d’un recours contre une décision autorisant des visites domiciliaires, de statuer à nouveau, en fait et en droit sur le bien-fondé de la requête de l’administration.


Par un arrêt récent, la Haute juridiction a également précisé que le nombre de pièces produites ne peut, à lui seul, laisser présumer que le premier juge s’est trouvé dans l’impossibilité de les examiner.


En l’espèce, rien n’autorise l’appelante à suspecter que le premier juge se soit dispensé de contrôler les pièces qui étaient soumises à son appréciation, avant de rendre l’ordonnance autorisant la visite domiciliaire.


Concernant le reproche tenant à l’absence de caractérisation de présomptions de fraude, il est rappelé qu’il ressort de l’article L. 16 B du LPF ainsi que de la jurisprudence que l’administration n’est tenue de présenter au JLD que de simples présomptions de fraude fiscale.


Par ailleurs, en ce qui concerne la critique relative à l’absence de vérification concrète et effective des éléments produits par l’administration, lesquels comporteraient des erreurs, il est fait valoir que l’appelante ne peut reprocher à l’administration de ne pas avoir établi des faits parfaitement caractérisés, alors qu’elle était tenue d’établir que de simples présomptions.


Ainsi, si l’appelante produit des éléments permettant d’apprécier concrètement l’activité de la société SHAD, les autres éléments produits par l’administration permettent de présumer un agissement de fraude.


Au cas présent, il a seulement été exposé, et retenu par l’ordonnance, que la société luxembourgeoise était présumée exercer tout ou partie de son activité en FRANCE, à partir des moyens dont elle disposait, et aurait dû être soumise à l’ensemble des impôts commerciaux, ce qui résultait des éléments d’enquête réunis.


Le premier juge, qui devait seulement analyser les éléments qui lui étaient soumis pour apprécier les conditions effectives de l’activité exercée, en a exactement conclu qu’il pouvait être présumé que cette société exercerait en FRANCE une activité commerciale sans respecter ses obligations déclaratives fiscales et comptables sur le territoire national.


Dès lors, l’Administration n’a aucunement manqué à son devoir de loyauté.


Enfin, s’agissant de la critique tenant à l’absence de traduction des documents en langue anglaise produits par l’administration, la Cour de Cassation a jugé que l’utilisation de la langue française ne concerne que les actes de procédure et qu’il appartient au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis.


Dans ces conditions, il est demandé de confirmer l’ordonnance.

c’ Sur la prétendue absence de caractérisation des conditions de l’article L. 16 B du LPF


-Sur la prétendue absence de caractérisation de présomptions de fraude


Il est fait valoir qu’au vu des éléments factuels réunis, détaillés dans l’ordonnance, il existait des présomptions selon lesquelles: la détention capitalistique de la société luxembourgeoise SHAD était située en FRANCE; M. X Y est dirigeant de la société SHAD (ainsi que de la société TROWBRIDGE); la société SHAD est susceptible d’avoir établi son siège social à des adresses de domiciliation et dispose de moyens matériels et humains insuffisants pour exercer son activité (à cet égard, il est précisé que dans la décision du 17 mars 2021 de la cour d’appel de Paris, citée dans ses écritures par l’appelante, il était question de véhicules d’investissements financiers, c’est-à-dire d’instruments complètement passifs, ce qui n’est pas le cas de la société SHAD, qui est une holding); les administrateurs de catégorie B de la société SHAD sont réputés avoir assuré une gestion purement administrative; la société SHAD a une activité consistant à percevoir des revenus (résultant de prises de participations et de redevances), elle est présumée exercer une activité occulte sur le territoire français, n’étant ni immatriculée en FRANCE ni répertoriée auprès de l’administration fiscale en FRANCE.


Dès lors, il y a lieu de considérer les éléments factuels rapportés ensemble pour retenir une présomption de fraude : la société de droit luxembourgeois SHAD, qui dispose en FRANCE du siège de sa direction effective en la personne de X Y, résident français et son principal dirigeant et associé unique, est présumée exercer ou avoir exercé sur le territoire national une activité professionnelle sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omet ou aurait omis de passer, en FRANCE, les écritures comptables y afférentes.


Il est soutenu que le premier juge a bien indiqué ce qui lui permettait de présumer que la société ne respectait pas ses obligations comptables et fiscales en FRANCE.


Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, une requête est suffisamment motivée au regard de son objet, lorsqu’elle précise qu’une société développerait sur le territoire national une activité commerciale sans avoir souscrit les déclarations fiscales y afférentes et en omettant de passer les écritures comptables correspondantes, en en déduisant que cette société était présumée se soustraire à l’établissement et au paiement de l’impôt par les différents moyens énumérés à l’article L. 16 B du LPF.


Enfin, la Haute juridiction a également jugé que l’article L.16 B du LPF autorisait les visites et saisies, lorsque existaient des présomptions d’agissements relevant de l’article 1741 du CGI, au nombre desquels figure le manquement aux obligations déclaratives.


Par conséquent, la présomption d’exercice d’une activité taxable en FRANCE a été suffisamment établie.


En conclusion, il est demandé au Premier Président de :


-confirmer l’ordonnance du JLD de PARIS du 24 mars 2021;


-rejeter toutes demandes, fins et conclusions ;


-condamner l’appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE

- Sur l’irrespect des conditions matérielles posées par l’article L 16B du LPF du fait de l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champs de l’article L. 16 B du LPF.


Selon l’appelante, l’ordonnance n’établit pas l’existence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L. 16 B du LPF.


L’appelante reproche au JLD de s’être fondée sur des éléments qui ne permettraient pas d’établir l’existence de présomptions selon laquelle le contribuable se serait soumis à l’établissement et au paiement de l’impot sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d’affaires, en énumérant les actes prévus par l’article L 16 B du LPF.


Il convient de rappeler que la Cour de Cassation a jugé que pouvaient être relevées des présomptions relevant des articles 1741 et 1743 du CGI et également que l’exercice d’une activité professionnelle occulte sur le territoire national sans souscrire les dclarations fiscales y afférentes autorise la mise en eouvre de l’article L16 B du LPF.


L’appelante argue que la société SHAD SA tient une comptabilité complète et régulière au Luxembourg. Il convient de rappeler que la discussion de l’application d’une convention fiscale et la discussion de l’existence d’un établissement stable en FRANCE relèvent du contentieux de l’impôt et de la compétence du juge de l’impôt, ce que n’est pas le magistrat saisi d’une demande d’autorisation de visite domiciliaire, ni le premier président statuant en appel.
Il convient de rappeler également que l’ordonnance du JLD en l’espèce vise « des présomptions selon lesquelles la société de droit luxembourgeois SHAD SA exercerait ou aurait exercé en FRANCE une activité de prise de participations et de gestion de marques, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et ainsi omettrait ou aurait omis de passer les écritures comptables correspondantes ». Il en résulte que la société SHAD n’est pas seulement visée par des présomptions d’omission de passation d’écriture comptables, mais elle est, avant tout, visée par des présomptions d’exercice d’une activité de prise de participations et de gestion de marques, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes. Or ces présomptions se rattachent, à l’article L. 16 B du LPF: la société SHAD SA est en effet présumée se soustraire à l’impôt « en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ».


Dès lors, s’il n’est pas contesté que la société SHAD SA tient une comptabilité au LUXEMBOURG, celle-ci ne reflète pas sincèrement et fidèlement son activité qu’elle est présumée déployer en FRANCE, l’ordonnance du JLD recourant à l’article L. 16 B du LPF et autorisant la visite domiciliaire était donc justifiée.

Ce moyen sera rejeté.

- Sur l’irrespect des conditions matérielles posées par l’article L 16B du LPF du fait de l’absence de présomptions que la société SHAD SA se soit soustraite à l’impôt au sens de l’article L 16B du LPF.


Selon l’appelante, les documents soumis au JLD ne permettaient pas de présumer l’existence d’une fraude commise par la société SHAD SA


Or il convient de rappeler que l’article L. 16 B du LPF exige seulement l’existence de présomptions de fraude à l’impôt sur le revenu, sur les bénéfices ou à la TVA, par l’un des agissements qu’il prévoit, dont fait partie la présomption de passation inexacte des écritures comptables.


La Haute juridiction a également rappelé que le juge de l’autorisation n’était pas le juge de l’impôt et n’avait pas à rechercher si les infractions étaient caractérisées, mais seulement s’il existait des présomptions de fraude justifiant l’opération sollicitée, et que le Premier Président, statuant en appel, appréciait l’existence de présomptions de fraude, sans être tenu de s’expliquer autrement sur la proportionnalité de la mesure qu’il confirmait. Ainsi, dès lors qu’existent des présomptions d’agissements frauduleux, la procédure de visite domiciliaire était justifiée en ce qu’elle permettait de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d’accéder à des documents de gestion quotidienne de l’entreprise ou relatifs à l’organisation interne, que le contribuable n’a pas l’obligation de remettre dans le cadre d’une procédure de contrôle classique.


