Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 9 décembre 2013, n° 13/02252

  • Election·
  • Scrutin·
  • Procuration·
  • Vote·
  • Bâtonnier·
  • Candidat·
  • Suffrage exprimé·
  • Résultat·
  • Ordre des avocats·
  • Règlement intérieur

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Saint-Denis de la Réunion, 9 déc. 2013, n° 13/02252
Juridiction : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Numéro(s) : 13/02252

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G : 13/02252

Z P

C/

CONSEIL DE L’ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE SAINT DENIS

MINISTERE PUBLIC

Me A Y

Me T-U AC-AD

Me R-S AI

Me G AC-AD

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

Chambre civile TGI

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2013

REQUERANT :

Maître P Z

Centre d’Affaires CADJEE

XXX

XXX

Présent et assisté de : la SCP CHICAUD/LAW YEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

CONTRE :

CONSEIL DE L’ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE SAINT DENIS

Madame AA Y A

XXX

XXX

Représentant : Me Nicole COHEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

MINISTERE PUBLIC

Cour d’appel

XXX

XXX

Maître Y A

XXX

XXX

Représentant : Me S GUERIN-GARNIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

PARTIES INTERVENANTES :

Maître AI R – S

XXX

XXX

Présente

Maître AC AD G

XXX

97490 T- CLOTILDE

Présent

Maître AC-AD T-U

XXX

97400 SAINT-DENIS

Présent et assisté de : Me Philippe CREISSEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : En application des dispositions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Décembre 2013 devant la cour composée de :

Président : M. Dominique FERRIERE, Premier Président

Conseiller : M. Hervé PROTIN, Président de Chambre

Conseiller : M. S FROMENT, Président de Chambre

Conseiller : Mme L-Marie GESBERT, Présidente de Chambre

Conseiller : M. AC-Pierre SZYSZ, Conseiller

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 09 Décembre 2013.

Greffier lors des débats : Mme J K, Greffier en Chef.

ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 09 Décembre 2013.

* * *

LA COUR

FAITS ET PROCEDURE

Le second tour de scrutin pour l’élection du futur bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Saint-Denis s’est déroulé le 15 novembre 2013.

Le 17 novembre 2013, AA en exercice a proclamé Maître AC-AD T-U élu par 85 voix contre 74 pour Maître P Z.

Suivant requête déposée au greffe de la Cour le 25 novembre 2013, Maître Z demande à la Cour de procéder à l’annulation de cette élection.

La requête a été régulièrement communiquée au Conseil de l’Ordre, à Madame AA de l’Ordre des avocats au Barreau de Saint-Denis, au ministère public ainsi qu’à Maître T-U, intervenant volontaire.

L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience solennelle du 6 décembre 2013 lors de laquelle les débats ont eu lieu pour l’arrêt être rendu le 9 décembre 2013.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de sa requête introductive d’instance, Maître Z fait valoir en premier lieu que l’irrégularité des procurations reçues est de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin ; qu’en effet, 6 d’entre elles n’ont pas été préalablement enregistrées à l’Ordre conformément aux dispositions de l’article 4.2.1 4e § du règlement intérieur du Barreau, et en tout cas, les 33 procurations établies n’ont pas été collationnées par AA pourtant chargé en vertu des mêmes dispositions d’en arrêter la liste avant l’ouverture du scrutin et d’écarter les mandats non valides ; que faute d’avoir 'rayé les mentions inutiles’ sur le formulaire de procuration, les mandants n’ont pas satisfait à l’obligation de préciser pour quelle élection ils donnaient mandat ; qu’en outre, les procurations ne contiennent pas la mention manuscrite 'bon pour pouvoir’ qu’impose l’article 4.3.4 du règlement intérieur ; qu’enfin, alors que l’article 4.2.3. dispose que la procuration est irrévocable et que l’avocat qui a donné procuration ne peut pas voter en personne, il s’avère que Maître X a donné une première procuration à Maître A puis une deuxième à Maître D qui a effectivement voté, tandis que Maître B a voté en personne alors qu’il avait donné procuration à Maître F.

