Cour d'appel de Rennes, Chambre de l'expropriation, 9 décembre 2011, n° 10/07553

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, ch. de l'expropriation, 9 déc. 2011, n° 10/07553
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 10/07553
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Côtes-d'Armor, EXPRO, 5 septembre 2010

Sur les parties

Texte intégral

Chambre de l’Expropriation

ARRÊT N°58

R.G : 10/07553

Mme A B C épouse X

C/

DEPARTEMENT DES COTES D’ARMOR

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2011

Arrêt prononcé à l’audience publique du 09 Décembre 2011

par Madame DELAPIERREGROSSE, Président nommé pour trois ans par Ordonnance de Monsieur Le Premier Président

En présence de Madame FOUVILLE, faisant fonction de Greffier

La cause ayant été débattue à l’audience publique du 23 Septembre 2011

En présence de :

— Monsieur le Commissaire du Gouvernement des Côtes d’Armor

— Madame FOUVILLE, faisant fonction de Greffier

DEVANT :

— Madame DELAPIERREGROSSE, Président

— Monsieur Z, Juge de l’Expropriation du Département d’Ille et Vilaine

— Madame Y, Juge de l’Expropriation du Département du Finistère

ces deux derniers désignés conformément aux dispositions des articles R 13-1 et suivants du Code de l’Expropriation.

XXX

****

LA COUR statuant dans la cause entre :

Madame A B C épouse X

23 E de Beaucemaine

XXX

Représentée par Me Jacques DEMAY

APPELANTE d’un jugement rendu le 06 SEPTEMBRE 2010 par le Juge de l’Expropriation du Département des Côtes d’Armor

ET :

DEPARTEMENT DES COTES D’ARMOR représenté par Le Président du CONSEIL GENERAL

XXX

XXX

XXX

Représenté par Monsieur Daniel MURY, Chef du Service des Affaires Foncières ;

INTIME

********************

Suite à l’enquête préalable qui s’est déroulée du 30 mai au 13 juillet 2005, le projet de rocade de l’agglomération briochine sur le territoire des communes d’Yffiniac, Langueux, Tregueux, F Brieuc, Ploufragan, Plerin, Pordic et Tremuson a été déclaré d’utilité publique par arrêté préfectoral du 21 juin 2006.

Dans ce cadre, afin d’assurer l’aménagement d’une voie de desserte du quartier de la Ville au Beau, le Département des Côtes d’Armor poursuit l’acquisition par voie d’expropriation d’une emprise de 2817m² sur la parcelle cadastrée XXX² située en la commune de Ploufragan au lieudit « Beauvalet », propriété de Madame A-B C épouse X. Un arrêté préfectoral de cessibilité est intervenu le 17 décembre 2009.

Suivant mémoire valant offre du 2 février 2010, le département a offert une indemnisation totale de 25232,56€.

L’ordonnance d’expropriation est intervenue le 8 février 2010.

Faute d’accord, le Département des Côtes d’Armor a saisi le 12 mars 2010, le juge de l’expropriation du département des Côtes d’Armor afin de fixer l’indemnité d’expropriation revenant à Madame X.

Par jugement du 6 septembre 2010, le juge de l’expropriation a :

dit n’y avoir lieu à expertise,

fixé à la somme de 25626€ le montant de l’indemnité d’expropriation due par le Département des Côtes d’Armor à Madame X se décomposant comme suit :

* indemnité principale : 22387€ sur le base de 7,95€/m²,

* indemnité de remploi : 3238,70€,

condamné le Département des Côtes d’Armor à réaliser lui-même et entièrement à ses frais les travaux de rétablissement d’une clôture agricole le long de la limite nouvelle de la parcelle,

condamné le Département des Côtes d’Armor à verser à Madame X une indemnité de 1000€ en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté Madame X de ses autres demandes d’indemnité,

laissé les dépens à la charge du Département des Côtes d’Armor.

Madame X a interjeté appel par courrier recommandé posté le 22 octobre 2010.

Elle a déposé son mémoire d’appel le 20 décembre 2010. Ce dernier a été notifié le 6 janvier 2011 au Département (AR du 7 janvier 2011) et au Commissaire du gouvernement (AR du 7 janvier 2011).

Le département des Côtes d’Armor a posté son mémoire le 26 janvier 2011 réceptionné à la cour le 27 janvier 2011.