L’appelante argue que le JLD dans son ordonnance n’a pas démontré l’absence de substance de SHAD SA au Luxembourg et sa direction effective en France, or il résulte de l’ordonnance que cette société semble avoir établi son siège social à plusieurs adresses de domiciliation à Luxembourg, qu’il résulte des comptes annuels des années 2017, 2018 et 2019, que cette société déclare des montants très faibles au titre des immobilisations corporelles, que ses frais de personnels déclarés correspondent à l’emploi d’un salarié à temps partiel, que ces indices permettent de présumer que la société SHAD SA ne dispose pas de moyens matériels et humains suffisants au Luxembourg pour exercer une activité conforme à son objet social.


En ce qui concerne la mise à disposition des locaux, l’appelante n’apporte aucune pièce établissant la preuve que la société SHAD occupait réellement des locaux à Luxembourg, à l’adresse de son siège social. Il résulte des écritures comptables que la rémunération du salarié à temps partiel correspondait à du travail de quelques heures par mois, ainsi il résulte des pièces soumises au JLD que la société SHAD ne dispose pas de moyens suffisants matériels et humains au Luxembourg eu égard à son objet social.


S’agissant de la direction de la société, le JLD a justement relevé que X Y, gérant et administrateur de 'catégorie A ' réside en France, que plusieurs administrateurs de catégorie B, (B C, D E, F G, H I) se sont succédés, que le JLD a pu en déduire que les administrateurs étaient présumés assurer une gestion purement administrative et que la direction effective de la société assurée par F. Y était située en France.


La partie appelante argue que les flux financiers entre SHAD SA et JUVISE sont normaux s’agissant de relations entre la société mère et sa filiale, néanmoins il résulte des pièces à l’appui de la requête que le montant des dividendes versés par la société SAS laboratoires Juvise Pharmaceuticals à sa société mère ( SHAD) correspondent quasiment en totalité aux revenus de participations déclarées de cette dernière, de même en ce qui concerne l’activité des filiales belges et luxembourgeoises de SHAD SA, l’appelante ne conteste pas les constatations de l’administration fiscale sur l’activité des filiales belges et luxembourgeoises de SHAD, et que les produits d’exploitation de la société de droit luxembourgeois SHAD correspondants à des redevances de marques et franchises sont présumés émaner exclusivement de sa filiale française détenue à 100%. De plus il convient de rappeler que la fiscalité luxembourgeoise en terme de propriété intellectuelle bénéficie d’avantages notables (exonération d’imposition importante des revenus retirés de la concession ou licence ou de la cession de droits de propriété industrielle ou intellectuelle dont les sociétés luxembourgeoises sont détentrices).


Il est argué que l’absence de souscription par SHAD SA de déclarations fiscales en France est logique dès lors que SHAD SA est une société luxembourgeoise, et que l’ordonnance ne donne aucune description précise de l’activité de SHAD. Or il résulte de l’ordonnance du JLD que la société SHAD a une activité consistant à percevoir des revenus (résultant de prises de participations et de redevances) et qu’elle est présumée exercer une activité occulte sur le territoire français, n’étant ni immatriculée en FRANCE ni répertoriée auprès de l’administration fiscale en FRANCE.


Il en résulte que les pièces soumises au JLD à l’appui de la requête permettaient de présumer l’existence d’une fraude commise par la société SHAD SA.


Ainsi, la motivation de l’ordonnance du JLD en date du 24 mars 2021 comporte les éléments qui caractérisent parfaitement les conditions posées par l’article L16B du LPF

.

Ce moyen sera rejeté.

- Sur l’absence de vérification par le juge du bien fondé de la demande d’autorisation soumise par la DNEF et l’absence de motivation propre de son ordonnance.


