Cour d'appel de Reims, 27 novembre 2013, n° 12/02302

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 27 nov. 2013, n° 12/02302
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 12/02302
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Reims, 27 février 2011, N° F10/00059

Texte intégral

Arrêt n° 1173

du 27/11/2013

Affaire n° : 12/02302

MC/EL

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 27 novembre 2013

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 28 février 2011 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de REIMS, section Activités Diverses (n° F 10/00059)

XXX

XXX

XXX

représentée par la SELAS FIDAL, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉE :

Madame B-C A

XXX

XXX

non comparante, représentée par Mme Y Z (Délégué syndical ouvrier), munie d’un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Madame Martine CONTÉ, Président

Madame Guillemette MEUNIER, Conseiller

Madame Valérie AMAND, Conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Emmanuel LEPOUTRE, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 octobre 2013, où l’affaire a été mise en délibéré au 27 novembre 2013,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Martine CONTÉ, Présidente, et par Monsieur Emmanuel LEPOUTRE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

Après que la SAS Clinique Saint-X avait procédé à l’acquisition de la Polyclinique des Bleuets, afin de pallier les différences de statut qui subsistaient entre les salariés des établissements respectifs, le 11 avril 2008 était conclu un 'protocole d’accord d’entreprise relatif à la mise en place de l’harmonisation des dispositions plus favorables que la convention collective FHP (Fédération de l’Hospitalisation Privée) entre les polycliniques Saint-X et les Bleuets de Reims'.

Le 29 janvier 2010, dix-neuf salariés ont attrait la SAS Clinique Saint-X (ci-après la Clinique) aux fins de solliciter des rappels de salaires ou repos équivalents ainsi que des majorations pour heures supplémentaires, ces prétentions étant fondées sur l’articulation de la convention collective et de l’accord d’harmonisation sus-visé, ainsi que sur l’allégation d’un usage d’entreprise.

Par jugement rendu en dernier ressort le 28 février 2011 le conseil de prud’hommes de Reims n’a accueilli que partie des réclamations et il a invité sur les points écartés les partenaires sociaux à négocier.

La Clinique a formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté le 19 septembre 2012, aux motifs que les prétentions s’avéraient de nature indéterminées, de sorte que le jugement inexactement qualifié n’était susceptible que d’appel.

Le 27 septembre 2012 la Clinique a donc interjeté appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé la Cour se réfère expressément aux écritures remises :

— le 26/09/2013 par la Clinique,

— le 17/09/2013 par la partie intimée.

Et oralement soutenues à l’audience.

Par voie de réformation du jugement la Clinique sollicite le rejet de toutes les demandes dirigées contre elles, tandis que formant appel incident la partie intimée réitère ses prétentions initiales.

MOTIFS :

Attendu que la partie intimée fonde sa réclamation au titre du rappel de salaires – ou subsidiairement de l’ouverture des temps de repos équivalents, ce qui satisfait donc au principe avancé par l’appelante selon lequel en cas de privation d’un droit à congé le principe est la récupération de ce temps de repos et non le paiement du salaire correspondant – sur l’application ensemble des dispositions afférentes au travail de nuit édictées par la convention collective ainsi que par l’accord d’harmonisation dont elle déduit que chacune prévoit en contrepartie du travail en cycles de nuit qu’elle effectue, outre des indemnités qui ne sont pas l’objet du présent litige, des compensations sous forme de repos dont les causes juridiques sont distinctes, constituant respectivement les contreparties du travail en cycles et du travail de nuit, de sorte qu’elle peut prétendre au cumul de tous ces droits à repos ce que lui refuse illicitement l’employeur ;

Attendu que pour accueillir cette prétention les premiers juges ont seulement constaté que faute de mentions sur les bulletins de salaire du calcul de l’ouverture des droits à congés la preuve que l’employeur avait satisfait à ses obligations n’était pas administrée et ils ont renvoyé les parties à négocier et éventuellement à les saisir à nouveau ;

Que la Clinique fait avec pertinence grief au conseil de prud’hommes de l’insuffisance de sa motivation qui s’avère en tout état de cause inopérante dans la mesure où les mentions des bulletins de paye ne constituent pas une présomption irréfragable et où surtout elle ne tranche pas les questions juridiques litigieuses ;

Attendu qu’il échet donc de procéder à l’analyse des dispositions invoquées ; que préalablement il doit être rappelé qu’il est acquis aux débats que l’usage appliqué dans l’entreprise pour les salariés qui à l’instar de la partie intimée travaillent de nuit est le décompte du temps de travail selon les modalités suivantes : sur un cycle de quatre semaines douze nuits rémunérées douze heures plus deux journées de 'repos cycliques’ ; qu’il est également admis par les deux parties que ces temps de 'repos cycliques’ sont équivalents à 16% de chacune des heures réalisées de nuit entre 21 heures et 6 heures ; que par ailleurs sans équivoque, et pour lever toute confusion qui aurait pu s’inférer de ses écritures la partie intimée a précisé à l’audience – et cela a été consigné au procès-verbal par le greffier – qu’elle ne soutenait pas que les repos cycliques auraient la nature de jours de RTT, et à cet égard elle est donc d’accord avec la Clinique ;

Attendu que s’agissant des temps de repos litigieux la convention collective dispose comme suit :

'Travail de nuit

'Article 53

'Afin de répondre à l’obligation d’assurer la continuité du service dans les établissements relevant du champ d’application de la présente convention, des dispositions spécifiques relatives au travail de nuit ont été définies conformément aux dispositions des articles L. 3122-32 et suivants du code du travail.

