Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre expropriations, 18 mai 2020, n° 18/01252

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Saint-Denis de la Réunion, ch. expropriations, 18 mai 2020, n° 18/01252
Juridiction : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Numéro(s) : 18/01252
Décision précédente : Tribunal de grande instance, EXPRO, 8 juillet 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°20/5

YB

N° RG 18/01252 – N° Portalis DBWB-V-B7C-FBPN

Décision déférée :

Appel d’une décision rendue par le JUGE DE L’EXPROPRIATION DE SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 09 JUILLET 2018 suivant déclaration d’appel en date du 27 JUILLET 2018

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS

ARRÊT DU 18 MAI 2020

APPELANTS :

Monsieur G A-B

[…]

[…]

97434 SAINT-GILLES-LES-BAINS

comparant en personne, assisté de Me Chendra KICHENIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION et de Me Bernard CAZIN du barreau de Paris

Madame E F X épouse A-B

[…]

[…]

97434 SAINT-GILLES- LES -BAINS

comparante en personne, assistée de Me Chendra KICHENIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION et de Me Bernard CAZIN du barreau de Paris

INTIME :

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REUNION (EPFR)

[…], […]

Usine de la Mare

97438 SAINTE-E (LA RÉUNION)

comparant, assisté de Me Isabelle NGUYEN de la SELARL SOLER-COUTEAUX & ASSOCIÉS, avocat au barreau de STRASBOURG

EN PRÉSENCE DE :

MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[…]

[…]

[…]

[…],

représenté par M. Y Z, inspecteur principal, en vertu d’un pouvoir général désigné par décision des services fiscaux

Débats : L’affaire a été débattue le 25 Novembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : M. Alain CHATEAUNEUF, premier président

Conseiller : Mme Estelle CROS, conseillère

Conseiller : M. Yann BOUCHARE, conseiller

régulièrement désignés par ordonnance de Monsieur le premier président de la Cour d’Appel de Saint-Denis n°2019/93 du 8 juillet 2019.

Ouï

— Monsieur le conseiller en son rapport

— Monsieur le commissaire du gouvernement en ses observations

la Cour a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 mars 2020, prorogé au 27 avril 2020 puis au 18 Mai 2020

Arrêt : Prononcé par mise à disposition des parties le 18 Mai 2020

Greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition Mme C D, directrice des services de greffe judiciaires

EXPOSE DU LITIGE :

Par arrêté préfectoral en date du 6 décembre 2016, a été déclaré d’utilité publique le projet d’acquisition et de travaux nécessaires au projet d’aménagement de la ZAC Renaissance III sur le territoire de la commune de Saint Paul au lieudit Plateau Caillou.

Suivant lettre et mémoire introductif du 21 février 2018, l’ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE LA REUNION (EPFR) a saisi la juridiction départementale de l’expropriation aux fins de fixation des indemnités dues pour l’expropriation de la parcelle située sur le territoire de la commune de Saint Paul et figurant au cadastre de cette commune sous les références CW n° 737.

Le transport sur les lieux s’est effectué le 25 mai 2018 en présence de l’expropriant,du commissaire du gouvernement et de l’exproprié.

Par décision rendue le 09 Juillet 2018, la juridiction départementale de l’expropriation a :

Rejeté la demande de sursis à statuer,

Fixé ainsi qu’il suit les indemnités dues pour l’expropriation de la parcelle CW n° 737 d’une superficie de 174.693 m² par l’EPFR:

' indemnité principale : 1.655.139,00 euros,

' indemnité de remploi : 166.513,90 euros,

soit une indemnité totale de : 1.821.652,90 euros,

Rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires formées par les parties,

Condamné l'EPFR à payer à Monsieur G A B la somme de 850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Laissé les dépens à la charge de l’EPFR.

Monsieur A B et Madame A B née X ont, par déclaration au greffe du 27 juillet 2018, fait appel de cette décision.

