Cour d'appel de Rennes, 19 novembre 2014, n° 12/08258

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 19 nov. 2014, n° 12/08258
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 12/08258

Sur les parties

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N°567

R.G : 12/08258

COMITE DE GESTION DES OEUVRES SOCIALES DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS PUBLICS

— CGOS-

C/

Mme Q C

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Catherine ELLEOUET-GIUDICELLI, Président,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseiller,

Madame Mariette VINAS, Conseiller,

GREFFIER :

Madame G H, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Septembre 2014

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Novembre 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

COMITE DE GESTION DES OEUVRES SOCIALES DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS PUBLICS -CGOS-

XXX

XXX

Comparant en la personne de Mr Dominique LOISON, Directeur Général Adjoint, assisté de Me FONADE, Avocat, du Cabinet de Me Bruno D’ASTORG, avocat au barreau de PARIS.

INTIMEE :

Madame Q C

XXX

XXX

représentée par Me Marie MLEKUZ, avocat au barreau de RENNES, du Cabinet de Mes LARZUL, BUFFET et A., Avocats au barreau de RENNES.


FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme M C a été embauchée le 12 mars 2003 par le comité de gestion des oeuvres sociales des établissements hospitaliers publics (CGOS) dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée d’un an, en qualité de conseiller complémentaire retraite des hospitaliers.

Son contrat de travail a été modifié par avenant du 3 mai 2004 en contrat à durée indéterminée moyennant une rémunération brute mensuelle de 2298,19 €.

En mars 2010, le chef de service M. P a mis en place une stimulation permettant aux conseillers de bénéficier d’une prime d’objectif en fonction du nombre d’affiliations effectuées, avec par la suite établissement d’un tableau comptabilisant ces affiliations par conseiller.

Mme C a informé son chef de service que ses résultats étaient comptabilisés de façon incomplete et ce dernier a constaté en parallèle certaines anomalies dans ses affiliations. Les explications fournies par la salariée ne le satisfaisant pas, il l’a convoquée à un entretien préalable.

Le 21 septembre 2010, Mme C a été licenciée pour faute grave.

Le 30 décembre 2010, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes pour contester ce licenciement.

Par jugement du 25 octobre 2012, le conseil de prud’hommes de Rennes a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme C et a condamné le CGOS à lui payer les sommes suivantes :

—  4596,38 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 459,63 € de congés payés afférents,

—  3447,27 € au titre de l’indemnité de licenciement.

—  15.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a également ordonné le remboursement par le CGOS aux organismes intéressés des indemnités de chômage perçues par Mme C dans la limite des six mois d’indemnités et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le CGOS a relevé appel.

Par conclusions déposées au greffe le 1er août 2014, le CGOS demande l’infirmation du jugement et que la Cour, jugeant fondé le licenciement pour faute grave, condamne Mme C à rembourser les sommes perçues en exécution du jugement, avec intérêts de droit depuis le 26 novembre 2012, soit les sommes suivantes :

—  4.596,38 € d’indemnité compensatrice de préavis et 459,63 € de congés payés afférents.

—  3.447,27 € d’indemnité de licenciement.

—  15.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite l’entier débouté de Mme C et sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises par RPVA le 22 août 2014, Mme C demande à la Cour de déclarer le CGOS mal fondé en son appel, de recevoir son appel incident, de confirmer le jugement sur l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, mais d’ augmenter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 41.367,42 €.

Elle demande également la condamnation de l’intimée à lui payer 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel s’ajoutant à la somme de 1.500 € déjà obtenus en 1re instance.

Pour plus ample exposé, il sera renvoyé aux conclusions susvisées des parties, soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE L’ARRET

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

'Le 13 août 2010, nous vous avons envoyé un courrier recommandé avec demande d’avis de réception vous convoquant à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement à votre égard pour le9 septembre 2010 à 10 H 45 au C.G.O.S Bretagne, à Rennes, votre lieu principal de travail.

