Cour d'appel de Toulouse, Étrangers, 20 décembre 2019, n° 19/00866

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, étrangers, 20 déc. 2019, n° 19/00866
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/00866
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 16 décembre 2019
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 18 novembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 19/880

N° RG 19/00866 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NLNP

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE DIX NEUF et le 20 Décembre à 9H30

Nous, Gilles MAGUIN, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 30 août 2019 pour connaître des recours prévus par les articles L 552-9 et L 222-6, R.552.12 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 17 Décembre 2019 à 17H00 par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :

[Z] [T]

né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 3] (MAROC)

de nationalité Marocaine

Vu l’appel formé le 18 Décembre 2019 à 09H47 par télécopie, par Me Anita BOUIX, avocat au barreau de Toulouse ;

Vu le mémoire envoyé au greffe le 18 Décembre 2019 à 14H25, par télécopie, par la PRÉFECTURE DU LOT ET GARONNE ;

A l’audience publique du 18 Décembre 2019 à 16H00, assisté de Fatiha BOUKHELF, greffier avons entendu :

[Z] [T], comparant

assisté de Me Anita BOUIX, avocat commis d’office,

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [Z] [K], interprète en langue arabe, qui a prêté serment ;

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé ;

En présence de [S] [U] représentant la PRÉFECTURE DU LOT ET GARONNE ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSÉ

Le dossier communiqué fait apparaître qu’antérieurement à la présente procédure Monsieur [Z] [T] (également connu sous l’identité de [Z] [G]), de nationalité marocaine, avait déjà fait l’objet :

— le 26 octobre 2017 d’un arrêté du préfet de la Haute-Garonne notifié le jour même lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

— le 27 août 2018, à la suite d’une procédure policière du 16 août 2018, d’une décision du même le plaçant en rétention administrative ;

— le 12 janvier 2019, à nouveau à la suite d’une procédure policière en date du jour même, d’un nouvel arrêté du préfet de la Haute-Garonne lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant une durée de deux ans, laquelle a été validée par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 janvier 2019.

Interpellé le 13 décembre 2019 à [Localité 2] par une patrouille anti-criminalité lors d’un contrôle effectué dans le cadre de réquisitions du procureur de la République en date du 12 décembre en application des dispositions des articles 78-2 alinéa 2 et 78-2-2 du code de procédure pénale, il a été placé en garde à vue pour infractions à la législation sur les stupéfiants puis, dans le cadre d’une procédure incidente, pour entrée et séjour irréguliers sur le territoire français, à l’issue de laquelle lui a été notifiée le 14 décembre 2019 à 18H45 un arrêté de la préfète du Lot-et-Garonne du même jour le maintenant en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 48 heures.

Saisi le 16 décembre 2019 à 15H16 par l’autorité préfectorale d’une demande de prolongation de cette dernière mesure – exécutée au centre de rétention administrative de [5] – le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Toulouse, après avoir écarté les moyens invoqués en défense et rejeté la demande subsidiaire d’assignation à résidence, a fait droit à la requête et autorisé la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours par ordonnance rendue le 17 décembre 2019 à 17H00, notifiée sur-le-champ à l’intéressé.

Ce dernier a interjeté appel de cette décision par l’intermédiaire de son conseil suivant télécopie reçue au greffe de la cour le 18 décembre 2019 à 9H47, en invoquant :

— l’irrégularité de la garde à vue pour tardiveté de l’information relative à ses droits en violation des dispositions des alinéas 1 à 3 de l’article 63-1 du code de procédure pénale ;

— l’illisibilité des réquisitions du procureur de la République ;

— le caractère irrégulier de la visite du véhicule dans lequel il a été interpellé, hors la présence d’un officier de police judiciaire exigée par l’article 78-2-2 du même code.

Peu avant l’audience la préfète du Lot-et-Garonne a fait parvenir un mémoire en réponse pour justifier que sa décision de placement en rétention n’était entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation quant à l’absence de garanties de représentation de l’intéressé, et de la légalité de ladite décision.

**************

À l’audience du 18 décembre 2019, l’avocate de l’appelant a développé oralement l’argumentation du recours et a réitéré, à titre subsidiaire, la demande d’assignation à résidence déjà formulée en première instance.