Monsieur G A B et Madame E F A B, née X, suivant mémoire reçu le […], demandent, en leur qualité de propriétaires, de :

— confirmer le rejet de la demande de sursis à statuer, de réformer pour le surplus le jugement du 09 juillet 2018 et de fixer sur la base de 60 € du mètre carré l’indemnité totale soit la somme de 10 481 580 € outre 2. 620 39 € d’indemnité de remploi ou, à titre subsidiaire, en tenant compte de 30 € du mètre carré pour la partie de 10 199 m² comprise dans le PPRN et de 60 € pour le surplus de 164 494 m², soit une indemnité principale de dépossession de 10'175 610 € et une indemnité de remploi à la somme de 2'620'395 €,

— mettre à la charge de l’EPFR la somme de 10'000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, le condamner aux entiers dépens.

Ils font valoir que la date de référence devrait être fixée au 21 avril 2015, soit une année avant la date d’ouverture de l’enquête publique et ajoutent, s’agissant de l’indemnisation, que la parcelle en cause, en situation hautement privilégiée, s’inscrit dans la démarche d’édification d’une ZAC dont les deux premières tranches ont déjà été réalisées depuis plusieurs années et présente, au sein de cette zone densément urbanisée, d’indéniables atouts, dont une vue à mi hauteur sur l’océan ainsi que d’un accès direct sur le chemin SUMMER sans omettre toutefois l’existence d’une ravine incluse par le PPRN (10 199 m²).

Ils estiment que le premier juge n’aurait pas suffisamment pris en compte ni l’arrêt rendu à leur bénéfice en 2008 ni la mise en service, une année plus tard, de la route des Tamarins à l’origine d’une accentuation de la pression immobilière et d’une envolée des prix justifiant, au vu des justificatifs produits et des observations du commissaire du gouvernement, le prix de 60 € du m² sauf à retenir, le cas échéant et pour la partie concernée par le PPRN, une décote de moitié.

L’EPFR, par mémoire d’intimé du 09 janvier 2019, demande de confirmer la décision querellée, et de condamner les époux A B à lui verser la somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il conclut à la confirmation de la fixation de la date de référence à la date d’approbation du PLU de Saint Paul, mentionne que la parcelle est classée en zone AU3st, à savoir une zone ouverte à l’urbanisation future notamment lors de la réalisation d’une opération d’aménagement, rappelle qu’une partie de ladite parcelle est classée en zone rouge du PPRI du fait de la présence d’une ravine et de ses abords et soutient qu’il s’agit d’une parcelle de grande taille non homogène, non viabilisée, ni desservie par les réseaux et ne bénéficiant que d’une desserte et non d’un accès direct à la voie publique.

Il ajoute que si la parcelle peut recevoir le qualificatif de terrain en situation privilégié de par son implantation zonale, elle n’est pas positionnée à proximité immédiate de zones densément urbanisées mais dans le périmètre de la ZAC RENAISSANCE III nécessitant la mise en oeuvre d’importants travaux de raccordement et de viabilisation.

Comparaisons à l’appui, il estime que la fixation au prix de 10 € le m² par le juge de première instance correspond au double de la valeur moyenne, l’évaluation telle qu’effectuée en 2008 par la cour au prix de 15 euros le m² demeurant isolée et ne pouvant dès lors être retenue.

Il dénie toute réalité à l’offre de fixation à 60 € du m² et toute force probante aux termes de comparaison adverses tout en contestant le principe même de l’exclusion des cessions opérées par un propriétaire public.

Le commissaire du gouvernement propose, par conclusions reçues au greffe le 11 janvier 2019, la confirmation de la fixation de la date de référence, indique que la parcelle en cause doit être regardée comme un terrain en situation prvilégiée situé à proximité immédiate de la zone fortement urbanisée de Plateau Caillou avec toutes conséquences de droit et en prenant en considération la grande taille de la parcelle (application d’un coefficient de 25 %) sur le prix moyen du m² retenu pour aboutir à un prix moyen au m² de 51,5 € selon que l’on applique la méthode de la comparaison avec les prix des terrains contigus en zone U affecté d’un abattement de 60 % (prix moyen de 56 € du m²) ou celle dite de recoupement (prix moyen de 47 €).