'Article 53.1

'Définitions

'Article 53.1.1

'Travail de nuit

'Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit.

'Article 53.1.2

'Travailleur de nuit

'Est un travailleur de nuit, tout salarié qui accomplit au moins 2 fois par semaine selon son horaire habituel de travail au moins 3 heures de son temps de travail quotidien durant la période prévue au premier alinéa du présent article, ou qui accomplit au cours d’une période mensuelle au moins, 24 heures de travail effectif dans la période définie ci-dessus de 21 heures à 6 heures.

'Article 53.2

XXX

'Conformément à l’article L. 3122-34 du code du travail, la durée quotidienne de nuit ne peut excéder 8 heures. Toutefois, par accord d’entreprise, la durée quotidienne pourra être portée à un maximum de 12 heures. A défaut d’accord d’entreprise, après information et consultation du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel, ou à défaut après consultation des catégories de salariés concernés et ce, par vote anonyme ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés, la durée quotidienne pourra être portée au maximum à 12 heures.

Le travailleur de nuit pour lequel il aura été fait application de la dérogation à la durée maximale quotidienne de 8 heures du poste de nuit devra bénéficier d’un temps de repos équivalent au temps du dépassement. Ce temps de repos équivalent permettra, dans le cadre de l’organisation du travail, soit une augmentation du repos quotidien, soit une augmentation de la durée du repos hebdomadaire, soit une augmentation du temps de repos sur 2 semaines. Seule une contrepartie équivalente, permettant d’assurer une protection appropriée du salarié concerné, prévue exclusivement par accord collectif au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, pourra déroger à ce texte lorsque l’octroi de ce repos n’est pas possible.

Par dérogation aux dispositions légales, la durée maximale hebdomadaire pourra atteindre 44 heures et au maximum sur une période de 8 semaines consécutives.

'Article 53.3

'Contreparties

'Indépendamment de l’indemnité de sujétion pour travail de nuit, telle que définie par l’article 82.1 de la convention collective, il sera accordé, lorsque le travailleur de nuit au sens de l’article 53.1.2 a au moins accompli 3 heures de travail de nuit, par heure, un temps de repos équivalent à 2,50 % de chacune des heures réalisées entre 21 heures et 6 heures.

Ce temps de repos en compensation, assimilé à du temps de travail effectif, sera comptabilisé sur le bulletin de salaire et pourra être pris par journée ou demi-journées lorsque le repos acquis représentera une journée correspondant à la durée quotidienne de travail de l’intéressé. Dans cette hypothèse, le salarié en fera la demande moyennant le respect d’un délai de prévenance de 15 jours ouvrés, en précisant la date et la durée du repos souhaité. Sauf nécessité du service, le repos sera accordé à la date souhaitée par le salarié.' ;

Que l’article 82-1 auquel renvoie l’article 53-3 a pour objet les indemnités pour travail de nuit dont il a déjà été souligné qu’elles n’étaient pas dans le débat ;

Attendu que l’accord d’entreprise du 11 avril 2008 dont le titre cité en exorde de l’arrêt – et le même énoncé figure dans le préambule – a, sur chaque avantage traité, pour objet l’articulation avec les prévisions sur le même avantage de la convention collective ;

Que le seul article de cet accord auquel se réfèrent les deux parties est le 10 – Travail de nuit – qui stipule :

'Le travailleur de nuit sera rémunéré sur la base de 12 heures, temps pour lequel les salariés sont à disposition de l’employeur, seules celles comprises entre 21 heures et 6 heures bénéficient du régime prévu par la convention collective pour le travailleur de nuit.

Concernant le travail de nuit, il sera fait application de l’article 53-3 de la Convention Collective de la FHP prévoyant les contreparties’ ;

Attendu qu’ainsi que le revendique à bon droit la Clinique, et au contraire de ce que soutient la partie intimée – du reste seulement par voie d’affirmations sur la prétendue distinction qu’elle invoque pour la nature des repos – il appert clairement de ces textes que la convention collective et l’accord réglementent de concert et en se complétant, le travail de nuit et ses contreparties en temps de repos ;

Qu’ainsi l’article 53-2 de la convention collective autorise la dérogation de la durée du travail de nuit ainsi que son organisation en cycles, renvoyant dans ces cas les partenaires à conclure des accords ;

Qu’en l’espèce ces dérogations et organisations ont été convenues au moyen de l’accord d’avril 2008 et de l’usage sur les cycles de travail ;

Qu’il s’en évince que conformément à la convention collective à laquelle s’intègrent l’accord et l’usage sus-visés les salariés concernés, dont la partie intimée, travaillent de nuit en cycles ce qui leur ouvre droit, sans que l’ensemble de ces textes n’opèrent de distinction, à la contrepartie de nature juridique unique visée par l’article 53-3, soit le temps de repos d’au moins 2,5% ;