Elle a fait valoir à cet effet qu’en dépit de l’absence de passeport et du fait que les actes de naissance de ses deux enfants ne mentionnent pas qu’il en est le père – l’absence de document d’identité l’ayant empêché de procéder à leur reconnaissance – il convenait de prendre en compte que Monsieur [T] résidait bien en famille avec sa compagne et ceux-ci ainsi que cela ressort d’une attestation du CCAS de [Localité 4].

S’agissant des motifs d’irrégularité soulevés :

— elle s’en est rapportée sur l’appréciation de la lisibilité des réquisitions du procureur ;

— elle a souligné que l’absence de précision du procès-verbal de saisine/interpellation pouvait laisser penser qu’il avait été procédé à une fouille du véhicule ;

— elle a souligné que l’interprète en langue arabe n’avait été contacté que 35 minutes après qu’il ait été constaté que Monsieur [T] ne parlait ni ne comprenait le français, et que ce n’était que 2H15 après le début de la garde à vue qu’il avait pu bénéficier d’une information sur ses droits sans qu’il soit justifié de circonstances insurmontables, ce qui lui avait porté grief en l’empêchant d’exercer ses droits.

Elle a en conséquence demandé la remise en liberté de son client.

Le représentant de la préfecture a exposé :

— que si les réquisitions du procureur comportaient incontestablement certaines parties difficiles à lire, celles portant notamment sur les infractions concernées étaient quant à elles lisibles ;

— que les précisions apportées dans le procès-verbal d’interpellation permettaient de déterminer que c’était depuis l’extérieur que les policiers intervenus avaient pu constater la présence des stupéfiants ;

— que les délais écoulés avant la notification des droits s’expliquaient par les actes intermédiaires (temps de trajet pour rejoindre le commissariat ; information du procureur; recherche d’un interprète), et n’avaient en tout état de cause occasionné aucun grief, l’appelant – à qui avait au surplus été remis un formulaire à cet effet – ayant exercé plusieurs de ses droits.

Sur l’assignation à résidence, il a relevé que l’hébergement invoqué se faisait en hôtel, ce qui ne constituait nullement un lieu d’habitation stable.

Il a dès lors sollicité la confirmation de l’ordonnance contestée.

Monsieur [Z] [T] a contesté les procès-verbaux en précisant :

— que c’étaient les policiers qui avaient ouvert la boîte à gants où se trouvaient les stupéfiants ;

— qu’il lui avait été refusé d’appeler sa femme.

Il a expliqué par ailleurs que c’était la cinquième fois qu’il était placé en centre de rétention administrative, et a déclaré qu’il voulait être libre pour pouvoir rejoindre sa compagne et ses enfants.

MOTIVATION

Attendu que l’appel, relevé conformément aux exigences de forme et de délai prévues par les articles L 552-9 et R 552-12 et 13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est recevable ;

Sur la notification tardive des droits en garde à vue

Attendu que les dispositions de l’article 63-1 du code de procédure pénale imposent que la personne placée en garde à vue soit « immédiatement » informée du déroulement de la mesure et des droits dont elle dispose pendant celle-ci, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu par ce même texte, dont la remise ne dispense toutefois pas de la notification de ses droits par un interprète si elle ne comprend pas le français ; qu’un éventuel retard dans la notification de ces informations ne peut résulter que de circonstances insurmontables démontrées, sauf à entacher la régularité de la mesure de garde à vue ;

Attendu qu’en l’espèce Monsieur [T] a été interpellé à 19H05 – heure à partir de laquelle a été décompté le temps de garde à vue – et a été présenté à l’officier de police judiciaire à 19H10, lequel a décidé compte tenu de la non maîtrise de la langue par l’intéressé de procéder à une notification différée des droits et a contacté à cet effet un interprète à 19H45, avec l’aide duquel la notification de début de garde à vue et les droits y afférents est intervenue à 21H20 ;

Attendu que si ce délai n’apparaît pas démesuré si l’on tient compte du temps de déplacement de l’interprète et du fait que la personne interpellée avec Monsieur [T] faisait concomitamment également l’objet d’une garde à vue, il n’en reste pas moins inexpliqué, aucune mention dans la procédure ne venant préciser pourquoi le recours à l’interprète n’a pu avoir lieu plus tôt alors que selon le procès-verbal celui-ci avait déclaré « se déplacer dans les plus brefs délais », et pourquoi, dans l’attente, ne lui a pas été remis à tout le moins le formulaire d’information écrit en langue arabe, ce qui ne sera fait qu’à 21H20 comme l’indique le procès-verbal de notification de début de garde à vue ; qu’en l’absence dès lors de preuve de l’existence de circonstances insurmontables, est encourue l’irrégularité de la garde à vue ;

