Cour d'appel de Rennes, 10 décembre 2014, n° 12/08612

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 10 déc. 2014, n° 12/08612
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 12/08612

Sur les parties

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N°629

R.G : 12/08612

Société B SARL

C/

M. D F

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 DECEMBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Catherine ELLEOUET-GIUDICELLI, Président,

Madame Liliane LE MERLUS, Conseiller,

Madame Mariette VINAS, Conseiller,

GREFFIER :

Madame H I, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Septembre 2014

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Décembre 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, après prorogation du délibéré initialement prévu le 03 Décembre 2014.

****

APPELANTE :

SARL B

prise en la personne de son gérant domicilié audit siège

XXX

XXX

représentée par Me Benoît GICQUEL, avocat au barreau de RENNES, de la SELAS FIDAL;

INTIME :

Monsieur D F

XXX

XXX

représenté par Me Marie-Armel NICOL, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC substitué par Me Lionel PAPION, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTERVENANT :

XXX

Service CONTENTIEUX

XXX

XXX

non comparant;

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. F a été embauché le 1er avril 2006 par la SARL B dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de chauffeur poids lourd, conducteur d’engins.

Le 7 septembre 2007, M. F a été victime d’un grave accident du travail.

Par courrier du 17 septembre 2010, le médecin du travail a déclaré M. F inapte au poste de chauffeur poids lourd et a indiqué qu’il serait apte à un poste sans port de charge, sans manutention, sans conduite de véhicule ou d’engin, comme un poste de bureau.

Le 14 octobre 2010, M. F a été licencié par la SARL B pour inaptitude et impossibilité de reclassement, faute de poste disponible compatible avec les restrictions posées par le médecin du travail.

Le 14 septembre 2011, M. F a saisi le conseil de prud’hommes de Guigamp pour contester ce licenciement

Par jugement du 22 novembre 2012, le conseil de prud’hommes de Guigamp a estimé que le licenciement de M. F était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société B à lui payer les sommes suivantes :

—  10 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  10 000 € de dommages et intérêts liés à l’indemnisation relative à la perte d’emploi.

Le conseil a par ailleurs liquidé l’astreinte assortissant l’obligation de production de documents faite à l’employeur ordonnée par le bureau de conciliation le 15 décembre 2011 à la somme de 3 800 €. Il a condamné enfin la société B à payer à M. F la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société B a relevé appel.

Par conclusions déposées au greffe le 18 septembre 2014, la SARL B demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau débouter M. F de l’ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que la société n’a pas satisfait à son obligation de reclassement, elle lui demande d’infirmer le jugement en ce qu’il a accordé à M. F une indemnisation réparant la 'perte d’emploi', en plus de l’indemnisation du licenciement. Elle demande en tout état de cause la condamnation de l’intimé à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises par RPVA le 19 septembre 2014, M. F demande à la cour de

— confirmer le jugement en ce qu’il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a condamné la société B à lui payer la somme de 10 000 € de dommages et intérêts liés à l’indemnisation de la perte d’emploi par suite de la faute inexcusable, en ce qu’il a liquidé l’astreinte du bureau de jugement à 3 800 € et en ce qu’il lui a alloué la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— infirmer le jugement sur le montant des indemnisations et condamner la société B à lui verser les sommes suivantes :

25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

10 000 € à titre de dommages et intérêts liés à l’indemnisation de la perte des droits à la retraite par suite de la faute inexcusable.

Il demande en outre 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour d’appel.

Pour plus ample exposé, il sera renvoyé aux conclusions susvisées des parties, soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE L’ARRET

À l’appui de son appel, la société B soutient que c’est par une appréciation erronée des éléments de fait et de droit que le conseil des prud’hommes a jugé qu’elle n’avait pas respecté son obligation de recherche de reclassement et a fait droit aux prétentions de Monsieur F puisqu’il a retenu :

— que les réponses des agences de la société Z, société d’exploitation du groupe, ont été retournées rapidement, ce qui indiquerait que les recherches n’auraient pas été accomplies de façon sérieuse, alors qu’au regard du faible effectif des salariés il est évident que la recherche de postes disponibles, les postes de conducteur d’engins étant bien évidemment proscrits, se fait rapidement,

— qu’il n’y a pas eu de recherche de reclassement sur les sociétés E et SARL 2E et qu’il apparaît du registre du personnel qu’il y a eu 2 recrutement l’époque du licenciement de Monsieur F à qui les postes auraient dû être proposés et pour lesquels une formation adaptée « aurait peut-être suffi », alors que l’un de ces postes, d’adjoint à l’K, correspondait à un niveau bac+5, et que l’autre était un poste de comptable expérimenté.