Le Commissaire du gouvernement a adressé ses conclusions par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 31 janvier 2011, réceptionné à la cour le 1er février 2011.

Les parties ont régulièrement été convoquées à l’audience de plaidoirie du 23 septembre 2011.

L’appel est recevable et la procédure régulière.

POSITION DES PARTIES

Madame X par mémoire d’appel en date du 20/12/2010 et mémoire en réplique du 01/04/2011 demande à la cour :

de réformer le jugement,

de dire que la parcelle section XXX doit être qualifiée de terrain à bâtir,

de fixer le montant des indemnités dues par le Conseil général des Côtes d’Armor comme suit:

* indemnité principale de dépossession: 143 667€,

* indemnité de remploi :…………………. 12860,70€,

* indemnité de dépréciation du surplus de la partie constructible de la parcelle : 94350€,

* indemnité de clôture : 5920,20€,

* indemnité au titre des frais de géomètre : 908,96€,

subsidiairement, de désigner un expert afin de procéder à l’évaluation de l’emprise, du pourcentage de dépréciation de la zone constructible hors emprise et du coût de la création des chemins nécessaires à la desserte des lots de la zone constructible hors emprise,

de condamner le Conseil Général des Côtes d’Armor aux dépens et à lui verser une indemnité de 4000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le département des Côtes d’Armor, par mémoires en date des 26 janvier et 4 mai 2011 demande à la cour:

de confirmer le jugement du 6 septembre 2010 sauf en ce qu’il a mis à sa charge une obligation de travaux de clôture,

de laisser à l’appelante les entiers dépens.

Le Commissaire du gouvernement, par conclusions du 31 janvier 2011, demande la confirmation du jugement.

SUR QUOI, LA COUR :

Description et consistance des biens:

La parcelle partiellement expropriée est un terrain nu d’une superficie totale de 1ha 52a 85ca, desservie au sud par la E F G sur laquelle elle dispose d’une façade d’environ 25 m, clôturée par un fil de fer sur piquets de bois. L’emprise destinée à la création d’une desserte locale, d’une superficie de 2817m² prend la forme d’une bande de 20m de large qui traverse le terrain et laisse subsister au sud une surface de 4432 m² en partie constructible et une surface de 8036 m² au nord classée en zone ND.

A la date de l’ordonnance d’expropriation emportant transfert de propriété, la parcelle était occupée par un exploitant agricole.

Date de référence et qualification du bien :

Les parties ne discutent pas la date de référence fixée par le premier juge au 30 mai 2004, soit selon les dispositions de l’article L13-15 du code de l’expropriation, un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique. Le premier juge ayant fait une exacte application des textes, le jugement sera confirmé de ce chef.

Il a également justement considéré que la parcelle devait être qualifiée de terrain à bâtir au sens de l’article L 13-15 du code de l’expropriation. En effet il n’est pas discuté que le bien est desservi par une voie d’accès et des réseaux d’eau potable et d’électricité suffisants. Par ailleurs, il apparaît que cette parcelle d’un seul tenant, se trouve selon le plan d’occupation des sols dans sa version applicable à la date de référence, classée en zone constructible à hauteur d’une superficie de 3600m² située dans sa partie sud, concernée par l’emprise pour 1030 m², alors que le surplus vers le nord subissant une emprise de 1787 m² est classé en zone ND, de sorte que par application du principe d’unicité du terrain, l’ensemble doit être qualifié de terrain à bâtir.

Sur les indemnités :

La parcelle sera évaluée à la date du jugement, selon sa consistance à la date de l’ordonnance d’expropriation portant transfert de propriété. L’article L 13-13 du code de l’expropriation exige que les indemnités couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Indemnité principale :

Madame X fait valoir que l’indemnité principale doit être évaluée sans distinguer selon le zonage de l’emprise et sur la base du prix du m² de terrain à bâtir sauf à remettre en cause la qualification de la parcelle et que doit être appliqué un prix moyen au m² dans la mesure où si moins d’un quart de la superficie du terrain est en zone constructible, se situent dans cette zone 36% de l’emprise totale. Or, contrairement à ce que soutient l’appelante, le principe d’unicité de la parcelle qui doit être appliqué au stade de la qualification du terrain n’empêche pas que l’évaluation soit réalisée par zones en raison de la configuration et des spécificités de la parcelle.

