Cour d'appel de Rennes, 22 septembre 2020, n° 18/04792

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 22 sept. 2020, n° 18/04792
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 18/04792

Sur les parties

Texte intégral

1ère Chambre

ARRÊT N°351/2020

N° RG 18/04792 – N°

Portalis

DBVL-V-B7C-PAI4
M. I J K

B Y

C/
M. A Z

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DELIBERE:

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente dePrésident Chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère, entendue en son rapport

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame O-P Q, lors des débats, et Madame E F, lors du prononcé,

DÉBATS:

A l’audience publique du 07 Juillet 2020

ARRÊT:

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT:

Monsieur I J K B Y né le […] à […]

[…]

Représenté par Me Loïc RAJALU, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur A Z né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représenté par Me Mélanie TUJAGUE, plaidant, avocat au barreau de PARIS



EXPOSÉ DU LITIGE
Mme G H, veuve X, née le […], était propriétaire d’un appartement T3 d’une surface de 66,52 m², situé au deuxième étage d’un immeuble implanté en front de mer, […], sis […], comprenant un box/parking ainsi qu’une cave. Le 23 août 2017, elle a consenti une promesse unilatérale de vente de ce bien à M. A Z, médecin, pour le prix de 208 000 euros payable comptant et le versement d’une rente annuelle viagère de 36 332,88 curos. La vente a été conclue par acte notarié du 3 novembre 2017 au rapport de Me Attias, notaire à Pornichet. Mme X est décédée le […] à l'[…] des suites d’une angiocholite aiguë en rapport avec une tumeur du pancréas évolutive.

Par acte du 12 février 2018, M. Y, fils unique de
Mme X et son unique héritier, celle-ci n’ayant pris aucune disposition testamentaire, a assigné M. Z en annulation de la vente.

Le 24 mai 2018, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a débouté M. I Y de ses demandes et l’a condamné à verser

à M. A Z la somme de 4 500 euros sur le fondement de

l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. M. Y a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour, sur le fondement des articles 1974 et 1975 du code civil, de l’infirmer et

de :

- prononcer l’annulation de la vente intervenue le 3 novembre 2017 entre Mme G L H veuve X et M. A

M N Z relative aux lots 1107, 2009, 2110 dans un ensemble immobilier figurant au cadastre, sous les références : Commune de la Baule Escoublac, section BZ, […], […] pour 13 a 61 ca, tel que le bien existe, avec tous les droits y attachés, sans aucune exception, ni réserve ;

- ordonner la restitution du bien à son profit en qualité d’héritier réservataire ;

- condamner M. A Z à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral;

- ordonner en tant que de besoin l’expulsion de M. A Z et de tous occupants de son chef, ainsi que du mobilier lui appartenant, sous astreinte de 200 euros par jour de retard avec la restitution des jeux de clés et de tous biens en sa possession afférent au bien immobilier, avec le cas échéant, l’intervention de la force publique, et au besoin d’un serrurier;

- subsidiairement, à défaut d’annulation de la vente, dire la vente en viager ou les modalités de paiement du prix de vente inopposable et en conséquence, condamner M. A Z à lui payer la somme

de 342.000 euros au titre du solde du prix de vente (550.000 € 208.000 € 342.000 €) si on retient la valeur fixée dans la promesse du 31 juillet 2017 ou 292 000 euros outre intérêt au taux légal à compter de la vente intervenue le 3 novembre 2017 et capitalisation des intérêts ;

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très subsidiairement, condamner M. A Z à lui payer la somme de 292.000 euros au titre du solde du prix de vente (500.000 € 208.000 € = 292.000 €) si on retient la valeur fixée dans l’acte notarié du 3 novembre 2017 outre intérêt au taux légal à compter de la vente intervenue le 3 novembre 2017 et capitalisation des intérêts;

- dans tous les cas, débouter M A Z de ses demandes fins et conclusions et le condamner à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En réponse, M. A Z demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées par M. Y, pour la première fois, en cause d’appel, figurant dans le

< Subsidiairement » et le « Très subsidiairement » du dispositif de ses conclusions tendant à caractériser un prétendu défaut de prix réel et sérieux de l’appartement et à l’inopposabilité de la vente en viager de l’appartement ou des modalités de paiement du prix de vente de celui-ci ; confirmer l’intégralité des termes du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint Nazaire en date du 24 mai

2018;

- en conséquence, rejeter l’ensemble des moyens, fins et prétentions soulevés par M. Y ;

- à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour viendrait à infirmer le jugement attaqué et considérerait que le décès de Mme X est intervenu dans les 20 jours de la signature de la vente, rejeter les moyens, fins et prétentions soulevés par M. Y tendant à voir prononcer la nullité de la vente viagère de l’appartement en application des dispositions de l’article 1975 du code civil aux motifs que les conditions d’application de celui-ci ne sont pas réunies ;