Elle fait valoir que le conseil a par contre à juste titre écarté l’argument invoqué par Monsieur F de ce qu’il n’était pas démontré l’impossibilité de reclassement dans la société B, puisque cette société compte 36 chauffeurs et un gérant mais aucun poste administratif. Elle ajoute qu’elle a interrogé toutes les sociétés dont les activités, l’organisation et le lieu d’exploitation auraient permis à l’employeur d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et que si Monsieur Y, dirigeant de la société B est titulaire de 11 mandats dans 11 sociétés différentes, celles-ci, qui sont essentiellement à caractère immobilier, ne comptent aucun salarié, qu’enfin la société J K est une société qui n’a acquise par la société E qu’ en 2012.

Elle critique également le jugement en ce qu’il a fait droit à la demande de liquidation d’astreinte au motif qu’elle n’aurait pas procédé à la communication de tous les documents justifiant des recherches de reclassement, alors qu’elle a communiqué les pièces démontrant la bonne exécution de son obligation de recherche de reclassement et a, dès lors, exécuté son obligation de communication, même si la partie adverse a ensuite critiqué ces pièces comme étant insuffisantes.

Monsieur F fait valoir en réplique que, indépendamment de ce que le conseil avait ordonné de produire, il appartenait la société B de verser aux débats l’intégralité des pièces permettant à la juridiction du fond d’examiner le type de poste existant au sein de la société et en particulier les postes à caractère administratif, puisque l’employeur est tenu de proposer le cas échéant le remplacement de postes temporaires vacants, qu’aucun courrier de recherche de reclassement n’émane de la société B, tous les courriers émanant de la société Z, que la société B n’a pas recherché de reclassement au sein des sociétés E, 2 RE, J K, ni au sein des agences de Lannion, Ploermel, Saumur et Redon de la société Z où des postes étaient disponibles, que compte tenu des heures d’envoi et de réception des demandes de reclassement auprès des sociétés Z la recherche ne peut être sérieuse, que le courrier de recherche de reclassement était succinct, sans précision relative à son profil (classification, expérience, diplôme) que les diplômes de Monsieur C, recruté au poste d’adjoint à l’K et à la sécurité, correspondant à un statut d’employé technicien au salaire inférieur au sien, n’ont rien à voir avec le poste qui lui a été confié, que ce salarié a été formé au sein de l’entreprise et que lui-même aurait pu l’être, que s’agissant du poste de comptable à E, le problème est que la société n’a jamais été interrogée.

Sur la liquidation de l’astreinte, il fait valoir qu’en réponse à la demande du bureau de conciliation la société B n’a produit que les registres d’entrée et de sortie du personnel de 4 sociétés (B, Z, A, E) et pas d’autres courriers de recherche de reclassement que ceux de la société Z, que la société B ne justifie d’aucune cause étrangère de nature à expliquer son inexécution en tout ou partie de l’injonction du juge, que c’est à bon droit que le conseil a liquidé l’astreinte sur la période du 6 janvier 2012, point de départ du délai, jusqu’à la date des débats devant le conseil des prud’hommes.

Sur le reclassement

L’employeur justifie avoir procédé à une demande de recherche de reclassement du salarié auprès de la société Z, société d’exploitation du groupe, qui compte plusieurs agences auprès desquelles la demande de recherche a été retransmise. Le seul fait que la réponse des agences ait été donnée rapidement ne permet pas de conclure que la recherche n’a pas été sérieuse et loyale puisque chaque agence, qui comptait un nombre de salariés restreints, a été en mesure de donner une réponse fiable, ainsi qu’il appert du registre d’ entrée et de sortie du personnel, et que certaines agences ont été en mesure d’identifier des postes disponibles, qui cependant, au vu de leurs caractéristiques, ne pouvaient être proposés à Monsieur F car ils ne correspondaient pas aux préconisations du médecin du travail qui avait déclaré le salarié « inapte au poste de chauffeur poids-lourds, serait apte à un poste sans port de charges, sans manutention, sans conduite de véhicules d’engins, par exemple un poste de bureau », il en est ainsi du poste de démontage en remplacement d’un salarié malade à Lannion, qui nécessitait beaucoup de manutention, du poste de conducteur d’engins à Ploermel, qui ne correspondait pas du tout aux préconisations du médecin du travail, il en est de même pour le poste de grutier à Saumur et de chauffeur poids lourd à Redon.

En tout état de cause, la société B n’a procédé au licenciement qu’après réception des réponses des agences Z.