En second lieu, Maître Z fait valoir que l’omniprésence de Maître T-U dans la salle de vote, à proximité des scrutateurs et de l’urne, dont atteste plusieurs avocats, est également de nature à avoir troublé la sérénité et altéré la sincérité du scrutin ; qu’en participant par trop activement à l’élection, en veillant à ce que les confrères qui lui avaient fait promesse se présentent et remplissent leurs obligations électorales, et en faisant finalement montre d’énervement et d’agressivité tant à l’encontre d’une consoeur ayant fait campagne contre lui qu’à l’encontre de son adversaire, Maître T-U a adopté un comportement incompatible avec les fonctions de bâtonnier qu’il brigue

En troisième et dernier lieu, Maître Z fait valoir qu’à l’issue du dépouillement, ayant constaté que 166 enveloppes avaient été trouvées dans l’urne alors que 165 électeurs seulement avaient émargé, d’accord avec les deux candidats, Madame AA A a clôturé le scrutin en mentionnant à juste titre au procès-verbal qu’ 'en raison de cette irrégularité, le report des élections était obligatoire et que de nouvelles convocations seraient faites’ ; que cette décision constatant le résultat du scrutin et la difficulté rencontrée a mis fin aux opérations électorales et n’a fait l’objet d’aucun recours et ledit procès-verbal est définitif ; que dans ces conditions, Madame AA ne pouvait plus modifier sa position et proclamé, sur son insistance, Maître T-U élu par 85 voix contre 74 deux jours plus tard.

En conclusion, procédant selon la méthode jurisprudentielle du Conseil constitutionnel de la double déduction des écarts et des irrégularités affectant le scrutin du total des suffrages et du nombre de voix recueillies par le vainqueur, Maître Z fait valoir qu’il convient de retrancher des 85 voix obtenues par Maître T-U les 6 procurations non enregistrées à l’Ordre, le vote de Maître D pour Maître X au mépris de la première procuration donnée à Maître A et le vote personnel de Maître B au mépris du mandat de Maître F, ainsi que l’enveloppe excédentaire ; que dès lors, le résultat est de 76 voix seulement pour Maître T-U soit un très faible écart de 2 voix seulement qui justifie d’annuler l’élection.

A l’audience, Maître Z soutient que les interventions volontaires de Maître A es-qualités de bâtonnier et celles de Maître R-S et Maître G sont irrecevables.

Maître Z demande à la Cour :

— de déclarer les interventions volontaires de Maître A es-qualités de bâtonnier et celles de Maître R-S et Maître G irrecevables,

— d’annuler le second tour de l’élection du futur bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Saint-Denis qui s’est déroulée le 15 novembre 2013.

Aux termes de ses conclusions signifiées et déposées le 3 décembre 2013, le ministère public est d’avis, d’une part, que les anomalies constatées dans l’établissement de la liste du corps électoral, et notamment le défaut de collationnement des procurations enregistrées à l’Ordre préalablement au scrutin, n’ont pas permis au bâtonnier d’exercer son contrôle et de régler toutes difficultés pouvant survenir pendant la durée du scrutin, ou à l’occasion du dépouillement ou de la proclamation des résultats.

D’autre part, le ministère public est d’avis que, fût-il un constat décevant d’irrégularité justifiant de nouvelles opérations électorales et l’envoi de nouvelles convocations, le procès-verbal de clôture du scrutin établi à l’issue du vote le 15 novembre 2013 constitue bien une proclamation des résultats de l’élection, qui aurait d’ailleurs pu être soumis à la censure de la Cour d’appel, et que dans ces conditions, la proclamation contraire d’un candidat élu, deux jours plus tard, le 17 novembre, est entachée d’irrégularité.

En revanche, le ministère public est d’avis que rien n’interdisait à Maître T-U de stationner durant le scrutin dans la salle de vote et que l’incident dont il lui est fait grief s’étant déroulé alors que dépouillement était terminé, il n’a pas pu porter atteinte à la liberté du scrutin.

