Cour d'appel de Versailles, 4e ch. expropriations, 3 septembre 2019, n° 18/03595
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 4e ch. expropriations, 3 sept. 2019, n° 18/03595 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 18/03595 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Pontoise, EXPRO, 11 avril 2018, N° 17/51 |
Dispositif : | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Laurence ABGRALL, président
- Parties : Société DIRECTION NATIONALE D'INTERVENTIONS DOMANIALES
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70H
4e chambre expropriations
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 3 SEPTEMBRE 2019
N° RG 18/03595 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SMWT
AFFAIRE :
M. D E
…
C/
DIRECTION NATIONALE D’INTERVENTIONS DOMANIALES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Avril 2018 par le juge de l’expropriation de PONTOISE
RG n° : 17/51
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
M. I J Commissaire du Gouvernement
+
Parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur D E
[…]
[…]
Comparant – muni de pouvoirs
Madame F E
[…]
[…]
Madame A E épouse X
[…]
[…]
Monsieur C Q M N
[…]
Hall F
[…]
Monsieur L M N
[…]
[…]
Madame G E épouse Y
Décédée le […] représentée par Mme H Y
Logis de l’Oisellerie
[…]
représentés par M. D E
APPELANTS
****************
DIRECTION NATIONALE D’INTERVENTIONS DOMANIALES
Représenté par M. Patrick VILLERONCE, muni d’un pouvoir en date du 28 mai 2019
[…]
[…]
[…]
INTIMEE
****************
Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Monsieur I J, direction départementale des finances publiques selon pouvoir spécial en date du 9 janvier 2017
Comparant
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mai 2019, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laurence ABGRALL, président,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence ABGRALL, Président,
Madame Anna MANES, Président
Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
FAITS ET PROCEDURE,
M. D E, Mme G E épouse Y, Mme F E, Mme A
E épouse X, M. L M N et M. C-Q M N (ci-après l’indivision
E) étaient propriétaires de la parcelle cadastrée section […] située au lieu-dit Le Cruchet
sur la Butte Pinson à Montmagny.
Par arrêté du 5 décembre 2009, modifié par arrêté du 11 décembre suivant, le préfet du Val d’Oise a
déclaré l’acquisition de parcelles sur le territoire des communes de Groslay et de Montmagny d’utilité
publique au profit de la région Ile-de-France aux fins de constitution d’une réserve foncière en vue de
sauvegarder et de mettre en valeur les espaces naturels dans le secteur nord de la Butte Pinson.
La parcelle de l’indivision E se trouve dans le périmètre de cette réserve.
L’opération est effectuée par l’Agence des Espaces verts avec le concours de l’établissement Grand
Paris Aménagement.
L’opération d’expropriation concerne plusieurs parcelles sur une surface totale d’environ 55 hectares.
L’ordonnance d’expropriation a été rendue le 31 janvier 2012.
Le 26 juillet 2017, la région Ile-de-France, par l’Agence des Espaces Verts, avec le concours de
Grand Paris Aménagement, représentée par la Direction nationale des interventions domaniales
(ci-après la DNID) a proposé une offre d’indemnité à l’indivision E calculée sur la base d’une
valeur de 8 euros /m².
L’indivision E ayant refusé cette offre, la DNID a saisi le juge en fixation de l’indemnité devant
revenir aux expropriés.
Par jugement du 12 avril 2018, le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de
Pontoise a :
— Fixé à la somme de 7 150 euros l’indemnité due à l’indivision E au titre de la dépossession
foncière de la parcelle cadastrée section […] leur appartenant, se décomposant comme suit :
* Indemnité principale : 6 000 euros,
* Indemnité de remploi : 1 150 euros,
— Condamné la région Ile-de-France aux dépens.
Par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, reçue au greffe le 11 mai 2018,
l’indivision E a interjeté appel de ce jugement.
La lettre d’appel de l’indivision E a été notifiée par le greffe de la cour au commissaire du
gouvernement et à la DNID le 12 octobre 2018 (avis de réception signés le 15 octobre 2018).
Par conclusions du 16 novembre 2018, notifiées à l’indivision E et à la Direction Nationale des
interventions domaniales (avis de réception signés le 23 novembre 2018), le commissaire du
gouvernement invite la cour à :
— Confirmer le jugement.