Monsieur F ne possédait pas d’autre qualification ou expérience professionnelle que celle de chauffeur et marin-pêcheur, dans la mesure où il était inapte au poste de chauffeur il n’y avait pas lieu pour l’employeur d’apporter d’autres précisions dans la lettre de recherche de reclassement, sauf à s’exposer à ce qu’il lui soit reproché d’avoir ainsi voulu souligner les faibles potentialités du salarié en matière de reclassement.

Le conseil a, à juste titre, noté que la société B ne comportait que des postes de chauffeur, qu’il n’y avait, de ce seul fait aucune possibilité de reclassement son sein.

L’employeur justifie, par la production du registre d’entrée et de sortie du personnel de la société 2 RE, que cette société ne comptait que des postes de manutentionnaires, incompatibles avec la situation de Monsieur F, et qu’au sein de la société E seuls 2 postes étaient à pourvoir l’époque du licenciement, un poste d’adjoint à l’K et à la sécurité, et un poste de comptable.

L’employeur n’a pas d’obligation, dans le cadre du reclassement, de délivrer au salarié une formation complète pour pourvoir un poste sans rapport avec ses compétences.

Une formation de comptable de Monsieur F, longue et technique, nécessaire pour l’un des 2 postes, sur lequel a été recruté un comptable expérimenté, n’était donc pas sérieusement envisageable. S’agissant de l’autre poste, de technicien responsable qualité K, le salarié recruté au niveau bac+5 a bénéficié d’une formation en alternance, le poste nécessitait là encore une formation de base, en vue de l’obtention du diplôme de responsable qualité option sécurité K, qui n’était donc pas une simple adaptation au poste de chauffeur de Monsieur F, qui était sans rapport avec le poste qui faisait l’objet du recrutement.

La société B établit que la société J a été acquise par la société E en décembre 2011, soit postérieurement au licenciement de Monsieur F, elle ne pouvait donc être comprise dans le périmètre de reclassement.

Quant aux sociétés dans lesquelles Monsieur X, dirigeant de la société B, était titulaire de mandat, en l’occurrence l’établissement Gouyette et Cie, la société Les Baudières, la SCI Saint Alyre, la société X Fers, la SCI Kernevez, la SCI Vulcain, la SCI du Bois Vert, la production par l’appelante des documents comptables établis dans le cadre de l’impôt sur les sociétés démontre qu’elles ne comptent aucun salarié.

Aucun manquement à l’obligation de reclassement n’est donc caractérisé à l’encontre de la société B, il y a lieu d’infirmer le jugement qui a fait droit aux demandes de Monsieur F sur le fondement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à sa demande de dommages et intérêts distincts pour perte d’emploi.

Sur la liquidation de l’astreinte

Le bureau de conciliation a ordonné à la société B de produire :

— 'tous les documents justifiant des recherches de reclassement effectuées tant au sein de la société qu’au sein des sociétés du groupe (courriers de recherche de reclassement, réponses, courriers échangés avec le médecin du travail et tout autre pièce de nature à justifier des recherches de reclassement et de l’impossibilité d’y procéder)

— la copie des registres d’entrée de sortie du personnel de la société B et des sociétés du groupe sur la période du 2 septembre 2010, date du premier avis de reprise du médecin du travail jusqu’au 14 octobre 2010, date de la notification du licenciement.'

Il résulte du bordereau de communication de pièces versé aux débats que la société B a communiqué à la partie adverse le 29 décembre 2011, soit antérieurement au jugement, les courriers de recherche de reclassement auprès de la société Z, les registres d’entrée et de sortie du personnel des sociétés B, Z, de A, E, soit l’ensemble des pièces dont elle se prévaut pour établir son respect de l’obligation de reclassement. Il y a donc lieu de considérer qu’elle a déféré à l’injonction du bureau de conciliation avant le point de départ du délai d’astreinte. Le fait que dans le cadre des échanges de conclusions ultérieures Monsieur F ait fait état de ses investigations sur l’existence de mandats possédés par Monsieur X ou ait critiqué l’insuffisance de son point de vue des documents communiqués, ne permet pas de le remettre en cause.

Il convient donc d’infirmer le jugement qui a fait droit à la demande de Monsieur F de liquidation de l’astreinte.

L’équité n’impose pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur F, qui succombe à l’instance, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉBOUTE Monsieur D F de l’ensemble de ses demandes,

DÉBOUTE la société B de sa demande au titre de l’article 700 CPC,

CONDAMNE Monsieur D F aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

G. I C. ELLEOUET-GIUDICELLI

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  1. Code de procédure civile
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