Cour d'appel de Rennes, 18 juin 2014, n° 12/07063

  • Thèse·
  • Cdd·
  • Contrats·
  • Porc·
  • Travail·
  • Économie·
  • Bourse·
  • Laboratoire de recherche·
  • Durée·
  • Cadre

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 18 juin 2014, n° 12/07063
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 12/07063

Sur les parties

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N° 351

R.G : 12/07063

Association Y INSTITUT DU PORC

C/

Melle C X

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 JUIN 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Catherine ELLEOUET-GIUDICELLI, Président,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseiller,

Madame Mariette VINAS, Conseiller,

GREFFIER :

Madame A B, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Mars 2014

devant Madame Liliane LE MERLUS, Conseiller, et Madame VINAS, Conseiller, magistrats rapporteurs tenant seuls l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Juin 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, après prorogation du délibéré initialement prévu le 04 Juin 2014.

****

APPELANTE :

Association Y INSTITUT DU PORC

prise en la personne de son Directeur Général

XXX

XXX

représentée par Me MILLOT, Avocat, du Cabinet de Me Sandrine DEROUBAIX (Cabinet NORMA) avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Mademoiselle C X

XXX

XXX

représentée par Mr Philippe SIMON Délégué U.S.G.S. à RENNES.


FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES

Madame G X a été embauchée par l’ Y (Institut du Porc) en qualité d’ingénieur du Pôle Economie, par contrat à durée déterminée d’une durée de trois ans, du 6 avril 2009 au 5 avril 2012, dans le cadre d’une thèse financée par une bourse CIFRE, sur « les effets de la coordination des filières porcines sur leur efficacité, comparaisons internationales », mise en oeuvre sous la co tutelle de l’Y, de l’INRA et de l’Agrocampus Ouest.

Le directeur de thèse (chargé de recherche s à l’INRA )a notifié à l’iIFIP le 15 novembre 2010 sa décision d’arrêter d’encadrer la la thèse de Madame X.

L 'Y a alors notifié à Madame X par courrier recommandé du 13 décembre 2010 la rupture du contrat à durée déterminée pour disparition de son objet.

Madame X a saisi le conseil des prud’hommes de Rennes pour contester cette rupture du CDD.

Par jugement du 10 septembre 2012 le conseil des prud’hommes a condamné la société Y à payer à Madame X les sommes de :

-34 524,26 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

-2500 € de dommages intérêts pour préjudice moral,

-1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens

Il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et l’ Y de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ Y a interjeté appel.

Par conclusions déposées au greffe le 6 mars 2014 , il demande l’infirmation du jugement, le rejet de l’intégralité des demandes de Madame X et sa condamnation à lui payer 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 17 mars 2014 Madame X demande la confirmation du jugement et la condamnation de l’ Y aux dépens.

Pour plus ample exposé, il sera renvoyé aux conclusions sus visées des parties, soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE L’ARRET

Madame X approuve le jugement du conseil des prud’hommes qui a considéré que le contrat a été rompu de façon injustifiée au regard des dispositions de l’article L 1243-1 du code du travail.

Elle soutient que :

— le contrat conclu dans le cadre du CIFRE est un contrat de droit commun et non un contrat de type particulier comme peut l’être le contrat initiative emploi,

— les motifs de rupture d’un CDD sont limitativement énumérés par les articles L 1243 -1 à L 1243- 4 du code du travail et en l’espèce il n’est pas rapporté la preuve d’un accord des parties, d’une faute grave ou d’un cas de force majeure,

— le seul cas où peut être admis une rupture anticipée de CDD par disparition de son objet e st le CDD à terme imprécis lorsque le contrat de travail du salarié titulaire du poste est définitivement rompu,

— les dispositions du code du travail relatives aux CDD ont été édictées dans un souci de protection du salarié qui peut seul se prévaloir de leur inobservation,

— le contrat de travail aurait pu se poursuivre indépendamment de la soutenance d’une thèse, car il aurait pu être distinct de la convention CIFRE.