Par conclusions du 26 décembre 2018, notifiées au commissaire du gouvernement et à l’indivision
E (avis de réception respectivement signés les 8 et 10 janvier 2019), la DNID demande à la cour
de :
— Déclarer irrecevable et subsidiairement mal fondé l’appel interjeté par la partie expropriée,
— Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Pontoise du 12
avril 2018,
— Allouer à l’indivision E une indemnité de dépossession globale de 7 150 euros en valeur libre
dont 1 150 euros au titre du remploi,
— Les condamner aux entiers dépens.
*****
SUR CE, LA COUR :
Sur la caducité de la déclaration d’appel :
Attendu que la DNID, soutient, au visa de l’article R.311-26 du code de l’expropriation pour cause
d’utilité publique, que les appelants n’ayant pas adressé de conclusions dans le délai de trois mois à
compter de leur déclaration d’appel et cette dernière ne comportant pas de demande chiffrée ni de
moyen juridique, cette déclaration doit être déclarée déchue ;
Attendu que la sanction du non respect par l’appelant du délai de trois mois pour adresser ou déposer
ses conclusions au greffe de la cour n’est plus la déchéance de la déclaration d’appel mais sa caducité,
aux termes de l’article R.311-26 précité ;
Attendu qu’en l’espèce, il n’est pas contestable que l’indivision E n’a pas adressé de conclusions
au greffe de la cour, postérieurement à sa déclaration d’appel ;
Qu’il résulte toutefois de la lecture de la lettre constituant cette déclaration que les appelants y font
valoir qu’ils contestent l’indemnité allouée par le tribunal et qu’ils réclament une somme de 98 € le
m² comme en première instance et invoquent, en la joignant à leur déclaration, une délibération du
conseil d’administration des Espaces Verts du 14 avril 2017 qui autorise l’acquisition de deux
parcelles situées sur la Butte Pinson au prix de 382,83 € le m² ;
Que cette lettre vaut en conséquence conclusions au sens de l’article R.311-26 précité, la prétention
des appelants étant chiffrée, même s’ils n’ont fait état que d’une valeur unitaire et non d’une valeur
totale mais celle-ci est déterminable au moyen d’une simple multiplication et la pièce utile à leur
argumentation ayant été jointe ;
Que la déclaration d’appel de l’indivision E n’est donc pas caduque ;
Que cette déclaration accompagnée de la pièce jointe n’ayant été notifiée par le greffe à
l’expropriante et au commissaire du gouvernement que le 12 octobre 2018, les conclusions de
l’intimée et du commissaire du gouvernement, datant respectivement du 26 décembre 2018 et du 16
novembre 2018, sont également régulières ;
Sur la description de la parcelle et la situation d’urbanisme :
Attendu que la parcelle expropriée ([…]), d’une superficie de 750 m², est en forme de trapèze,
en nature d’anciens vergers, devenue en friche, bordée par deux chemins de terre non carrossables
désormais envahis par la végétation ;
Que le lieudit Le Cruchet dans lequel elle se trouve est assez éloigné du centre ville de Montmagny ;
Attendu, s’agissant de la date de référence, qu’en application de l’article L.213-4 du code de
l’urbanisme, elle doit être fixée au 21 décembre 2006, date d’approbation du PLU, ses modifications
ultérieures et notamment la dernière le 28 février 2013, n’ayant pas concerné la zone dans laquelle se
trouve la parcelle ;
Qu’en toute hypothèse, la fixation de la date de référence à la date de la dernière modification du
PLU (soit le 28 février 2013), n’emporte en l’espèce aucune conséquence dans la mesure où il n’est
pas contesté que la parcelle en cause a toujours été classée en zone N, zone naturelle à protéger en
raison de la qualité des sites, des milieux naturels et des paysages, que ce soit en 2006 ou en 2013 ;
Sur la qualification de la parcelle :
Attendu qu’aux termes de l’article L.322-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique,
un terrain ne peut revêtir la qualification de terrain à bâtir que s’il est :
— situé dans un secteur désigné comme constructible dans un document d’urbanisme ou en l’absence
d’un tel document, dans une partie actuellement urbanisée,
— et effectivement desservi par une voie d’accès et les réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement
situés à proximité immédiate et de dimension suffisante, étant précisé que si le terrain est situé dans