Attendu toutefois qu’aux termes de l’article L 552-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi ou d’inobservation de formalités substantielles, la mainlevée de la mesure de placement en rétention ne peut être prononcée que si ces irrégularités ont pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger ; qu’il ressort en l’occurrence des différents procès-verbaux et du récapitulatif figurant au procès-verbal de notification de fin de garde à vue, signé par l’interprète et par Monsieur [T] lui-même :

— que ce dernier a bénéficié de l’examen médical qu’il demandait ;

— qu’il a bien été essayé d’aviser sa compagne, ce qui n’a été différé que sur instructions du parquet pour les nécessités de l’enquête et n’a échoué qu’en l’absence de réponse de l’interlocutrice ;

— qu’il avait été informé en début de mesure du délai prévu par l’article 63-2 du code de procédure pénale pour qu’il soit procédé à l’exercice de ces droits ;

— qu’il a renoncé à tous les autres, notamment de recourir à la présence d’un avocat ;

Attendu qu’en l’absence de grief démontré le moyen sera rejeté ;

Sur l’illisibilité des réquisitions du procureur de la République

Attendu que la copie figurant dans la transmission initiale de la procédure qui constitue le dossier du juge des libertés la détention apparaît intégralement lisible ; que même l’exemplaire refaxé invoqué, qui est incontestablement plus difficile à déchiffrer, permet néanmoins de lire sans grande difficulté les infractions ainsi que les lieux, dates et horaires concernés par la réquisition ; que le moyen sera là encore écarté ;

Sur la visite irrégulière du véhicule

Attendu qu’il ressort de la lecture du procès-verbal de saisine/interpellation que la présence de stupéfiants a été révélée au moment de la sortie du véhicule du passager avant par « une forte odeur âcre caractéristique de l’odeur du cannabis émanant de l’habitacle du véhicule » et que c’est en « regardant l’habitacle du véhicule (qu’il est constaté) que la boîte à gants est ouverte laissant entrevoir des poches alimentaires en papier marron d’où (l’on aperçoit) à l’intérieur plusieurs sachets assez conséquents d’herbe de cannabis » ; que l’infraction ayant ainsi pu être constatée sans aucune visite du véhicule, la présence d’un officier judiciaire ne se justifiait pas ;

Attendu que si l’appelant conteste cette relation des faits et qu’aux termes de l’article 430 du code de procédure pénale les procès-verbaux de constatation d’infractions ne valent qu’à titre de renseignements et peuvent donc donner lieu à preuve contraire, celle-ci n’est en l’espèce pas rapportée, Monsieur [T] se contentant de simples allégations ; que ce moyen est en conséquence également inopérant ;

Sur la demande subsidiaire d’assignation à résidence

Attendu que l’article L 552-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne permet au juge judiciaire d’accorder l’assignation à résidence que lorsque l’étranger « dispose de garanties de représentation effectives (et seulement) après remise à un service de police ou une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité » ; qu’outre le fait que les garanties de représentation de Monsieur [T], qui n’a déjà pas satisfait à plusieurs décisions d’éloignement, apparaissent pour le moins aléatoires, la condition préalable de remise d’un passeport n’est pas remplie et ne peut l’être, l’intéressé en étant dépourvu, comme de tout document d’identité ainsi que cela ressort de ses propres déclarations lors de son audition ;

Attendu que l’ordonnance ayant autorisé la prolongation de la rétention sera en conséquence confirmée pour permettre l’aboutissement des démarches en cours ;

PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties, et susceptible de pourvoi en cassation ;

Déclarons l’appel recevable ;

Au fond, CONFIRMONS l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de TOULOUSE le 17 Décembre 2019 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [Z] [T] pour une durée de 28 jours.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PRÉFECTURE DU LOT ET GARONNE, service des étrangers, à [Z] [T], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIERLE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ

F. BOUKHELF G. MAGUIN

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