Le classement de la parcelle pour partie en zone constructible et pour le surplus en zone inconstructible, cette dernière partie étant largement prédominante, justifie que soit retenue comme l’a fait le premier juge, une évaluation sur la base d’un prix moyen, déterminé à partir des termes de comparaison les plus pertinents d’une part pour la partie d’emprise située en zone UD et d’autre part pour celle située en zone ND. L’indemnisation sollicitée par l’appelante, conduirait comme le relève l’intimée, à l’indemniser au delà du préjudice qu’elle subit réellement, entraînant son enrichissement, ce qu’interdit l’article L 13-13 du code de l’expropriation.

Pour prétendre à une indemnisation sur la base de 51€ le m², du terrain constructible, Madame X produit aux débats une offre d’acquisition à ce prix des 4000 m² constructibles du 11 octobre 2007 émanant de l’agence Concept promotion, ainsi que des annonces relatives à des ventes de terrain sur la commune de Ploufragan. Cependant, ces éléments ne peuvent constituer des termes de comparaison pertinents s’agissant pour le premier d’une offre qui n’a eu aucune suite concrète et qui comme l’a fait remarquer le premier juge, intégrait un intérêt spéculatif pour le promoteur et pour les seconds de parcelles dont la situation précise est ignorée, de même que l’effectivité d’une cession, propice à une négociation du prix. L’appelante ne peut non plus invoquer utilement le prix de 125€HT le m² des parcelles du lotissement crée dans le nouveau quartier des Plaines-Villes, sur l’ancien site de l’aéroport, s’agissant de la création d’un éco quartier consacré à l’installation d’entreprises du secteur tertiaire et à la création de logements, d’une nature différente de la zone où se situe la parcelle de Madame X et dont il n’est pas démontré au demeurant qu’il ait été repris dans des cessions effectives.

S’agissant des éléments de comparaison de la valeur du terrain constructible produits par l’expropriant, le premier juge a justement écarté les références A1 à A5 qui se situent dans une zone NAr d’urbanisation future dont on ne connaît pas le niveau d’équipement et non comme le bien litigieux en zone UD immédiatement constructible. Il en est de même des références C1à C3 qui concernent des acquisitions d’emprises attenantes à des propriétés bâties, qui se rapportant soit à des superficies plus petites soit à des parcelles d’une qualité inférieure à celle de la parcelle expropriée notamment en terme d’accès.

Parmi les acquisitions réalisées par le Département pour la présente opération, référencées B1à B4, doit être effectivement exclue comme terme de comparaison, la cession du 2 novembre 2009 (B4) au prix de 9,60€/m², qui concerne un terrain de très grande superficie situé en zone UYa dédiée aux activités artisanales, commerciales et de bureaux, sans rapport avec la parcelle en cause.

La cession du 6 octobre 2008 (B2) d’une parcelle de 3795 m au prix de 20€/m² et celle du 7 septembre 2009(B3) relative à une emprise de 807m² au prix de 43,37€/m² constituent des éléments de comparaison récents et plus pertinents du fait des conditions d’accès, de leur situation sur la commune et de leur classement en zone UB. Cependant il convient de relever que la référence B2 concerne une parcelle d’une grande superficie, difficile à céder sans aménagement ou division, ce qui est de nature à réduite sa valeur au m², de sorte qu’elle ne peut être privilégiée par rapport à la parcelle B3, dont la valeur apparaît cohérente avec celle de la parcelle B1 vendue le 30 juin 2004 au prix de 25,16 € le m², la cour observant que ni la viabilisation alléguée, ni son coût ne sont justifiés. Dès lors, compte tenu d’une meilleure situation en terme d’accès des parcelles B1 et B3 par rapport à la parcelle litigieuse, de la rareté des éléments de comparaison strictement comparables, la valeur du m² doit être fixée à 27€./ m² soit pour l’emprise de 1030 m² une valeur de 27810€. Le jugement sera réformé sur ce point.

En ce qui concerne l’emprise de 1787 m², située en partie non constructible, le premier juge a pertinemment retenu la valeur de 1 €/m² proposée par l’expropriant, proposition maintenue devant la cour, qui apparaît cohérente au regard des cessions de parcelles situées dans une zone identique, matérialisées sur les plans parcellaires produits aux débats et en l’absence de production par l’appelante d’éléments de comparaison de nature à remettre en cause cette évaluation.