- confirmer l’existence d’un aléa dans le cadre de la vente, caractérisé par son ignorance de la pathologie de Mme X, au jour de la signature de la vente; à titre infiniment subsidiaire, dans le cas où les demandes

nouvelles en cause d’appel ne seraient pas considérées irrecevables, rejeter les moyens fins et prétentions soulevés par M. Y tendant à faire prononcer l’inopposabilité de la vente ou des modalités de paiement du prix de vente à celui-ci pour défaut de fraude caractérisée par une vente qui porterait atteinte aux droits de son héritier;

- en conséquence, rejeter les moyens, fins et prétentions tendant à le faire condamner au paiement d’un prix de vente complémentaire à savoir soit d’un montant de 342.000 euros, soit d’un montant de

292.000 euros;

- en tout état de cause, dans l’hypothèse où la cour prononcerait la nullité de la vente de l’appartement, condamner M. Y à lui payer la somme de 226.831,53 euros (somme qui sera à parfaire au regard de l’actualisation de l’ensemble de ces frais au jour de l’arrêt à venir) au titre de l’anéantissement complet et rétroactif du contrat de vente et donc du remboursement de l’intégralité des frais engagés par lui dans le cadre de l’acquisition de l’appartement en viager;

- condamner M. Y à lui payer la somme de 15.000 euros à

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titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi du fait de l’engagement abusif des procédures judiciaires à son encontre et notamment au regard de la plainte pénale infondée déposée contre X et visant sa personne ; rejeter les moyens, fins et prétentions soulevés par M. Y tendant au paiement d’un préjudice moral de 15.000 euros, celui-ci n’étant pas démontré ;

- rejeter les moyens, fins et prétentions soulevés par M. Y relatif à sa demande d’expulsion et au surplus de ne pas l’assortir d’une astreinte de 200 euros par jour de retard ;

- condamner M. Y à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par M. Y le 20 mars 2019 et par M. Z le 5 février 2020.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Conformément aux articles 1974 et 1975 du code civil, tout contrat de rente viagère créé sur la tête d’une personne qui était morte au jour du contrat, ne produit aucun effet. Il en est de même du contrat par lequel la rente a été créée sur la tête d’une personne atteinte de la maladie dont elle est décédée dans les vingt jours de la date du contrat. Ces dispositions sont d’ordre public.

Si une promesse synallagmatique de vente sous seing privé, même assortie de conditions, fait courir le délai prévu par l’article 1975 du code civil dès lors que cet acte vaut vente parfaite, tel n’est pas le cas d’une promesse unilatérale de vente qui ne créée pas l’obligation à la charge de son bénéficiaire d’acquérir le bien et partant de verser la rente viagère souhaitée par le promettant.

En l’espèce, l’acte sous seing privé du 23 août 2017, valable jusqu’au 30 octobre 2017 à 16 heures, avait uniquement pour objet une promesse unilatérale de vente consentie par Mme X à M. Z qui l’acceptait mais se réservait la faculté d’en demander ou non la réalisation (cf. page 3 du contrat). Il ne consacrait, à la charge de son bénéficiaire, aucune obligation à paiement d’une rente viagère. Ne constituant pas une vente parfaite moyennant création de rente viagère au sens de l’article 1975 du code civil, il ne faisait pas courir le délai prévu par ce texte (cf. Civ 3ème 4 juillet 1979, pourvoi 78-12.455).

Il s’ensuit que le délai de 20 jours prévu par l’article 1975 du code civil ne court pas à compter de cette promesse unilatérale de vente mais du jour où les consentements des parties sur la chose et sur le prix ont été réunis et la vente moyennant rente viagère conclue, soit le 3 novembre 2017. En conséquence, le décès de Mme X étant survenu le […], soit six jours plus tard, les dispositions de ce texte ont vocation à s’appliquer.

Selon le compte rendu d’hospitalisation établi postérieurement à son décès le 20 novembre 2017, Mme X est décédée d’une angiocholite aiguë en rapport avec une tumeur du pancréas

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évolutive associée à une obstruction des voies biliaires avec CPRE durant son hospitalisation, une insuffisance rénale chronique et une dénutrition protidique sévère. Son dossier médical révèle l’existence d’une tumeur pancréatique de type TIPMP compressive responsable depuis plusieurs années d’angiocholites à répétition ayant entraîné de fréquentes hospitalisations et la pose sous anesthésie générale d’une prothèse biliaire en mai 2017, remplacée à titre provisoire le 24 octobre suivant dans l’attente d’une intervention chirurgicale aux fins de dérivation biliaire, intervention présentée comme risquée en prévision de laquelle Mme X était déjà hospitalisée depuis le 18 octobre. Planifiée pour le 8 novembre, cette intervention était annulée le 6 novembre au vu des résultats d’un scanner révélant

l’évolution de sa tumeur pancréatrique en une pathologie agressive contre-indiquant toute prise en charge chirurgicale et de l’incompatibilité de son état général très dégradé avec une anesthésie. Il s’en déduit que contrairement à ce qui est soutenu, son décès est la conséquence directe de la pathologie pancréatique dont elle souffrait déjà au moment de l’acte de vente du 3 novembre 2017 et non de l’inefficacité de la prothèse biliaire implantée à titre provisoire le 24 octobre 2017, inefficacité à laquelle il n’a pu être remédié uniquement en raison de cette pathologie pré-existante. Le dossier médical de Mme X établit ainsi un lien de causalité direct entre la pathologie dont elle était déjà atteinte à la date de la vente et son décès survenu moins de 20 jours plus tard.