Elle conteste que la qualité de ses travaux soit à l’origine de l’arrêt de l’étude confiée par l’INRA, estime qu’il s’agit d’une décision unilatérale de l’INRA et affirme que l’arrêt de sa thèse aurait été évoqué verbalement début octobre, que l’ Y lui a dans un premier temps proposé de continuer ses recherches sur la même thématique pour son compte sous une forme légèrement différente qui excluait l’INRA.

L’Y expose au contraire que :

— le dispositif CIFRE associe 3 partenaires autour de la thèse préparée par le salarié doctorant, à savoir :

. l''entreprise, qui recrute un jeune diplômé à qui elle confie une mission de recherche stratégique pour son développement socio-économique qui s’inscrit dans le cadre de sa thèse,

. un laboratoire de recherche académique qui encadre directement les travaux du jeune doctorant,

. un établissement d’études supérieures auquel le jeune doctorant est rattaché pour la soutenance de sa thèse et qui assure le suivi scientifique des travaux, cet établissement étant rattaché au laboratoire de recherche académique qui encadre la thèse,

—  3 conventions sont signées : une convention CIFRE pour le déblocage des subventions, un contrat de collaboration entre le laboratoire et l’entreprise pour l’organisation du travail du doctorant, un CDD ou CDI entre le salarié doctorant et l’entreprise .

L’appelant précise que c 'est seulement parce qu’elle était éligible au mécanisme de la convention CIFRE que Madame X a été embauchée par l’ Y, que l’objet du contrat tenait donc dans la soutenance d’une thèse, sous la tutelle de l’INRA et de l’établissement Agrocampus de Rennes. Il explique que la décision de l’INRA s’est imposée à l’ Y et a rendu impossible l’exécution du contrat de travail de Madame X, qu’en effet :

— les différents contrats du dispositif C IFRE formaient un ensemble indivisible, l’anéantissement d’un des contrats entraînant la fin des autres,

— l’arrêt de la thèse à l’initiative du laboratoire et de l’université priv ait d’objet le contrat conclu : le motif du recours au CDD n’existait plus,

— l’arrêt du dispositif CIFRE entraînait une modification totale de l’économie du contrat de travail, de sorte que sa rupture était inéluctable, Madame X ne pouvant imposer à l’ Y la transformation du CDD CIFRE en CDD classique à temps plein dont le coût serait pris en charge par l’entreprise, d’autant que l’arrêt de la thèse est dû à sa propre défaillance, étant précisé que l’ Y n’a pas les moyens ni la vocation de prendre en charge des investissements intellectuels tels qu’une thèse sans l’aide de l’État et qu’il n’y avait pas de besoin de recrutement au Pôle Economie.

L’ Y ajoute qu’en effet, malgré un soutien important de la part des différents encadrants de sa thèse, Madame X n’a pas fait preuve de l’implication requise, ce qui a conduit à la fin de l’encadrement de ses travaux par son directeur de thèse, situation suffisamment rare pour être soulignée, que, contrairement à ce qu’elle affirme, Monsieur Z (Y) ne lui a jamais annoncé oralement l’arrêt de sa thèse début octobre ni sa volonté de poursuivre le CDD après l’arrêt de sa thèse, le mail sur lequel elle se fonde lui proposant, en qualité de référent, des pistes de travail dans le cadre de sa thèse, du fait que les pistes précédentes avaient échoué.

Sur ce :

Aux termes de l’article D1242-3-4° du code du travail, un CDD peut être conclu en application de l’article L 1242-3 du même code, lorsque l’employeur s’engage à assurer un complément de formation professionnelle aux bénéficiaires d’une aide financière individuelle à la formation par la recherche.

L’ article D1242-6 du code du travail précise que la durée de ce contrat ne peut être supérieure à celle de la période donnant lieu au bénéfice de l’aide financière.

C’est dans ce cadre que Madame X a signé un CDD avec l’ Y. Ses travaux de recherche étaient encadrés par :

— Monsieur E F, chargé de recherche à l’ INRA, directeur de la thèse,

— Madame K L-M, maître de conférences à Agrocampus de Rennes, co encadrant de la thèse,

Monsieur I Z, directeur du Pôle Economique de l’ Y, son référent dans l’entreprise.