En conséquence l’indemnisation de l’emprise sera fixée à 29597€ ( 27810€+1787€) soit une valeur moyenne de 10,50€/m²,

Indemnité de remploi.

L’indemnité de remploi dont les modalités de calcul ne sont pas discutées sera en conséquence fixée à la somme de 3959,70 €.

Indemnités accessoires.

Madame X demande une indemnité de dépréciation du surplus, au motif que la desserte par la voie nouvelle ne longera que partiellement la zone constructible et qu’elle devra financer les voies de desserte des lots, dont le nombre sera réduit à quatre.

Or, comme le rappelle l’autorité expropriante et en atteste le plan produit, la voie de desserte créée longera en sa partie sud la partie constructible du terrain, disposant ainsi d’un accès direct, se poursuivra dans sa partie sud-est et est, à travers la zone non constructible, permettant ainsi également un accès à la partie constructible, via la bande inconstructible située entre la précédente et la route. A cet égard, la commune dans un courrier du 26 avril 2010 confirme la possibilité de créer un accès direct aux différents lots qui seront constitués, sans que la présence d’une zone non constructible dans ces lots remette en cause le caractère homogène de la propriété desservie par la voie publique.

Par ailleurs, si Madame X produit un plan de géomètre de janvier 2007, relatif à la création de cinq lots, force est de constater que ce projet n’a reçu aucun commencement d’exécution et qu’il n’est pas non plus justifié de ce que Madame X avait même accompli les démarches afin d’obtenir les autorisations administratives nécessaires. Il n’est pas non plus démontré au regard de la superficie constructible subsistante que la réalisation de cinq lots est impossible, de sorte que le préjudice allégué n’est pas démontré.

Au surplus, comme le relèvent l’intimé et le commissaire du gouvernement, la création de la voie permettra un accès direct à la partie constructible et aux différents lots créés et évitera à l’expropriée de supporter le coût de la création de la voie interne d’environ 125 m figurant sur le plan du géomètre, infrastructure représentant un investissement d’environ 710€ TTC le mètre linéaire, évaluation qui n’est remise en cause par aucune pièce sérieuse produite par l’appelante. Au final Madame X bénéficiera d’une plus’value égale à l’économie qu’elle réalisera lors de la réalisation du lotissement.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que n’était démontrée aucune dépréciation indemnisable du surplus et débouté Madame X de sa demande.

De la même façon, la demande de Madame X au titre des frais de géomètre d’un montant de 908,86€ devenus inutiles, ne peut être accueillie. En effet, il apparaît que les frais en cause concernent un bornage de la partie constructible de la parcelle qui n’a certes plus d’intérêt pour la limite avec la parcelle 1083, mais qui conserve tout son intérêt, pour la définition des limites avec les parcelles voisines 185,186 et 832 qui ne sont pas concernées par l’opération. Cette perte très réduite apparaît au demeurant largement compensée par l’avantage rappelé ci-dessus, conféré à l’appelante.

S’agissant de l’indemnité pour perte de clôture ramenée à 5920,20€ TTC devant la cour, à défaut d’engagement de l’expropriant de les reconstituer, prestation rendue nécessaire par l’expropriation partielle qui partage en deux la parcelle, il doit être condamné à en assurer l’indemnisation qui sera fixée par la cour à la somme de 2000€, le devis produit qui se rapporte à une clôture paysagère étant manifestement excessif. Le jugement sera réformé sur de ce chef.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application dans l’intérêt de Madame X au stade de son recours des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

Les parties succombant partiellement en leurs prétentions, conserveront à leur charge leurs dépens respectifs.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Infirme le jugement en ce qu’il a fixé à la somme de 25626€ l’indemnité d’expropriation due par le Département des Côtes d’Armor à Madame X suite à l’expropriation partielle de la parcelle sise commune de PLOUFRAGAN cadastrée section XXX et condamné le Département à réaliser lui même à ses frais les travaux de rétablissement d’une clôture agricole le long de la limite nouvelle de la parcelle,

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Fixe l’indemnité globale revenant à Madame X à la somme de 35556.70€,

Déboute Madame X de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

.

Le Greffier Le Président

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