Le 9 septembre 2010, nous nous sommes réunis pour cet entretien préalable au C.G.O.S Bretagne, enprésence de Monsieur X P, chef de service principal, responsable des conseillers CRH,qui est votre responsable hiérarchique direct, et de Monsieur S T, délégué syndical CGT,qui vous assistait Il convient de mentionner qu’au cours de cet entretien, un compte-rendu contradictoirea été établi sur votre demande (avec validation conjointe des parties), compte-rendu paraphé par les quatre participants à l’entretien. Suite à cet entretien, nous vous informons par la présente que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs détaillés ci-après.

En votre qualité de conseiller CRH, vous êtes chargée de promouvoir la CRH (affiliations, augmentation de taux, etc) auprès des agents hospitaliers de votre secteur, en région « grand Ouest ».

Le 16 juillet dernier, votre supérieur hiérarchique, X P analysait les résultats d’activité des conseillers CRH pour la période allant du 15 mars au 15 juillet 2010.

Afin d’accroître les résultats en termes d’affiliations et d’augmentations de taux de la CRH, il a été décidé de la mise en place d’un système de stimulation de l’équipe des Conseillers CRH.

Ainsi chaque Conseiller qui est parvenu, sur cette période, à atteindre ou à « surperformer » son objectif se voit attribuer une prime, qui, pour les meilleurs, est accompagnée d’une dotation complémentaire:

>- Atteinte entre 100% et 109% de l’objectif: prime de 200 euros nets;

';> Entre 110% et 120% de l’objectif: prime de 200 euros nets + coffret dîner et spectacle pour 2 personnes;

>- A partir et au-delà de 120% de l’objectif: prime de 200 euros nets + coffret week-end en France pour 2 personnes.

Par ailleurs, il convient de préciser que les affiliations reçues parviennent au C.G.O.S par deux canaux:

— les affiliations issues des mailings,' des établissements et des conseillers téléphone sont transmises à notre prestataire SOGEC ;

— les affiliations issues des animations en établissements faites par les conseillers CRH, sont envoyées par les conseillers CRH à X P, Responsable des conseillers CRH au siège du C.G.O.S.

Chacun des destinataires, SOGEC et X P, établit un listing avec les coordonnées précises de l’agent affilié, la date de réception et la source de l’affiliation.

Selon les listings émis, examinés par votre supérieur hiérarchique, vous sembliez avoir réalisé 116 % de votre objectif et deviez donc bénéficier d’une prime de 200 euros nets et d’un coffret dîner et spectacle pour 2 personnes.

Cependant, le 19 juillet, vous vous êtes plainte à votre Responsable hiérarchique que certaines affiliations ABavaient pas été comptabilisées à votre profit et vous suggériez qu’une enveloppe complète de contrats d’affiliations avait été perdue et que ces contrats ABavaient donc pas été enregistrés. Comme les résultats de la stimulation étaient clos et que la perte d’affiliations est un événement rarissime, Monsieur P vous a immédiatement demandé de lui envoyer un courriel lui indiquant le nom des quelques agents qui auraient dus être enregistrés.

Vous lui avez alors adressé une enveloppe de photocopies, dans les délais qu’il vous avait indiqués.

Après analyse des documents envoyés, de nombreuses anomalies sont apparues, deux, particulièrement graves, attirant principalement, l’attention de Monsieur P.

Dans cette enveloppe se trouvaient, en effet, 4 affiliations concernant des agents demeurant sur d’autres secteurs géographiques que le vôtre, mais portant votre tampon:

1. Madame Y des Yvelines qui a signé le formulaire d’affiliation le 21/06/10 à Bullion (78);

2. Madame Z d’Orléans, qui a signé le 17/06/10 à Saran (45) ;

3. Madame IE ABZumba du Vésinet qui a signé le 22/06/10 à Conflans-Sainte-Honorine(78) ;

4. Madame K A qui a signé le 22/06/10 à Fontainebleau (77).

Lorsque X P vous a interrogé au téléphone sur ces anomalies, vous les avez justifiées d’un colloque à Nantes, auquel vous disiez avoir participé; toutefois, vous avez, par la suite, réfuté cette dernière explication, ce qui bien évidemment ABest pas acceptable.

