Cour d'appel de Rennes, 25 septembre 2015, n° 13/05959

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 25 sept. 2015, n° 13/05959
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 13/05959

Sur les parties

Texte intégral

8e Ch Prud’homale

ARRÊT N°496-497

R.G : 13/05959 et 13/8195 joints

Société SHRED-IT FRANCE SAS

C/

M. A B

Jonction et réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nicole FAUGERE, Président,

Madame Véronique DANIEL, Conseiller,

Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Y Z, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Juin 2015

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Septembre 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et INTIMEE :

La Société SHRED-IT FRANCE SAS prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

94120 FONTENAY-SOUS-BOIS

représentée par Me Stéphane LALLEMENT, Avocat au Barreau de NANTES

INTIME et APPELANT :

Monsieur A B

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Marielle DURIN, Avocat au Barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée indéterminée en date du 11 août 2008, M. A B a été engagé en qualité de représentant par la société Shred-it France qui exerce une activité de destruction de documents. Il était chargé de visiter les clients et de procéder, sur place, à la destruction des documents.

En septembre 2010 et en octobre 2011, M. A B a reçu deux avertissements. En octobre 2011, le salarié a réclamé le paiement de ses heures supplémentaires et contesté le deuxième avertissement.

M. A B a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 30 décembre 2011.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. A B a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes pour obtenir paiement de diverses indemnités.

Par jugement en date du 17 juillet 2013, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement de M. A B était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Shred-it France à payer à M. A B les sommes suivantes:

—  10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  500 € au titre du préjudice moral subi,

—  1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. A B a été débouté du surplus de ses demandes de même que la société Shred-it France de sa demande reconventionnelle.

Pour statuer ainsi, le conseil a jugé qu’au sujet du fait survenu le 2 décembre 2011, M. A B s’était conformé aux directives du client et avait détruit les palettes filmées sous plastique noir et qu’au regard de l’existence d’un doute, celui-ci devait profiter au salarié.

Le préjudice moral a été retenu par le conseil au regard de la formation que M. A B a été contraint d’assurer lui-même après la rupture.

La Société Shred-it France et M. A B ont interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon conclusions soutenues à l’audience, la Société Shred-it France conclut à la confirmation du jugement, au rejet de l’intégralité des prétentions de la salariée et sollicite une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle estime que les conditions d’un licenciement pour insuffisance professionnelles sont réunies au regard de l’exécution défectueuse du contrat de travail et rappelle que la faute professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle relève les défaillances antérieures de M. A B et souligne que la faute commise le 2 décembre 2011 s’inscrit dans la continuité.

La société Shred-it France rappelle que le 2 décembre 2011, le responsable de la société cliente s’est rendu compte que M. A B avait procédé à la destruction de deux palettes supplémentaires constituées d’archives qui ne devaient pas l’être. Elle relève que l’intimé n’a pas présenté d’excuses et s’est contenté de dire qu’il ne pouvait plus rien y faire, attitude au sujet de laquelle le client a fait part de son mécontentement. Elle en déduit que l’insuffisance professionnelle de M. A B est justifiée et elle conteste l’analyse du conseil de prud’hommes qui a retenu qu’il s’agissait d’un licenciement disciplinaire.

Sur le rappel de salaire formé par l’intimé durant la période d’arrêt de travail du 10 mai 2011 au 3 juin 2011, elle précise que l’erreur commise sur le bulletin du mois de juin a été régularisée sur le bulletin de paie du mois d’octobre 2011.

Selon conclusions soutenues à l’audience, M. A B conclut à la confirmation du jugement quant à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et à l’infirmation pour le surplus et donc à la condamnation de la société Shred-it France au paiement des sommes suivantes :

—  22.500 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  524,18 € brut à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis et 52,42 € bruts au titre des congés payés afférents,

—  48,40 € net à titre de rappel d’indemnité de licenciement,

—  500 € au titre du préjudice résultant de l’absence de visite médicale de reprise à l’issue du premier accident de travail,

—  1.500 € au titre du préjudice résultant de la remise tardive de l’attestation de salaires destinée à la Cpam,

—  1.000 € au titre du préjudice résultant de la remise tardive des documents de fin de contrat, notamment de l’attestation destinée à Pôle emploi,

—  2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il demande également à la cour de dire que la moyenne des salaires est de 2.265,65 € bruts et de condamner la société Shred-it France à lui remettre le bulletin de salaire du mois de mai 2011, un bulletin de salaire pour tenir compte des condamnations à intervenir, ainsi qu’une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée, sous astreinte de 5 € par jour de retard.

M. A B fait valoir qu’au regard de l’accident du travail dont il a été victime au cours de l’année 2011 et de ses demandes pour obtenir paiement des heures supplémentaires réalisées, la société Shred-it France ne souhaitait plus travailler avec lui ainsi qu’en atteste une demande de rupture conventionnelle exprimée en novembre 2011.