Le procureur général demande à la Cour :

— de recevoir le recours de Maître Z,

et le déclarant partiellement fondé,

— de dire que les irrégularités ayant affecté le scrutin doivent conduire à l’invalidation de celui-ci et à une nouvelle organisation du second tour de l’élection du futur bâtonnier du Barreau de Saint-Denis conformément au procès-verbal de l’assemblée générale dudit Barreau du 15 novembre 2013.

Le Conseil de l’Ordre des avocats au Barreau de Saint-Denis déclare s’en rapporter à justice.

Aux termes de ses conclusions signifiées et déposées le 4 décembre 2013, Madame AA A oppose en premier lieu que, se contentant de fixer les dates limites pour ces diligences, le règlement intérieur ne prévoit aucun formalisme particulier pour l’enregistrement des procurations à l’Ordre des avocats et l’établissement de la liste des mandants et mandataires ; qu’en l’espèce, les procurations ont été dûment enregistrées et deux listes d’émargement ont été établies, la première pour les votants en personne, et la seconde pour les votants par procuration ; que les formalités prescrites ont donc été parfaitement accomplies ; que dans ce domaine, la seule irrégularité sanctionnée par la jurisprudence est la réception de procurations après l’ouverture du scrutin, ce qui n’a pas été le cas ; que par ailleurs, l’article 2004 du code civil dispose que le mandant peut toujours révoquer son mandat quand bon lui semble ; que l’article L 75 du code électoral prévoit de même que le mandant a toujours la faculté de résilier sa procuration et d’en donner une nouvelle ; que le règlement intérieur qui prévoit que la procuration est irrévocable et que l’avocat qui a donné procuration ne peut pas voter en personne lors du vote pour lequel il a donné procuration n’a pas pour effet de rendre nul un vote pour cause de révocation du mandat, mais seulement d’entraîner éventuellement la responsabilité du mandant ; que s’agissant de la forme des procurations, l’obligation de la mention manuscrite 'bon pour pouvoir’ a été supprimée par délibération du conseil de l’Ordre en date du 23 mars 2012 ; que l’argumentation spécieuse de Maître Z sur l’enregistrement, le collationnement, l’irrévocabilité et la forme des mandats sera donc rejetée.

En deuxième lieu, Madame AA A oppose qu’en sa qualité de dauphin, dont la tradition au Barreau de Saint-Denis veut qu’il soit seul candidat à l’élection au bâtonnat, Maître T-U avait toute sa place dans la salle de vote lors des opérations de vote ; qu’il n’a en aucune façon tenté d’influencer le vote d’un confrère ou celui du bâtonnier en exercice quant à la présidence du bureau de vote ; que l’incident dont il lui est fait grief s’est déroulé après la clôture du scrutin ne peut pas non plus avoir en quoi que ce soit altéré la sincérité de celui-ci ; que là encore, les arguments du requérant seront donc écartés.

En troisième et dernier lieu, Madame AA A oppose qu’à la constatation de l’irrégularité consistant dans la découverte dans l’urne de 166 enveloppes pour 165 émargements, elle a cru, dans un souci de sérénité, ne pas devoir proclamer les résultats de l’élection ; que cependant, réalisant à l’examen des textes et de la jurisprudence applicables, qu’elle commettait une erreur puisqu’elle s’instituait ainsi juge de l’élection en décidant d’un nouveau vote invalidant de facto celui qui venait d’avoir lieu, elle a finalement régulièrement proclamé le résultat du scrutin ; que déduction faite de l’enveloppe excédentaire, l’élection de Maître T-U par 84 voix contre 74 obtenues par Maître Z est incontestable.

Madame AA A demande à la Cour :

— de dire et juger que l’élection du futur bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Saint-Denis qui s’est déroulée le 15 novembre 2013 et que le procès-verbal de proclamation des résultats du 17 novembre 2013 ne sont entachés d’aucune irrégularité,

— de débouter Maître Z de ses demandes et de le condamner aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de leurs conclusions d’intervention volontaire signifiées et déposées le 5 décembre 2013, Maître AI R-S et Maître AC-AD G opposent in limine litis que le recours de Maître Z est irrecevable pour avoir été déposé auprès du premier président et non pas remis contre récépissé au greffier en chef de telle sorte que la Cour d’appel n’a pas été régulièrement saisie ; qu’en outre, il est irrecevable pour avoir été formé le 25 novembre 2013, soit plus de 8 jours après l’élection du 15 novembre 2013 ; qu’enfin, il est irrecevable pour ne pas comporter une demande suffisamment déterminée.