Au surplus, il s’avère que deux de ces contrats ont été signés les 17 et 21 juin 2010, alors que vous étiez en congés et que deux autres de ces contrats ont été signés le 22 juin 2010, alors que le planning que vous aviez établi concernant vos déplacements faisait état de votre présence à Landerneau.

II est donc totalement faux de soutenir que vous avez obtenu ces 4 aHiliations lors d’un colloque à Nantes.

Une autre anomalie d’importance mérite d’être soulignée. En effet, dix affiliations – dont les quatre précédentes – avaient déjà été enregistrées entre le 10 mai et le 1er uillet 2010 par le prestataire SOGEC qui établit un reporting journalier de toutes les affiliations qu’il reçoit, et ce bien avant, 'l’enregistrement’ de ces documents par vos soins.

Devant cette situation, votre responsable a été contraint de vérifier si les anomalies relevées sur votre activité relevaient, ou non, de faits isolés. Il a alors procédé à un pointage exhaustif de l’activité de l’ensemble des conseillers CRH. Ce pointage, sur la période du 15 mars au 15 juillet 2010, a fait apparaître que:

» sur l’ensemble des autres membres de l’équipe, soit 6 conseillers « terrain », seulement 6 anomalies (4 doublons d’enregistrement entre un Conseiller CRH et SOGEC et 2 affiliés hors secteur) ont été relevées, soit 0.87 % de la totalité des affiliations concernées.

» en revanche, sur les affiliations qui vous sont attribuées sur cette même période:

o 35 de celles-ci avaient déjà été enregistrées précédemment par SOGEC, 14 affiliations étant de plus issues d’un secteur géographique autre que le vôtre;

o 2 autres affiliations proviennent d’un autre secteur; elles ABont pas été enregistrées par SOGEC, mais ne relèvent pas de votre zone géographique.

Ainsi sur les 108 affiliations qui vous sont attribuées, sur cette période, 37 ABont en réalité pas été faites par votre intermédiaire, soit 34.25 % de la totalité des affiliations concernées.

Vous avez ainsi délibérément falsifié les documents de relevé d’activité et abusé, outre celle de votre hiérarchie, la confiance de chacun des salariés de l’équipe CRH.

En effet, afin d’identifier à quel conseiller il convient d’attribuer une affiliation, ceux-ci doivent inscrire leur nom ou leurs initiales en haut de chaque document d’affiliation. Or, dans quatre bulletins d’affiliation que vous avez transmis, pour des affiliations « hors secteur », les coins des documents comportant les initiales de l’un ou l’autre de vos collègues ont été sciemment déchirés et revêtus indûment de votre tampon; pour trois autres, vous avez même apposé votre tampon sur la signature d’une de vos collègues ou sur les mentions indiquant la source de l’affiliation.

Au cours de notre entretien, vous ABavez apporté aucune explication cohérente sur ces fraudes qui apparaissent comme autant de manipulations et falsifications destinées à augmenter vos propres résultats au détriment de ceux de vos collègues et à obtenir des prime et gratification indues. Ces man’uvres d’une extrême gravité sont inacceptables, causent un réel préjudice à l’ensemble de l’équipe et nuisent à son bon fonctionnement.

Au surplus, elles s’inscrivent dans le prolongement d’un comportement qui témoigne d’un non respect avéré des consignes et observations de votre hiérarchie.

En effet vous avez par le passé utilisé abusivement le téléphone portable mis à votre disposition dans le cadre de vos fonctions, pendant des congés à l’étranger.

Par ailleurs, s’agissant de vos notes de frais, nous avons également constaté des abus manifestes et vous avons demandé de modifier votre comportement en la matière.

Cette situation qui pénalise vos collègues de travail et préjudicie gravement au bon fonctionnement de l’activité CRH constitue une faute inexcusable; de plus, vous ABavez de cesse de remettre en cause les propositions et demandes qui vous sont faites par votre hiérarchie.

Il ABest plus possible de vous maintenir dans vos fonctions, ne serait-ce que pour la durée du préavis, sans prendre le risque de désorganiser l’activité de promotion de la CRH.

Dans un tel contexte et compte tenu de la gravité des faits, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave.