Selon une jurisprudence constante, les motifs et le dispositif de l’ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l’a rendue et signée et cette présomption ne porte pas atteinte aux principes d’impartialité et d’indépendance du juge qui statue sur requête, dans le cadre d’une procédure non contradictoire. La Cour de Cassation a jugé que la circonstance que l’ordonnance soit rédigée dans les mêmes termes que celles rendues par d’autres Présidents n’est pas de nature à l’entacher d’irrégularité, d’ailleurs, au titre de l’effet dévolutif de l’appel, il appartient au Premier Président, saisi d’un recours contre une décision autorisant des visites domiciliaires, de statuer à nouveau, en fait et en droit sur le bien-fondé de la requête de l’administration.


En l’espèce, l’appelante estime que le JLD n’a pas effectué une vérification concrète des pièces fournies par l’administration.
Or il ressort de l’appréciation in concreto des pièces fournies par l’Administration à l’appui de la requête soumise au JLD que :


- en ce qui concerne la pièce 1 (page 8 de l’ordonnance ) le JLD fait bien mention de 'D E’ et 'F G,' en tant qu’ administrateurs de catégorie B de la société SHAD SA, qu’il a ainsi bien tenu compte de ces éléments et du fait que X Y est le gérant et l’unique administrateur de catégorie A de la société SHAD, pour motiver son ordonnance,


- en ce qui concerne la pièce 26, le rôle des gérants de catégorie B n’a pas d’incidence, le JLD ayant déduit des pièces que la SARL Trowbride présentait un résultat déficitaire et que les produits d’exploitation de la société SHAD SA sont présumés émaner 'exclusivement 'de sa filiale française ;


- en ce qui concerne les pièces 6, 7 et 13, il résulte de l’examen de ces pièces que la consultation de l’annuaire ' bel first’ concernant 'rue Guillaume Schneider 6« indique 349 sociétés à cette adresse, que la consultation concernant 'allée Scheffer 9 » indique 507 sociétés à cette adresse, que la consultation concernant 'avenue Pasteur 16 " indique 152 sociétés à cette adresse, que ces chiffres apparaissent sur les pièces fournies à l’appui de la requête et sont difficilement contestables ;


- en ce qui concerne les pièces 8, 8 A à 8D, s’agissant des comptes sociaux de la société SHAD, il convient de relever qu’en pièce 8 bis l’Administration fiscale a effectué une traduction libre des principaux termes utilisés, permettant de comprendre les comptes dans leur grande ligne qui apparaissent en pièces 8, 8A à 8D, de plus en fin de chacune des pièces , les pièces concernant l’affectation du résultat au 31/12/2015, au 31/12/2016, au 31/12/2017, au 31/12/2018 et au 31/12/2019 apparaissent en langue française, ce qui a permis au JLD de motiver son ordonnance et de viser utilement ces documents (page 10 de l’ordonnance).


Il en résulte que rien n’autorise l’appelante à suspecter que le JLD se soit dispensé de contrôler les pièces qui étaient soumises à son appréciation, avant de rendre l’ordonnance autorisant la mise en 'uvre de la procédure de visite domiciliaire.


En ce qui concerne la critique portant sur la motivation de l’ordonnance, il résulte des éléments du dossier que le JLD a parfaitement motivé sa décision au vue de la requête de l’administration fiscale et des 49 pièces produites, il a à juste titre relevé que ' des documents et supports d’informations illustrant la fraude présumée étaient suceptibles de se trouver dans les locaux du ' 72, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 PARIS, susceptibles d’être occupés par la société SAS LABORATOIRES JUVISE PHARMACEUTICALS et/ou la société de droit luxembourgeois SHAD SA […]' , qu’il a relevé dans sa décision les éléments (développés supra) qui apparaissaient comme des indices pouvant établir l’existence de présomptions de fraude à l’encontre de la société SHAD SA, qu’il n’a aucunement excédé l’office qui est le sien dans le cadre de l’article L 16 B du LPF.

Ce moyen sera rejeté.

L’ordonnance du JLD du Tribunal judiciaire de Paris en date du 24 mars 2021 sera déclarée régulière et confirmée.


Enfin les circonstances de l’instance commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’Administration fiscale.

PAR CES MOTIFS


Statuant contradictoirement et en dernier ressort:


- Confirmons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 24 mars 2021;
- Rejetons toute autre demande ;


- Disons qu’il convient d’accorder la somme de 500 euros (cinq cents euros) à charge pour la partie appelante à verser à la DNEF au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;


- Disons que la charge des dépens sera supportée par la partie appelante.


LE GREFFIER LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT


L M N O-P
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 12 janvier 2022, n° 21/06186