Il estime donc que l’indemnisation doit être fixée à la somme de 8 435 427.36 € à titre principal (dont 9 306,36 € pour les 11 079 m² en zone rouge du PPR évalués à 0,84 € du m²) et 842 612.36 € au titre du remploi soit une indemnité totale de 9 263 039,72 €.

Par mémoire ultérieur du 04 juin 2019, Monsieur G A B et Madame E F A B dénoncent les manoeuvres dolosives mises en oeuvre par l’autorité expropriante laquelle aurait du, en application des schémas d’aménagement régionaux de 1995 et de 2011 et de la stratégie de densification continue d’urbanisation mise en oeuvre, procéder, lors de la révision du PLU en 2012, au classement du périmètre de la ZAC RENAISSANCE III, incluant la parcelle expropriée CW 737, en zone U (U3c pour Plateau Caillou) et non en zone AU3st.

Ils demandent donc de retenir une évaluation fondée sur le prix moyen du terrain constructible, à savoir 141,5 € du m² après application d’un coefficient de 25 % du fait de la grande taille de la parcelle et de fixer, après prise en compte d’une superficie réelle de zone rouge de l’ordre de 9 485 m², leur indemnisation comme suit :

—  23 376 932 € (165 208 m² x 141,5 €) au titre de l’entité principale

—  5 844,23 € au titre de l’indemnité de remploi

—  94 850 € au titre de l’emprise du PPR (9485 m² x 10€ du m²)

A défaut, ils font valoir que leur indemnisation ne pourrait être effectuée à moins de 60 € du m² pour la partie constructible.

Par mémoire en réplique, L’EPFR a maintenu sa demande de confirmation de la décision de première instance, a soulevé l’irrecevabilité du fait de sa tardiveté, du moyen tiré d’une prétendue intention dolosive de la partie expropriante, s’est opposé, en tout état de cause, à ce moyen, le zonage effectué en zone AU correspondant aux espaces réservés à l’urbanisation future et a contesté la pertinence des deux approches retenues par le commissaire du gouvernement

L’affaire, évoquée le 25 novembre 2019, a été mise en délibéré au 23 mars 2020 ; celui-ci a toutefois été prorogé au 27 avril puis au 18 mai 2020.

DISCUSSION – MOTIFS

Il sera au préalable relevé que le débat sur l’existence d’un éventuel sursis à statuer rejeté par la juridiction de première instance n’a pas lieu d’être en appel, les parties s’accordant sur la confirmation, sur ce point, de la décision du 09 juillet 2018.

Il résulte, par ailleurs, des dispositions des articles R 311-26 et suivants du code de l’expropriation que les parties sont tenues de conclure et de produire les documents dont elles entendent faire état dans un délai déterminé ; si l’usage a permis le dépôt de mémoires en réplique, il n’en demeure pas moins que les prétentions et arguments des parties doivent être considérés comme figés à la date de leurs premières écritures sauf à dénaturer le sens des dispositions susvisées ; le débat tardif sur l’existence d’une éventuelle intention dolosive de la part de la partie expropriante et sur les conséquences pouvant en découler n’a donc pas lieu d’être.

- SUR LA FIXATION DE L’INDEMNITÉ DE DÉPOSSESSION :

Sur la date de référence :

Il est constant que la date de référence s’apprécie au moment où le juge de première instance statue.

En application de l’article L 213 – 6 du code de l’urbanisme la date de référence prévue à l’article L 322 – 2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est, pour les biens soumis au droit de préemption, la date à laquelle est devenue opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols, ou approuvant, révisant au modifiant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

En l’espèce, la zone dans laquelle se situe la parcelle litigieuse est soumise au droit de préemption urbain.

Il s’ensuit que la date de référence doit être fixée au 27 septembre 2012 correspondant à la date à laquelle est devenue opposable l’adoption du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Paul, la décision de première instance étant donc confirmée sur ce point.

Sur la parcelle expropriée :

A la date de référence, tout comme d’ailleurs à la date du 21 avril 2015, revendiquée par les époux A B, il est acquis que la parcelle expropriée était classée en zone AU3 st du PLU.