Sur le fond, Maître R-S et Maître G opposent que Maître Z sollicite finalement qu’un troisième tour de scrutin soit organisé ; qu’aucun texte ne le prévoit ; qu’il ne saurait donc être fait droit à cette demande totalement infondée en droit ; que la découverte d’une seule enveloppe excédentaire ne saurait altérer la sincérité du scrutin et invalider la proclamation des résultats à laquelle Madame AA en exercice a régulièrement procédé.

Maître R-S et Maître G demandent à la Cour :

à titre principal,

— de déclarer le recours de Maître Z irrecevable ,

subsidiairement,

— de l’en débouter,

et en tout cas,

— de statuer de ce que de droit sur les dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées et déposées le 5 décembre 2013, Maître T-U oppose qu’en sa qualité de candidat élu, à défaut d’ avoir été régulièrement appelé à l’instance par le juge conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, il a intérêt à y intervenir volontairement ; que cependant, n’ayant pas disposé d’un délai raisonnable pour présenter ses moyens de défense, il sollicite qu’un délai supplémentaire lui soit accordé pour ce faire, à armes égales avec son contradicteur qui est assisté d’un ancien bâtonnier ayant temporairement remplacé Madame AA en exercice à la présidence du bureau de vote du 15 novembre 2013 et de ce fait, bien qu’en contradiction évidente d’intérêt, en mesure d’organiser plus rapidement le recours.

Sur le fond, Maître T-U oppose d’ores-et-déjà que ni avant l’ouverture du scrutin, ni pendant le déroulement de celui-ci, Madame AA n’a été saisie d’aucune contestation sur les procurations que le règlement intérieur lui donne compétence exclusive de trancher ; que dès lors, le candidat battu est désormais irrecevable à les contester ; qu’au demeurant, Maître Z ne démontre aucunement que les procurations n’ont pas été régulièrement enregistrées à l’Ordre ; qu’il soutient à tort qu’elles seraient formellement irrégulières ; qu’il prétend également à tort qu’il aurait été interdit aux avocats de changer de mandataire ou de voter personnellement quand, bien qu’ayant donné procuration, il leur était finalement possible de participer au scrutin.

Maître T-U soutient que candidat à l’élection, il était parfaitement légitime à se maintenir dans la salle de vote pour contrôler les opérations, puis le dépouillement des bulletins et le décompte des voix ; que rien n’établit que l’exercice de ce droit légitime aurait dégénéré en abus de droit ; qu’à aucun moment Madame AA qui présidait le bureau de vote n’a été saisie d’une quelconque difficulté relative à son comportement pendant la durée du scrutin ;que la seule difficulté ayant été portée au procès-verbal concerne la découverte dans l’urne d’une enveloppe excédentaire par rapport aux émargements ; que cette seule irrégularité ne saurait invalider le scrutin ; que le procès-verbal établi par AA le 15 novembre 2013 qui concluait que les opérations électorales devaient être recommencées et que de nouvelles convocations devaient être adressées est nul et de nul effet ; que la sincérité du vote n’a pas été altérée par quoi que ce soit ; que l’écart de voix entre les deux candidats en atteste ; que la proclamation valide des résultats en date du 17 novembre 2013 doit seule être prise en compte.

Maître T-U demande à la Cour :

— de lui accorder un délai supplémentaire pour préparer sa défense,

et pour le cas où il n’y serait pas fait droit,

— de rejeter la protestation électorale présentée par Maître Z à l’encontre de l’élection du futur bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Saint-Denis qui s’est déroulée le 15 novembre 2013.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Maître AC AD T-U invoque vainement n’avoir pas été convoqué au présent litige en qualité d’élu alors qu’ averti tant par la remise de la requête et des 45 pièces de Maître Z le 26 novembre 2013, soit le lendemain du recours, que par la notification des conclusions écrites du procureur général le 3 décembre 2013, il intervient volontairement aux débats et en a informé la Cour la veille de l’audience des débats soit le 5 décembre 2013, date à laquelle il a déposé à 11h41 son premier mémoire en intervention volontaire développant des moyens de forme et de fond.