Qu’il a été observé que l’usage instaurait un régime plus favorable de 16% ;

Qu’il en résulte que la partie intimée, qui sollicite à tort un cumul de ces temps de 2,5% et 16%, est remplie de ses droits, de sorte qu’en infirmant le jugement entrepris il y a lieu de la débouter de sa demande de rappel de salaire ou de repos de ce chef ;

Attendu que la partie intimée, et le conseil de prud’hommes a admis ce moyen, considère qu’en vertu d’un usage non valablement dénoncé, qui s’est appliqué à toute la catégorie de personnel concernée, de manière fixe et constante pendant plusieurs mois, au titre du cycle de travail de nuit de quatre semaines précédemment décrit, elle doit recevoir paiement de 14 heures supplémentaires et que l’employeur n’en réglant que quatre, elle est fondée en sa prétention au salaire et majorations correspondant ;

Attendu que la Clinique oppose que le cycle de quatre semaines dont s’agit correspond à un temps de travail effectif de 144 heures pour un temps de travail théorique de 140 heures, et qu’en conséquence elle remplit les salariés intéressés de leurs droits en réglant quatre heures supplémentaires et que ce n’est que par une erreur matérielle lors de l’établissement des payes, qui ne saurait être créatrice de droit, que pendant quelques mois 14 heures (donc 10 heures en plus) ont été versées ;

Qu’elle ajoute que reconnaissant son erreur elle n’entend pas obtenir répétition de ces salaires indûment réglés, mais qu’en revanche elle n’a jamais manifesté sans équivoque l’intention de consentir un usage en ce sens ;

Attendu que l’usage allégué ne s’avère en effet pas suffisamment caractérisé ; que d’abord ce paiement erroné n’est survenu que pendant une période très limitée et il y a lieu de constater avec l’appelante, que l’objet de ce prétendu usage qui consisterait à régler des heures supplémentaires à l’évidence non effectivement travaillées se trouverait pour le moins inhabituel ; que surtout il résulte du document intitulé 'Avenant à l’accord d’entreprise du 11 avril 2008" élaboré en juin 2009, que la Clinique avait exposé aux représentants des salariés l’erreur qui avait affecté l’établissement des payes et que ceux-ci avaient admis qu’il y avait lieu de la rectifier ;

Que cet écrit qui n’est pas signé, au contraire de ce qu’opposent ensemble les premiers juges et la partie intimée, n’est pas invoqué par la Clinique comme ayant vocation à régir les relations entre l’employeur et les salariés – et à l’évidence faute d’être adopté il est dépourvu de valeur normative – mais l’appelante y trouve seulement un moyen de preuve de la réalité de son erreur exclusive de toute intention non équivoque de consentir un usage et l’autorisant à la rectifier sans aucun formalisme ;

Que la teneur de ce document n’est pas contestée par la partie intimée ; qu’il en ressort que la Clinique a devant les représentants des salariées fait état de l’erreur matérielle et à l’évidence c’est par un abus de langage qu’est simultanément évoquée 'la cessation d’un usage’ ; qu’à tout le moins ces confusions sémantiques font de plus fort ressortir l’absence de preuve suffisante de la volonté non équivoque de l’employeur de créer un usage ;

Attendu que subséquemment l’infirmation du jugement s’impose de ce chef et la partie intimée sera déboutée de sa réclamation ;

Attendu que la partie intimée réitère sa demande de majorations des repos cycliques dans le cas où à la demande de l’employeur pendant les périodes estivales, leur prise effective a été anticipée ou reportée, en dehors du cycle concerné ;

Que c’est cependant à bon droit, et du reste la partie intimée n’excipe d’aucun moyen nouveau en appel, que les premiers juges ont écarté cette prétention comme dépourvue de fondement juridique ; que sur ce point le jugement doit être confirmé ;

Qu’en effet en raison de la nécessité d’assurer la continuité de ses services auprès des patients, tout en satisfaisant aux droits des salariés d’obtenir des congés en période estivale, la Clinique était fondée, ainsi que le prévoit l’article 53-3 de la convention collective, à invoquer une nécessité de service, constituée par le besoin de pallier les absences des salariés en congés, pour décaler le bénéfice des repos cycliques du travail de nuit ; que la partie intimée n’établit pas, et n’allègue même pas, que la Clinique aurait abusivement usé de ce droit né de la nécessité de service ;

Attendu que le jugement sera infirmé en ce qui concerne les dépens et frais irrépétibles ;

Attendu que l’issue du litige commande de condamner la partie intimée aux dépens des deux instances et de rejeter sa demande de frais irrépétibles ;

Que cependant en considération de la disparité économique existant entre les salariés et l’appelante, cette dernière sera aussi déboutée de sa demande de frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ayant débouté Mme A B-C de ses prétentions ;

Infirme pour le surplus le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute Mme A B-C de l’ensemble de ses prétentions ;

Condamne Mme A B-C aux dépens des deux instances et rejette toutes les demandes de frais irrépétibles.

Le greffier, La présidente,

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