En conformité avec le dispositif CIFRE, 3 conventions ont été signées :

— une convention CIFRE entre l’ Y et l’ ANRT (organisme délégué par le Ministère de la Recherche pour la gestion des bourses CIFRE), par laquelle l 'Y s’engageait à embaucher Madame X pour une durée de 36 mois, en contrepartie d’une subvention d’un montant de 14 000 € annuels versés par le Ministère de la Recherche, avec l’obligation pour l’ Y de vérifier chaque année l’inscription du doctorant à une école doctorale accréditée et à fournir à l 'ANRT chaque année une attestation d’inscription; cette convention prenait effet à la date d’effet du CDD,

— un contrat de collaboration entre l’ Y et l’INRA, organisant l’accueil de la doctorante ( celle ci devant partager son temps pour moitié à l’INRA et pour moitié à l’ Y) et l’utilisation de ses travaux de recherche, contrat d’une durée de 36 mois dont la date d’effet était la date d’entrée en vigueur de la convention CIFRE,

— un CDD de 36 mois entre Madame X et l’ Y « conclu dans le cadre d’une thèse cofinancée par une bourse CIFRE d’une durée de trois ans » dans le cadre duquel Madame X avait l’obligation de consacrer professionnellement toute son activité au service de la mission co animée par l’ INRA, l’ Agrocampus et l’ Y.

Il résulte de l’examen de ces conventions et des pièces soumises aux débats contradictoires que les trois conventions avaient une durée identique, étaient interdépendantes quant à leur date d’effet, tous les intervenants participaient au montage, les conventions faisaient référence les unes aux autres,la doctorante devait partager son temps entre l’ Y et l’ INRA, elles forment donc un ensemble contractuel indivisible.

D’autre part , l’examen de l’ensemble des mails échangés confirme que c’est bien le directeur de thèse, rattaché à l’INRA, qui a pris la décision d’arrêter l’encadrement de la thèse pour « absence de maîtrise des notions fondamentales pour l’appréhension des enjeux de la filière porcine » et que la proposition de recherche formulée par Monsieur Z s’inscrivait bien dans le cadre de la thèse toujours en cours le 19 octobre 2010. L’allégation de Madame X selon laquelle l’Y lui aurait signifié verbalement l’arrêt de sa thèse, qui n’est étayée par aucune pièce, est contredite par le fait que l’ Y a sollicité le 28 octobre 2010 un certificat de scolarité, ce qui implique qu’elle se situait dans la poursuite du contrat ; les mails échangés par les encadrants documentent par ailleurs les difficultés de Madame X qui ont conduit à l’arrêt de la thèse.

La décision de l’ INRA d’arrêter l’encadrement de la thèse, qui entraînait la rupture des conventions CIFRE et du contrat de collaboration scientifique Y/ INRA a constitué pour l’ Y une situation de force majeure, privant le CDD de son objet. En effet, comme le soutient l’ Y, alors que l’employeur qui recrute un salarié en CDD doit justifier d’un motif précis et que le CDD ne peut comporter qu’un seul motif, le CDD de Mme X ne pouvait se poursuivre, faute de support financier et universitaire ainsi que de possibilité d’accueil à mi temps à l’INRA, outre que l’Y perdait également le bénéfice de la possibilité d’utiliser le résultat des travaux de la doctorante. L’ Y ne pouvait être contraint, comme il le soutient justement, à transformer le contrat en CDD classique, alors que le besoin d’un poste d’ingénieur en CDD au Pôle Economie n’existait pas.

Il convient ,en conséquence, d’infirmer le jugement qui a fait droit aux demandes indemnitaires de Mme X.

L’équité n’impose pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme X, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTE Madame C X de l’ensemble de ses demandes,

DEBOUTE l’ Y (INSTITUT FRANCAIS DU PORC) de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame C X aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

G. B C. ELLEOUET-GIUDICELLI

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rennes, 18 juin 2014, n° 12/07063