L’acte de vente du 3 novembre 2017 encourt en conséquence la nullité d’ordre public édictée par l’article 1975 du code civil sans qu’il soit nécessaire pour l’appelant d’établir que M. Z avait connaissance de l’imminence du décès de Mme X et partant de l’absence totale d’aléa du contrat, cette absence d’aléa résultant objectivement de la survenance, dans le délai de 20 jours de la conclusion du contrat, du décès consécutif à la pathologie dont elle était déjà atteinte à cette date.

L’annulation de la vente entraîne restitution des prestations réciproques de sorte que M. Y devra restituer à M. Z les sommes reçues par sa mère, à savoir le capital de 208 000 euros et, sur justification de son paiement au bénéficiaire, l’arrérage de rente viagère versé, les pièces produites ne démontrant pas que le notaire a remis à la succession de Mme X la somme reçue à ce titre.

Les charges de copropriété incombent également à l’appelant resté propriétaire du bien, la vente n’ayant produit aucun effet, de sorte que la somme versée au syndic, si elle n’a pas été remboursée par celui-ci, doit être payée par M. Y. En revanche, il n’incombe pas à l’appelant d’assumer les frais exposés par M. Z afin de parvenir à la réalisation de l’opération annulée dès lors qu’il n’est pas responsable de la nullité de cette transaction dont l’intimé avait choisi en pleine connaissance de cause d’assumer le risque. Au demeurant, rien n’empêche M. Z de poursuivre l’annulation du contrat de prêt conclu afin de financement de la vente annulée pour obtenir la restitution des intérêts et pénalités prétendument payées.

De manière confuse, M. Z, qui n’ignorait pourtant pas la fragilité de ses droits immédiatement remis en cause, laisse entendre, sans en justifier et sans demander de délai d’exécution, qu’il ne serait peut-être pas en mesure de restituer immédiatement

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l’appartement, laissant présager des difficultés d’exécution. Il y a lieu en conséquence de fixer une astreinte, laquelle courra après signification de l’arrêt, passé un délai d’un mois à compter de la date à laquelle les fonds perçus par Mme X ou sa succession et les charges de copropriété versés pour son compte par M. Z, déduction faite des frais et dépens à sa charge, seront remis à son conseil ou, à défaut par celui-ci d’accepter de les recevoir, versés sur un compte à la CARPA. M. Z n’ayant aucun titre l’autorisant à occuper le bien immobilier, son expulsion sera en tant que de besoin également ordonnée.

M. Y ne démontre pas avoir subi un préjudice moral en relation de causalité avec une faute imputable à M. Z. Sa demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée. En revanche, il a dû engager des frais pour faire valoir ses droits qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge. L’indemnité réclamée sur le fondement de

l’article 700 du code de procédure civile lui sera en conséquence allouée.

M. Z succombant dans ses prétentions, sa demande de dommages-intérêts, au demeurant fondée sur une faute et un préjudice non démontrés, sera rejetée et les frais et dépens de première instance et d’appel mis à sa charge.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 24 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire ;

Statuant à nouveau,

Prononce l’annulation de la vente conclue par acte notarié du 3 novembre 2017 en l’étude de Me Patricia Attias, notaire à Pornichet, entre Mme G L H veuve X et
M. A M N Z, portant sur les lots 1107, 2009 et 2110 d’un ensemble immobilier figurant au cadastre sous les références Commune de la Baule Escoublac, section BZ, […],

[…], pour une surface de 13 ares 61 centiares ;

Ordonne la restitution par M. A Z du bien à M. I Y dès qu’il sera justifié de la restitution par celui-ci des sommes effectivement perçues par Mme X ou sa succession au titre de la vente annulée ainsi que des charges de copropriété payées pour son compte, déduction faite des frais et dépens mis à la charge de M. Z par le présent arrêt;

Dit que sous réserve de la signification préalable du présent arrêt, à défaut de restitution par M. Z du bien libre de tous biens et occupants de son chef, un mois après remise des sommes dues par M. Y au titre du présent arrêt, soit au conseil de M. Z, soit à défaut à la CARPA, M. Z sera passible d’une astreinte provisoire de cent euros par jour de retard pendant un délai de six mois, passé lequel le juge de l’exécution pourra au besoin à nouveau statuer;

Ordonne en tant que de besoin l’expulsion de M. A Z et

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de tous occupants et biens de son chef et autorise M. Y à solliciter, le cas échéant, le recours à la force publique et à un serrurier ;

Condamne M. A Z à payer à M. I Y une somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples;

Condamne M. A Z aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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