Cour d'appel de Reims, 15 avril 2015

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 15 avr. 2015
Juridiction : Cour d'appel de Reims

Texte intégral

ORDONNANCE N° 22

DOSSIER N° : 15/17-16

SAS B C

c/

1) SARL SILUB FRANCE

XXX

Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire

délivrée le

à

— SCP Agnès Genet

— Maître Thierry Brissart

L’AN DEUX MIL QUINZE,

Et le vingt mai,

A l’audience des référés de la cour d’appel de Reims, où était présent et siégeait Monsieur Thierry Roy, premier président, assisté de Madame Jocelyne Drapier, greffier,

Vu les assignations données par :

— la SELARL Rémy Kaestle-Olivier Boulenger, huissiers de Justice associés à la résidence de Troyes (XXX, XXX, en date du 2 avril 2015,

— la SCP Alain Benzaken, Arnaud Fourreau et F-G H, huissiers de Justice associés à la résidence de Nanterre (92000), 'Le liberté’ XXX, en date du 2 avril 2015,

A la requête de :

la Société B C, société par actions simplifiée, au capital de 50.000.000,00 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 954.506.077, ayant son siège 99, Route de Lyon à Saint-Priest (69800), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés de droit audit siège,

DEMANDERESSE,

Représentée par Maître Agnès Genet, avocat au barreau de Reims (SCP GENET), postulant, et par Maître Patrice Grenier, avocat au barreau de Paris (Cabinet GRENIER AVOCATS), plaidant,

A

1) la SARL SILUB FRANCE, société à responsabilité limitée, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Troyes sous le numéro 493.575.682, ayant son siège 2, rue de l’Argentier à Eaux Puiseaux (10130), prise en la personne de son représentant légal, domicilié de droit audit siège,

2) la SA AXA FRANCE IARD, société anonyme régie par le Code des assurances, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 214.799.030, ayant son siège 313, Terrasses de l’Arche à Nanterre (92727), prise en son établissement d’Angers – service sinistre RC entreprise – sis XXX à XXX, prise en la personne du directeur de son établissement,

DEFENDERESSES,

Représentées par Maître Thierry Brissart, avocat au barreau de Reims, postulant et par Maître Dubois, avocat au barreau de Nancy (SCP DUBOIS-MARRION), plaidant,

D’avoir à comparaître le mercredi 15 avril 2015, devant Monsieur le premier président statuant en matière de référé en son cabinet,

L’affaire a fait l’objet d’un renvoi à l’audience du mercredi 6 mai 2015,

A ladite audience, Monsieur le premier président a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, assisté de Madame Jocelyne Drapier, greffier, puis l’affaire a été mise en délibéré au mercredi 20 mai 2015,

Et ce jour, 20 mai 2015, a été rendue l’ordonnance suivante par mise à disposition au greffe du service des référés, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile :

Par acte du 2 avril 2015, la société Renault Trucks a assigné en référé devant le premier président la société Silub France aux fins d’obtenir, au visa des articles 272, 380 et 545 du code de procédure civile, l’autorisation d’interjeter appel d’un jugement avant-dire droit rendu par le tribunal de commerce de Troyes en date du 3 mars 2015 qui a ordonné une mesure d’expertise.

La société Renault Trucks expose qu’au cours des années 2007-2008, elle a vendu des camions à la société de transport A.

Sept de ces véhicules ont connu divers problèmes de grippage de moteurs au cours de l’année 2008 justifiant la prise en charge des réparations par le constructeur, au titre de sa garantie, pour un montant total de 218.420,03 €.

Estimant que ces incidents trouvaient leur cause du fait de l’utilisation par la société A d’un additif au carburant, le Silub, dans l’ensemble de sa flotte de camions, en violation des recommandations techniques du constructeur, la société Renault Trucksa refusé sa garantie par la suite.

Pour se faire indemniser des sommes qu’elle avait engagées au titre de sa garantie, la société Renault Trucksa obtenu, en mai 2009, du tribunal de commerce de Chaumont l’organisation d’une expertise judiciaire, mettant en cause la société A, la société Chaumont poids-lourds, intermédiaire vendeur, la société Silub et l’assureur de cette dernière, la compagnie Axa.