Par suite, Maître T-U averti immédiatement du recours et destinataire des pièces de la procédure et des écrits adverses a pu disposer en défense, comme le révèle la teneur de son mémoire répondant à l’ensemble des points évoqués par le requérant et le procureur général, d’un délai raisonnable, eu égard à la nature du contentieux électoral requérant célérité, pour présenter l’ensemble de ses moyens de défense.

Il est donné acte de cette intervention et il ne sera pas fait droit à la demande de « délai complémentaire ».

Le requérant invoque vainement l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de Maître R-S et de Maître G, motif pris de l’absence de disposition légale ou réglementaire le permettant, alors qu’au même titre qu’un avocat, qui dispose du droit de vote, peut déférer les élections à la cour d’appel dans les conditions posées par l’article 12 du décret du 27 novembre 1991, il n’existe aucun obstacle légal ou réglementaire à l’intervention volontaire desdits avocats dès lors que, comme cela n’est pas discuté en l’espèce, ils disposent du même droit de vote et justifient ainsi d’un intérêt à agir à ce titre.

Cette constatation vaut aussi pour l’intervention de Madame AA qui justifie de surcroît d’un intérêt à agir évident pour être à l’origine de l’organisation des élections critiquées dont elle a assuré le déroulement jusqu’à la proclamation des résultats.

Aucune irrecevabilité n’est encourue de ces chefs.

Le délai d’appel prévu par l’alinéa 1er de l’article 12 du décret du 27 novembre 1991 pour déférer les élections à la cour d’appel étant de huit jours suivant les élections, le recours intenté par Maître Z le lundi 25 novembre 2013, date du dépôt de sa requête auprès de la Cour, est régulier pour avoir été formé dans le délai réglementaire précité qu’il s’agisse des élections considérées comme clôturées,

— par le procès-verbal daté du 15 novembre 2013, le délai d’expiration intervenant alors le samedi 23 novembre 2013 avec prorogation du délai pour lundi suivant à 24 heures, soit le 25 novembre 2013,

— par le procès-verbal daté du 17 novembre 2013, le délai d’expiration intervenant alors le lundi 25 novembre 2013 à 24 heures.

Aucune irrecevabilité n’est encourue de ce chef.

Maître R-S et Maître G considèrent que Maître Z, en déposant son recours auprès de la secrétaire de la première présidence de la cour de ce siège, ne s’est pas conformé aux exigences de la règle posée par le 2e alinéa de l’article 12 précité qui énonce que la réclamation est formée notamment remise contre récépissé au greffier en chef.

Étant constant, cependant, que le personnel du secrétariat de la première présidence, au même titre que les autres membres du personnel, relève du service dirigé par le greffier en chef de la Cour, la remise litigieuse à l’un de ces membres, partie indivisible du greffe, est parfaitement régulière.

Aucune irrecevabilité n’est encourue de ce chef.

Maître R-S et Maître G tirent aussi argument d’une triple contrariété affectant le recours de Maître Z en annulation de l’élection du 15 novembre 2013 (2e tour) qui retient que les opérations électorales sont terminées et que de nouvelles opérations sont inutiles avant de solliciter l’annulation des « élections », pour estimer qu’il n’a saisi la cour d’aucune demande et qu’ainsi sa réclamation serait irrecevable.

Cependant, le requérant conclut bien à l’annulation du deuxième tour de l’élection du bâtonnier de l’ordre des avocats de Saint-Denis, après que la Cour se soit penchée sur la valeur de la décision de proclamation faite par Madame AA deux jours après le dépouillement et suite à l’application de la méthode de la double déduction hypothétique conduisant à constater un faible écart des voix justifiant cette annulation.

Par suite, aucune irrecevabilité n’est encourue de ce chef.

