Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 19 décembre 2013, 12BX00305, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 4e ch. (formation à 3), 19 déc. 2013, n° 12BX00305
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 12BX00305
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Contentieux fiscal
Décision précédente : Tribunal administratif de Saint-Martin, 15 décembre 2011, N° 0500707
Identifiant Légifrance : CETATEXT000028376525

Sur les parties

Texte intégral

Vu I, sous le n° 12BX00305, le recours, enregistré le 8 février 2012 sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 10 février 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat qui demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0500707 du 16 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a condamné l’Etat à verser à la société hôtelière de l’anse heureuse la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par la société hôtelière de l’anse heureuse ;

……………………………………………………………………………………………….

Vu II, sous le n° 12BX00416, la requête, enregistrée le 20 février 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 21 février 2012, présentée pour la société hôtelière de l’anse heureuse (SHAH), société à responsabilité limitée dont le siège est Happy Bay Marigot à Saint Martin (97150), représentée par son gérant en exercice, par Me A… ;

La société hôtelière de l’anse heureuse demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0500707 du 16 décembre 2011 du tribunal administratif de Saint-Martin en tant qu’il a refusé de reconnaître son préjudice lié aux pertes d’exploitation de l’hôtel Eden Bay et qu’il a limité l’indemnisation allouée au titre du préjudice moral ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 21 407 000 euros à titre principal, au titre du manque à gagner, ou la somme de 2 886 094 euros à titre subsidiaire, au titre de sa rémunération, ainsi que les sommes de 610 826 et 300 000 euros, respectivement au titre des charges engagées et du préjudice moral ;

3°) d’ordonner que ces sommes soient augmentées des intérêts légaux, décomptés à partir de la date du recours préalable, les intérêts portant eux-mêmes intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée, relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 novembre 2013 :

— le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller ;

 – les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

1. Considérant que dans son recours n° 12BX00305, le ministre de l’économie et des finances relève appel du jugement du 16 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Martin a condamné l’Etat à verser à la société hôtelière de l’anse heureuse la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du retrait de l’agrément qu’elle avait sollicité en application des dispositions de l’article 238 bis HA du code général des impôts ; que par requête n° 12BX00416, la société hôtelière de l’anse heureuse demande la réformation du même jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

Sur la jonction :

2. Considérant que le recours n° 12BX00305 présenté par le ministre de l’économie, des finances et la requête n° 12BX00416 présentée pour la société hôtelière de l’anse heureuse présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant que pour pouvoir bénéficier de la réduction d’impôt pour les investissements outre mer, la SARL société hôtelière l’anse heureuse (SHAH) a demandé en 1995, au ministre du budget, la délivrance de l’agrément prévu par les dispositions du III ter de l’article 238 bis HA du code général des impôts pour la construction d’un hôtel 4 étoiles « Eden Bay » à Saint-Martin ; que le 27 octobre 1995, le ministre a refusé l’agrément sollicité, au motif que l’intérêt économique du projet pour le département concerné n’était pas établi et que la sécurité des investisseurs n’était pas assurée ; que par jugement du 21 juin 2001, le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé cette décision, au motif que, du fait de l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 238 bis HA du code général des impôts, la société hôtelière de l’anse heureuse bénéficiait d’un agrément tacite et que la décision constituait le retrait illégal de cet agrément ; que la société hôtelière de l’anse heureuse demande à être indemnisée du préjudice qu’elle a subi du fait de l’illégalité de la décision du 27 octobre 1995 ;

4. Considérant, d’une part, qu’une faute commise par l’administration lors de l’exécution d’opérations se rattachant aux procédures d’établissement et de recouvrement de l’impôt est de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu’un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l’impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l’administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d’existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l’administration si celle-ci établit soit qu’elle aurait pris la même décision d’imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu’elle avait omis de prendre en compte, soit qu’une autre base légale que celle initialement retenue justifie l’imposition ; qu’enfin, l’administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s’il n’est pas le contribuable, du demandeur d’indemnité comme cause d’atténuation ou d’exonération de sa responsabilité ;

5. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 238 bis HA du code général des impôts : « I. Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d’imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l’occasion de la création ou l’extension d’exploitations appartenant aux secteurs d’activité (…) de l’hôtellerie (…). La déduction est opérée sur le résultat de l’exercice au cours duquel l’investissement est réalisé, le déficit éventuel de l’exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209. (…) III ter. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés à compter du 1er juillet 1993 dans les secteurs des transports (…) ainsi que les investissements portant sur la construction d’hôtels ou de résidences à vocation touristique ou para-hôtelière (…) doivent avoir reçu l’agrément préalable du ministre du budget. L’agrément peut être accordé, après qu’a été demandé l’avis du ministre des départements et territoires d’outre-mer, si l’investissement présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé, s’il s’intègre dans la politique d’aménagement du territoire et de l’environnement et s’il garantit la protection des investisseurs et des tiers. L’octroi de l’agrément est tacite à défaut de réponse de l’administration dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande d’agrément. » ;

6. Considérant que le refus du ministre de délivrer l’agrément sollicité est motivé par les circonstances que l’intérêt économique du projet pour le département n’était pas établi et que la sécurité des investisseurs n’était pas assurée ; que le ministre fait valoir, sans être contredit, qu’un rapport de l’Institut d’Emission des départements d’Outre-mer de 1994 révèle que le taux d’occupation des hôtels de Saint-Martin était de 50 % en 1994, contre 63,2 % pour l’ensemble de la Guadeloupe et que la faiblesse de ce taux est notamment due à l’importance de la capacité d’accueil et à l’absence d’infrastructure para touristique du côté français ; que l’étude de marché produite par la société hôtelière de l’anse heureuse mentionne, s’agissant des hôtels 4 étoiles de Saint-Martin, qu’ils sont au nombre de quatre pour un total de 628 chambres et des taux de remplissage qui varient selon les hôtels entre 37 et 62 % et prévoit, pour l’Eden Bay, la possibilité d’un taux de remplissage de 40 % ; que, de même, le procès-verbal de compte rendu d’une réunion à la sous-préfecture le 18 juin 1993 souligne, s’agissant de la création de nouveaux hôtels, le risque d’un excès de concurrence ; qu’ainsi, à la date de la décision de refus d’agrément du 27 octobre 1995, l’intérêt économique du projet pour le département n’était pas établi ; que, par suite, le préjudice invoqué ne trouve pas sa source dans la faute commise par l’administration en retirant à la société hôtelière de l’anse heureuse l’agrément implicite dont elle a bénéficié ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a fait droit à la demande de la société hôtelière de l’anse heureuse ; que, par voie de conséquence, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, la société hôtelière de l’anse heureuse n’est pas fondée à demander que l’indemnité qui lui a été accordée par le tribunal administratif soit majorée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société hôtelière de l’anse heureuse la somme qu’elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin en date du 16 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société hôtelière de l’anse heureuse devant le tribunal administratif de Saint-Martin est rejetée.

Article 3 : La requête de la société hôtelière de l’anse heureuse est rejetée.

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N° 12BX00305,12BX00416

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