Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 15 décembre 2020, n° 20/01870

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 1re ch., 15 déc. 2020, n° 20/01870
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 20/01870
Dispositif : Prononce la nullité de l'assignation

Sur les parties

Texte intégral

1re Chambre

ARRÊT N°475/2020

N° RG 20/01870 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QSDB

Me A X

C/

Me Grégoire MITRY

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, entendu en son rapport

Assesseur : Madame Brigitte ANDRE, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame F-B G, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Octobre 2020

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Décembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Maître A X

né le […] à LORIENT

[…]

[…]

Représenté par Me Mikaël BONTE, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Maître Grégoire MITRY en sa qualité de Syndic Régional

Conseil Régional des Notaires près la Cour d’appel de Rennes

[…]

[…]

[…]

régulièrement convoqué, n’a pas comparu

EN PRÉSENCE DE :

Me Damien RUAUD, président du conseil régional des notaires du ressort de la cour d’appel de Rennes et président de la chambre de discipline,

[…]

[…]

entendu en ses observations

et

Monsieur Christian PONSARD, Avocat Général entendu en ses réquisitions

EXPOSE DU LITIGE ET PROCÉDURE :

Saisi par la transmission de deux plaintes à l’encontre de Me A X, notaire à Port-Louis (Morbihan),

— la première émanant de Me Fischer, notaire à Hennebont, en raison de faits survenus en l’étude de Me X dans le cadre d’un dossier en participation, le 18 janvier 2018,

— et la seconde émanant de Me Coulouarn, notaire à Hennebont, en raison de faits ayant eu lieu en l’étude de Me D-E, notaire à […], le […],

ainsi que de deux courriels de Mme B Z et de M. Y C dénonçant une attitude menaçante de Me X, le syndic régional l’a fait citer, par acte d’huissier du 18 novembre 2019, à comparaître devant la chambre régionale de discipline.

Après renvois, l’audience devant cette chambre s’est tenue le 5 mars 2020.

Par décision du même jour, la chambre a rejeté les exceptions de procédure soulevées (irrégularité de la composition de la chambre, absence de dénonciation de la procédure au procureur de la

République, insuffisance de qualification des faits, absence d’instruction du dossier par la chambre) et considéré que la procédure avait été respectée. Au fond, elle a prononcé à l’encontre de Me X la sanction de censure simple retenant que ce dernier :

— s’était substitué aux missions incombant aux instances quant au fonctionnement des offices et au respect de la déontologie,

— n’avait pas donné la meilleure image de la profession,

— et n’avait pas eu à l’égard de ses confrères un comportement conforme à la probité, l’honneur et la délicatesse et avait manqué au devoir de respect, conseil et assistance.

Par déclaration déposée au greffe le 17 mars 2020, Me X a interjeté appel de cette décision.


L’audience s’est tenue publiquement conformément au souhait exprimé par Me X. Interrogé, ce dernier a précisé avoir reçu les observations écrites du président de la chambre régionale de discipline et les réquisitions écrites du procureur général en temps utile pour en prendre connaissance et y répondre.

Ont été entendus le président de chambre en son rapport, Me X assisté de son conseil, Me Bonté, appelant, Me Damien Ruaud, président du conseil régional des notaires du ressort de la cour d’appel de Rennes et président de la chambre de discipline, en ses observations techniques et le procureur général en ses réquisitions.

Me X et son conseil ont eu la parole en dernier.

PRÉTENTIONS, MOYENS ET OBSERVATIONS :

Aux termes de ses dernières écritures (23 octobre 2020) développées oralement lors de l’audience, Me A X demande à la cour de :

— le recevoir en son appel et le déclarer fondé,

— prononcer la nullité de la décision prononcée le 5 mars 2020 par la Chambre régionale de discipline,

— prononcer la nullité de la citation qui lui a été signifiée le 18 novembre 2019,

en conséquence,

— le renvoyer des fins de toutes poursuites,

à titre subsidiaire,

— dire et juger qu’il n’est pas rapporté la preuve des manquements aux obligations déontologiques qui lui sont reprochées,

en conséquence,

— dire n’y avoir lieu à prononcer contre lui une sanction disciplinaire,

— l’autoriser à faire publier l’arrêt à intervenir dans les journaux d’information de la profession, édités

par les chambres départementales du ressort.

À l’appui de ses demandes, Me X fait valoir que si certaines pièces étaient jointes à la citation qui lui a été délivrée, cet acte ne comportait ni rapport ni réquisitions. Il ajoute qu’il n’a jamais pu avoir communication du courrier du procureur de la République de Lorient dont le président de la chambre fait état dans l’une des pièces jointes à la citation et qu’il existe un flou évident quant aux conditions dans lesquelles cette procédure a été introduite.

Il soutient, en premier lieu, que la chambre régionale de discipline était irrégulièrement composée puisque le conseil régional était lui même irrégulièrement constitué lorsqu’il a désigné les membres de la chambre de discipline. Il ajoute qu’ont siégé bien qu’ayant perdu leur mandat suite à interruption de fonctions : Me Le Roux, Me Guimberteau, Me Texier et que ne pouvait siéger Me Arens puisque désigné par la Chambre du Morbihan, irrégulièrement composée.

Il soulève l’irrégularité de la formation ayant délibéré puisque le rapporteur y a participé de même que le suppléant.

Il relève que le rapport ne lui a pas été communiqué malgré sa demande, ce qui entache encore d’irrégularité la procédure. Il ajoute que le contradictoire n’a pas été observé puisqu’il n’a pu obtenir copie de la notification des poursuites au procureur de la République.

Il fait enfin valoir que la décision, insuffisamment motivée, doit être annulée.