Par l’effet du recours en annulation de l’élection dont s’agit, la présente Cour, juge de l’élection, est fondée à apprécier la validité des procès-verbaux afférents au scrutin dont le procès-verbal intitulé « Procès-verbal de l’Assemblée Générale de l’An Deux Mille Treize et le Quinze Novembre » aux termes duquel Madame AA, après qu’elle ait constaté que la « clôture des votes » était intervenue à 12 heures, a décidé avant clôture des opérations électorales, et au vu des 165 suffrages tels qu’exprimés au vu de la liste d’émargement comportant 165 signatures et de la présence dans l’urne de 166 enveloppes, du report des élections du bâtonnier.

Même sous le couvert des dispositions de l’article 6 – « du Règlement des Litiges » sous l’ « Annexe 1'Organisation des Élections » permettant au bâtonnier d’être saisi de toute difficulté pouvant surgir pendant la durée du scrutin, à l’occasion du dépouillement ou de la proclamation des résultats, ce dernier ne pouvait en cette matière d’ordre public, et même avec l’accord dépourvu de valeur à cet égard des deux candidats, se faire juge de la validité de l’élection professionnelle à laquelle il a été procédé en la reportant avec nouvelles convocations des électeurs, et ainsi manquer de procéder à la proclamation des résultats de l’élection du bâtonnier.

Dès lors, le procès-verbal précité du 15 novembre 2013 est donc nul et de nul effet.

AA étant élu selon l’article 4. 4. 1 du règlement intérieur au scrutin secret majoritaire à deux tours des suffrages exprimés de l’assemblée générale de l’Ordre, il convient de contrôler la légalité et la sincérité du scrutin sans s’arrêter aux circonstances postérieures aux résultats des votes connus à l’issue des opérations de dépouillement du scrutin, lesquelles sont sans effet sur la proclamation par le juge de l’élection des résultats du scrutin.

Ainsi comme le requérant lui-même l’admet, l’incident survenu entre l’un des candidats avec une avocate électrice à l’issue des opérations de dépouillement est sans effet sur la validité de l’élection dont s’agit.

Selon l’ « Annexe 1 Organisation des Élections » en ses articles 1 et suivants, le vote peut être exprimé pour les élections générales notamment par procuration, tout avocat électeur pouvant donner procuration à un confrère inscrit au barreau de Saint-Denis avec la limite que « Chaque mandataire ne peut disposer que de deux procurations pour chaque tour de scrutin ».

L’article 4.2.1. prévoit que « L’avocat qui donne procuration doit, au préalable, la faire enregistrer à l’Ordre, soit par dépôt, soit par lettre, soit par télécopie, en indiquant l’élection où les élections pour lesquelles il donne procuration, et le nom de son mandataire. La date limite pour l’information préalable de l’Ordre est fixée au mercredi précédant les élections, à 12 heures. ».

Il y est aussi précisé que : « Toute procuration qui n’aura pas fait l’objet de l’information préalable de l’ordre, dans les formes et délais fixés ci-dessus, sera écartée, et le mandataire ne pourra voter. La liste des avocats mandants et des avocats mandataires est arrêtée par le secrétaire de l’Ordre le jeudi précédant les élections, à 12 heures. Le rejet des procurations sera alors porté à la connaissance des mandants concernés, qui feront leur affaire personnelle de l’information des mandataires. Des contestations éventuelles seront réglées par AA, avant l’ouverture du scrutin ».

L’exigence en matière de procuration de l’information préalable de l’Ordre par l’avocat mandant, à peine d’inefficacité de sa procuration, et de l’établissement subséquent, un jour au moins avant le scrutin, par le secrétaire de l’Ordre de la liste des avocats concernés – mandants et mandataires – avec retrait des procurations irrégulières constitue une règle essentielle au bon déroulement du scrutin, d’abord parce qu’intervenant par avance dans un domaine sensible source d’anomalie elle tend à prévenir tout contentieux de ce chef, permet au bâtonnier de trancher par avance à toute difficulté à ce sujet, et assure donc par avance la sérénité du scrutin à ce niveau.