Dans ces conditions, votre licenciement interviendra à première présentation de ce courrier par le préposé des postes, sans préavis, ni indemnité de licenciement. Vous recevrez très prochainement les sommes vous restant dues au titre de salaire et indemnité de congés payés, déduction faite de l’acompte sur frais de 500 euros versé en mars 2003, ainsi que votre attestation ASSEDIC et votre certificat de travail.'

Le CGOS critique le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la preuve des falsifications graves opérées par Mme C ABétait pas rapportée.

Sur le grief de fraudes et manipulations des bulletins d’affiliation

Sur les affiliations hors secteur

Le CGOS fait valoir que le conseil, trompé par les allégations de Mme C, a cru pouvoir considérer qu’elle ABavait pas d’interdiction d’affiliation hors secteur, alors :

— qu’elle avait un secteur géographique déterminé, comme tous les autres conseillers CRH et elle ne pouvait recevoir d’affiliations que des agents hospitaliers de son secteur, ce dont elle avait parfaitement connaissance,

— que contrairement à ses déclarations les agents hospitaliers participent assez peu, pour des raisons de charge de travail, à des salons ou réunions professionnels, notamment en dehors de leur secteur d’origine, qu’il est donc peu fréquent de rencontrer des agents extérieurs à son secteur,

— que si lors d’un salon ou séminaire professionnel des agents hospitaliers d’autres secteurs géographiques se renseignent sur la CRH, le conseiller doit leur donner les coordonnées de son collègue en charge du secteur dont relève l’agent considéré,

— que les seules réunions annuelles où les conseillers CRH peuvent effectivement rencontrer les agents hospitaliers de toute la France sont les 2 salons professionnels Hôpital Expo et Geront Expo qui se tiennent à Paris et le Salon Infirmier, seul cadre où les conseillers présents au salon peuvent recueillir des affiliations quelle que soit la zone géographique professionnelle de l’agent hospitalier, mais que Mme C ABa participé à aucun de ces salons en 2009 et 2010, que l’exemple de Dinard ABest pas probant car elle a obtenu justement une autorisation de M. P qui était présent,

— que l’explication de Mme C selon laquelle elle aurait reçu directement des appels d’agents hospitaliers ayant téléphoné au siège du CGOS quand les lignes des 2 téléconseillères étaient occupées est mensongère et fantaisiste car il ABexiste aucune possibilité technique de basculer les appels téléphoniques reçus par les 2 téléconseillères CRH sur les 7 conseillers CRH en région,

— que la salariée est de mauvaise foi dans ses tentatives de justification, alors que les éléments de fait contredisent ses allégations.

Mme C réplique que le fait qu’elle ait pu se tromper sur les dates et les lieux où l’affiliation est intervenue ABest pas un aveu de culpabilité car lorsqu’elle a répondu elle ABavait pas l’entier dossier permettant de retracer l’historique sous les yeux , qu’il est faux que seuls les salons que cite le CGOS permettaient d’affilier des agents de partout, qu’elle a ainsi procédé à une affiliation d’un agent hors secteur en présence de M. P lors d’un congrès CFDT à Dinard, sans intervention de ce dernier, que ces animations étaient sa source principale d’obtention des affiliations, qu’elle remettait à ces occasions des dossiers sous enveloppes à ses coordonnées, pour que l’agent qui décidait d’adhérer lui renvoie le dossier signé à son adresse à la délégation de Rennes, que depuis des années elle affiliait, comme d’autres collègues de travail, les agents hospitaliers de son secteur ou ceux d’autres secteurs qui étaient amenés pour des raisons diverses à être conseillés dans le cadre de ses permanences, qu’elle traitait par téléphone jusqu’à l’affiliation des dossiers qui lui étaient rebasculés lorsque les lignes des 2 téléconseillères du siège CGOS étaient occupées, que le CGOS est dans l’incapacité de produire une note d’instructions interdisant aux conseillers d’affilier un agent hors secteur.