Il soulève, en second lieu, la nullité de la citation faute, d’une part, de notification des poursuites au procureur de la République, et, d’autre part, de motivation de l’acte, les pièces jointes ne pouvant en tenir lieu.

Subsidiairement et au fond, il observe que Me D-E n’a déposé aucune plainte pour pénétration dans son office, ni Me Coulouarn pour violation de sa vie privée, que Me Fischer, de connivence avec Me Coulouarn, a relaté les faits partiellement et de manière exagérée, qu’enfin, Mme Z et M. C ne peuvent lui reprocher d’avoir refusé de les entendre alors même qu’ils n’avaient pas qualité pour intervenir dans la succession qu’il avait en charge.

Le président de la chambre régionale de discipline des notaires n’a pas formulé d’observation sur les exceptions de procédure. Il a rappelé les obligations déontologiques imposées aux notaires.

Le procureur général près la cour d’appel de Rennes demande à la cour, sur la forme, de déclarer le recours recevable et prononcer la nullité de la citation et la nullité de la décision attaquée.

Il relève qu’il n’est pas justifié de la notification des poursuites au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lorient et rappelle qu’il s’agit d’une formalité substantielle et non d’une simple information, le procureur ayant alors la possibilité de saisir le tribunal, ce qui a pour effet d’anéantir les poursuites devant les instances professionnelles. Il ajoute que la citation délivrée ne satisfait pas aux prescriptions des articles 4 du décret du 28 décembre 1973 et 14-4 du décret du 19 décembre 1945, se contentant de renvoyer aux pièces sans articuler les circonstances de temps et de lieu des faits reprochés.

Il estime enfin que la composition de la chambre régionale de discipline n’est pas régulière puisqu’il n’a pas été procédé aux remplacements des notaires démissionnaires.

Me X s’est exprimé en dernier.

SUR CE :

L’article 4 du décret du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels dispose que «'l’officier public ou ministériel, appelé à comparaître devant la chambre de discipline, est convoqué au moins huit jours à l’avance à la diligence du syndic de cette chambre, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La convocation indique les faits reprochés'».

Il ressort de l’article 14-4 du décret n°45-0117 du 19 décembre 1945 pris pour l’application du statut du notariat que «'la chambre de discipline est saisie soit par le syndic régional ou interrégional, soit par le syndic de la chambre départementale ou interdépartementale dans le ressort de laquelle le notaire poursuivi exerce ou exerçait au moment des faits. L’acte de saisine est motivé'».

Par ailleurs, l’article 6 du décret du 28 décembre 1973 prévoit que «'lorsque les poursuites ne sont pas exercées à la demande du procureur de la République, le syndic lui notifie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie de la convocation. Si le procureur de la République décide de faire citer l’officier public ou ministériel devant le tribunal judiciaire, il notifie sa décision au syndic dans le délai de quinze jours à compter de la réception de la notification faite par le syndic et dans les formes prévues pour cette notification'».

En l’espèce, la citation délivrée à la demande par le syndic régional le 18 décembre 2019 est ainsi rédigée : «'Il a été porté à ma connaissance par M. le Président de la Chambre des Notaires du Morbihan, plusieurs faits relatifs à des altercations avec certains de vos confrères ainsi qu’avec des clients, parties à un acte que vous deviez recevoir. Il apparaît par ces faits que vous avez enfreints notamment les articles 2 et 4.1 du règlement national qui précisent respectivement que « 'chaque notaire, par son comportement, doit s’attacher à donner la meilleure image de sa profession' » , et que « 'le notaire se doit d’avoir en toutes circonstances à l’égard de ses confrères un comportement conforme à la probité, à l’honneur et à la délicatesse. Les notaires se doivent mutuellement respect, conseil et assistance' ». J’ai l’honneur en conséquence de vous citer à comparaître… Pour votre parfaite information et dans le respect du contradictoire vous trouverez ci-joint copie de la totalité des pièces de ce dossier suivant bordereau annexé'».

Cette citation ne satisfait pas à l’obligation de motivation prévue par l’article 14-4 du décret précité puisqu’elle n’expose pas précisément les faits reprochés et n’indique pas en quoi ces faits constituent des manquements aux articles 2 et 4.1 du règlement national. Or, cette obligation, qui a pour objet de porter à la connaissance du notaire poursuivi les infractions disciplinaires qui lui sont reprochées, afin qu’il puisse organiser utilement sa défense, est un élément essentiel du principe de la contradiction dont la méconnaissance est sanctionnée par la nullité de l’acte.

Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier transmis à la cour que les dispositions de l’article 6 du décret du 28 décembre 1973 aient été observées. Or, l’information donnée au procureur de la République est une formalité substantielle puisqu’elle a pour objet de lui permettre d’orienter différemment la procédure en dessaisissant la chambre régionale de discipline. Sa méconnaissance doit être sanctionnée par la nullité des poursuites.

La citation et les poursuites ne pouvant qu’être annulées, la décision de la Chambre Régionale de Discipline sera mise à néant.

Les poursuites disciplinaires pouvant être reprises et le fond de l’affaire n’ayant pas été et ne pouvant être abordé (puisque l’acte de saisine est nul), il n’y a lieu d’ordonner notamment à titre compensatoire la publication de la présente décision.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement :

Annule la citation délivrée à la requête du syndic de la Chambre Régionale de Discipline des Notaires de la Cour d’Appel de Rennes à Me X, notaire à Port-Louis (Morbihan) le 18 décembre 2019 et les poursuites subséquentes.

Met à néant la décision rendue le 5 mars 2020.

Déboute Me X de sa demande de publication.

Met les dépens à la charge du Conseil Régional des Notaires de la cour d’appel de Rennes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 15 décembre 2020, n° 20/01870