une zone devant faire l’objet d’un aménagement d’ensemble , la dimension des réseaux s’apprécie au
regard de l’ensemble de la zone ;
Qu’en l’espèce, le classement de la parcelle litigieuse en zone naturelle exclut la qualification de
terrain à bâtir, la zone n’étant ni constructible ni équipée en réseaux et ne bénéficiant pas d’un accès
direct à la voie publique ;
Que la parcelle doit donc, en application des dispositions de l’article L.322-2, être évaluée en
fonction de son usage effectif, c’est à dire en l’espèce, en parcelle en friche ;
Sur la fixation des indemnités :
Attendu que les parties s’accordent sur l’application de la méthode par comparaison retenue par le
premier juge ;
Attendu que les expropriés fondent leur demande sur la délibération déjà citée du conseil
d’administration de l’agence des espaces verts du 14 avril 2017 qui autorise l’acquisition des parcelles
cadastrées section AC n° 207 et 681 situées sur la Butte Pinson, au prix de 382,83 € le m² ;
Qu’ils font valoir que la Butte Pinson se trouve en zone péri urbaine parisienne, proche des transports
et que le prix de 8 € le m², qui ne correspond pas du tout à cette localisation, ne leur permettra pas de
retrouver un terrain équivalent ;
Attendu qu’il ressort du document produit par les expropriés que l’acquisition autorisée le 14 avril
2017 fait suite à un traité d’adhésion à l’ordonnance d’expropriation, conclu entre les propriétaires et
l’agence des espaces verts ;
Que la parcelle fait donc partie du périmètre de l’opération d’expropriation objet du présent litige ;
Attendu cependant que l’expropriante justifie par ses productions que les deux parcelles en cause ,
qui forment une unité foncière de 431 m², sont bâties, l’une supportant une maison d’habitation d’une
emprise au sol de 86 m², l’autre, un bâtiment à usage d’atelier d’une emprise au sol de 54 m² ;
Que si la présence de construction dans une zone naturelle est étonnante, il résulte des conclusions et
des explications à l’audience du commissaire du gouvernement, que la réhabilitation de la Butte
Pinson en espace vert est notamment justifiée par le fait qu’elle est victime d’un « mitage » se
caractérisant par des constructions irrégulières, des stationnements de caravane et de dépôts divers ;
Attendu qu’en toute hypothèse, une parcelle bâtie, dès lors que l’action en démolition n’est plus
recevable, n’est pas comparable à une parcelle non bâtie ;
Que l’on peut également relever que celles cadastrées AC n° 207 et 681 sont situées en bordure d’une
voie bitumée ce qui n’est pas le cas de la parcelle […] ;
Attendu que les termes de comparaison produits par l’expropriante concernant des parcelles nues en
nature de friches situées en zone N de la Butte Pinson à Montmagny, bordées par un chemin, font
tous (11 références) ressortir une valeur de 8 € le m² ;
Que c’était également le cas du terme versé en première instance et retenu par le tribunal (AE n° 221)
;
Que le commissaire du gouvernement cite deux termes de comparaison concernant des parcelles
nues situées en zone N à Montmagny faisant ressortir des valeurs plus faibles : 6,32 € le m² ;
Attendu que les expropriés ne faisant état d’aucune plus value particulière de leur parcelle par rapport
à celles citées par la DNID et le commissaire du gouvernement, aucune valorisation supplémentaire
ne peut être accordée à la parcelle en cause ;
Que le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a fixé sa valeur unitaire à la somme de 8 € le m² ;
Qu’en conséquence, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a fixé l’indemnité de remploi à
la somme de 1 150 € ;
Qu’en application de l’exception prévue à l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel
seront laissés à la charge de l’expropriante, compte tenu du déséquilibre de la situation économique
des parties.
PAR CES MOTIFS :
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Rejette toute autre demande,
Laisse le dépens d’appel à la charge de la Région Ile de France, par l’Agence des Espaces verts.
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de
procédure civile.
— signé par Madame Laurence ABGRALL, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier,
auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,
Textes cités dans la décision