Sur ce :

Une note de service ABa pas lieu d’être lorsque les règles de fonctionnement sont connues de tous comme étant une évidence et découlent de l’organisation même du travail. En l’espèce, les services des conseillers sont découpés en régions, équilibrées selon le potentiel de chacune, au cours de l’entretien préalable Madame C ABa à aucun moment remis en cause le principe de la territorialité de la compétence des agents, elle invoque, dans son courriel du 5 août 2010 en réponse aux demandes d’explication de Monsieur P, pour justifier les affiliations hors secteur enregistrées à son bénéfice, le fait qu’elle les aurait obtenues en ayant rencontré les agents concernés à Nantes lors d’un colloque puis, son supérieur hiérarchique lui ayant fait observer que cela ABétait pas possible, lors de journées de formation à Nantes, Rennes, Saint-Nazaire et Brest, dans ce même courriel elle se justifie également en indiquant qu’elle ne peut connaître la provenance, l’origine des agents qui viennent se renseigner lors de ses passages, fait référence à des affiliations d’un département « qui ne la concerne pas », ce qui confirme qu’elle connaissait la règle de la territorialité.

Elle affirme que d’autres collègues pratiquaient de même mais ne produit aucune attestation en ce sens, les seules attestations de salariés qu’elle produit proviennent d’une secrétaire à la retraite depuis 2006, d’une autre secrétaire dont, organigramme à l’appui, l’employeur conteste qu’elle avait un lien direct avec Madame C, en tout état de cause le contenu de ces attestations est inopérant pour corroborer les allégations de Madame C, les autres attestations confirment qu’elle était appréciée pour sa compétence, ce qui ABest pas contesté, l’employeur reconnaissant qu’elle avait fait auparavant du bon travail.

S’agissant du challenge spécifique posé par le chef de service, il est clair que la règle de territorialité s’appliquait, au vu de la pièce 19 de l’intimée, comme le relève l’appelant. Mais surtout, il résulte des échanges de pièces versées aux débats, qu’au-delà du problème d’affiliation hors de son secteur, ce qui lui est essentiellement reproché, lorsque l’employeur retient ce grief, est l’impossibilité pour la salariée de justifier de manière convaincante qu’elle aurait effectivement rencontré les agents sur son secteur.

Madame C explique que les affiliations font suite à des rencontres sur le terrain et sont les retombées du travail qu’elle a réalisé en amont.

L’employeur fait valoir qu’au vu des dates de signature des dossiers et de l’examen de ses plannings, elle ne peut avoir rencontré les agents dans les circonstances qu’elle invoque.

De fait, au vu de son planning, il apparaît que Madame C ABa pas fait à l’époque des affiliations Z, F, IE, A, de déplacement à Saint-Nazaire, ni à Brest ni d’animation à l’hôpital de Rennes, elle s’est déplacée à Nantes le 3 juin mais il s’agissait d’une journée portes ouvertes et il ABy avait aucune journée de formation ce jour-là ainsi qu’il ressort de la pièce 23 de l’intimée, en outre Madame IE ABZUMBA Odette s’était déjà affiliée par mailing le 10 mai 2010.

Madame C ne conteste donc pas efficacement ce grief au vu des éléments de fait apportés par l’employeur.

Sur les affiliations déjà enregistrées par SOGEC

Le CGOS soutient que le conseil, trompé par les allégations de Mme C, a cru pouvoir considérer que, faute pour la salariée d’être informée par la SOGEC des agents déjà affiliés, un doublon d’affiliation ne pouvait lui être reproché, alors que compte tenu des 2 voies totalement distinctes d’affiliation mises en place, des doublons ne peuvent intervenir que très rarement puisque cela suppose qu’un agent hospitalier s’affilie auprès d’un conseiller CRH personnellement, puis quelques jours plus tard, ayant oublié qu’il s’est déjà affilié, s’inscrive directement à un mailing ou un appel d’une conseillère téléphonique, ou l’inverse, qu’un tel nombre de doublons ne peut être le fruit du hasard ;

Il explique qu’en effet les affiliations consécutives :

— à l’envoi de mailings ou aux appels téléphoniques des 2 téléconseillères CRH ou faites directement sur Internet ne sont pas comptabilisées au bénéfice du conseiller CRH affecté au département de l’agent qui s’affilie puisque ledit conseiller ABest pas personnellement à l’origine, ces affiliation sont adressées directement au prestataire SOGEC qui les enregistre à la date de leur réception et et transmet chaque semaine au CGOS un listing nominatif des agents nouveaux affiliés,

— à l’activité personnelle des 7 conseillers CRH répartis sur toute la France, sont envoyés par chacun des conseillers au siège du CGOS à Monsieur O, c’est ce dernier qui établit la liste nominative des affiliations transmises par les conseillers CRH.