Concernant les faits qui lui sont reprochés, il précise s’être rendu compte que la destruction prévue pour durer une matinée nécessiterait en réalité plusieurs jours, que son collègue est donc resté travaillé sur ce chantier pendant qu’il réalisait une autre prestation prévue. Il indique ne pas avoir rédigé la facture, ni terminé la prestation qui l’a été par son collègue, M. X. Il ajoute que les palettes étaient stockées sur un parking et recouverte par un film plastique noir. Compte tenu de son absence sur le lieu de destruction, il ne peut pas préciser si d’autres documents que les palettes en question ont été détruites. Il conteste avoir commis une faute.

Sur le préjudice subi, il précise que ses revenus ont chuté et qu’il a dû repasser son permis poids lourd qui expirait le 23 mai 2012, coût financier qui devait être pris en charge par la société Shred-it France.

Il indique que le rappel formulé au titre du préavis est justifié par l’absence de prise en considération de tous les éléments de la rémunération fixe et variable, telles que les primes.

Il soutient que s’il avait bénéficié d’une visite de reprise après son accident du travail, le médecin du travail aurait pu émettre un avis d’aptitude avec réserve, ce qui aurait éviter une rechute.

Il fait valoir que la remise tardive de l’attestation de salaire à la Cpam en date du 25 ou du 26 juillet 2011, alors que l’employeur a reconnu qu’elle était prête depuis le 13 juin 2011, lui a causé un préjudice financier et moral. Sur la remise tardive des documents de fin de contrat, il précise les avoir réceptionnés avec quinze jours de retard et avoir été contraint d’interroger l’employeur.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties la Cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

La jonction des affaires n° 13/5959 et 13/ 8195 est ordonnée.

Sur la rupture du contrat de travail :

Dans la lettre de licenciement adressé à M. A B, la société Shred-it France a précisé qu’elle était au regret de l’informer de son licenciement pour motif réel et sérieux. Elle lui rappelait les missions exercées et relatait l’incident survenu le 28 novembre 2011, à savoir la destruction d’archives ne devant pas l’être, l’absence d’excuses et le préjudice de la société cliente. Elle lui a reproché d’avoir enfreint les règles élémentaires de sécurité puisqu’il n’avait pas demandé confirmation au client en présence d’un doute au sujet des palettes à détruire. Elle a précisé que sa responsabilité pourrait être engagée en cas de sinistre résultant de la destruction malencontreuse des documents. Elle terminait en indiquant qu’elle ne pouvait pas accepter de tels engagements, raison pour laquelle elle procédait à la rupture du contrat de travail.

L’analyse de la lettre de licenciement révèle que contrairement à ce qu’a soutenu la société Shred-it France dans ses écritures, le licenciement de M. A B reposait sur une faute grave, la destruction de documents ne devant pas l’être. M. A B a donc fait l’objet d’un licenciement à caractère disciplinaire.

Il est constant que la faute grave résulte d’un fait ou un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié pendant l’exécution du préavis. Il s’en déduit la faute commise implique une réaction immédiate de l’employeur.

En l’espèce, la seule pièce produite par la société Shred-it France à l’appui de ses prétentions est le courrier électronique adressé par Mme E-F, responsable logistique et moyens généraux de la société Suravenir assurances en date du 8 décembre 2011, soit plusieurs jours après la commission de la prétendue erreur de destruction. Il en ressort que lors de l’arrivée du technicien sur les lieux le 2 décembre 2011, le camion est tombé en panne, ce qui l’a contraint de repartir, qu’il est revenu à 11 heures 35 et qu’il lui a précisé qu’il ne pourrait détruire qu’une ou deux palettes et que compte tenu du volume, il lui a conseillé de reprendre contact avec la société Shred-it France pour convenir d’une autre date. Mme E-F a précisé que vers 16 heures 30, le technicien l’avait appelé pour lui dire qu’il partait et pour lui demander si deux palettes supplémentaires n’avaient pas été rajoutées. Elle a précisé avoir répondu par la négative et a ajouté que les palettes devaient être triées, qu’il y aurait certainement des choses à détruire plus tard et d’autres à archiver. Elle a indiqué avoir été interloquée par la réponse du technicien qui a précisé qu’il en avait détruit une partie, qu’il avait détruit les palettes comme il les avait trouvées et qu’il ne pouvait plus rien faire. Elle déplorait l’absence d’excuse et le manque d’attention de sa part. Elle soulignait la nécessité de se faire confirmer en cas de doute la nécessité ou pas de détruire tel ou tel document. Elle précisait ensuite les archives manquantes.