Le professeur Z, expert chimiste, a été désigné afin de déterminer les causes de désordres des véhicules et notamment l’existence éventuelle d’un lien avec l’utilisation par la société A de l’additif vendu par la société Silub.

Cette expertise a conclu à la démonstration d’une relation entre la dégradation par corrosion de certaines pièces des moteurs et la présence du Silub.

La société Renault Trucksconstatait que d’autres transporteurs, acquéreurs de ses véhicules, avaient aussi fait usage de l’additif gazole Silub dans leur flotte, en violation de ses recommandations techniques, de sorte qu’elle avait du engager sa garantie de constructeur. Se disant subrogée dans les droits de ces transporteurs, elle assignait devant le tribunal de commerce de Troyes la société Silub et son assureur, la société Axa, aux fins d’être indemnisée du coût des réparations des véhicules des transporteurs A, Masson, Mory et X.

La société Silub et son assureur Axa ont conclu au rejet de la demande d’indemnisation pour les désordres des transporteurs Masson, Mory et X, qui n’étaient pas à la cause pour l’expertise judiciaire confiée à Monsieur Z et à l’encontre desquels la société Renault Trucksne justifiait d’aucune quittance subrogatoire.

Elle a maintenu sa demande de contre-expertise pour les véhicules du transporteur A en produisant les conclusions contraires auxquelles était parvenu un autre expert motoriste, Monsieur Y, dans une procédure distincte impliquant des véhicules de marque Volvo C France et aussi en faisant valoir le fait que certains des camions A, traités avec le même additif sur la même période de temps que les autres, n’avaient pas connu de casse moteur.

Par jugement en date du 3 mars 2015, le tribunal de commerce de Troyes a fait droit à cette dernière demande en désignant conjointement le professeur Z en tant qu’expert chimiste et Monsieur D Y en tant qu’expert motoriste, aux fins d’expertiser les moteurs des véhicules des sociétés A, Masson, Mory et X.

La société Renault Trucksdemande à être autorisée à interjeter appel immédiat de ce jugement avant-dire-droit estimant qu’elle justifie pour ce faire de motifs graves et légitimes.

Elle considère, en premier lieu, que la contre-expertise ordonnée est d’une inutilité manifeste au regard des conclusions claires et argumentées de l’expert Z ; elle soutient que ce dernier a répondu aux objections de la société Silub, qu’il a bien pris en compte l’expertise divergente de Monsieur Y pour en écarter les conclusions puisqu’il s’agissait de véhicules de marque Volvo et parce qu’il ne disposait pas des éléments du dossier traité par cet expert, que les parties en cause n’étaient pas assignées en même temps que le transporteur A de sorte que, sans vérification approfondie des désordres, il ne pouvait être certain qu’il s’agissait réellement des mêmes désordres avec les mêmes causes.

Elle souligne également le fait que le sapiteur chimiste de Monsieur Y avait lui-même conclu à l’influence du Silub sur la dégradation rapide de certaines pièces des moteurs.

En second lieu, elle fait valoir que cette nouvelle expertise est trop tardive alors que le tribunal de commerce de Chaumont avait rejeté en juillet 2011 une demande similaire d’adjonction d’un expert motoriste de la part de la société Silub, qui, à l’époque, n’avait pas demandé à être autorisée à relever appel de cette ordonnance.

En troisième lieu, elle estime que constitue également un motif grave la mise en oeuvre d’une nouvelle expertise qui aura pour effet de différer la solution du litige au-delà d’un délai raisonnable en violation de l’article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. Elle fait, en outre, valoir que cet élément s’avère d’autant plus justifié qu’il n’est pas établi que les éléments de preuve ont été conservés avec une traçabilité permettant la poursuite d’investigations complémentaires enlevant dès lors tout intérêt à l’extension du délai déjà allongé de résolution de l’affaire.

En quatrième lieu, elle considère que le tribunal de commerce a commis un excès de pouvoir en qualifiant sa décision de rendue en dernier ressort, ce qui la prive de la possibilité d’un appel ultérieur s’il n’est pas fait droit à sa demande actuelle permettant d’y remédier.

En cinquième lieu, elle soutient que le jugement contient des dispositions abusives de nature à permettre aux experts d’appréhender des informations techniques confidentielles, ce qui constitue un excès de pouvoir.