Cette zone correspond à un espace à urbaniser dans le futur car les différents réseaux et conditions d’accès n’ont pas encore des capacités suffisantes pour desservir de nouvelles constructions. L’ouverture à l’urbanisation de cette zone est donc conditionnée à une modification du PLU ainsi qu’à des études préalables.

Il n’est pas contesté que le terrain ne peut revêtir la qualification de terrain à bâtir au sens des dispositions de l’article L 322-3 du code de l’expropriation dès lors que la parcelle n’est pas

constructible immédiatement et n’est ainsi pas située dans un secteur désigné comme constructible à la date de référence et ne bénéficie d’aucune desserte en électricité et eau potable.

Elle doit donc être évaluée en fonction de son seul usage effectif à la date de référence.

Ainsi, cette parcelle est d’une très grande surface de forme rectangulaire allongée et en pente jusqu’à la grotte des premiers français. Elle n’est pas clôturée et se trouve à l’état général de friche, savane et broussailles. Elle n’est pas homogène et comporte des enrochements. Elle bénéficie d’une vue sur l’océan et sur les plateaux et se situe, pour la partie supérieure de la parcelle, à proximité de la zone renaissance urbanisée de Plateau Caillou.

Elle est bordée sur les longueurs par deux grandes parcelles de savane également et se trouve traversée par une ravine et un sentier. Contrairement à ce que soutient l’EPFR, elle dispose d’un accès, certes non aménagé, sur la largeur supérieure de la parcelle, puisqu’elle est bordée par le chemin Summer.

Les parties s’entendent pour voir reconnaître la nature de terrain privilégié de la parcelle CW 737 dès lors que, bien que ne pouvant recevoir la qualification de terrain à bâtir, elle se situe dans un secteur recherché et convoité en zone périurbaine en périphérie du quartier de Plateau caillou de Saint-Paul, commune où s’exerce une forte pression foncière sur le marché caractérisée par le prix en hausse des transactions immobilières.

Sur l’évaluation des indemnités :

Il résulte des articles L 321 et L 322 -1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique que les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation. Le bien est évalué au jour du jugement compte tenu d’une part de sa consistance matérielle et juridique à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété ou à défaut au jour du jugement, et d’autre part de son usage effectif à la date de référence.

La méthode privilégiée de détermination du prix est celle de la comparaison par rapport aux transactions les plus représentatives du marché. Pour fixer les indemnités dues pour l’expropriation, la juridiction tient ainsi compte des offres, des demandes, des cessions de toute nature intervenues dans le même secteur géographique pour des biens comparables ainsi que de la situation des biens au regard des règles d’urbanisme .

Sur l’indemnité de dépossession principale :

Elle est constituée par la valeur vénale du bien exproprié.

En l’espèce, la parcelle expropriée CW 737 étant en zone AU3st n’a pas la qualification de terrain à bâtir à la date de référence mais il n’en reste pas moins qu’elle se présente comme une parcelle privilégiée et sera donc, en conséquence, évaluée en prenant pour référence une valeur intermédiaire qui ne sera ni celle des terrains à bâtir ni celle des terres agricoles du fait de cette situation retenue.

L’EPFR propose une indemnisation, pour la partie non incluse dans le PPR, sur la base d’une valeur de 5 €/m² tout en acceptant la décision de la juridiction de première instance de fixation d’une indemnisation double. Monsieur A B sollicite une indemnisation fondée sur un prix de 60 € /m². Le commissaire du Gouvernement, quant à lui, propose de fixer un prix médian de 51.5 €/m² après prise en compte de deux méthodes de comparaison.

Monsieur A B a cité notamment une vente qui serait intervenue au bénéfice de la commune de Saint-Paul le 27 septembre 2012 sur une parcelle classée en zone 2NA du POS (puis 2AU du PLU). Néanmoins, cette vente concernait une parcelle de terrain d’une contenance de 234 m²

contenant du bâti, de sorte qu’elle ne peut servir de terme de comparaison pertinent dans la mesure où elle ne possède aucune qualité similaire à la parcelle litigieuse.