Mme C fait valoir que le CGOS adressait régulièrement via la SOGEC, société de prestations de services, des mailings à l’ ensemble du personnel cible, ce qui fait que de nombreux agents hospitaliers, soit téléphonaient directement aux délégations régionales, en l’espèce la délégation de Rennes qui retransmettait ses coordonnées, soit téléphonaient au siège du CGOS ou 2 conseillères étaient à leur disposition pour les informer et les suivre jusqu’à une éventuelle affiliation, sauf lorsqu’elles étaient trop occupées et rebasculaient le dossier sur une conseillère d’agence dont la ligne était libre, que parfois les agents contactaient à la fois les délégations régionales et la SOGEC ce qui créait des doublons qui étaient régularisés ultérieurement, que l’enregistrement par le prestataire SOGEC des affiliations ABétait pas communiqué directement aux conseillers des régions mais au siège ce qui implique que les conseillers en temps réel ABétaient au courant de la double affiliation que quelques semaines plus tard.

Sur ce :

L’employeur démontre par sa pièce 18 que l’explication de Madame C selon laquelle elle aurait reçu automatiquement par basculement, sur son téléphone portable puisque c’est le seul numéro dont elle disposait au vu de la pièce 16, les appels adressés aux téléconseillères lorsqu’elles étaient surchargées, ne tient pas car le basculement ABétait pas techniquement possible, par ailleurs les téléconseillères étant astreintes également à des objectifs, elles ABavaient aucun intérêt à une telle man’uvre. Le taux important de doublons (34,25 %) est anormale au regard de la séparation des filières d’affiliation et ne peut s’expliquer que par des informations privilégiées auxquelles la salariée ABavait normalement pas accès puisqu’elle ABavait aucune raison d’être informée des affiliations faites par les télé conseillères ou les conseillers d’une autre région. Or, la pièce 51-1 de l’appelant révèle qu’elle avait effectivement un contact personnel au sein d’ D, qui lui avait transmis en décembre 2009 notamment des documents qu’il ABaurait pas dû normalement lui fournir.

L’employeur est donc fondé à imputer à Madame C des irrégularités sur les doubles affiliations.

Sur les falsifications des bons d’affiliation

Le CGOS considère que c’est à tort que le conseil a cru pouvoir retenir qu’il ABapportait pas la preuve des falsifications graves opérées par la salariée pour s’attribuer indûment le bénéfice d’affiliation auxquelles elle est totalement étrangère, seules les affiliations qu’elle a personnellement faites sur son secteur géographique dans le cadre des animations réalisées au sein des hôpitaux devant lui être attribuées, mais non les affiliations d’agents relevant de son secteur qui ont répondu directement à des envois de mailings ou à des appels de de télé conseillères CRH, que c’est de mauvaise foi que la salariée feint de ne pas comprendre l’intérêt des anomalies relevées et le mode d’exécution et sous entend que c’est son supérieur hiérarchique, qui ABy avait aucun intérêt, qui aurait falsifié les bulletins, tentant de jeter ainsi le discrédit sur la hiérarchie interne du CGOS.

Mme C réplique que sur les 33 documents produits par l’employeur, cette anomalie ne ressort que dans quatre dossiers, mais qu’elle avait prit la précaution de faire une photocopie des documents, photocopie sur lesquels les anomalies ABapparaissent pas, ce qui signifie qu’elles ont été altérées entre le moment où Monsieur B les a reçus et celui où il les a transmis à D.

