Cour d'appel de Paris, Pôle 4 chambre 13, 9 janvier 2023, n° 21/13397

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 ch. 13, 9 janv. 2023, n° 21/13397
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/13397
Importance : Inédit
Dispositif : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur
Date de dernière mise à jour : 14 janvier 2023
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 09 Janvier 2023

(n° , pages)

N°de répertoire général : N° RG 21/13397 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CECKF

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Justine FOURNIER, lors des débats et de Florence GREGORI, greffière lors du prononcé avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 11 Mai 2021 par :

M. [H] [S]

né le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 2] ;

Non comparant

Représenté par Me Elias STANSAL avocat au barreau de Paris, substitué par Me GIBERT Victoire (E1271) – présent

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 05 Décembre 2022 ;

Entendus :

Me GIBERT Victoire, substituant Me Elias STANSAL, avocats au barreau de Paris représentant M. [H] [S],

Me DUGUES Célia, substituant Me DELACROIX Fabienne de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocats au barreau de Paris, représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,

Madame Anne BOUCHET, Substitute Générale, les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [H] [S], de nationalité française, mis en examen du chef de tentative de meurtre en bande organisée a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de [Localité 3] le 2 mars 2019. Le 17 avril 2019, le juge d’instruction a ordonné son placement sous contrôle judiciaire. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision avec demande d’effet suspensif et saisi le premier président d’un référé-détention.

Le 19 avril 2019 le premier président de la cour d’appel de Paris a dit n’y a avoir lieu à suspension des effets de l’ordonnance de mise en liberté jusqu’à ce que la chambre de l’instruction statue sur l’appel du ministère public.

Mis en liberté le 19 avril 2019, le requérant a comparu détenu pour autre cause à l’audience de la chambre de l’instruction du 24 avril 2019.

Par arrêt rendu le 24 avril 2019, la chambre de l’instruction a infirmé l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire rendue le 17 avril 2019 et dit que le mandat de dépôt initial continuait à produire ses effets.

Libéré le 28 août 2019, le requérant a bénéficié d’une décision de non-lieu rendue par le juge d’instruction le 12 novembre 2020. Cette décision est définitive selon certificat de non appel du 22 avril 2021.

Le 11 mai 2021, M. [S] a adressé une requête au premier président de la cour d’appel de Paris en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l’article 149 du code de procédure pénale.

Aux termes de celle-ci et de ses observations soutenues oralement lors de l’audience, il sollicite l’indemnisation de la détention provisoire pour une période de vingt-six jours, soit les sommes suivantes :

—  5 460 euros au titre de son préjudice moral,

—  1 895,88 euros soit un mois de salaire au titre de son préjudice matériel,

—  2 400 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, déposées le 6 septembre 2022, reprises oralement à l’audience, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de juger recevable la requête de M. [S] et de lui allouer 4 000 euros en réparation de son préjudice moral, de rejeter sa demande d’indemnisation au titre du préjudice matériel ou, à titre subsidiaire, de lui allouer la somme de 1 474,15 euros à ce titre et de ramener à de plus justes proportions la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le procureur général, reprenant oralement à l’audience les termes de ses conclusions déposées le 16 aout 2022, conclut à la recevabilité de la requête pour une détention d’une durée de 26 jours, à la réparation du préjudice moral prenant en considération l’âge du requérant et le choc carcéral, et au rejet de la demande d’indemnisation du préjudice matériel.

Le requérant a eu la parole en dernier.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d’un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d’appel.

Cette requête doit contenir l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l’article R.26 du même code.

M. [S] a présenté sa requête aux fins d’indemnisation le 15 avril 2019, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe est devenue définitive comme en atteste le certificat de non appel produit ; cette requête est signée par son avocat et la décision de relaxe n’est pas fondée sur un des cas d’exclusion visé à l’article 149 du code de procédure pénale.

La demande de M. [S] est donc recevable au titre d’une détention provisoire indemnisable du 2 mars 2019 au 19 avril 2019 puis du 24 avril 2019 au 28 août 20198. Toutefois celui-ci ayant été détenu pour une autre cause, la période indemnisable est de 26 jours soit du 2 mars 2019 au 28 mars 2019, et non de 143 jours comme initialement demandé.

Sur l’indemnisation

— Sur le préjudice moral

M. [S] allégue d’un choc carcéral important au regard de son âge au moment de son incarcération, de la gravité des accusations portées à son encontre ayant généré un important préjudice d’angoisse et de réputation, outre de conditions de détention particuliérement difficiles, le taux d’occupation de la maison d’arrêt de [Localité 3] étant de 200 % comme en atteste le rapport de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté de 2016.

A la date de son incarcération, M. [S], qui n’avait jamais été incarcéré auparavant, avait 23 ans et vivait en couple, en sorte que le choc carcéral subi est certain.

S’il ne peut être tenu compte de la qualification des faits au titre des facteurs d’aggravation, en revanche et même s’il ne fait pas état de difficultés spécifiques dont il aurait souffert du fait des conditions de détention plus que médiocres au sein du centre pénitentiaire de [Localité 3], il n’en demeure pas moins que l’état de vétusté et de surpopulation chronique de ce centre, parfaitement notoire et régulièrement dénoncé par divers rapports et décisions administratives, a nécessairement un impact sur le quotidien de chaque détenu que M. [S], ayant été l’un d’eux et en ayant souffert comme tous, est fondé à souligner comme un facteur aggravant le préjudice né de la détention dans le cadre de sa demande indemnitaire.

Il sera par conséquent fait droit à sa demande, à hauteur de 5 460 euros, en réparation de son préjudice moral.

— Sur le préjudice matériel

M. [S] fait valoir qu’au moment de son incarcération il bénéficiait d’un contrat à durée indéterminée au sein de la SAS [5] moyennant un salaire brut mensuel de 1 895,88 euros et qu’il a donc subi à tout le moins un manque à gagner correspondant à un mois de salaire du fait de sa détention.

L’agent judiciaire de l’Etat soutient à titre principal qu’en l’état des pièces communiquées la preuve n’est pas rapportée de ce que M. [S] était réellement employé au sein de la société [5] au jour de son incarcération et à titre subsidiaire que la salaire mensuel net est de 1 474 euros.

A l’appui de sa demande, M. [S] produit :

— un contrat de travail à durée indéterminée régularisée entre la société [4], à l’en-tête [5], et M. [S] en date du 27 février 2018,

— une attestation en date du 24 octobre 2018 du superviseur du restaurant [5] [Adresse 6], attestant que M. [S] est employé dans l’entreprise depuis le 27 février 2018 en contrat à durée indéterminée en qualité d’employé polyvalent,

— la première page paraphée d’un avenant au contrat de travail indiquant que M. [S] accéde à un poste d’assistant-manger à compter du 1er novembre 2018,

— des bulletins de salaire pour la période du 1er avril 2018 au 31 janvier 2019.

Ces éléments sont suffisants pour justifer qu’à la date de son incarcération, le 2 mars 2019, M. [S] bénéficait d’un emploi.

Il a ainsi subi une perte de revenus qui, au vu des bulletins de salaire produits, peut être évaluée à 1263 euros (1647,98 + 1384,73 + 1339,47/3= 1 457,39/30 x 26).

Il convient, par suite, de lui allouer cette somme en réparation de son préjudice matériel.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons la requête de M. [H] [S] recevable,

Lui allouons les sommes suivantes :

—  5 460 euros en réparation de son préjudice moral,

—  1263 euros en réparation de son préjudice matériel,

—  1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Laissons la charge des dépens à l’Etat.

Décision rendue le 09 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ

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