De même, l’évaluation proposée par le commissaire du gouvernement dans un autre dossier d’expropriation concernant une parcelle ne comprenant pas du tout les mêmes qualités et caractéristiques ne peut constituer un terme utile et fiable de comparaison.

Il évoque également une décision de la Cour d’Appel de Saint-Denis de la Réunion ayant fixé une indemnité sur la base d’un prix de 15 €/m² pour une parcelle d’une contenance de 46.643 m² ayant fait l’objet d’une expropriation pour l’aménagement de la route des Tamarins laquelle comporte des similitudes puisqu’également en friche, classée sur une zone inconstructible d’urbanisation future, sans aucun équipement en eau, électricité et voirie.

Ce prix peut tenir lieu d’élément de comparaison pertinent à condition de le mettre en perspective avec d’autres ventes situées dans la même zone que la parcelle expropriée et de tenir compte de la grande contenance de celle-ci, ainsi que du fait qu’il s’agit de la troisième étape de valorisation de la Zac Renaissance. Ainsi même si cette parcelle ne dispose pas d’équipement, les autres parcelles ont été équipées et valorisées chacune bénéficiant de la plus-value de la précédente ; ainsi en n’envisageant pas d’exproprier en même temps les terrains utiles à la création des 3 ZAC Renaissance, il est certain que le prix des terrains utile à la ZAC II est supérieur aux précédents mais encore moins que ceux nécessaires à la création de la ZAC III.

Le commissaire du gouvernement propose, par application de la méthode de la comparaison avec les prix moyens des terrains contigus en zone U, de retenir la valeur moyenne des terrains constructibles situés dans la zone 'Parc Boeuf’ à proximité de la parcelle litigieuse en retenant 05 termes de comparaison utiles et d’appliquer au résultat obtenu (prix moyen de 188,6 € du m²) un abattement de 60 % en référence à la jurisprudence de la cour d’appel de Versailles du 7 mars 1989 puis un correctif de 25 % pour tenir compte de la taille et contenance et aboutir ainsi à un prix moyen au m² de 56 €.

Dans cette espèce, la cour avait procédé à un abattement de 60 % au prix du terrain à bâtir contigu du fait que la parcelle expropriée ne pouvait revêtir cette qualification en raison de son classement en zone urbanisable à terme. Néanmoins, il apparaît que la parcelle expropriée était délimitée en grande partie par des zones constructibles était équipée, de belle configuration faisant partie d’une unité foncière.

Ce principe peut être retenu dans le calcul de l’indemnisation avec toutefois une légère pondération pour les motifs ci-après exposés.

En l’espèce, la parcelle CW 737 est dans une situation privilégiée même si elle ne bénéficie d’aucun équipement parce que bien que proche d’une zone péri-urbaine, elle n’est pas délimitée pour l’essentiel par des zones constructibles. Au contraire, elle est bordée sur ses deux longueurs très importantes par des terrains classées dans la même zone et de même configuration. Seule la partie supérieure bordée par le chemin Summer est à proximité de zones constructibles équipées. Mais il faut retenir que la plus-value de la viabilisation des ZAC I et II doit entrer en ligne de compte.

Le commissaire du gouvernement a aussi procédé à une évaluation sur la base de la méthode dite de recoupement qui aboutit à un prix moyen légèrement inférieur de 47 € du m².

L’EPFR cite notamment deux termes de comparaison portant sur les parcelles CW 654 et 664 de superficies comparables à celle de la parcelle expropriée (160.259 m² et 180.238 m²) au prix de 5€ le m². Ces ventes sont intervenues en 2010 et 2015 et concernent des parcelles qui se situent dans la même zone et à proximité de la parcelle CW 737. Elles sont aussi de configuration similaire.

L’EPFR justifie également de ventes intervenues en sa faveur par la Commune de Saint-Paul pour des parcelles situées à proximité immédiate de la parcelle CW 737, à savoir les parcelles CV 1225-1227p-CW 543p- 654- EY 1488-1489.