Les deux documents non signés intitulés « Liste des électeurs Élection du Bâtonnier » ayant servi de listes d’émargement, et qualifiés comme tels par AA en ses observations du 15 novembre 2013, ne répondent pas aux exigences précitées, de sorte qu’à l’ouverture du scrutin aucune liste des procurations au sens du règlement intérieur n’a été établie.

Cette carence constitue la violation d’une règle essentielle.

Mais, étant constaté que les votes par procuration intervenus dans ces conditions pour 33 électeurs ne sont contraires à aucune règle d’ordre public, il sera recherché si ces votes sont de nature à nuire à la loyauté et la sincérité du scrutin.

Le requérant ne soutient ni n’établit que les 27 votes par procuration, tels que constatés en liste d’émargement, sur la base non contestée de procurations enregistrées préalablement à l’Ordre ont pu affecter à cet égard la sincérité du scrutin.

L’absence d’observation sur ce point, y compris par le requérant, lors des opérations de vote, de dépouillement et de résultats au cours desquelles Madame AA n’a été saisi d’aucune difficulté, corrobore le défaut d’impact de ce défaut sur les conditions et le résultat du scrutin.

Le requérant fait aussi vainement valoir que toute procuration devant indiquer l’élection pour laquelle elle est donnée, la quasi totalité des procurations a été délivrée indifféremment pour les élections du bâtonnier et celles visant au renouvellement des membres du conseil de l’ordre, au motif que selon le formulaire de procuration il convenait de « * rayer les mentions inutiles », alors que le règlement intérieur précité ne fixe aucune limite au mandat qui peut être donné pour l’une ou l’autre des élections ou pour les deux à la fois.

Il subsiste donc la difficulté liée aux 6 procurations qui n’ont fait l’objet d’aucun enregistrement à l’Ordre.

En l’absence de date certaine antérieure au scrutin, ces procurations d’apparence tardive sont soumises à la sanction envisagée à l’article 4.2.1. 4e alinéa qui fait interdiction au mandataire de voter.

Ces irrégularités spécialement sanctionnées par le règlement intérieur sont à déduire à la fois du total des suffrages exprimés et du nombre de voix recueillies par le vainqueur de l’élection

En revanche, ce mécanisme fondé sur la présomption que le vainqueur a bénéficié de l’irrégularité au détriment de son adversaire, ne peut s’appliquer à la procuration non enregistrée à l’Ordre donnée par Maître N O à Maître P Z qui de surcroît ne peut alléguer au détriment de son adversaire une circonstance provenant de son fait.

Par suite, seulement 5 de ces 6 procurations seront donc écartées, ramenant le score du vainqueur à 80 voix/161 suffrages exprimés au lieu de 85 voix/166 suffrages.

S’agissant de la mention manuscrite « Bon pour pouvoir », l’article 4.2.2. de l’ « Annexe 1 Organisation des Élections », produit aux débats par le requérant dans sa teneur consécutive à la délibération du conseil de l’Ordre du 23 mars 2012 n’y fait plus référence.

Au surplus, et en l’absence de preuve contraire, ce défaut de mention n’a pu altérer la validité de la procuration et n’affecte nullement les opérations de vote, de dépouillement et de résultats au cours desquelles ce défaut de mention n’a fait l’objet d’aucun commentaire ni d’aucune difficulté.

Quant à la double procuration donnée par Maître X le 30 octobre 2013 d’une part à Maître Y A pour les deux élections, puis d’autre part le 13 novembre 2013 à Maître L D pour l’élection du 15 novembre 2013, la question se pose de la valeur du mandat confié en second choix alors que l’article 4.2.2. attribue un caractère irrévocable à la procuration donnée, ce qui doit s’entendre du premier acte la constatant, empêchant le mandant de voter en personne de sorte qu’a fortiori il ne peut confier cette tâche à un autre avocat électeur.

Un tel vote dont le droit a été exercé par une personne titulaire d’un mandat douteux sera donc écarté.

Il en sera de même du vote réalisé en personne par Maître B, comme le révèle l’émargement le concernant, en violation du caractère irrévocable de la procuration qu’il avait donné le 6 novembre 2013 pour l’élection du 15 novembre 2013 à Maître H F.