Elle sollicite la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Silub et Axa concluent au rejet de la demande. Elles réitèrent leur argumentation tenant à l’insuffisance de l’expertise Z au vu des conclusions contraires de l’expertise Y effectuée sur des moteurs ayant connu des problèmes similaires.

Ce dernier expert a conclu que le Silub n’est pas à l’origine des désordres liés à la cavitation de l’huile moteur, mais que son utilisation, combinée à un dysfonctionnement pouvant survenir sur certains moteurs, entraîne une dégradation rapide des coussinets de bielle par attaque chimique de l’étain et provoque la casse des moteurs. Elle réfute dès lors l’argument soutenu par Renault Trucksdu caractère manifestement inutile de l’expertise alors que l’association d’un expert motoriste à l’expert chimiste contribuera à l’examen complet des causes des incidents.

Elles contestent l’existence d’un préjudice irréparable allégué par B C, alors que ne sont concernés que les moteurs de la société A par rapport aux milliers de véhicules commercialisés et entretenus par le réseau B C.

Elles dénient toute portée à l’excès de pouvoir excipé du fait de la mention 'en dernier ressort', puisqu’elles ne contestent pas la possibilité par Renault Trucks de solliciter l’autorisation de relever appel.

Enfin, elles précisent que les experts sont habitués à effectuer leurs missions dans le respect des données protégées.

Elles sollicitent la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Les deux arguments formels présentés par la société B C, l’un portant sur la mention de la décision 'rendue en dernier ressort’ et l’autre sur le risque d’atteinte aux données confidentielles, ne sont pas pertinents : la mention erronée n’est pas susceptible d’empêcher la présentation d’une demande d’autorisation de relever appel et la société Silub n’excipe d’ailleurs pas de cette fin de non recevoir ;

Sur le second grief, il est courant que les experts soient amenés à prendre connaissance, dans le cadre de leur mission, de données confidentielles. Il leur est seulement interdit de les détailler dans leur rapport ;

S’agissant du grief fondé sur la tardiveté de l’ordonnance de nature à retarder abusivement l’issue du litige, il est constant que la société Renault Trucks a saisi initialement le tribunal de commerce de Chaumont pour obtenir une expertise judiciaire des seuls moteurs A et qu’elle s’est aussi opposée, avec succès, à la demande d’adjonction d’un expert motoriste sollicitée par la société Silub ;

La société Renault Trucks apparaît dans ces conditions la première responsable du retard judiciaire provoqué de son propre fait par la saisine ultérieure au fond du tribunal de commerce non plus de Chaumont mais de Troyes, aux fins d’obtenir l’indemnisation de ses dépenses au titre des garanties, non seulement pour les moteurs A, mais en se disant aussi subrogée dans les droits des transporteurs Mory, Masson et X, à l’encontre desquels l’expertise Z n’est pas opposable, faute d’avoir mis en cause ces parties dans l’expertise initiale ;

Elle n’apparaît pas plus fondée à dénoncer l’inutilité de la nouvelle expertise, puisqu’elle a pris un risque stratégique en changeant de juridiction et en formant de nouvelles demandes (en se disant subrogée dans les droits de transporteurs différents), ce qui a permis à la société Silub de mieux justifier sa demande en réplique de nouvelle expertise, laquelle n’aurait pu prospérer si le litige était resté à Chaumont et cantonné aux moteurs A ;

On ne peut, dès lors, reprocher aux juges consulaires de Troyes, saisis de deux expertises divergentes rendues dans des dossiers différents et mettant en cause des incidents survenus sur des moteurs appartenant à des sociétés distinctes, d’avoir ordonné une nouvelle expertise associant un chimiste et un motoriste pour l’examen de l’ensemble des demandes présentées par la société Renault Trucks ;

La demande sera, en conséquence, rejetée et, par équité, la société Renault Trucks sera condamnée à payer aux défendeurs la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déboutons la société Renault Trucks de sa demande tendant à être autorisée à relever appel immédiat du jugement avant-dire-droit rendu par le tribunal de Commerce de Troyes en date du 3 mars 2015,

Condamnons la société Renault Trucks à payer à la société Silub et à la société Axa France IARD la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la société Renault Trucks aux dépens de la présente procédure.

Le greffier, Le premier président

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