S’il est exact que ces dernières parcelles sont comparables à la parcelle expropriée et située dans une zone similaire, il convient néanmoins de relever que la commune de Saint-Paul est directement intéressée par l’opération menée par l’EPFR dès lors qu’elle a elle-même délégué à celle-ci sa compétence. D’autre part, il résulte des extraits des délibérations du conseil municipal du 19 décembre 2017 que ces parcelles sont physiquement enclavées et ne bénéficient d’aucun accès à la voie publique au contraire de la parcelle CW 737.

Il s’ensuit de l’ensemble que la parcelle litigieuse, qui bénéficie d’un accès sur la voie publique et dont le caractère hautement privilégié doit être retenu, peut ainsi être estimée à une valeur bien supérieure à 5 €/m²

Eu égard à ces éléments, il y a lieu de fixer la compensation de l’atteinte à la propriété de Monsieur A B sur la base de 50€/m² pour la majeure partie de la parcelle.

Il convient, par ailleurs, de tenir compte des servitudes affectant l’utilisation des sols, y compris des restrictions au droit de construire.

En l’espèce, il résulte des éléments du débat qu’à la date de référence, la parcelle CW 737 était concernée (et le demeure actuellement) par une restriction et une interdiction de constructibilité imposées par le PPR, liée au risque d’inondation et de mouvement de terrain portant sur une surface de 10.199 m².

Il convient donc d’en tenir compte et de fixer le prix de cette zone à 2 % de la valeur de la parcelle, soit 1 €/m².

En conséquence, l’indemnité de dépossession de la parcelle CW 737 doit être fixée à la somme de 8.234.899 euros, décomposée comme suit:

—  164.494 m² x 50 € = 8.224.700 euros

—  10.199 m² x 1 € = 10.199 euros.

Sur l’indemnité de remploi :

Aux termes de l’article R 322 ' 5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, l’indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l’acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l’indemnité principale.

En raison de la baisse des droits de mutation à titre onéreux et de la nécessaire indemnisation des frais exposés lors du rachat des biens de faible valeur, le taux de remploi sera fixé à 20 % de l’indemnité principale jusqu’à 5000 euros, 15 % de 5001 à 15'000 euros et 10 % au-delà. Cette indemnité est due même si la partie expropriée ne procède pas au rachat de biens de remplacement.

Il s’ensuit qu’en l’espèce l’indemnité de remploi s’élève à la somme de 824.489 euros, calculée de la sorte :

' 20 % sur 5 000 euros = 1 000,00 euros,

' 15 % sur 10'000 euros = 1 500,00 euros,

' 10 % sur 8 219 899 euros = 821.989,90 euros.

Sur les frais et dépens :

Selon l’article L 312-1 du code de l’expropriation, l’expropriant supporte seul les dépens de première instance. L’EPFR y sera donc condamné.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens est condamnée à payer à l’autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

En l’espèce, Monsieur A B a du faire valoir ses droits en appel. L’EPFR sera donc condamné à lui verser la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La chambre des expropriations de la cour d’appel, par décision contradictoire et en premier ressort rendue par voie de mise à disposition,

Vu la décision rendue le 09 Juillet 2018 par la juridiction départementale de l’expropriation du département de la Réunion (RG 18/21),

Déclare irrecevable comme tardive la demande des époux A B tendant à voir constater l’intention dolosive de la partie expropriante,

Confirme, s’agissant du rejet du sursis à statuer et de la fixation de la date de référence, la décision susvisée ;

L’infirme sur la fixation du montant de l’indemnité de dépossession et statuant à nouveau :

Fixe ainsi qu’il suit les indemnités dues pour l’expropriation de la parcelle CW n° 737 d’une superficie de 174.693 m² par l’EPFR:

' indemnité principale : 8.234.899,00 euros

' indemnité de remploi : 824.489,90 euros

soit une indemnité totale de : 9.059.388,90 euros,

Rejette toutes les demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Condamne l'EPFR à payer aux époux A B la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge de l’EPFR.

Le présent arrêt a été signé par M. Alain CHATEAUNEUF, premier président et Madame C D, directrice des services de greffe judiciaires à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA DIRECTRICE DES SERVICES LE PREMIER PRÉSIDENT

DE GREFFE JUDICIAIRES

signé

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