Ces irrégularités seront déduites à la fois du total des suffrages exprimés et du nombre de voix recueillies par le vainqueur de l’élection.

Enfin, s’agissant de l’enveloppe supplémentaire par rapport au nombre de votants découverte lors des opérations de dépouillement il sera procédé de la même manière cette situation ayant faussé les résultats du scrutin. L’irrégularité liée à cette enveloppe excédentaire est déduite aussi du total des suffrages exprimés et du nombre de voix recueillies par le vainqueur de l’élection ce qui lui donne en dernier état 77 voix sur 158 suffrages exprimés.

Le requérant fait aussi valoir un motif d’invalidation tiré de l’omniprésence du candidat AC-AD T-U dans la salle de vote où il a affiché « un comportement jovial prodiguant quelques mots aux électeurs de passage » dans des conditions non compatibles avec la discrétion imposée à tout candidat et à l’interdiction d’exercer une quelconque pression sur les électeurs, pression caractérisée selon l’intéressé par la présence du candidat à proximité des scrutateurs et de l’urne, donc propre à troubler la sincérité du scrutin.

Cependant aux termes de l’article 5 de l’annexe n° 1 déjà cité du règlement intérieur, « Tout candidat ou son représentant dûment désigné a le droit de contrôler les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix, dans les locaux où s’effectuent ses opérations »

Par suite, ce candidat disposait de la faculté de se maintenir dans les lieux voués à cette élection.

En l’absence d’observation portée au procès-verbal, de plainte ou d’incident de même qu’en l’absence de pièces susceptibles d’établir l’attitude reprochée, la cour ne dispose d’aucun élément susceptible de retenir un comportement abusif de la part de ce candidat qui aurait pu affecter la sincérité et la loyauté des opérations de vote.

En l’absence d’autres irrégularités susceptibles d’affecter la sincérité du scrutin et eu égard à l’écart relativement significatif du nombre de suffrages séparant après correction le premier candidat élu, avec 78 voix sur 158 suffrages exprimés, du second candidat non élu disposant de 74 voix, dans une élection dont l’article 4.3.2 du règlement intérieur prévoit que l’élection est acquise au second tour à la majorité relative des suffrages exprimés au sens de l’article 6 du décret du 27 novembre 1991, la Cour met partiellement à néant le procès-verbal daté du 17 novembre 2013 quant aux résultats modifiés par la présente décision et arrêtés désormais comme suit :

Nombre de votants :165

Suffrages exprimés :158

Bulletins nuls : 1

Bulletins blancs : 6

Maître AC AD T-U :77 voix

Maître P Z :74 voix.

Le recours exercé par Maître Z est donc rejeté.

Chacune des parties supportera ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement en audience solennelle, en matière d’élection du bâtonnier, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Donne acte à Maître AC AD T-U de son intervention volontaire aux débats depuis le 5 décembre 2013.

Déclare recevable en la forme le recours déposé le 25 novembre 2013 par Maître P Z auprès du greffe de la Cour d’appel de ce siège.

Déclare recevable en la forme l’intervention volontaire de Madame AA du barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion et celles de Maître R-S et Maître G.

Dit n’y avoir lieu à renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.

Au fond,

Dit que le procès-verbal de l’assemblée générale« Procès-verbal de l’Assemblée Générale de l’An Deux Mille Treize et le Quinze Novembre » est nul et de nul effet.

Dit qu’après corrections portant sur une enveloppe excédentaire et sept suffrages exprimés, Maître AC AD T-U est élu bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Saint-Denis de la Réunion à la majorité relative avec 77 voix sur 158 suffrages exprimés.

Dit que le procès-verbal des résultats de l’élection du bâtonnier du vendredi 15 novembre 2013 portant proclamation daté du 17 novembre 2013 est partiellement annulé en ce sens.

Déboute Maître P Z de son recours en annulation de l’élection du bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Saint-Denis de la Réunion.

Rejette tout autre demande.

Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. Dominique FERRIERE, Premier Président, et par Mme J K, greffière en chef à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE EN CHEF LE PREMIER PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 9 décembre 2013, n° 13/02252