Sur ce :

L’examen des originaux des bulletins versés aux débats permet de s’en permet de se rendre compte, notamment par comparaison avec les bulletins renvoyés par les autres conseillers, que nombre des bulletins adressés par Madame C sont anormalement surchargés de cachets, parfois de sa signature, déchirés voir troué ou coupé aux ciseaux pour 2 d’entr’eux à l’endroit où sont apposées les initiales du conseiller à l’origine de l’affiliation.

L’examen de la pièce 37 de l’intimée (bulletin F Paule) permet de vérifier que la date du 7 juillet 2010 au-dessus du cachet de Madame C est une modification par rapport aux bulletins qu’D a reçus mais surtout que la même déchirure en haut à droite existe sur la photocopie de Madame C, quoiqu’un peu masquée par la prolongation d’une bande grise, et sur l’original transmis par D. L’attribution de ces altérations au supérieur hiérarchique de Madame C après envoi peut donc être exclue, d’autant que seule elle y avait un intérêt, puisque ces altérations concernent précisément des affiliations déjà traitées par d’autres conseillers, principalement les télé conseillère du siège, ou résultant de mailings.

Le grief est donc établi.

Sur le non respect des consignes et observations de la hiérarchie( usage anormal du téléphone portable professionnel,montant anormal des notes de frais)

Le CGOS fait valoir que Mme C est de mauvaise foi lorsqu’elle explique le montant très largement supérieur de ses frais professionnels par rapport à ceux de ses collègues par un travail plus intense ou un nombre d’animations supérieures au leur.

Mme C réplique que ses appels téléphoniques pendant ses vacances concernaient le service, que ses notes de frais étaient justifiées et s’expliquent par le nombre plus élevé d’animations par rapport à ses collègues, qu’à aucun moment il ABa été demandé aux conseillers de limiter leurs frais, que la note de son supérieur du 30 juin 2010 était injustifiée, que le CGOS a rajouté ce grief pour les besoins de la cause.

Sur ce :

L’employeur ne rapporte pas la preuve d’un usage abusif du téléphone non motivé par des raisons professionnelles pendant les congés payés, faits en outre anciens, il établit qu’effectivement les frais de Madame C étaient largement supérieurs à ceux des autres conseillers et que cela ne résulte pas d’une activité supérieure à la leur comme le soutient Madame C, et que dès avant l’arrivée de Monsieur P il lui avait été demandé de « rationaliser »ses déplacements, cependant ce grief est surajouté et le licenciement essentiellement justifié par le grief relatif aux irrégularités d’affiliations en vue de gonfler artificiellement le nombre des affiliations réalisées par elle.

Ce fait constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement car il porte atteinte à l’obligation de loyauté, pénalise les autres conseillers et met en cause le bon fonctionnement du service et les consignes de la hiérarchie comme le fait valoir l’employeur.

Celui-ci ne justifie cependant pas en quoi la faute ne permettait pas le maintien dans l’entreprise pendant son préavis de Madame C, qui avait, ce que ne méconnaît pas l’employeur, fait jusqu’alors du très bon travail, qui se référait, au titre de la culture de l’entreprise telle qu’elle l’avait antérieurement connue, à la dimension sociale du CGOS à l’égard des agents hospitaliers qu’elle conjuguait difficilement avec la logique commerciale imposée (mais sur ce point l’employeur justifie que la viabilité et la pérennité du régime étaient conditionnés par l’afflux de nouvelles adhésions) et qui ABaurait sans doute jamais commis de tels faits sans la pression ressentie par rapport aux objectifs, culminant dans l’opération managériale de « challenge » avec lots à gagner pour les conseillers. Le jugement sera donc réformé en ce qu’il a condamné le CGOS à payer à Madame C des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à Mme C l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dont le montant ABest pas contesté.

L’appréciation faite par le conseil des prud’hommes sur l’article 700 CPC en première instance sera confirmée, le CGOS succombant partiellement, l’équité ABimpose pas l’application de l’article 700 CPC pour la procédure d’appel.

Le CGOS, qui succombe partiellement, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné le CGOS à payer à Mme M C 15000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

LE CONFIRME pour le surplus,

Y AJOUTANT,

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 CPC pour la procédure d’appel,

CONDAMNE le CGOS aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

G. H C. ELLEOUET-GIUDICELLI

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