Ce courrier ne permet en rien de déterminer l’identité du technicien présent sur les lieux le 2 décembre 2011 et dont le comportement a été incriminé par la cliente. M. A B a précisé que compte tenu du nombre de palettes, il avait été contraint de laisser son collègue, M. X, seul sur ce chantier et de poursuivre l’exécution d’autres prestations. La société Shred-it France n’a pas versé aux débats de planning et n’a d’ailleurs produit aucune pièce de sorte qu’il existe un doute quant à l’identité du technicien qui aurait détruit par inadvertance deux palettes ne devant pas l’être.

Mais surtout, la relation des faits ne révèle en rien l’existence d’une faute. En effet, Mme E-F ne peut pas demander aux salariés de la société Shred-it France de trier les archives devant être détruites maintenant ou plus tard et les documents devant être archivés. Ce travail n’incombe pas à la société prestataire chargée de la destruction des documents mais à la société cliente qui souhaite voir déduire une partie de ses archives. En l’occurrence, il ressort de ce courriel que toutes les palettes avaient été sciemment sélectionnées et recouvertes par un film plastique noir par l’entreprise cliente et qu’elles avaient été transportées par la société Suravenir assurance sur le lieu où devait intervenir la destruction réalisée à l’aide d’un camion contenant la broyeuse. En conséquence, les salariés de la société appelante ne pouvaient pas avoir de doute quant aux palettes devant être détruites et n’avaient pas à interroger la société cliente dont l’attention avait attiré sur le nombre important de palettes à détruire.

En outre, les propos qui auraient été tenus par Mme E-F sont contestés par M. A B qui a indiqué que lorsqu’il avait informé cette dernière de la réalisation de la prestation, celle-ci n’avait formulé aucune observation.

En l’absence de preuve de la destruction de palettes qui ne devaient pas l’être, l’existence d’une faute imputable à M. A B n’est pas démontrée.

Le licenciement pour faute n’est donc pas justifié.

Le préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de travail est évalué à 15.000 € au regard des difficultés de M. A B pour retrouver un emploi.

Sur les autres demandes formées par M. A B :

Si la société Shred-it France a conclu au rejet des prétentions de M. A B, elle n’a formulé aucune observation sur les demandes formées par celui-ci.

Compte tenu de la moyenne des salaires de M. A B qu’il convient de fixer à 2.265,65 € bruts, il y a lieu de faire droit à sa demande de rappel d’indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 524,18 € bruts et de 52,42 € bruts au titre des congés payés afférents, de même qu’au rappel d’indemnité de licenciement à hauteur de 48,40 € nets.

Sur le préjudice résultant de l’absence de visite médicale :

La société Shred-it France ne justifie pas avoir satisfait à son obligation d’organiser une visite médicale lors de la reprise de M. A B à l’issue du premier accident de travail alors que cela lui incombait. Ce manquement a inévitablement causé un préjudice au salarié dont l’état de santé a entraîné une rechute dans les semaines qui ont suivi sa reprise. La somme de 500 € réclamée par l’intéressé correspond au préjudice subi.

Sur le préjudice résultant de la remise tardive de l’attestation de salaires destinée à la Cpam et des documents de fin de contrat :

La remise tardive de ces documents n’est pas contestée par la société Shred-it France et M. A B a inévitablement subi un préjudice financier résultant de ce retard qui est évalué à 500 € dans les deux cas.

La société Shred-it France doit remettre à M. A B le bulletin de salaire du mois de mai 2011, un bulletin de salaire pour tenir compte des condamnations prononcées et une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée sans qu’il soit nécessaire de l’assortir d’une astreinte.

Une somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile est allouée à M. A B.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ordonne la jonction des affaires n° 13/5959 et 13/ 8195 ;

Infirme le jugement en ce qu’il a fixé le préjudice résultant du licenciement abusif à 10.000 € ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

Condamne la société Shred-it France à verser à M. A B les sommes suivantes :

—  15.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  524,18 € bruts à titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis et 52,42 € bruts au titre des congés payés afférents,

—  48,40 € à titre de rappel d’indemnité de licenciement,

—  500 € au titre du préjudice résultant de l’absence de visite médicale de reprise à l’issue du premier accident de travail,

—  500 € au titre du préjudice résultant de la remise tardive de l’attestation de salaires destinée à la CPAM,

—  500 € au titre du préjudice résultant de la remise tardive des documents de fin de contrat, notamment de l’attestation destinée à Pôle emploi,

—  1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Fixe la moyenne des salaires de M. A B à la somme de 2.265,65 € bruts ;

Ordonne à la société Shred-it France de remettre à M. A B dans un délai d’un mois à compter du présent arrêt un bulletin de salaire du mois de mai 2011, un bulletin de salaire pour tenir compte des condamnations prononcées, une attestation destinée à Pôle emploi rectifiée ;

Met les dépens d’appel à la charge de la société Shred-it France.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT empêché,

Mme V. DANIEL, Conseiller

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